Clips de la semaine #198 – partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la seconde partie de notre 198ème sélection.

Terrier – Cendrier

Fin d’année en fanfare pour TERRIER : première partie d’Izia à l’Olympia, passage aux Bars en Trans et une boule noire prévue demain soir.

Et avec tout ça, le bonhomme trouve même le temps de nous dévoiler le premier extrait de son second EP prévu pour mars 2024, Cendrier.

Un synthé qui nous pousse à danser et cette voix grave qu’on reconnaitrait entre mille, la formule TERRIER se base sur certains acquis mais continue d’évoluer avec un côté plus lumineux et parfois apaisé.

Cendrier, c’est une nouvelle plongée dans ses souvenirs adolescents, un moyen de se réconcilier avec soi même et de faire la paix avec certains souvenirs, histoire de pouvoir avancer dans la vie et de laisser de la place aux autres à qui il s’ouvre de plus en plus.

Accompagné de Nicolas Garrier Giraudeau est parti explorer les territoires du Nord de La France pour réaliser son propre clip. Des lieux à l’esthétique proche d’une Angleterre qu’il chérit et qui portent l’emprunte d’un milieu ouvrier dans lequel il se reconnait.

Une emprunte et une saveur à la forte teneur cinématographique dans lesquelles il se promène, le cœur- ballon qui vole au bout de ses doigts. En tricycle, TERRIER se promène et continue de nous faire vibrer par sa singularité et sa sincérité. Vivement 2024.

Felower – La Saison

Au milieu du superbe premier EP de Felower, intitulé Protection, vit La Saison. Un titre en français, forcément plus intime et au tempo un peu plus doux bien que toujours plus dansant.

Une sorte de pierre angulaire de tout ce que Felower souhaite nous montrer et un titre dans lequel il se plonge à la fois dans des souvenirs d’enfance que d’amour et du fait de laisser l’autre prendre soin de soi tout en lâchant prise dans l’existence.

Une beauté pleine de failles dans laquelle Felower susurre les mots de peur de les perdre et de les rendre trop réels.

Un voyage intérieur qu’il met d’ailleurs lui même en image. Petit génie et touche à tout, il nous entraine ainsi dans une ambitieuse imagerie en 3D dans laquelle on retrouve son alter-ego numérique.

Comme ici tout est permis, après l’avoir observé de manière externe, c’est dans ses yeux que l’on plonge pour retrouver son image de lumière qui danse et vibre d’émotions enfin libérées et partagées. Un travail minutieux et fascinant, qui s’éloigne de plus en plus du réel pour développer un jeu de miroir psychédélique où les couleurs se développent de plus en plus pour montrer toute la libération que Felower s’autorise enfin.

SAUVANE – Cats Can Talk

Nous nous laissons happer par une atmosphère envoûtante mêlant croyances étranges et confessions intimes. Dans l’univers nocturne de Sauvane, où la peur du noir se mêle à une course effrénée vers la sécurité du foyer. Elle se décrit comme quelqu’un de froid et timide, mais à travers les mots, on perçoit une assurance qui transcende l’image de la « petite fille ».

Entre les lignes, nous ressentons une quête de liberté. Les rêves de Sauvane, son chant dans les rues, son sourire abondant, autant de facettes d’une personne qui refuse d’être restreinte. Le refrain martèle l’affirmation que non, elle n’est plus une petite fille. C’est une revendication de maturité, d’indépendance, de droits acquis. Et puis, il y a cette relation particulière avec les chats.

Une inversion subtile des rôles qui résonne comme une métaphore de son parcours. Elle n’est pas celle qui se conforme aux attentes, mais celle à qui les mystères du monde se révèlent depuis toujours.

