Format Court # 38 : Dombrance, Thems, Arnaud Rebotini

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des dernières sorties de Dombrance, Thems et Arnaud Rebotini.

Dombrance – Make America Dance Again

Crédit : Olivier Laude

Depuis maintenant trois ans, Dombrance s’amuse à faire danser la politique. Si l’idée de départ peut paraitre un poil saugrenue, elle fait en réalité partie d’un tout assez réfléchi.
Bien aidé en cela par les superbes illustrations d’Olivier Laude qui accompagnent chaque morceau depuis le départ, le projet a pour objectif principal de faire danser les gens, tout en apportant une touche émotionnelle, celui du regard de Dombrance sur le politique en question, comme il nous l’expliquait dans l’interview qu’il nous a accordé à retrouver ici.

Cet équilibre entre les deux avait trouvé une sorte de paroxysme sur l’excellente Taubira, morceau en apesanteur, presque désespéré et dans lequel vibrait à la fois l’admiration et le respect que pouvait portant Dombrance à la politicienne.

Le concept atteint une nouvelle étape aujourd’hui avec Make America Dance Again, premier « vrai » EP de la « collection politique » de Dombrance.
Bien sûr, il faut prendre l’écoute de cet EP d’un strict point de vue franco-français : en s’attaquant aux « héros » de la politique américaine, Dombrance s’ôte un poids et se permet de pousser le curseur émotionnel encore plus loin, portant un regard presque mythologique sur les personnages politiques visés. Une vraie liberté de ton et d’ambiance qui nous offre une collection de cinq titres assez fou et qui vibre par une véritable progression entre l’espoir, le futur, la folie et le chaos.

Évolution notable, Dombrance ouvre son univers à des composantes extérieures. En laissant de la place au saxophone d’Adrien Soleiman, sur Biden, il permet au morceau de prendre des teintes jazz et bien plus organiques que ce qu’il avait pu proposer jusqu’ici, bien aidé aussi par une basse complètement dingue et libre. Le morceau s’offre ainsi des couleurs plus chaleureuses tout en étant contrastées, comme une sorte de lever de soleil où l’on hésite encore entre le jour et la nuit.

Cette touche d’espoir explose complètement sur le morceau suivant, AOC (acronyme de Alexandria Ocasio-Cortez, figure montante du partie démocrate) bien aidé par la voix sensuelle et très disco de Sarah Rebecca. Le morceau est une petite merveille électro-disco, avec une véritable progression presque cinématographique qui amène lentement mais surement au morceau de bravoure de l’EP.

Car arrive ensuite deux morceaux dont l’écoute semble ne pouvoir exister l’un sans l’autre. Avec le ticket Obama-Trump, nous offre en environ 12 minutes une sorte de réflexion épique sur les huit dernières années des États-Unis. Une sorte d’évolution de la plénitude vers le désespoir, de la lumière à l’ombre, de l’espoir à quelque chose de plus névrotique et psychotique. Les deux morceaux ont tout pour défoncer le dancefloor mais d’une manière complètement différentes. On pourrait résumer ça d’une manière très simple : une montée d’acide à laquelle succède un bad trip absolu, le tout sans pause puisque les deux morceaux s’enchainent à la perfection.

On se retrouve épuisé, les pieds dans les cendres du chaos et c’est Kanye West qui vient conclure cette aventure. Le morceau est à l’image de la carrière politique du rappeur : une sorte de bouffonnerie psychotique, qui sous ses apparats bling-bling et efficaces cache quelque chose de plus dangereux et inquiétant.

Vous l’aurez compris, avec Make America Dance Again, Dombrance nous offre la quintessence de son projet avec une collection de titre qui nous font danser mais qui n’oublie jamais le côté humain et l’émotion qu’ils doivent enclencher.

Thems – Nuits

Pour ceux qui ne connaissent pas encore Thems, cet EP est la meilleure entrée en matière possible. Depuis 2018, le parisien compose des morceaux dignes de certaines scènes de cinéma. Chaque titre raconte une histoire qui lui est propre. Chacune de ses mélodies possède un esthétisme épuré alliant musique électronique et instruments plus classiques.


