Rencontre sous l’Étendard d’UssaR

On a retrouvé UssaR pour une conversation autour de son album Étendard. On a longuement parlé avec lui de son évolution musicale, de l’importance des cordes, de la fin de la mélancolie et du voyage qu’il nous propose.

portrait UssaR

La Face B: Salut UssaR, comment ça va ?

UssaR : Écoute, ça va. C’est toujours une période un peu compliquée, un peu étrange, un peu comme une bulle avant la sortie d’un album. Tu ne sais pas à quelle sauce tu vas être mangé. Tu ne sais comment ça va être perçu. Tu ne sais pas si les gens vont adhérer, comprendre, comment ils vont le recevoir. Donc c’est toujours une espèce de flottement étrange.

LFB: Tu avais sorti un titre l’année dernière qui sappelait EncorE EncorE et qui nest pas sur lalbum. Il était assez différent de ce que tu avais fait avant. Je me demandais si ce morceau-là, tu ne le voyais pas un peu comme une sortie de route ou comme une impasse ?

UssaR: Ni une impasse, ni une sortie de route. Pour moi, c’était ma manière de dire à tout le monde, et à moi en premier, que je ne me limiterai jamais dans ce que je fais. Je veux toujours revendiquer le fait de faire de la chanson française, vriller. J’ai toujours revendiqué le fait d’être un producteur et de ne pas me limiter dans les genres et dans les sons que je proposais. EncorE EncorE, j’en suis hyper fier et on m’en parle beaucoup encore de ce morceau.

LFB : Je l’ai trouvé très beau.

UssaR : Je l’aime beaucoup ce morceau aussi. Il n’avait pas sa place dans la narration de l’album. C’est pour ça qu’il n’y est pas. Mais pour moi, c’est un morceau qui m’a permis de dire à tout le monde : ne pensez pas m’avoir entièrement cerné. Ne pensez pas que je suis l’homme qui va vous susurrer des mots doux tout le temps dans l’oreille. Je fais ce que je veux en fait. Profondément. Et j’ai plein de gens qui ont hyper bien réagi. Ça me touche de fou. Je pense que c’est aussi une manière de ne pas prendre les auditeurs pour des imbéciles, comme souvent on veut leur faire croire qu’il faut tout le temps leur resservir la même chose parce que c’est ça qu’ils aiment de toi. En fait, non, les gens sont prêts à écouter plein de trucs quoi.

LFB: On passe dEtendues à Etendard. Au-delà du jeu de mot, qui est voulu ou non

UssaR : Bien sûr.

LFB : J’ai limpression quil y a sur cet album une idée de grandeur, à laquelle on va rajouter le côté rassembleur dans ta musique.

UssaR : Pour moi, Etendard, c’était déjà me réunir moi avec moi-même. Comme je te parle de toutes ces influences, de tous ces courants qui me traversent, de toutes ces envies. L’idée, c’était de tout planter sous la même bannière. De pouvoir passer d’un morceau comme Ford à un morceau comme Hello Love. Des choses plus épiques, plus grandioses. De la prod’, du piano-voix, des choses plus sensibles. C’était planter ce drapeau pour moi, pour moi-même. Musicalement. Humainement dans mes émotions. C’est-à-dire de pouvoir aussi accepter le fait que je sois très sombre et potentiellement lumineux. Quelqu’un qui ne soit pas qu’une boule de mélancolie. D’autre part, c’était aussi une invitation aux gens à se rassembler en dessous d’une chanson française qui soit hybride, métisse, j’espère nouvelle. Qui propose autre chose que ce qu’on entend. En tout cas, d’une vision que moi j’ai de la chanson française et de la prod’ quoi.

LFB : Est-ce que tes deux étendards à toi, ceux qui ressortent sur cet album, ce n’est pas la musique et l’amour ?

UssaR : C’est complètement ça. Je crois que j’ai eu un petit moment de vertige en me disant que je ne parlais que d’amour, quasiment que d’amour. J’en discutais avec mon frère, qui m’a aidé à produire cet album parce qu’il était aux manettes, côté label. Il me disait : ouais mais tu sais, les impressionnistes normands ont passé toute leur vie à peindre les mêmes côtes et pourtant les tableaux sont différents. Ça m’a grandement rassuré et je trouve qu’il avait extrêmement raison. C’était une très belle image. Donc ouais l’amour.

Et la musique, je crois que parfois j’ai l’impression de savoir ce qu’inconsciemment les gens attendraient de moi. En fait, je n’y arrive pas. J’ai toujours un son, une cassure, un break. Je n’aime pas que caresser les gens dans l’oreille. J’aime briser, les surprendre, qu’ils puissent avoir un certain inconfort aussi. Mais inconfort, c’est toujours caresser.

LFB : C’est la main de fer dans un gant de velours. Moi, javais beaucoup aimé Etendues, lEP. Ce que jai trouvé intéressant sur l’album, c’est que jai limpression quil y a beaucoup de chaleur qui se dégage et que si l’EP était un peu un son d’automne, j’ai limpression que là, on est plus sur un son d’été.

UssaR: Merci beaucoup. En fait, tout l’EP et ce cheminement de partir du plus noir, du plus sombre, parce que je reprends avec les grands axes et ils sont vraiment la suite directe du Havre. C’est vraiment les mêmes notes.

LFB: Les sons de corde sont les mêmes que pour la façon dont il se termine en fait.

