Rencontre avec Stéphane Milochevitch

Au-revoir Thousand, bonjour Stéphane Milochevitch. Le musicien a fait la mue de son personnage pour s’assumer pleinement dans son nouvel album, La Bonne Aventure. On l’a retrouvé dans les loges du Grand Mix pour parler de ce « premier » album, d’épure musicale, de sa façon de constituer ses textes, de David Caradine et de Claudia Schiffer.

portrait Stéphane Milochevitch

La Face B : Salut Stéphane, comment ça va ?

Stéphane Milochevitch : Ça va bien. Je pourrais m’étendre mais plus longuement, mais on est là pour parler de ma musique, je suis ravi de comment ça se passe. C’est très encourageant de voir qu’avec un disque aussi intime et peu conventionnel, on peut finalement avoir un retour très positif. Il y a des gens chez qui ça résonne, donc c’est super.

LFB : Avant de parler de cet album, je voulais revenir sur avant. Je me demandais comment tu avais vécu la vie de Au paradis, qui finalement dans le contexte où il est sorti a eu une vie un peu chaotique et réduite.

Stéphane Milochevitch : A cause du Covid notamment. À vrai dire, sur le coup, pour moi ce n’était pas un drame. Je ne vis pas de la musique donc ce n’était pas une catastrophe. Ça ne m’empêchait pas de me loger ni de me nourrir. Mais je suis arrivé à un moment après tout ça où il n’y avait plus vraiment de sens dans le fait de faire de la musique. Je n’étais plus soutenu par une dynamique, par une activité.

Effectivement, il y a un an et demi ou un peu plus, je suis arrivé à un point où je ne savais pas si j’avais envie de continuer. J’avais plein de morceaux écrits mais je ne savais plus dans quelle direction je voulais aller. Je m’étais perdu. Finalement, c’est grâce à Sean du label Talitres, sur lequel j’ai déjà sorti quatre disques maintenant.

On a discuté après un silence radio de peut-être huit mois et subitement, tout était reparti. Il m’a encouragé à partir m’isoler pour me concentrer sur la musique et pour écrire ce qu’il me manquait. Ça a marché, je me suis remis dedans. On a ré-engagé une discussion autour de la musique. Ça a redonné une direction et du sens.

LFB : C’est ça qui t’a donné envie de clôturer le chapitre de Thousand qui a démarré quand même en étant un projet anglophone qui a évolué en étant un projet plus pop en français. Là, finalement ton album en ton nom propre, il reprend des racines limite un peu country comme ce que tu as pu faire au départ mais en français.

Stéphane Milochevitch : Je suis tout à fait d’accord. Je pense que ce moment de flottement m’a peut-être donné la distance et le recul nécessaires pour enfin lâcher cette façade, ce masque. Et finalement assumer le fait que ce qui me fait vibrer, c’est l’écriture de texte, et donc me positionner comme un auteur avec mon nom propre, plus que comme une entité indéfinie. Et aussi, en prenant mon nom propre, ça me libérait de l’histoire du passif du groupe et de ce qu’on avait pu en dire. J’avais envie de faire table rase et de repartir à zéro. En ça, ça a été efficace.

LFB : Oui clairement, parce que là c’est un album solo avec juste ta voix, à part des choeurs ici ou là.

Stéphane Milochevitch : Et les chœurs, c’est moi aussi. Il n’y a aucune autre voix que la mienne.

LFB : C’est vraiment ton album.

Stéphane Milochevitch : C’est mon album, je te le confirme.

LFB : Ça a toujours été ton projet mais c’est vrai qu’à une époque, il y avait une ambivalence.

Stéphane Milochevitch : Oui, notamment avec la voix d’Emma qui était très présente, qui faisait des contrechamps, des contrepoints. Mais ça a même plus évolué que ça, parce que ça m’a permis de plus m’investir aussi dans la prise de son des instruments, de m’approprier l’ensemble. Et dans la manière d’écrire le texte, j’ai aussi évolué. Je crois que j’arrivais à un moment où le fil se cassait avec mes débuts, mon adolescence. Je n’étais plus du tout cette entité à consonance anglophone et c’était devenu mon truc à moi. À un moment, il faut juste l’assumer de manière très franche.

LFB : Ce qu’il y a de marrant, c’est que pour ton premier album solo, en ton nom, ta tête n’apparaît pas sur la pochette.

