Les clips de la semaine #86 – partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Voici la première partie de notre épisode quatre vingt six des Clips de la Semaine.

.

.

Saintard – Police Amour

On le sait depuis un moment, Saintard a le groove au bout des doigts. Le garçon a le chic pour nous offrir titre après titre une musique à laquelle il est difficile de résister (et non ne cherche pas vraiment à le faire).

Mais avec Saintard, danser n’empêche pas de penser. Il nous l’avait déjà prouvé avec Scandale, sa pop teintée de funk sait taper la ou ça fait mal et ausculter les maux de notre société. C’est une nouvelle fois le cas avec son nouveau morceau qui associe deux mots ô combien opposés : Police Amour.

Toujours avec une certaine distance, une certaine poésie et un peu d’humour, le musicien s’attaque cette fois-ci à un sujet épineux : les violences policières. Sans jamais vraiment juger, il fait un état des lieux de la situation entre idées politiques, répression et ordres auxquels il est parfois difficile d’obéir malgré tout. Saintard s’interroge sur le vivre ensemble, sur des confrontations cycliques qui ne semblent faire qu’empirer année après année.

Pour contrebalancer un peu ces sujets sérieux, Lola & Nicolas Pidoux nous entrainent à la découverte du « ministère de l’intérieur de l’agriculture ». Un projet secret, dans un monde parallèle et dystopique, ou l’on cherche à faire « pousser » une nouvelle élite de CRS. Mais que se passe t-il quand un élément dissonant s’échappe et bouleverse l’équilibre ? On vous laisse découvrir tout cela dans cette vidéo un rien délirante mais qui encore une fois pointe du doigt un certains nombre de déviance de notre époque moderne.

Du tout bon en attendant la sortie d’APPARATCHIK la semaine prochaine.

Cautious Clay – Strange Love feat. Saba

Le monde est devenue une publicité géante. Chaque jour, on nous gave de nouveaux désirs, technologies ou tendances qu’il faut absolument suivre ou posséder pour être à la page et pour pouvoir dévoiler le meilleur de nous même dans les storys instagram qu’on prend un soin particulier à éditer pour montrer à tous à quel point on est merveilleux et enviable.

Mais ces désirs sont ils les notre ou ceux qu’on nous impose ? C’est ce que se demande Cautious Clay dans son nouveau titre Strange Love. Sur une base entre la soul et le hip hop, le musicien de Cleveland, accompagné de Saba, nous parle de cette folie qui a fini par s’emparer de nous.

Cette surconsommation permanente qui finit par brouiller les personnalités propres pour nous transformer en masse uniforme et hiérarchisée ou chacun essaie d’être en haut de la pyramide. Mais pour combien de temps ?

Cette idée est parfaitement mise en image par Alex Futtersak dans la vidéo animée qui accompagne le titre. On y suit un avatar de Clay dans un magasin « Strange Love » pris d’une sorte de fièvre acheteuse, hypnotisé par les produits qu’il accumule sans vraiment réfléchir avant que ceux-ci ne finissent par se transformer en énorme monstre qui s’attaquent à lui.

Dans Fight Club, Tyler Durden dit «  les choses que l’on possède finissent par nous posséder ». Et c’est tout ce que Cautious Clay dénonce ici.

Deadpan Love, le nouvel album du musicien, est attendu pour le 25 juin.

Renard Tortue – Un peu d’oxygène

Il y a peu, ils nous disaient qu’on était tous dans la merde, la suite logique voulait donc qu’on est du mal à respirer. Le duo Renard Tortue revient donc cette semaine avec un peu d’oxygène, un titre à la mélancolie prégnante et qui résonne étrangement avec notre époque.

Si le morceau fait plus allusion au besoin de s’échapper d’un monde qui devient de plus en plus toxique pour nous, vu sous le spectre d’un univers covidé (le morceau a été écrit avant la pandémie) il prend des allures bien différentes. Car notre oxygène à nous passe par les concerts, les cinémas et les interactions humaines, tout ce dont on a été privé au cours des derniers mois.

Forcément le morceau voit ainsi son impact et son ambition renforcés, nous rappelant ainsi avec force qu’on a tous besoin d’une bulle pour se protéger parfois d’un quotidien lourd et violent qui nécessite des coupures et des échappés.