Cats Can Talk nous transporte dans un jardin secret où les règles sont faites pour être brisées. Sauvane invite chaque personne à embrasser sa singularité, à revendiquer sa place dans ce monde étrange et merveilleux. Loin des contraintes, la chanson évoque la liberté d’être soi-même, de grandir sans perdre la magie qui fait de nous des êtres uniques

Damlif, Celestino, Toboe – Ràf

L’année 2023 aura vu naître un nouveau trio prometteur sur la scène rap formé de damlif et celestino, dont on a adoré la dernière collaboration en date Bee Gees, et du producteur toboë présent sur leurs derniers projets respectifs. ràf nous fait enfiler les lunettes de vitesses et les vêtements techniques pour affronter le froid polaire, clin d’oeil aux codes de la scène new wave actuelle.

Sur une prod agressive aux sonorités électriques grinçantes, la 2-step fait un pas de côté par rapport à ce que l’on a l’habitude d’entendre. damlif et celestino y délivrent un passe-passe cinglant et désabusé quant à leur vie d’artiste.Claque auditive et visuelle, le clip de ràf (réalisé par maxence pauc) affirme toute la singularité de l’univers des artistes : entre pixels, images floues, un univers qui évoque plus qu’il ne décrit. Un univers qui, on l’espère, se dévoilera dans de nouvelles collaborations. 

Lesram – Du mieux que j’ai pu

Perché sur les toits du 93, le rappeur du Pré-Saint Gervais peut regarder de haut la scène rap actuelle. Depuis la sortie de sa deuxième mixtape Wesh Enfoiré début 2022, une Cigale pleine à craquer, et un Grünt implacable, Lesram s’est fait rare. Plus d’un an à affiner son style, un style d’écriture et de placement déjà unique, et pourtant Du mieux que j’ai pu passe un nouveau cap et ouvre un nouvel horizon sonore plus synthétique pour son premier album.

Le thème reste cependant fidèle au rappeur : la débrouillardise, qu’il dépeint de ses rimes complexes que lui seul semble maîtriser à un tel niveau. Lesram est de retour et marque le coup, un beau début d’année nous attend ! 

Nerlov – A l’envers

A l’envers mais encore debout, Nerlov a sorti cette semaine un nouveau morceau. Comme toujours, les compositions du musicien angevin sont empreintes d’une mélancolie inéluctable pondérée par une ligne musicale vive et sémillante. Une tristesse dans les paroles – entre abnégation et résignation – qui se blottit dans le timbre même de sa voix et sur sa diction. Une piste sonore qui explose en suivant les BPM en totale crise de tachycardie. De cette opposition, émerge comme un effet exutoire qui concourt à une résilience salvatrice. Une soupape de sûreté qui en s’activant relâche un peu cette pression qui nous oppresse tant.

La vidéo réalisée par Josic Jegu en illustre parfaitement les mécanismes. Une danse libératoire – par l’étonnant et charismatique Titouan Bouiller – menée jusqu’à bout de souffle. Comme prisonnier de ses pensées, Nerlov se dissimule en arrière-plan dans l’écran vidéo. A l’envers se joue de manière presque enfantine des contradictions que l’on se construit en avançant en âge. Comme pour le surligner sur le canapé, au fond, apparaît et disparaît une figurine de Woody, le cowboy de Toy Story, qui symbolise notre attachement à un passé révolu.

Fred Nevché – Data

Du futur album de Fred Nevché, Emotional Data, à paraître en février prochain, Data en est le morceau initiateur. « Le jour, on caresse nos écrans, nous contrôlent, nous comptent en millions de tonnes de données » – Porteur de la crainte des données numériques qui nous engloutissent ou au contraire nous emportent, Data a pourtant été composé sur un synthétiseur analogique, le Juno 60 emblématique du son du début des années 80. Et le tout associé à la voix de Fred Nevché – principalement en parlé-chanté – est juste musicalement et émotionnellement magnifique.

La vidéo réalisée par Cauboyz (Bertrand Jamot / Aurélien Zavattiero / Philippe Tytgat) symbolise cette fuite des données personnelles au travers du parcours d’un circuit sublimé de petites voitures Hot Wheels qui traverse notre lieu de vie, nos mémoires, nos souvenirs, tous ces détails qui nous construisent. Cette course à l’échelle 1/64 – que l’on suit de façon hypnotique – est également le prétexte à la résurgence des fragments de notre histoire sous de multiples apparences.