Stéphane Milochevitch : La pochette, mon nom et le nom de l’album, tout s’est décidé à la fin. C’est pendant que je mixais l’album, que je le voyais se révéler, que j’ai trouvé que le projet initial d’avoir ma tête sur la pochette, c’était redondant. Je voulais prendre ma place d’auteur ou de dramaturge, la personne qui met en scène. C’est rare qu’on mette la photo d’un auteur sur un livre ou la tête du metteur en scène sur une affiche de théâtre et encore moins la tête du réalisateur sur une affiche de cinéma. Je voulais prendre ce rôle de fantôme qui est derrière et tire les ficelles. Ca me correspondait plus. Donc ma tête est passée à la trappe et on a travaillé sur autre chose. Pareil, le titre de l’album s’est défini au fur et à mesure. C’est à la toute fin du mixage, donc à une étape très avancée, que tout s’est décidé.

LFB : Je trouve que le titre de l’album, c’est vraiment le titre qui termine l’album. La Bonne Aventure, c’est le morceau de clôture et…

Stéphane Milochevitch : Et d’ouverture sur la suite. A l’origine le disque devait s’appeler Flirt à la frontière embrasse l’inconnu. Sur le vinyle, on le retrouve sur les rondelles de face. Sur les cocardes, il y a marqué sur une face Flirt à la frontière et sur l’autre, Embrasse l’inconnu. La thématique du disque tourne autour de la frontière. En vérité, le titre s’est décidé à la toute fin parce que ça reflétait mieux l’ensemble de l’album.

LFB : Pour moi, l’album a en son centre deux morceaux qui sont un peu transitoires musicalement entre les thématiques de Thousand et ce que devient ta musique. Les deux morceaux : L’année du scorpion et Tuer l’image de Caine. J’ai l’impression que ces deux morceaux-là sont des morceaux qui font une vraie transition et qui amènent quelque chose de complètement différent.

Stéphane Milochevitch : Ces deux morceaux sont la transition entre la face A et la face B, entre Flirt à la frontière qui signifie s’approcher de la limite, et Embrasse l’inconnu qui veut dire : verser au-delà de la frontière. Mais après, que ce soit une charnière entre l’ancien projet et le nouveau, l’ancienne méthode et la nouvelle manière de faire, je ne suis pas si certain. Je crois que l’un des premiers morceaux que j’ai écris, était Flirt à la frontière et finalement, c’est un peu devenu l’ADN du disque.

LFB : Je ne parle pas forcément de l’écriture mais de références mélodiques où je trouve qu’il y a une vraie transition, qui se fait aussi par l’utilisation plus accentuée des cordes sur ces morceaux et qui revient beaucoup sur la fin.

Stéphane Milochevitch : C’est en ça que c’est un peu un point de bascule vers la face B du disque. Justement, la présence des cordes a cette fonction-là, elles sont très présentes sur la face B. Elles sont parfois abstraites, parfois dissonantes, frottent beaucoup. Elles aident à voyager un peu au-delà de la frontière de la pop.

LFB : Je trouve aussi que ce sont les deux morceaux où tu parles d’amour de manière brusque et sans fard. Ce sont vraiment deux morceaux mélancoliques et très forts dans l’écriture.

Stéphane Milochevitch : Oui. Je suis mal placé pour en parler mais en effet.

LFB : Que ce soit avant ou même sur le début de l’album, tu parles souvent assez crûment de sexe ou de choses comme ça. Là, j’ai vraiment l’impression sur plus les sentiments.

Stéphane Milochevitch : C’est vrai. Je n’avais pas identifié ça mais maintenant que tu le dis, oui. Mais je crois que sur le dernier morceau du disque… Enfin ce n’est pas si love, tu as raison.

LFB : Tu parlais de renouvellement ou de la façon dont tu l’as enregistré, je me demandais ce que tu étais aller chercher dans le son ? Je trouve qu’il y a quelque chose de très radical, aride et presque agressif sur certaines parties dans la façon dont c’est enregistré. Sur le premier titre, Le clou dans le bois de la croix, la façon dont la guitare est enregistrée. Il y a des choses que tu as accentuées et tu t’es peut-être même libéré de certaines choses qui pouvaient te rapprocher d’une pop mainstream.

