Rencontre avec Sessa

En mai dernier, nous avions rencontré le musicien brésilien Sessa. Le 24 juin, il sortait son deuxième album, Estrela Acesa, un opus très imagé, reposant et coloré. D’une voix douce accompagnée d’une guitare, Sessa nous transporte à travers les traditions qu’il perpétue à travers sa musique. D’une énergie douce, le musicien nous parle de son rapport à la musique, au pays dont il se sent proche et en même temps, très éloigné.

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La Face B : Nous allons parler de ton album qui est sorti le 24 juin, comment te sens-tu par rapport à ça ?

Sergio : Je me sens plutôt bien, c’est toujours un long processus pour le faire, mais ensuite tu es soulagé pendant un certain temps quand il touche les gens. C’est en fait un bon rappel, parce que j’ai fait le disque et je l’ai terminé, je n’y ai pas pensé tous les jours. Des choses se sont passées dans ma vie, j’ai eu un enfant, j’ai déménagé dans une nouvelle maison. C’est comme si je l’avais écouté pour la première fois, sans avoir l’expérience de tout mettre en place moi-même. Oublier un peu, c’est bien.

LFB : Peux-tu expliquer le titre Estrela Acesa ?

Sergio : Estrela Acesa signifie étoile filante, c’est le nom de la dernière chanson, j’ai eu l’idée un peu avant de l’écrire. J’ai terminé l’album et c’était comme faire un film et non un documentaire. Je suis vraiment intéressé par les choses que je n’avais pas prévu de faire. Quand j’ai reçu les enregistrements, j’ai senti dans mon corps que ça devait être dans un ordre précis. C’était intéressant d’avoir Estrela Acesa comme dernière chanson. Un peu d’espoir, un dernier morceau brillant, en particulier avec mon style de musique et les traditions avec lesquelles je travaille, celle de la musique tropicale et celle de la musique populaire, qui est venue après. C’est une explosion d’idées. Il y a beaucoup de créativité dans la musique populaire. Le travail de l’artiste est d’interpréter certaines idées qui sont mises dans le monde.

Quand la musique brésilienne voyage à l’international, elle est parfois interprétée comme cool, belle, avec de bonnes vibrations, mais en fait non, c’est un pays de merde. Nous avons un président fasciste, une armée qui tue des gens, mais il y a aussi beaucoup de musique. Il y a beaucoup de choses dont on peut avoir honte et beaucoup de choses dont on peut être fier dans cette culture. L’expression des gens est assez intense, belle, mais le gouvernement est terrible.

LFB : Oui c’est un problème au Brésil, mais je pense que chaque pays a eu une situation difficile à gérer au niveau sociétal à un moment de l’histoire.

Sergio : Oui, par exemple la colonisation, mais ce sont des problèmes du monde. Travailler sur ce disque a apporté un peu de lumière, même s’il y avait un président fasciste. Estrela Acesa est comme une lumière qui peut nous guider à travers les ténèbres, comme cet album l’a fait pour moi. Pour moi, c’est de la musique mais cela peut être tout autre chose pour d’autres.

LFB : Quand j’ai écouté l’album, c’était comme une thérapie, une méditation, voire parfois un trip psychédélique. Que représente la musique pour toi ?

Sergio : La musique représente beaucoup de choses, elle opère dans nos vies, mais l’expérience que j’ai avec l’enregistrement de la musique est à sens unique. Il n’y a pas de frontière entre les chansons que j’ai eu l’idée d’écrire et l’enseignement de la guitare à mes étudiants. Le fait que j’ai grandi dans une petite communauté juive à Sao Paulo, que j’ai appris à chanter là-bas, fait que j’envisage la musique partout : dans l’enseignement, dans la religion, dans l’enregistrement de disques. Mais je pense que ce que tu as décrit est très important dans la musique.

