Les clips de la semaine #191 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la seconde partie de notre 191ème sélection.

Morgane Imbeaud – No Rising Sun

No Rising Sun. Une force irrépressible peut se dissimuler dans des mots simples. Sobrement accompagnée par une ligne musicale qui prend doucement corps au fur et à mesure que la chanson évolue, la voix de Morgane Imbeaud – claire et euphonique – nous touche de façon poignante.

Alexis Magand a eu l’idée pour illustrer No Rising Sun de filmer en un seul plan-séquence inversé, la confrontation entre la puissance des éléments et notre capacité de résilience que l’on développe au fond de nous à partir de notre histoire personnelle.

À regarder puis à réécouter les yeux fermés, No Rising Sun est une chanson cathartique pour faire que de beaux lendemains prennent naissance dans le tumulte des émotions du passé.

Claire days – Par-dessus Bord

« Je suis passé par-dessus bord », une colère retenue s’empare de chaque note de la chanson. Intonations intériorisées, mots dits les dents serrées, attaque de guitare franche et intransigeante, son saturé qui bouillonne autant que nos rancœurs nous submergent. Par-dessus bord. La mélodie tournoie au rythme de cette colère qui gronde et qui finit par éclater. Alors, au travers d’un cri, un sain exutoire nous libère des ressentiments qui nous enferment.

Mis en images et animé par Jana Sojka épaulé par Pierre Paturel pour les séquences en noir et blanc, Par-dessus bord se regarde par le prisme d’une succession de plans, d’une succession d’impressions, parfois en couleur, parfois en nuances de gris, mais toujours en mouvement, jamais résigné.

Par-dessus bord est l’une des six chansons qui composeront le futur EP de Claire days – A l’Ombre – à paraître le 10 novembre.

Monsieur Lune – Changer la fin (ft. Alice Rabes)

Et ce n’est pas parce que c’est réalisé dans le cadre d’un spectacle jeune public que ce n’est pas digne d’intérêt ! Changer la fin est un extrait du concert illustré L’Ascenseur Cosmique dont un livre disque (imaginé par Monsieur Lune et Sébastien Rost) sort le 10 novembre. Conte écologique dans lequel trois protagonistes AnatoleThiago et l’agente du conseil des planètes Mila vont tenter de sauver la terre du processus de disparition qui a été enclenché.

Alice Rabes accompagne Monsieur Lune dans ce récit de prise de conscience. Le clip tourné façon académie des neufs revisité dans laquelle les cases laissent apparaître avec entrain nos musiciens et des animations. Même si le sujet est sérieux, la manière de le traiter est enjouée.

Pour découvrir L’Ascenseur Cosmique de Monsieur Lune et ses complices sur scène à Paris cela se passera le 21 janvier 2024 au Café de la Danse et d’ici là un peu partout en France.

Parcels – Live Vol. 2

Jouer 01h02 sans s’arrêter, le pari qu’a relevé Parcels dans leur deuxième album live sorti cette semaine. On avait déjà pu découvrir ce nouveau set, conçu comme un véritable DJ set acoustique aux accents EDM, lors de leur précédente tournée des festivals puis leur passage au Zénith de Paris. Pour la version enregistrée, Parcels a souhaité donner une couleur plus club / trance aux arrangements, musique que le groupe a toujours cultivé de près ou de loin depuis ses premières années à Berlin. 

Le film nous promet une expérience complétement immersive. Filmée en 1ère personne, le groupe nous fait revivre une soirée au sein du mythique club parisien Le Palace, haut lieu des soirées disco à Paris pendant les années 1980, malheureusement fermé depuis. Plongé dans l’obscurité la plus totale, percée par la lumière des projecteurs teintant la salle de bleu, de vert et de violet, la musique infuse l’espace et nous plonge dans une expérience sensorielle quasi mystique. Laissez-vous convaincre par les premières minutes du film, sur le morceau Entrance, sublime montée en puissance qui promet de ne pas nous lâcher jusqu’à la toute fin !

Sheldon – Arrondissement (ft. BEN plg)

Après son magnifique album Ilôt (avril 2023), magnifique ballade acoustique de 16 titres sans aucun featuring, Sheldon est cette fois de retour avec le rappeur lillois BEN plg sur le titre Arrondissement. Produit par Lucci, ce single entêtant aux accents 2step contraste avec la direction artistique épurée d’Ilôt et nous rappelle la polyvalence du rappeur de la 75e Session


Le clip, réalisé par Paul Maillot, nous plonge au plein cœur de la ville et place les deux rappeurs en son centre. Bienvenue dans leur univers, ce monde qu’ils ont construit de leurs mains et qui, par leur musique, dessine des horizons inattendus.

Tioma – Plus rien à chanter

Paris, Bercy, 2022… Quelques petits mots qui s’affichent sur une vidéo mais qui veulent dire beaucoup. Ces petits mots, on les retrouve dans le nouveau clip de Tioma, Plus rien à chanter. Des petits bouts de vidéos, des archives, mis bout à bout pour mettre en image le texte de Plus rien à chanter, dernier morceau de l’album Passio que l’artiste dévoilait la semaine dernière. 

