La musique addictive de Crack Cloud

On appelle « drogue » toute substance qui modifie la perception des choses, la façon de ressentir des émotions, la manière de penser ou de se comporter. Et si la musique de Crack Cloud en était une ? Alors, elle se présenterait sous la forme d’un premier album composé de huit titres. Attention, c’est de la bonne came.

Vos émotions en sont d’abord étranglées. Leur musique addictive s’injecte par nos oreilles, circule dans notre cerveau et chatouille nos synapses, avant de sécréter une bonne dose de dopamine. En sortant leur premier album Pain Olympics, le collectif canadien nous a concocté une nouvelle drogue qui n’aurait pas d’effets indésirables sur notre santé. Mais si la musique de Crack Cloud nous procure autant de bien, c’est aussi parce qu’elle véhicule un réel message. Un message fondé sur le désir du collectif de partager ses expériences personnelles liées aux drogues et de protester contre la passivité du gouvernement face aux graves problèmes causés par la crise des opiacés au Canada.

Il faut dire que l’album Pain Olympics (Jeux olympiques de la souffrance), sorti le 17 juillet sur Meat Machine, est venu jusqu’à nous comme une bulle d’air formée dans un contexte d’état d’urgence. Au fil des titres, Crack Cloud utilise un nouveau souffle pour nous faire flotter par-dessus les nuages. On se laisse alors transporter par ces splendides bourrasques pour découvrir un univers aussi imprévisible que la météo. Dès le départ, les premières notes de l’album s’envolent entre ciel et terre avec Post Truth. L’énergie fulgurante et créatrice de Crack Cloud nous comble presque instantanément. On ressent d’emblée un besoin vital et urgent d’utiliser toutes formes d’art pour s’exprimer, transmettre (sans faire les donneurs de leçons pour autant) et avancer. Liés par leur vécu, les membres du collectif ont su transformer leur passé en une véritable force. Celle d’une musique qui s’abandonne pleinement à sa dérive, dressant un paysage musical luxuriant et donnant naissance à un opus puissant.

En effet, Pain Olympics est une oeuvre à part entière. En plus de leur musique, les membres du collectif produisent également eux-mêmes leurs visuels et leurs clips. C’est du pur « DIY », jusqu’aux chorégraphies de danse comme dans le titre The Next Fix où la danse semble exprimer le conflit du corps et de l’esprit dans la lutte contre l’addiction. Ce titre, hommage à leurs amis suicidés ou décédés d’overdose, offre un portrait passionnant d’un groupe à un moment de métamorphose.

Le clip Tunnel Vision nous a tout autant séduit par son originalité et sa véhémence. Notre regard s’y trouve captivé par les divers écrans posés dans un décor post apocalyptique, exposant des images parfois floues ou brouillées. Jusqu’au moment où une splendide orgie de guitare, batterie et synthés finit par nous en mettre plein la vue et les oreilles. Une sorte de lumière au bout du tunnel.

Cette ambiance post apocalyptique se retrouve dans le clip Ouster Stew. Sorti avant l’album, il annonçait alors le début d’un combat à coups de riffs intenses et grisonnants. La fin du clip affiche d’ailleurs subtilement le titre de l’album, comme une bombe prête à être envoyée. Et maintenant que cette bombe est lâchée, on peut dire que le groupe canadien a visé juste.

Toujours dans cet esprit de rébellion et de résistance saisissant, on retrouve Bastard Basket, déjà présent sur l’EP de 2016. Ce morceau, bien qu’un peu plus calme que les autres, se termine par une montée progressive de guitares et de synthés pétaradants.
Enfin, Angel Dust clôture l’album en beauté avec son côté angélique, nous faisant penser à une sorte de renaissance. Le collectif semble se tourner vers l’avenir, même si le futur est semé de doutes et que le passé les hante. Un message d’espoir qui résonne parfaitement bien en ces temps incertains.

Avec ce premier album, Crack Cloud nous offre de quoi combler nos oreilles en attendant de les retrouver le 11 novembre au Petit Bain à Paris.
Un album à consommer sans modération.