J’essaie de faire ressortir l’imaginaire et de sortir de la réalité. Le disque décrit une société sans accès aux outils de transcendance, aux enchantements et à la déconnexion. Il n’y a pas de récits, pas de ressources, qui sont très présents depuis de nombreuses années dans de nombreuses cultures. Cela donne accès à des rituels et la musique en est un élément clé. Bien sûr, le disque est sur Spotify, il y a un produit commercial, mais c’est aussi un exercice. La fonction d’un musicien est de sortir ces énergies, de gérer cette tradition de milliers de cultures humaines. Interpréter tout ce que les humains ont déposé devant moi. C’est comme un écosystème, c’est ce que je pense de la fonction de la musique.

LFB : Comment as-tu composé cet album ?

Sergio : J’ai écrit dans différents endroits. J’ai écrit dans une ville de montagne appelée Gonçalves, où j’ai passé du temps pendant la pandémie. J’ai aussi écrit à New York, où je vis à temps partiel. C’est un processus très isolé. Avec Basili, le batteur et co-producteur, nous avions l’habitude de faire des choses ensemble à distance.

Mais ensuite, j’ai enregistré à Ilhabela, une île de la côte, au nord de Sao Paulo. Nous avons installé un studio très simple et enregistré toute la batterie, les guitares et ma voix. C’était la base du disque. Je travaille avec une agence de tournée, Alex Chumac, donc mon agent est à New York et j’ai dû le voir, mais c’était à l’époque où les gens se faisaient vacciner et nous n’avions pas le droit de nous éloigner de chez nous. Mais oui, voilà  l’histoire du disque, ça a été très rapide. Après avoir écrit et mixé, c’était de juin à septembre. Il y a beaucoup de dates précises dans la réalisation d’un disque, mais pour celui-ci, ça a été assez rapide.

LFB : L’artwork de l’album, l’esthétique est très texturé, vous ajoutez la peinture dans votre clip vidéo aussi. Pourquoi est-ce important pour vous d’ajouter ce style ?

Sergio : Je n’avais pas l’intention d’ajouter la peinture au point de départ. Pour moi, quand je commence un disque, je me demande ce qu’est ma musique dans un langage différent. Tu as le temps de t’exprimer pendant 40 minutes sur un disque, c’est la partie principale mais la pochette, le titre de la chanson ont une idée philosophique principale. Les couleurs sont très importantes, c’est venu ensemble, c’était la rencontre de la nature de la vie. Je suis devenu ami avec l’artiste, Nazario, qui a réalisé les visuels. Tout fonctionne ensemble, dans mon précédent album c’était plus vide, ici j’ai un groupe, la basse, la guitare et la batterie sont tous ensemble. C’est très maniéré, dans les images aussi.

LFB : Vous étiez en tournée auparavant, n’est-ce pas ?

Sergio : Oui, nous avons fait une tournée aux Etats-Unis et en Europe, le disque sort en juin et je vais probablement faire des concerts au Brésil, puis dans d’autres pays pour montrer le disque.

LFB : Que ressens-tu lorsque tu montes sur scène et que tu joues tes chansons ?

Sergio : C’est un travail différent de celui que l’on fait pour le disque. J’aime ce que ça demande la plupart du temps. Façonner des chansons, avoir cette sorte de concentration, je ne fais pas de surf mais je pense que c’est comme le surf. Peut-être que je vais tomber, ou pas, et continuer !

ENGLISH VERSION

La Face B : We’re going to talk about your album out on June 24th, how do you feel about it ?

Sergio : I feel pretty good about it, it’s always a long process to make it but then you’re relieved for a while by a timeit hits people. It’s actually a good reminder because I did the record and I finished it, I haven’t been thinking about it every day. Things happened in my life, I had a kid, moved to a new house. It’s as close as I would have listened to it for the first time, without having the experience of putting it all together myself. Forgetting a little bit is nice.

LFB : Can you explain the title Estrela Acesa ?