La superbe vidéo de Nathan Ambrosioni prend le texte au premier degré et nous embarque dans un monde parallèle où les déviances humaines ont pris le pas sur la course normale de notre planète. Une sorte de dystopie ou l’oxygène se fait de plus en plus rare et où chacun est obligé de vivre soit dans sa propre bulle soit accompagné d’un masque pour pouvoir se déplacer.
Finalement, la réalité n’est jamais très loin…

The Haunted Youth – Coming Home

L’instant nostalgique de la semaine nous est offert par The Haunted Youth. Le groupe belge est de retour cette semaine avec Coming Home et confirme la petite hype naissante qui les suit depuis leur premier titre Teen Rebel.

Il faut dire que les belges jouent dans un cours assez désertée en ce moment, une pop aérienne aux guitares légères qui rappellent autant les début de The Drums que les excellents The Pain Of Being Pure At Hearts. Le genre de musique instantanément familière qui nous ramène en un clin d’œil dans tout un tas de souvenirs chaleureux.

Cela tombe bien car il est forcément question de souvenirs dans la musique de The Haunted Youth. Entre l’adolescence joyeuse et le besoin de retrouver un chez soi, un endroit réel ou non où l’on se sent bien et qu’on peut appeler maison.

Le titre s’accompagne d’une vidéo DIY en mode souvenirs heureux sur caméra 8mm. On y suit le groupe dans son quotidien, sa réalité. Des instants d’amitié et de musique aux teintes rosées qui rendent heureux et collent parfaitement aux ambiances que la musique insuffle.

Hervé – Monde meilleur

Gloire aux rêveurs ! En cette période un peu étrange, il aura été plus que nécessaire de pouvoir s’évader, d’échapper un minimum au quotidien via un imaginaire plus ou moins débordant.

Et à ce petit jeu, Hervé est comme nous, un être sensible qui vient par moment entièrement dans sa tête au risque parfois de perdre le contact du réel et de ce sentir seul.

C’est ce que raconte Monde Meilleur, titre extrait de Prolongations de son album Hyper. Sur un rythme toujours aussi enjoué, le parisien nous raconte cette imaginaire heureux, cet univers parallèle dans lequel il trouve une place réconfortante (et nous aussi).

Cette semaine, il donne vie à cette histoire dans un clip délirant créé par Ffiooul. On suit Hervé dans son quotidien répétitif et pas très nourrissant. En pleine léthargie, l’artiste ouvre les portes de ses pensées pour naviguer dans un monde où tout est possible et où les couleurs et la folie nous entraine avec elles dans une danse réjouissante.

Laventure – Little Dog

Les clips de la semaine, c’est parfois l’occasion de voyager en restant chez soi. Alors cet après-midi, on décolle direction Los Angeles …Ah non. Finalement on ira plutôt vers Strasbourg à la rencontre de Laventure.

Il faut dire qu’à l’écoute, on n’aurait pas vraiment su dire, tant la musique du duo traine avec elle une bonne dose de soleil et d’inventivité digne de nos amis ricains. À l’écoute de cette pop lo-fi du plus belle effet, on pense à tout un tas d’artistes géniaux, notamment ce qu’à pu nous proposer le collectif ODD FUTURE au départ.

Little Dog nous offre la langueur des histoires qu’elle raconte. Celles d’une jeunesse qui se cherche, de petits ambitions et de grands échecs. Des faux semblants et le sentiment de doute qui les accompagnant, le tout raconté avec un groove nonchalant et une mélancolie sous hélium qui nous fait un bien fou.

Comme si ça n’était pas suffisant, Little Dog s’accompagne d’un clip DIY assez hilarant en forme de course poursuite délirante entre deux losers en plein délit de fuite et une super flic accompagnée de son chien d’attaque. Dis comme ça, ça ressemble à un blockbuster hollywoodien mais passé à la moulinette de Malu França cela donne un grand n’importe quoi grandiose, aussi loufoque que gentiment poétique et qui tape en plein dans nos cœurs transis en manque de Michel Gondry.

On vous conseille surtout de ne pas rater le superbe making-of de fin en forme de générique. Nous en tout cas, on se le repasse tout de suite.

Pop Crimes – Up To The Moon

Le quatuor parisien Pop Crimes nous transporte dans une capsule temporelle avec la sortie de Up To The Moon en 45 tours sur Howlin’ Banana Records et Safe In the Rain Records.

A travers le clip réalisé par Gaspard Rolland, nous voyageons à la poursuite d’un bloc rocheux voguant dans un univers apaisant. Entre allusions d’effets psychotropes et rêveries, les émotions sont catalysées par ces animations sombres et lumineuses. Le chant apaisé est réconfortant. Le son flirte avec le lofi avec ses guitares résonnantes et claires.