Nuits, EP sorti début janvier, consacre l’approche particulière qu’a Thems de la musique. L’intro, dénommée Ouverture, amorce la traversée. Ses sonorités électroniques lumineuses laissent place à une alliance maitrisée entre un piano et diverses nappes synthétiques. Ce premier morceau nous laisse sur un sentiment de confiance et de plénitude qui est repris par le morceau suivant, Nuits.Son rythme particulier nous emporte.Cet EP emploie le piano de la plus belle des manières. Omniprésent, c’est cet instrument qui introduit Horizon.Plus calme, sa mélodie contemplative nous rend nostalgique. Dernier morceau de l’EP composé exclusivement par Thems, Silence dénote par la superposition séduisante de différentes textures électroniques. Le piano se fait plus discret et laisse une belle place aux synthés et autres notes artificielles. 


L’EP est aussi agrémenté de deux remix. L’un de VAPA sur le titre Nuits et l’autre de Difracto sur Horizon.Ces deux ré-interprétations des titres de Thems conserve la dynamique employée par le compositeur parisien. La première interpelle par son rythme effréné alors que la seconde marque, grâce à une construction plus saccadée.

Grâce à cet EP, Thems consacre son goût pour l’esthétisme électronique et sa capacité à produire des morceaux qui nous transcendent.

Arnaud Rebotini – Shiny Black Leather

Malgré le confinement, le producteur musical français reste en grande forme puisqu’il vient de sortir son deuxième EP en moins d’un an, sans oublier qu’il a mené la production du dernier album de Feu! Chatterton. Le musicien français ne disperse pas pour autant, il se révèle surtout très créatif et polyvalent. Shiny Black Leather se concentre ici autour de thèmes contemporains et obscurs poussés à leur paroxysme.

Ecrit avant le confinement, Arnaud Rebotini nous délivre quatre morceaux envoutant et ténébreux. Et il commence de manière très impulsive avec le titre éponyme de l’EP au beat déchainé qui nous ouvre les portes d’un club aux ambiances queer et dark. Ce type de lieu interdit et excitant qui nous intrigue, où l’intensité musicale et le dévouement des corps sur le dancefloor nous met immédiatement à l’aise.

Aux commandes de la soirée, le maestro français dicte nos pulsions avec sa voix lugubre. Les influences sont nombreuses : on est dans le goth de Sister Of Mercy, l’indus de Nine Inch Nails et les fondements de Black Strobe, son duo avec le DJ Ivan Smagghe, qui rentreraient en fusion avec la techno de Détroit. Cependant, l’artiste nous emmène ensuite à Krasnodar dans une atmosphère plus post guerre froide. Les synthés prennent ici plus d’ampleur quitte à devenir brutales voire oppressantes, nous amenant vers l’inconnu.

La troisième piste What You Want Me To Do est sans conteste la plus jubilatoire, celle qui nous met en trans, celle qui nous fait bondir sur la piste. C’est un retour aux sources du compositeur avec ses aspirations électroniques récentes. Sa voix caverneuse s’étouffe sous les boucles entêtantes qui s’enrichissent au fil des minutes d’électro robotique. La composition peut paraître classique mais elle est ultra efficace. Le final de l’EP ne s’adoucit pas et plonge dans les profondeurs de l’obscurité. Le titre parle de lui-même : The Glove and the Whipe.

Shiny Black Leather est un disque qui ne fait pas de détails : brut, efficace et puissant. Les titres s’allongent sans temps mort jusqu’à sept minutes. Au final, l’effet est réussi : l’envie de retourner en club pour s’émanciper dans les plus sombres heures de la nuit refait surface. Arnaud Rebotini reste donc au sommet de son art et nous rappelle qu’on pourra toujours compter lui pour nous faire danser. Et on sera très demandeur.