Tioma, de son vrai prénom Hugo, est originaire des Landes et c’est bien là-bas qu’il nous emmène avec ses morceaux toujours plus doux et solaires, sans jamais quitter sa guitare acoustique. On sentirait presque le sable sous nos pieds, dès les premiers accords. 

En bref, Tioma c’est un projet délicat, plein de douceur et de sincérité. Le chanteur nous conte l’amour, la beauté et le voyage dans le temps dans Plus rien à chanter. Le clip aussi nous fait voyager à travers ses souvenirs, on perçoit alors quelques petits moments de vie volés. Tioma travaille en famille et s’entoure d’amour, et ça se ressent. Il ne manque jamais de remercier Maxime Badets, son ami de toujours qui réalise aussi ses clips. 

De la mignonnerie à l’état pur, qui nous redonne un petit goût de l’été alors que l’on s’enroule déjà dans nos plaids d’hiver. 

Charlène Darling – Les gros chevaux

Les semaines passent et on ne peut en passer une (ou presque) sans vous parler de Charlène Darling. L’artiste dévoile cette semaine un nouveau clip, toujours plus décalé, on vous parle de Les gros chevaux. “De demi hommes” Charlène nous parle. Des stéréotypes comme on en fait plus, elle les dégomme dans un titre plein de contradictions et de mélanges métaphoriques. 

Une fois n’est pas coutume, Charlène Darling se met en scène face caméra dans ce clip. D’une robe chasuble à carreaux et de chaussettes hautes vếtue, sur fond de banlieue calme et de rue passante, elle court vers la caméra, comme à la poursuite d’une chimère amoureuse. À un rock grunge digne des années 90, la chanteuse associe l’image et ça marche du tonnerre. Elle signe ici un vrai clip digne des band garage de l’époque, défiant les codes actuels de la musique et réussissant le pari fou d’être prise au sérieux sans coller aux diktats de l’esthétisme musical actuel. 

Cabale – Problèmes

“Samedi soir je nage dans mes problèmes en attendant qu’ils se tirent”. Ça tombe bien, on est samedi soir à l’heure où cet article est écrit et ce nouveau morceau de Cabale nous ramène bien à la réalité. Bon, dans une phrase ne se concentre pas toute la vérité, ne faisons pas de généralités. C’est exactement là où Cabale amène notre réflexion avec ce titre. “J’ai formé une amicale des gens qui vont pas si mal, mais qui pourraient quand même aller mieux”. Les trois comparses de Cabale frappent fort avec ce nouveau clip, et c’est le cas de le dire, puisqu’ils s’y mettent en scène tels des boxeurs (presque) prêts à affronter la vie. Ils ont fait de leurs textes faussement désabusés une marque de fabrique, et ça marche toujours aussi bien. Un flow qui rappelle le rap français des années 2000, des thématiques franchement actuelles, un clip haut en couleurs, et le tour est joué ! 

Cabale marque les esprits avec un titre fort, comme pour nous dire de ne rien lâcher même si tout autour de nous nous crie le contraire. Franchement, c’est vrai que la vie est pas trop mal, même si elle pourrait être quand même vachement mieux, non ? On vous laisse y réfléchir en musique. 

Mad Foxes – Cold Water Swim

Cold Water Swim des Mad Foxes marque le retour du groupe de post-punk nantais après leur dernier album en 2021 et attire immédiatement l’attention par son authenticité palpable. Dès les premières notes, elle captive par sa sincérité brute, chaque accord et chaque mot portant un poids émotionnel indéniable.

Ce qui rend ce titre si vibrant, c’est sa capacité à toucher le cœur. Les paroles, simples mais profondes, explorent un sentiment universel de recherche de réconfort dans les moments difficiles. Elles capturent le besoin humain fondamental d’être compris et accepté. L’image métaphorique d’une nage dans l’eau froide, sans se noyer, devient le symbole de la résilience humaine, même dans les circonstances les plus déroutantes.

La voix de Lucas Bonfils donne vie à chaque mot, tandis que l’instrumentation habile crée une ambiance sonore envoûtante. C’est un équilibre parfait entre des mélodies accrocheuses et des paroles réfléchies, offrant ainsi un pur plaisir auditif.

Cold Water Swim est un beau témoignage de la capacité de la musique à guérir et à unir. C’est une œuvre honnête et terre à terre qui tire sa force de sa clarté, touchant chaque personne qui a eu la chance de plonger dans ce titre et les invitant à se reconnecter avec leur propre humanité. Elle rappelle que, même au sein des eaux froides de l’existence, il y a toujours de l’espoir et de la résilience à trouver. Nous avons vraiment hâte d’en découvrir plus à l’avenir sur le trio nantais.