Ce délicieux instant pop est une balade qui devient de plus en plus aérienne au fil des cinq minutes quand le ton devient plus acidulé et noisy. La bande nous invite à abandonner notre corps sur Terre pour laisser filer notre âme sur la Lune. Cette conquête spatiale n’a pas d’embûche sur son chemin. Sa seule mission est de graviter autour de l’astre idéal pour mieux nous faire planer.

Till Lindemann – Ich Hass Kinder

Le 1 er juin, journée internationale de l’enfance, est sorti un titre bourré de nostalgie, d’adorables uniformes et de jeux complices. Connu pour sa tendresse, Till, l’iconique chanteur de Rammstein, fait une déclaration d’amour à l’enfant qui est en lui.

I Hate Kids c’est le cercle de la violence, celui d’un gamin harcelé, brisé, qui reproduit des schémas de domination. Dans une Russie des années 50, Till, le visage tuméfié, se superpose à son alter juvénile. S’entrecoupe harcèlement scolaire et meurtres sauvages présentés telle une vengeance jouissive. Des coups de génie dans la réalisation rendent l’œuvre encore plus violente et puissante.

Vue subjectif nous mettant dans la peau du meurtrier ou un Till en
transe empoignant la caméra pour s’adresser directement au public, sont entrecoupés par un moment de pure tendresse.

Des sentiments ambigus se mêlent alors que notre sérial killer se fait interroger par le KGB, sous le regard de Lénine qui pleure des larmes de sang. Pensé tel un film, on en veut clairement plus.

Deedee & The Abracadabras – I Rob Money

Des morceaux courts aussi percutants qu’un poing américain, des riffs de guitares légendaires, une énergie hallucinante héritée des plus grands groupes de punk, Deedee and The Abracadabras nous avait complètement envouté avec leur premier album.

Afin de donner vie à cette œuvre d’impertinence, ils sortent un clip bien politisé pour I Rob Money. A coup d’images de l’INA et de films populaires, on se fait balancer un condensé de l’histoire moderne dans un journal télévisé. Alors que le feu est mis aux poudres, les révoltes populaires sont entrecoupés d’images de politiques serrant des mains ou jouant aux clowns.

Le cirque médiatique se fiche bien de la réalité sociale tant que le pouvoir est conservé. On ne sait pas si les martellements de batterie, les riffs de guitares épiques et les synthés dystopiques réussiront à renverser le pouvoir, mais on veut bien que I Rob Money soit la bande son de la prochaine révolution.

The Murlocs – Bittersweet Demons

Une pellicule de film presque brulée par le soleil d’Australie, un cowboy peu fréquentable à la Danny Trejo, des plaines arides, et au milieu de ce paysage hostile : un homme maison.

Pourtant fort accueillant, il se prend des crachats de dédain, et décide de se déraciner afin de partir à l’aventure. Ville peu accueillante, il enchaine les mauvaises rencontres et les déceptions, se faisant même attaqué au chalumeau. Il poursuit tout de même son chemin jusqu’à trouver un bateau, s’enfuir loin de tout, avant de finir par tourner en rond telle une fatalité.

Ballade aux accents rétros, un groove absolu avec une ligne de basse à tomber, le morceau est construit tel un récit avec ses périodes sombres puis optimistes. “You gotta tell yourself it’s all ok, in the middle of the night when you lay awake”, une forme de résilience dans les difficultés que l’on peut tous traverser. C’est beau, et c’est absurde.

Benjamin Cotto – Le Grand Bleu

Il est connu pour être l’un des membres du groupe le plus shazamé au monde. Benjamin Cotto c’est tout la partie instrumentale de Lilly Wood and The Prick, celle qui vous fait danser tous les étés.

Les six ans de pause du duo ont été l’occasion pour Benjamin de se consacrer à ses projets solos. Première entrée dans son œuvre, un incroyable court métrage teinté de mélodies et d’une chanson afin de s’immerger dans son univers.

Le Grand Bleu est filmé tel un thriller en huis clos entre quatre protagonistes. Un diner de retrouvailles, dans lequel s’installe un malaise de plus en plus violent. Pas à pas, les pièces du puzzle se rejoignent, les relations entre les personnages se dessinent, les tensions s’aggravent. Benjamin se retrouve au centre de cet ouragan de sentiments, pulsions sexuelles, nostalgie, possession, désir d’amour, désir de mort.