Pour prolonger l’expérience, ne ratez pas le making of du clip qui au-delà de son intérêt explicatif intrinsèque est, par moments, tout simplement captivant. 

Solann – Rome

Rome, dernier clip de Solann frappe par sa qualité. A travers ce morceau, la jeune artiste évoque une ville prise par des loups. Une métaphore que l’on devine être celle d’harcèlement nocturne, dans la rue ou dans des soirées. Solann chante : « Je ne veux plus supplier qu’on me rende mes nuits […] qu’on me rende ces fêtes qui comblent mes insomnies, sans l’ombre d’une main qui flotte et se pose sur ma cuisse. » Avec grandeur et classe, la révélation de 2024 (sans nul doute) se transforme en Rome, empire fondé par une prostituée. Le clip magnétique fait défiler des iconographies rappelant à cette époque antique.

La réalisatrice Lisa Paclet de Rome parvient à mettre en miroir les deux époques donnant corps et résonnance au texte de Solann. Qu’elle interprète sur une musique tantôt jouée de son instrument le ukulélé, tantôt portée par des envolées électroniques et des volutes orientales. 

Bleachers – Alma Mater

On prend la direction du New Jersey maintenant pour retrouver Bleachers, formation qui prépare la sortie de son prochain album. Celui-ci, éponyme, est attendu pour le mois de Mars de l’année prochaine qui s’approche tout doucement. Ça nous permet donc tranquillement de nous mettre dans le bain un orteil à la fois et de faire monter la hype. Il s’agit donc aujourd’hui de Alma Mater, second single issu de ce nouvel opus après Modern Girl.

Un titre qui évoque l’originalité de Bon Iver, dans les choix de mixage et de production, tout en ayant bien sûr un accent beaucoup plus Pop. Pourtant, le morceau reste très simple avec beaucoup de passages en voix / synthés / boite à rythme très épuré (et c’est très chouette). Côté mise à l’image, on suit un personnage en voiture avec beaucoup de flou artistique, comme s’il était sous l’emprise de substances et qui croise foule de personnes improbables jusqu’à une ultime rencontre. On ne vous en dit pas plus, mais en tout cas ça marche sur nous et on a hâte d’écouter la suite !

AURORA – Your Blood

L’artiste norvégienne aux multiples talents, Aurora Aksnes alias AURORA, nous a récemment transporté avec son dernier single Your Blood. On retrouve sa pâte musicale sur ce titre qui se dessine lentement, puis s’ouvre vers un rythme plus soutenu et énergique. La prod est soignée, et sa voix douce et claire se pose parfois, comme pour nous laisser reprendre notre souffle. 

Respirer, craindre de ne plus y arriver puis repartir de plus belle. Le clip de Your Blood est une sublime performance. “Come run again, we’ll run again”. Il met en scène ces allers et retours, l’errance et la vie, ce que l’on ne peut contrôler. Dans un cadre hors du réel, on découvre l’artiste dans une robe rouge, dissimulée derrière des drapés en mouvement. On relève la lumière, la légèreté, et les touches de couleurs en contraste avec la foule, à la fois si proche et inconnue. Il y a dans son titre et dans les images du clip, quelque chose de l’ordre du jeu et du rêve, parfaitement maîtrisé. Son regard, multiple, nous saisit et on ne peut qu’être conquis. 

PAPOOZ – NO ONE ELSE

Le mois de novembre est-il le mois le plus déprimant de l’année ? Il fait froid et il n’y a plus de café. Les yeux à demi ouverts, un pied hors du lit, un pied encore bien loin dans nos rêves, on découvre avec plaisir le dernier titre de PAPOOZNO ONE ELSE

Le groupe, composé de Ulysse et Armand, a l’habitude de nous faire voyager quelques années en arrière, sur des sons pop et colorés. Avant la sortie de leur nouvel album annoncé pour janvier 2024, le pari est une nouvelle fois réussi avec ce dernier single. 