Stéphane Milochevitch : Ce n’était pas une volonté de me démarquer du mainstream. Plus j’avance, plus je prends conscience de l’importance de la prise de son. Les caractéristiques du son ont une valeur narrative, autant que la mélodie, le choix des instruments, le choix des mots, etc. C’est vrai qu’en studio, j’ai fait très attention aux micros qu’on utilisait. Tu parles d’un côté raide et un peu agressif, effectivement, pour les prises de son de batterie, je suis allé un peu à l’encontre de ce qui se fait conventionnellement, pour avoir un son le plus raide dans les aigus possible. Qu’il y ait un aigu très agressif qu’ensuite, au mixage et au mastering, on a encore accentué. Pour qu’il y ait quelque chose d’un petit peu inconfortable, qu’il y ait un peu du sable qui crisse. Effectivement, ce n’est pas du tout enregistré avec une volonté easy listening. Qu’il n’y ait pas une facilité d’écoute induite par le son mais au contraire, que le type de son qui est utilisé aille dans le sens des paroles, de la mélodie.

portrait Stéphane Milochevitch

LFB : Est-ce que c’était une manière de répondre un peu au fait que dorénavant, il n’y a plus que ta voix justement et d’aller chercher des échos émotionnels un peu différents ?

Stéphane Milochevitch : C’est dans le même geste. Je cherche l’épure dans les arrangements pour placer la voix, le sens et le texte le plus en avant possible. Et finalement, chaque ligne mélodique a maintenant sa place. C’est vraiment ce vers quoi je tends de plus en plus. Que chaque élément soit à sa place et qu’il n’y ait pas besoin d’en rajouter des tonnes pour que le morceau tienne debout. Ça, ça m’a demandé beaucoup de travail sur moi. D’essayer d’avoir la confiance pour retirer tout l’enrobage et ne garder que les éléments essentiels, un petit peu le squelette comme ça. Il faut oser quoi parce qu’il n’y a plus que la voix posée sur peu de choses, comme dans Le clou dans le bois de la croix, où c’est du silence principalement et de la voix.

LFB : C’est très intéressant de mettre ce morceau-là dès le départ parce que c’est quand même aussi un avertissement et peut-être une recherche de dire aux gens que c’est un album qui s’écoute. C’est un album où tu ne peux pas forcément faire autre chose en même temps j’ai l’impression. Même si j’ai aussi l’impression que c’est un album parfait pour le road trip.

Stéphane Milochevitch : Pour la route, on me l’a dit, je trouve ça cool. Je trouve que c’est le meilleur compliment, que ça marche bien en voiture. Mais ouais effectivement, il y a cette idée de capter l’auditeur, de venir le chercher. Quand il n’y a que la voix, on n’a plus le choix que d’entendre le texte et de comprendre le sens.

LFB : Si on parle de cinématographie, c’est un peu une scène d’ouverture.

Stéphane Milochevitch : Très minimale, c’est vrai.

LFB : Et qui tranche complètement avec le second morceau.

Stéphane Milochevitch : Comme un aigle, où c’est l’opposé complet. Après le premier morceau qui est très calme et acoustique, il y a un long silence et subitement, on plonge la tête dans un gimmick de synthé au son très cheap. Ça crée de la narration.

LFB : Il y a aussi cette idée de malgré tout te rattacher dans le texte au populaire. La première chose dont tu parles dans l’album, c’est de Claudia Schiffer.

Stéphane Milochevitch : Oui, mais Claudia Schiffer dans The Blackout d’Abel Ferrara. C’est quand même incroyable qu’elle ait fait ça, elle était au sommet de sa gloire à l’époque. C’est très surprenant qu’elle ait fait ce film arty très violent, complètement décalé. C’est l’image que je trouvais intéressante. Mais oui, bien sûr, toujours jongler entre les figures populaires et le sublime.

LFB : Et toujours ce rapport que je trouve hyper intéressant au religieux aussi. Je ne parle pas de religion mais de références religieuses ou de choses comme ça qui essaiment aussi un peu l’album. Ce sont des références d’écriture qui te parlent.

Stéphane Milochevitch : Ça ne me quitte pas parce que ça fait vraiment partie de ma vie. Je me pose la question de ce que je cherche à faire avec tout ça. La mise en relation de toutes ces figures, ça va de Patrick Bruel à Claudia Schiffer à tout une espèce de bestiaire et de figures mythologiques diverses et variées. Je crois effectivement que c’est une quête de vérité personnelle. Plutôt qu’en nommant les émotions, les choses, l’idée c’est plutôt de les évoquer en égrenant comme ça une série d’images qui ont chacune leur propre histoire et que la résonance de toutes ces histoires crée une image globale, qui a une saveur de vérité personnelle.