C’est au milieu d’un bateau perdu dans l’océan que le climax finale se déroulera. L’occasion de découvrir la voix de Benjamin, aussi grave que sensuelle, posée sur une instrumentale épurée et céleste.

On ne peut pas s’empêcher de penser à un Gainsbourg moderne, tragique et romantique. L’alcool décuplera les tensions refoulées depuis trop d’années, et un baiser scellera son destin. Plus efficace qu’un spot de prévention.

Pays P. – Olatunji

On vous parlait il y a peu de Pays P. et de leur titre Vassili Voir, leur premier single tout en puissance extrait de leur premier album prévu pour septembre.

Le trio parisien découvert par (entre autres) Big Thief, pour lesquels ils ont ouverts la tournée européenne l’année dernière, revient cette semaine avec Olatunji, un titre encore plus déjanté mais tout aussi direct et étrange, où les guitares entêtantes partent soudainement dans des envolés électriques avant de rétropédaler à contre-courant.

Les paroles, déclamées d’une voix assurée, sont poétiques et oniriques et semblent sorties de l’inconscient. Une écriture (automatique ?) spontanée crue et directe, où les mots s’articulent et forment la chanson tel un collage à la Perec : « Les distances qui nous lient réalisent l’âme-arche (la marche) / C’est chaque levier qui a une âme / chaque seconde une conscience / Ce temps, c’est une alliée ! ».

Et de collage il est aussi question dans le clip épic réalisé par Pablo Valero, où l’on croise notamment des molaires, une chèvre, une galaxie ou encore un caméléon grimpant à des gratte-ciels, à travers des montages papiers et vidéos… Un clip à l’image du morceau : brut, perché et attirant.

Gael Faure – Renoncer

Ça veut dire quoi Renoncer ? S’abandonner, être capable de faire preuve de maturité, avant qu’il ne soit trop tard et qu’on ne se soit entêté. Ça veut dire qu’on prend soin de ne pas aller trop loin, qu’on est en mesure de discerner à quel moment faire demi-tour.

La définition peut connaître un bon nombre de variantes, être appliquée dans différents contextes et peinte de différentes couleurs, mais une chose demeure : le calme et la justesse avec laquelle Gael Faure propose sa propre définition.

Portée par un élégant piano, une production divine, et sa voix suave, on l’accompagne dans des pâturages verdoyants, avec une compagne inattendue et attendrissante. Si l’on ne témoigne pas là de la naissance d’un tube sur lequel on dansera tout l’été, on a la certitude d’être enveloppé d’un morceau de douceur, une vraie étole tissée de réconfort et de câlins. Le genre qu’on se repasse quand ça ne va pas trop et qu’on a besoin d’une petite pause. Merci pour ça Gael.

Billie Eilish – Lost Cause 

Après Your Power, Billie Eilish tease cette semaine un peu plus son deuxième album en explorant un terrain plus minimaliste : avec son Lost Cause, la prodige américaine prouve une fois de plus qu’elle excelle dans toutes les matières.

En effet, accompagné d’un clip tout en sororité réalisé par ses soins, ce nouveau morceau laisse Billie Eilish rayonner dans un tout autre registre et prendre ses marques dans le domaine de la neo-soul avec une facilité déconcertante.

Rendez-vous le 30 juillet pour découvrir toutes les belles surprises que son prochain disque Happier Than Ever a assurément dans le ventre. 

KRL – Bord de mer

Issu de sa Bretagne natale, KRL arrive à pas feutré dans le vaste monde de la musique. Avec un EP sorti en décembre passé, Reflets, il a proposé une musique authentique cherchant à trouver sa singularité.

Il a dévoilé cette semaine le clip du morceau Bord de mer réalisé par FRD Production. Une ôde à son lieu de vie et à la mer et ses vagues qui l’accompagnent depuis ses plus jeunes années, ce visuel alterne flashback de l’enfance et moments actuels, avec comme fil rouge cette étendue d’eau qui n’a pas bougé.

Si l’insouciance de l’enfance a progressivement quitté le breton laissant place aux doutes et questionnements, il peut compter sur son carnet d’écrits et sa voix aérienne pour les mettre en musique avec une sincérité communicative.

Il a grandi, évolué, connu des moments de peines mais aussi de joies, des fêtes et des rides nocturnes qui sont également relatés dans ce visuel, laissant le calme et la luminosité des bords de plages pour la noirceur nocturne. Empreint de nostalgie et de sincérité, ce clip est une parfaite porte d’entrée dans l’univers de KRL.