“Est-ce que je rêve ?” Le clip de NO ONE ELSE s’apparente à une boucle, drôle et naïve. Deux grands yeux écarquillés sur l’apparition d’un fantasme, allongée au beau milieu du salon. Le son est mélodieux et envoûtant. Un sourire se dessine au coin de nos lèvres, le comique de répétition fonctionne à merveille. On peut écouter ce morceau encore et encore, en se remémorant la douceur de l’été.

Vipères Sucrées Salées – Tovsk

Le trio lyonnais Vipères Sucrées Salées  nous berce d’une litanie sombre, perfusée de dark wave.

Diction façon Sirkis à ses débuts, le sens en plus, Tovsk s’illustre d’images d’archives (dont on ne peut s’empêcher de penser un instant qu’elles n’auraient jamais dû en sortir). On secoue la tête hypnotisé d’un mal de vivre d’antan, spectateurs d’existences moyennes qui s’oublient dans la fête.

On se sent de trop, entre formica et mi-bas couleur chair ; l’on s’attarde pourtant – s’interroger si notre cool à nous est plus enviable… La gueule de bois est bien la même, le désenchantement aussi. Mal être transgénérationnel, conjuré l’espace d’une chanson par un son lourd, filmé parce que ça a compté. 

ROMAIN MULLER – A L’ENVERS

Quand le ciel est triste, quand la vie est grise, laisse votre regard et vos oreilles se tourner vers la lorraine. Là bas, sous l’égide des géniaux Coco Machine, il se passe des très belles choses et Romain Muller en est le fer de lance.

Il y a quelque chose de très classieux chez ce garçon qui nous séduit. Sans doute est-ce la tendresse infinie de sa voix, Peut-être la beauté évidente de ses textes, poétiques, évanescents et pourtant plein de vie. Ou alors il s’agit de sa manière de faire vivre ses nappes synthétiques pour les emmener plus loin, transformer un tempo lent en une pluie de notes acide…

Avec À L’envers c’est tout ça à la fois. Une histoire d’entre deux, un passage d’une soirée qui se termine dans l’aube à une autre qui née des discussions et de l’amour que tous se portent.

Avec Romain Gamba, cette histoire se fait plus intime. Une sorte de rave party en solitaire où l’on suit au plus près du corps et du coeur un homme qui ne veut pas que la fête se termine et qui danse encore et encore, les muscles tendus et le sourire aux lèvres.

Sans doute est-ce tout ça qui permet de crever les nuages et de laisser percer le soleil.

Johnny Mafia – Vomit Candy

On ne les présente plus. Les quatre joyeux lurons de Johnny Mafia, originaires de Sens, capitale du monde, sont de retour avec un nouveau single, accompagné d’un clip, du nom de Vomit Candy.

La recette de leur efficacité reste la même. Un punk rock allumé légèrement teenage qui ne tombe jamais dans le ridicule. Un son puissant et infaillible qui rappelle toujours indubitablement les années 2000 et l’âge d’or de MTV. À croire que cette capacité immuable à pondre des tubes comme on se sert un café ne les lâchera jamais. 

Ce nouveau titre a clairement tout du morceau pop parfait. La courte durée (2 minutes 40) laisse tout de même la place à des guitares imparables et à un chant impeccable qu’on se met à suivre en fredonnant directement après quelques écoutes.

Le clip, réalisé par La Sale Affaire avec Mathis Berquin en assistant et le Winkstudio en production, reflète radicalement l’humour absurde et le délire perpétuel du band. On y voit les quatre garçons dans ce qui semble être un terrain de jeu pour concours canin. Théo, le lead singer, déguisé en chien se fait entrainer par William, le bassiste. Quelques bonbons en guise de récompense plus tard, et ça tourne au drame.

Alors entre auto-dérision, malice et punk pop administré avec flegme et force, faites vos jeux et entrainez bien vos toutous en ce doux dimanche.