LFB : Justement, le fait est que tu écris tout le temps, que c’est un geste « vital » pour toi.

Stéphane Milochevitch : Tout à fait.

LFB : Comment tu recomposes les puzzles pour en faire des chansons ?

Stéphane Milochevitch : Justement, c’est une sorte de puzzle, cette fois-ci plus encore que d’habitude. J’ai beaucoup écrit, quasi quotidiennement. Ça peut être une idée, un mot ou un texte entier avec des rimes, questions/réponses à l’intérieur, etc. Et au moment d’écrire les paroles des chansons, je suis allé relire tout ça. Si j’avais beaucoup de chance, je venais extraire carrément deux phrases déjà toutes faites, qui collaient déjà sur la musique. Ça ne m’est pas arrivé tous les jours mais l’idée, c’était de relire tout ça et de m’en inspirer, d’aller en tirer un mot, une thématique. Je me sers de ce que j’écris comme source d’inspiration. C’est un travail assez long et assez laborieux mais l’idée de rebondir sur moi-même pour essayer d’avancer seul autant que possible, de façon la plus authentique à mon goût.

LFB : Et on en revient au cinéma finalement. C’est vraiment du travail de montage. Est-ce que tu es surpris par ce qui ressort des histoires et des morceaux ?

Stéphane Milochevitch : Sur le coup, quand je suis en train d’écrire, je ne suis pas surpris parce que je suis en plein dedans. Je travaille d’un mot à l’autre pour faire en sorte que tout se réponde, que tout fonctionne ensemble. Que ça fasse un tout plein d’histoires, plein de surprises. Mais maintenant, ça fait quelques mois que le disque est sorti, que je ne l’ai pas réécouté, et quand je retombe sur des choses, effectivement je suis parfois surpris. Je suis surpris d’autant plus qu’il y a des paroles qui sont très véridiques et dures, et dont je ne me souviens pas forcément avoir parlé. Ca me heurte à postériori quand je me rends compte de l’implication de certaines phrases.

LFB : Quel est l’importance du titre d’un morceau pour toi ? Par exemple, Tuer l’image de Caine et faire carrière dans le cinéma, on n’irait pas le trouver.

Stéphane Milochevitch : Celui-là précisément est important parce qu’il raconte une histoire avant que la musique commence. C’est une citation de David Carradine, l’acteur américain de série B. Il a commencé sa carrière avec la série Kung Fu. Il s’agit du personnage de Caine dans Kung Fu. A un moment il a voulu transitionner vers le cinéma. Et donc c’est ce qu’il a dit à l’époque, qu’il voulait “tuer l’image de Caine et faire carrière dans le cinéma”. Il s’est retrouvé à faire de la série B toute sa vie, jusqu’à finalement qu’il devienne une icône de la série B, au point que Tarantino vienne le chercher pour faire cet hommage à la série B qu’est Kill Bill. Finalement il est mort d’un accident de masturbation par strangulation dans un placard d’une chambre d’hôtel. C’est un parcours de vie complètement hallucinant. Le titre raconte déjà une histoire. Ces parallèles entre les espoirs déchus, les volontés qui sont parfois un peu mensongères qu’on a nous-mêmes et puis, derrière, la réalité qui nous rattrape. Donc dans ce titre il y a une notion de révélation qui est pour moi le point de départ de l’histoire très intime que raconte cette chanson autour de l’amour, la mort.

LFB : Tu dis l’amour, la mort mais j’ai l’impression que toute ta musique se résume un peu en ça : mourir et renaître différemment.

Stéphane Milochevitch : Il y a ce livre de Pascal Quignard qui s’appelle Le sexe et l’effroi qui insiste sur cette fascination qu’on a tous pour notre origine. D’où on vient, où est-ce qu’on a été créé, quel est cet acte fondateur qui est finalement un acte sexuel, qui est l’étincelle première et qui est enfouie à l’intérieur de nous. Où le sexe et la mort sont intimement liés. Ou l’amour et la mort. J’aime bien raconter l’élan parallèle entre les deux, l’amour et la violence, le sexe et la mort. C’est plus facile d’associer des images que des mots pour exprimer un concept. Dans le fait d’écrire, il y a de la vie, toujours cette recherche d’une forme de vérité.