Sergio : Estrela Acesa means burning star so it’s the name of the last song, so I had the idea a while before. I finished the record and i knew it was like you’re making a movie not a documentary, you’re really interested in the things you didn’t set up to do. When I had the recordings I felt in my body that it had to be in an order. It felt interesting to have Estrela Acesa as the last song. A bit of hope, and the last piece being shiny. I think particularly with my style of music and the tradition that I work with, tropical music is the popular music that came after. It’s an explosion of ideas. There’s a lot of creativity in pop music. The work of the artist is to interpret some ideas that are put in the world.

When brazilian music travels internationally sometimes is interpreted as cool, beautiful, good vibe, but actually no, it’s a fucked up country. We have a fascist president, a military that kills people but there’s also music. There’s a lot to be ashamed of, a lot to be proud in this culture. The expression of people is quite intense, beautiful but the gouvernement is terrible.

LFB : Yeah it’s quite a problem in Brazil, but I think every country has a fucked up situation at a moment in history.

Sergio : Yeah, for example colonization but all of those are problems of the world. Working on this record has brought some light even if there was a fascist president. Estrela Acesa is like a light that can guide us through darkness, like this album did to me. For me it is music but it can be everything else for others.

LFB : When I listened to the album it was like a therapy, a meditation, even sometimes a psychedelic trip. What does music represent for you ?

Sergio : Music is many things, it operates in our lives but the experience that i have with recording music is one way, there’s no key border between the songs that I had ideas to write and teaching guitar to my students. The fact that I grew up in a small jewish community in Sao Paulo, i learn to sing there, music exists in teaching, in religion, in making records. But I think the thing you described it’s really important in music. I try to bring out the mentality and go out of reality. This describes a societiety without access to tools of transcending, enchantments and disconnection.

There are no narratives, no ressources, that are very present for many years in many cultures. It gives access to rituals and music is a key part to that. Of course the record is on Spotify, there is a commercial product but it is also an exercise. The function of a musician is to excise those energies, to handle this tradition of thousands of human cultures. Interpreting all of humans have laid before me. It’s like an ecosystem, that is what I think about the function of music.

LFB : How did you compose this album ?

Sergio : I wrote in different places. I wrote in a mountain town called Gonçalves where I spent some time during the pandemic. I also wrote in New York where I live part time. It is a very isolated process. With Basili the drummer and producer with me we used to do stuff together at a distance. But then I recorded in Ilhabela, an island of the coast, at the north of Sao Paulo.

We set up a simple studio and recorded all of the drums, guitars and my vocals. That was the basis of the record. I work with a touring agence Alex Chumac so my agent is in New York and I had to see him but it was at the time where people were getting vaccinated and we didn’t have the right to go far from home. But yeah, this is the story of the record, it went really fast. After I wrote and mixed it was from June to septembre. There’s a lot of record plans but for a record it’s pretty fast.

LFB : The artwork of the album, the aesthetic is very textured, you add painting in your video clip too. Why is this important to you to add this style ?

Sergio : I don’t mean to style painting at the starting point. For me when I start a record I ask myself what my music is in a different language. You have a time to express yourself for like 40 min on a record, it’s the main part but the cover, the song title have a main philosophical idea. Colors are very important, it came together, it was the nature of life encounter. I became friends with the artist, Nazario, who did the visuals. Everything works together, in my previous album it was more empty, here I have a band, and the bass, the guitar and the drums are all together. It’s very handmaid, in the pictures too.

LFB : You were on tour previously, wasn’t it ?

Sergio : Yes we did a US and Europe Tour, the record is out in June and I will probably do shows in Brazil and then go to other countries to show the record.

LFB : What do you feel when you go on stage and play your songs ?

Sergio : It’s a different job than working for the record. I like what it takes most of the time. Shaping songs, having this sort of focus, I don’t surf but I think it’s like surfing. Maybe I will fall or continue.