Eléonore Fourniau – Xwezî min tu nasnekir ba

Eléonore Fourniau joue de la vielle à roue, un instrument médiéval d’Europe centrale. Pourtant, son chant se situe en Anatolie. L’artiste a pour particularité de chanter dans des dialectes kurdes. Elle reprend des chansons traditionnelles ou plus modernes, dont dernièrement Xwezî min tu nasnekir ba, du musicien Seîd Gabarî. Cette reprise a d’ailleurs été enregistré en Turquie, à Istanbul. Elle accompagne ce titre d’un clip qu’elle réalise. On y aperçoit un couple dansant dans une salle vide.

Le chorégraphe Andrea Jimenez a imaginé une danse, aux multiples influences dont le flamenco. Le ton est assez passionné, faisant écho aux paroles traduites par : « Pourquoi es-tu tombé amoureux de moi et ensuite tu as dit « je ne veux pas de toi » ? (…) Je t’attends, ô déloyal, ô cruel amant Tu m’as rendu si malheureux, tu m’as quitté, mon cœur ensoleillé. » Lorsqu’ Eléonore Fourniau ne joue pas en solo, elle compose le trio Samaïa.

Natascha Rogers – Aniafa

Si Natascha Rogers s’est faite remarquer par sa maîtrise des percussions, elle est également chanteuse. A la suite d’un album et quelques singles, elle sort le morceau Aniafa. Il s’accompagne d’un clip réalisé par Louise Ernandez. Les paroles parlent d’un ailleurs.

Il y a l’idée de se retrouver, s’aligner sur son chemin, sa nature profonde. « Chante au bord de l’eau (…) Rêve au bord de la rivière, Cherche où le flux te guide » La nature est au cœur su clip. Natacha Rogers ne fait qu’un avec l’eau, les arbres, l’herbes et le soleil. Le clip joue des contradictions qui nous compose, et défis les lois de la nature. On y aperçoit une fleur prendre feu dans l’eau. L’atmosphère du clip est poétique. Le morceau comme ces images appellent à l’apaisement, au calme.

Noé Preszow – L’intime & le monde

Le chanteur Noé Preszow rappelle que l’intime est politique à travers son dernier morceau. Qui s’intitule L’intime et le monde. Il se fait témoin du monde, de ses luttes individuelles qui deviennent collectives, en dépassant les frontières matérielles et immatérielle.

L’artiste chante son désir d’écrire une chanson qui serait un transmetteur ou un message d’urgence : « les mêmes affrontements depuis l’éternité / la hache de l’Histoire qui brise les destins / l’arrogance d’en haut & la colère d’en bas / les étoiles qui brûlent au-dessus du chaos / les navires immobiles sous le ciel d’Odessa & Téhéran debout qui chante « Bella ciao » » Noé Preszow co-réalise le clip. Dans un clair-obscur intimiste, on observe l’artiste déclamer, comme un discours les paroles de cette chanson rêvée. 

BADBADNOTGOOD & Charlotte Day Wilson – Sleeper

Qu’on adhère ou non à l’univers de Distractions, il est honnête de dire qu’il fonctionne. Pour votre chroniqueuse du dimanche pourtant, ça ne partait pas nécessairement bien, entre auto-tune et texte essentialisant (envers « les filles », une « Chinoise »… ). Le divorce n’est pas consommé pour autant, car à l’oreille et à l’œil, il faut l’admettre. C’est accrocheur.

Il y a dans le clip à géométrie (variable) de Plaisance, une dynamique pop assumée et catchy, qui s’accommode bien de l’esthétique façon Wes Anderson sur VHS. Le contraste est intéressant et original, et constitue un vrai plus pour cet air entêtant qui gagnerait à d’enjoliver de paroles plus actuelles. Mention spéciale pour le synthé, en synergie avec le côté rétro Vintage de l’ambiance gymnase. 

Vulgaires Machins – Obsolète

C’est dans un huit-clos que nous retrouvons Vulgaires Machins avec la chanson « Obsolète ». Tout se passe dans une pièce aux murs verts, couleur de l’espoir, ironie du sort… 

Les images retranscrivent au mieux le propos de la chanson : « Je me possède, je l’oublie, je m’ennuie et j’achète / Je dénonce, je déserte, je renonce et je cède / Et l’issue je la cherche et j’avance / Mais le sens se révèle obsolète ». C’est une ode à notre capacité à préférer le déni à l’acceptation des choses les plus dures.

Dans le clip, tandis que le personnage piégé dans cette pièce tourne en rond, les yeux rivés sur un écran ou dans le vide, les objets s’accumulent, le plafond s’abaisse, de sorte à nous faire ressentir ce cercle vicieux dans lequel on a tendance a se mettre tout·e seul·e.

Réalisé par Jimmi Francoeur, ce clip est certainement l’une des meilleures illustrations de cette impression de se faire engloutir par un monde qui nous fait de plus en plus mal, dans lequel on se sent impuissant·e·s et obsolètes.