LFB : Elle habite de manière de plus en plus évidente ta musique au fur et à mesure de tes albums.


Stéphane Milochevitch
: Peut-être parce que l’écriture est de plus en plus franche et puis aussi du fait de m’appeler par mon propre nom. C’était une manière de parler en mon nom propre, plus qu’avant.

LFB : Souvent on dit que les artistes prennent un nom pour se cacher derrière mais en fait, toi tu fais tout l’inverse. Tu décides de te révéler, même si ça reste encore un peu cryptique sur certaines idées.

Stéphane Milochevitch : Oui mais il s’agit d’entrer dans l’ombre en descendant de scène. En m’appelant par mon propre nom, comme un cinéaste, je me sens moins présent. En prenant mon nom propre, je me sens moins sur la scène, moins mis en scène. Je me sens plus libre de mes mouvements maintenant.

portrait Stéphane Milochevitch

LFB : En parlant de scène et de liberté, tu disais tout à l’heure que tu n’avais pas besoin de musique pour vivre. C’est une passion. Est-ce que cet album-là, tu as envie de le faire tourner, de le faire vivre sur scène ?

Stéphane Milochevitch : Oui, on verra ce qui se présente. Les conditions sont très dures en France. Post-Covid, c’est très compliqué pour tout le monde. Envie, oui. C’est toujours chouette. Faire des concerts, c’est toujours bien. On verra ce qu’il se passe. Je ne m’impose rien.

LFB : Tu es en paix avec ça.

Stéphane Milochevitch : Carrément. C’est les moments de partage qui m’intéressent. La course à la gloire, ça ne veut rien dire. L’idée de carrière, c’est voué à l’échec quoi qu’il en soit parce qu’on est toujours dans une course en avant, à essayer de se surpasser à chaque fois commercialement. Je ne suis pas dans les réseaux professionnels on va dire. Si j’y entrais, tout de suite je serais dans un rapport de concurrence, de compétition et de comparaison avec d’autres. Et là, ça serait la mort parce que je ne serais plus du tout capable de faire ce que je fais actuellement. J’en serais à écouter ce que font les autres. Enfin, je n’écoute pas de musique. Donc déjà je commencerais à écouter de la musique et puis inconsciemment, je voudrais faire comme untel. Je voudrais arriver au niveau de Bertrand Belin. Mais quand je serais Bertrand Belin, je voudrais devenir Bashung. Quand tu es Bashung, tu veux devenir Johnny, qui veut devenir Elvis, qui finit mort d’une overdose. C’est n’importe quoi, ça n’a aucun intérêt. Je ne veux pas du tout gâcher ma vie avec ça.

LFB : Oui, et le fait est qu’en ayant quitté Paris, tu as vraiment choisi une radicalité et une liberté dans ton projet.

Stéphane Milochevitch : C’est mon projet de vie qui est comme ça. Je n’ai pas du tout de velléités commerciales. Comme le dit Michniak dans Demain de Programme : Tous les disques sont de la merde.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année malgré tout ? Même si tu n’as pas de velléités de carrière, tu as quand même au fil des années un petit statut culte avec une base de fans qui te suit énormément.

Stéphane Milochevitch : Ça, je le découvre. C’est libre à chacun. Je ne vois pas les choses comme ça. De mon point de vue, je communique avec de plus en plus de monde, et c’est génial. Je communique avec des gens. Ça crée du lien, donc de la communauté, donc un peu de solidarité, de l’échange et du partage. Quoi de plus beau comme résultat ? Je me creuse seul chez moi à écrire des paroles et faire de la musique. Ensuite, c’est un long processus pour l’enregistrer et la faire tout bien. Si à la fin, tout ce que je dois en retirer, ce sont des cachets parce que je vais jouer sur une scène, ce serait nul. Ça n’aurait aucun sens. Au contraire, cette communauté grandit et j’échange avec de plus en plus de monde. On s’écrit des petits messages. Je ne vois rien de mieux qui pourrait arriver.

LFB : Du coup, on peut terminer en te citant : Tant qu’il y a du réseau, il y a de l’espoir.

Stéphane Milochevitch : Exactement.

Crédit Photos : David Tabary