Format Court #73 : St Graal, Johnny Jane, Claude

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de format court, on vous parle des jeunes pousses prometteuses de la pop française avec St Graal, Johnny Jane et Claude.

St Graal – Le cœur qui cogne

Si le film des Monthy Python n’aura, on l’espère, jamais droit à un reboot, St Graal lui a décidé de s’en offrir un. On avait gardé un souvenir ému de son premier EP délicat et intense, mais il ne semblait plus correspondre à ce que voulait nous montrer Léo.

Le garçon a donc décidé de faire table rase et de s’offrir un nouveau départ qui se forme dans la mosaïque musicale que représente le cœur qui cogne.

Car oui, avec ces six morceaux, le jeune homme nous entraine dans un nouvel univers, toujours aussi blindé de sentiments mais à la couleur musicale différente : ici, les notes synthétiques vibrent grâce à sa voix, l’humour ne trahit jamais les émotions et la fête se teinte parfois d’une mélancolie claire-obscure du plus bel effet.

St Graal s’autorise tout, laisse sa voix se calmer mais s’autorise parfois des envolées du plus belle effet.

Il parle ici de l’amour, sa présence comme son absence, de sa jeunesse, de ses cous de flips et de ses appels à la tolérance.

Si l’EP se nomme le cœur qui cogne, ce n’est pas sans raison : le morceau est le centre névralgique de cet EP. Une lettre rue, une mise à nue des sentiments de ce garçon souriant mais blessé. Une balade d’une douceur absolue, une lumière dans un ciel d’éclair qui raconte des troubles forts mais exprimé avec une délicatesse rare.

Autour, beaucoup de bangers, l’imparable Les dauphins qui hante nos esprits depuis quelques temps déjà, même si St Graal préfère les chats. La superbe Drag, morceau d’amour et d’ouverture qui fait un bien fou dans un monde qui manque cruellement de bienveillance.

Vampire et Tout ce que je ne sais pas racontent l’amour trouble, mais aussi la quête d’un garçon pour se retrouver soi même, enrobé dans des sonorités pop du plus bel effet qui nous restent fatalement en tête, menées par une basse imparable qui nous fait vibrer le coeur.

L’avion termine l’aventure. Encore une chanson de coeur brisé sur BPMs excités qui prouve tout le talent de St Graal.

Avec le coeur qui cogne, St Graal se soigne et nous avec, nous entraine dans son univers charmant et profond qui prouve que le garçon a beaucoup à nous offrir.

Johnny Jane – Désordres

La musique de Johnny Jane est une aventure continue, une histoire de quête de soi, de se confronter à son image qui ne semble pas avoir de fin.

Des moments spontanés, qui avancent dans le temps et qui nous montrent par étape la vie de ce garçon sensible et talentueux, qui semble porter un peu trop d’importance à la fête et à la nuit.

Du moins c’est ce qu’on pensait… Si Zéro terminait JTM dans une sorte d’insouciance et un besoin de repartir sur la bonne voie, de recommencer les choses DÉSORDRES, repart pourtant sur un tempo bien plus « énergique » et dangereux avec Normal.

Un premier désordre, un premier tube, porté par une folie communicative et un refrain qui se grave de manière automatique dans l’esprit.

Car oui, la grande qualité de Johnny Jane c’est de nous faire ressentir les énergies de ses morceaux, les émotions de de sa musique. Si la production est importante, les mots restent le guide évident de tout ça.

Si Normal est une fuite en avant, un boost d’égo jonché ici et là de cadavres de bouteilles et de petits bouts de substances, Missiles est le pendant matinal. Le réveil cru et sauvage des moments où tout est possible.

Là encore, on reste sur une relative « joie » dans la production alors que le morceau continue cette aventure. Un réveil, une incompréhension face à la peur des autres et son propre désir de vouloir arrêter certaines choses qui finissent inlassablement par revenir dans la vie de Johnny Jane.

Une étoile qui se crame et qui finit par se prendre brutalement un mur. Jeune étoile est un tournant, une sorte de pilier en forme de guitare-voix. Un crève-cœur qui traite de la perte, du deuil et de l’absence de manière parfaite et humaine.

Face aux excès, face à la nuit ne reste donc que la solitude, l’absence de l’autre et les regrets. Un morceau puissant qui, pour le coup, montre aussi toute la puissance mélodique de Johnny Jane, qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour nous tirer les larmes.

Dans mon corps est un réveil douloureux du corps et du cœur, une perte de contrôle et de soi. Un solo de guitare y transperce le silence le temps d’un instant, perçant la lancinante complainte d’un être en plein conscience de son auto-destruction.

À l’image de Zéro, Superstar termine DÉSORDRES sur une note douce amère. Un morceau qui met en parallèle les pensées individuelles, les histoires d’égo à l’état d’un monde qui crame et dans lequel on évolue malgré tout. Une pop-song qui éveille par sa puissance mais dont le texte nous ramène amèrement à la réalité. Johnny Jane, plus perdu que jamais, se met face à ses contradictions, ses envies de grandeur dans un univers qui voit la fin pointer le bout de son nez.

DÉSORDRES se révèle être un monde en plein chaos, l’analyse d’un être face à tout ce qu’il est, porté par une science de la pop parfaite mais pourtant si triste au final. Une nouvelle réussite en attendant le prochain épisode.

Claude – Bientôt la nuit

Si l’on devait résumer Claude de manière un peu facile, on dirait que le garçon est un conteur d’histoire sur nappes électroniques. L’idée est assez claire, mais pourtant évidente, puisque le bonhomme dans les cinq titres qui composent Bientôt la nuit s’évertue à éloigner les rimes pour nous entrainer dans un univers de prose sur des productions ACID et percussives.

En résulte une collection de morceaux qui nous décrivent des situations, des moments de vie, de désespoir et d’amour de manière si picturale qu’on a l’impression de les voir et de les vivre. Un monde en plastique, une chaise électrique qui nous frappe pour mieux nous faire vivre où des yeux qui nous foudroient par leur couleur rouge-rubis… Claude à le sens de l’image et cela nous fait beaucoup de bien.

Il serait facile de réduire Claude à ce sens de l’écrit, à cette façon parfois tragique de nous raconter son quotidien qui se brouille et qui vire vers l’onirisme, mais Claude est aussi un sacré compositeur, un garçon qui utilise le froid des machines et des synthétiseurs pour retranscrire avec fougue le feu qui brûle en lui.

Impossible de résister à la lente descente nocturne qu’est Bientôt la nuit, difficile de ne pas vibrer sur les notes répétitives de Baby ou de s’élever dans les vagues de Aide-moi un peu avant de fondre en larmes sur les accords de Lenny.

Claude le dit si bien, « la vie c’est sale, c’est beau, c’est moche » et c’est ce qu’il nous retranscrit. Bientôt la nuit, c’est cinq histoires de vie, de la luxure, de l’amour, des souvenirs et de la tristesse. De sa voix de droopy sous LCD, Claude nous embarque dans ce monde qui est le sien et qui, au fil des écoutes devient aussi le notre.

Alors, parce qu’on a tous vécu l’amour, celui qui brûle, celui qui perd en saveur et qui devient des souvenirs mélancoliques, on se prend fatalement les phalanges de Claude en pleine gueule de manière assez évidente.

On appelle ça un coup de foudre, le genre qui nous met le courant dans nos colonnes et qui permet à notre coeur de battre encore un peu.

Et pour ça, on a envie de dire merci Claude.

Retrouvez notre rencontre avec Claude par ici