Le paradis perdu et retrouvé de Blondino

L’artiste Blondino revient avec un deuxième album sous le signe d’une renaissance. Tel le titre l’indique, la chanteuse nous partage Un paradis pour moi. Un lieu de l’intime, précieux, qui apparait dans l’inattendu.

Si l’on comprend qu’il est question de paradis, l’enfer n’est jamais loin. Toute chose est constituée de dualité. Alors si Blondino parvient à atteindre le paradis, c’est qu’elle a du rompre avec ses propres ténèbres. Tel est le fil d’Ariane qui guide cet album.

Une renaissance

D’entrée de jeu, Blondino évoque sa propre renaissance. Avec le titre Faire, l’artiste s’affirme pour mieux se reconstruire par l’action. Elle évoque avec sincérité : « faire ce que je peux faire », « refaire (…) cet infini moi-même » ou encore « faire bouger les ligne. » L’ambiance de ce titre est planante et confidentiel. L’artiste chante avec douceur, légèreté, sa métamorphose. Il y a quelque chose de Juliette Armanet ou encore Cat Power dans son chant feutrée. Quant à la musique, il s’agit d’un véritable orchestre électronique où se mêlent plusieurs teintes, plusieurs couleurs. La voix de Blondino est semblable à une plume qui flotterait en se laissant portée par un courant électronique et électrique. Pourtant, l’artiste l’affirme, elle va contre les courants. Le second titre Mes indépendances et ma révolte signe l’ aboutissement de ce nouveau soi. Toujours sur des sonorités électroniques, propre à son identité musicale, l’artiste renaît de ses cendres. On devine une révolution de velours, par la conflictualité entre la douceur du morceau et le langage militaire dans les paroles. Blondino le revendique et parvient à le concrétiser, elle rêve de son propre idylle. Le morceau éponyme Un paradis pour moi, parle d’un espace de lâcher prise, de sérénité, d’amour et de réalisation de soi.

Souffler sur les cendres

A travers cet album, on ressent le détachement d’une grande souffrance, qu’on devine liée à un amour, vécu de manière hyper-forte et hypersensible.

L’amour et un climat désordonné se mêlent et se heurtent au titre Les Madrilènes. La chanteuse Blondino évoque les moments de séparation dans un couple et les émotions qui en découlent. Par exemple, la solitude dans une expression alambiquée et chaotique : « Quand je m’endors » non pas dans tes bras, mais « dans mes bras ». Une manière douce d’évoquer le chagrin et la douleur. Tout comme les sons électroniques et organiques de l’artiste et l’œuvre musicale qui caresse la voix mielleuse du chanteur. C’est aussi une analogie avec le changement climatique que nous présente Blondino dans un clip réalisé par Romain Winkler. On peut voir des paysages inégaux entre réel et numérique, entre chaud et froid. Comme pour souligner l’ambiguïté de la séparation entre espoir et désespoir amoureux.

Puis, qui disait que l’amour devait être doux et tendre ? Car Blondino l’affirme, il doit être passionnel, puissant, au point de devenir une Sauvage, Amoureuse. La musique elle-même a quelque chose de félin, avec des sonorités électriques ronronnant que des lions. Puis, le clip réalisé par A C a lui aussi quelque chose de sensuel. On voit l’artiste baignant dans des clairs obscurs tantôt noirs, tantôt blancs. Parfois, un voile rouge vif vient caresser son visage, ou alors, elle se retrouve dans des grands espaces semblables à des champs de bataille. Car il y a toute une dialectique militaire dans ce morceau. Sur des batteries résonnantes, Blondino chante:  “Appel à ma résistance, Aux invasions violentes, Si lourdement désarmantes

La Maison-Dieu

Des livres mystérieux et ésotériques disent de la maison-dieu qu’elle est symbole de déconstruction et de reconstruction. C’est bien cet aspect qui semble caché dans cet album. Blondino se fait d’ailleurs chercheuse d’or, par exemple avec le titre Monde caché. Le morceau a des airs des débuts d’Alain Bashung. On pense à des albums comme Novice, Roman-photos ou Play Blessures faisant office de totem. A l’instar de l’Atlantide, des cités aztèques, Blondino cherche des royaumes, des empires, perdus et disparus. Cette quête pourrait être la recherche de ce fameux paradis intime. En somme, il semble s’agir d’une quête de soi. Fouiller, trier, ranger, détruire, reconstruire pour y trouver un mouvement déclanché par un détonateur : La foudre. Il y a quelque chose d’intemporel, d’un autre temps dans ce morceau. Comme s’il avait été soufflé par des génies disparus, comme Christophe. La foudre évoque le désespoir, la fin, et comment est-ce que l’on réagit face à cela. Face à l’inconstance de la vie, se laisser aller, lâcher-prise sur ce que l’on ne peut ni contrôler ni attraper : « C’est pas la foudre à saisir » nous rappelle la chanteuse. Vient alors le temps des questionnements. Blondino se pose alors tout un cas de questions, comme un mouvement vers une reconstruction avec le titre Liza, pourquoi aimer. Sur une mélodie entêtante, aux rivages de la pop du rock et de la variété, sa voix porte. Les paroles rappellent aux blessures fondamentales qui longent le sentiment amoureux : être tourmenté, rejeté, tyrannisé.

Perdue dans le labyrinthe

En conclusion de l’album, Blondino se perd dans le labyrinthe à la recherche d’autres soi et d’une nouvelle planète. Le titre Centaure évoque un instinct animal, bestial. Il y a un contraste entre des paroles évoquant la puissance, la force, et une musique aussi douce qu’aérienne. Il y a des résonnance dans la partie instrumentale du morceau. Comme si l’artiste cherchait à nous plonger dans un labyrinthe dont on peinerait à s’échapper. Un lieu on se côtoieraient des créatures hybrides comme des centaures ou encore des minotaures. La sortie, elle finira par la trouver et cela vers une Troisième planète. C’est un lieu éthéré, au milieu de l’espace où le temps à une autre dimension. Il y a quelque chose de spatial, d’irréel et de différent dans cet évocation du temps perdu. L’artiste évoque à la fois un lieu présent, passé, de retrouvaille et d’abandon. Un espace de contradiction. Les contradictions, les erreurs et les émotions, sont affirmées par la chanteuse. De son hypersensibilité elle fait en cri. Les reines du désarroi sonne comme un hymne de sororité dédiée à la liberté d’être et de vivre pleinement ses hautes émotions. Comme un chant de ralliement, il y a des chœurs fédérateurs et des batteries qui guident, soutiennent, le pas.

Vous pouvez écouter le dernier album de Blondino, juste ici :