UssaR : C’est ça. C’est vraiment le fil tendu entre les deux. C’est pour ça qu’EncorE EncorE est une parenthèse aussi. C’est vraiment l’idée de tirer ce fil et de repartir de là où j’ai commencé et progressivement, d’aller vers la lumière. Hello Love, c’est un morceau que je trouve lumineux. Palo Alto, c’est un morceau qui est lumineux. Bon je ré-éteins la lumière à la fin avec Les Lumières Eteintes. Mais encore. Parce que ce n’est pas un morceau désespéré, c’est un morceau d’abandon à l’amour. C’est un morceau qui est vraiment plein d’espoir je trouve. J’y tiens à cette lumière qui apparaît petit à petit. Effectivement. Même si on est Loin du Sud au début, je pense qu’à la fin on est plus dans quelque chose de plus chaleureux.

LFB: Justement, le fait davoir pu mettre des cordes sur tout lalbum, ce qui n’était pas forcément le cas sur tout lEP, est-ce que ça t’a influencé sur la couleur de l’album ? Sur le côté cinématographique aussiqui apparaît beaucoup.

UssaR : Le côte cinématographique, c’est toujours quelque chose que j’ai vraiment revendiqué. J’adore ça. Je suis un fan absolu de Bernard Herrmann, je suis un fan absolu de Mancini. Notre référence, avec Arthur Simonini, qui a arrangé toutes les cordes de l’album, c’était Mancini quoi. On veut, sur un morceau comme Crie mon nom, cette espèce de sensualité délicate d’une réception au champagne en 1960. C’était ça qu’on voulait. Les cordes, c’est un bonheur absolu. Avoir un vrai son, avoir un autre personnage qui est, avec le piano, ma voix, pour moi il y a quatre personnages. Ma voix, le piano, les prod’ et les cordes. Ce sont les quatre personnages qui dialoguent sur tout l’album. Les cordes, c’est ce qu’on a réussi à faire et ce qu’Arthur a réussi à bien faire, ce n’est jamais anodin. Ce n’est jamais des aplats, c’est toujours une prise de parole. On veut des cordes qui aient quelque chose à raconter, plus que cet aplat très variété de cordes. Non, s’il y a des cordes, elles prennent la parole et elles racontent quelque chose.

LFB: Elles servent le propos de la chanson à chaque fois.

UssaR : Complètement.

LFB: Ce quil y a d’intéressant, cest quon parle de cordes, mais je trouve quil y en a dautres qui apparaissent mais qui ne sont pas forcément ces cordes-là. La guitare prend sa part aussi sur lalbum, et notamment sur Loin du Sud, dont tu parlais. Jai limpression que ça rajoute. On ta connu avec le piano, avec les machines mais jai limpression quon ajoute la guitare, qui napparaissait pas sur ce que tu faisais avant. Ça rajoute aussi sur les textures.

UssaR : Ouais, complètement. C’est le travail de Marc-Antoine Perrio, qui est vraiment un super guitariste, qui a un projet solo que je t’invite à écouter, qui est génial. On a le même amour de la musique hybride. Quand il arrive avec son pédalier, je sais qu’il va y avoir de la mélodie. Il prend une guitare sèche, tu pleures tellement il joue bien. Mais il a tout ce vocabulaire. On a beaucoup échangé, par exemple sur des projets bien plus space, bien plus barrés.

Le but, c’était de ramener ces textures, que je ne pouvais pas sortir totalement des machines. Ce qui est bien, c’est d’aller chercher du vocabulaire là où toi, tu n’en as plus. Moi, les machines, je les ponce, je les connais. Et à un moment, il faut aller chercher ailleurs. Marco, il a fait un travail ouf de texture. Des fois, il m’a fait des pistes entières de noise, de bruits. Genre sur Palo Alto. C’était hyper agréable de pouvoir retravailler ça comme une autre matière sonore. Parce que tu sais à quel point j’aime les textures et la matière sonore.

LFB: Tu parles de la volonté de surprendre mais je trouve quun morceau comme Loin du Sud, où on est sur une ambiance très UssaR, le fait quil y ait de la guitare, ça t’emmène ailleurs. Ca te prouve que la musique que tu vas faire ne se contentera jamais d’être ce que les gens peuvent attendre et imaginer de toi.

UssaR : Ouais. Merci. Parce que Loin du Sud, c’est l’une de mes préférées aussi, je l’adore. J’aime beaucoup cette chanson. Il y a beaucoup d’influences mêlées dedans en plus. C’est vrai que la guitare, quand je l’écoute, j’ai l’impression que c’est une boucle. Au début, la première boucle, je l’avais laissée trente secondes en solo et tout le monde m’a dit que c’était peut-être trop. Et je leur disais «ah je ne sais pas, je suis tellement bien». C’était très cool.

LFB: Il fallait le polir quand même quoi.

UssaR : Ouais, voilà. C’est toujours ça aussi et c’est aussi ce qu’il y a dans tout l’album. C’est, j’espère, une volonté de recherche, une volonté de surprendre mais quand même en restant dans des formats chanson quoi. De tendre la main aux gens : venez, on va écouter des choses et sur treize morceaux, vous n’allez pas vous emmerder quoi.

LFB: Ce besoin dexplorer, de pousser le son et les textures, je trouve quil y a une vraie influence sur ta façon de chanter, notamment sur des morceaux comme Hello Love, Reine3Nino. Je trouve que tas poussé aussi ta voix. Tu disais tout à l’heure quelle fait partie des personnages qui ont voix au chapitre dans lalbum. Je trouve que tu as poussé la surprise dans la façon d’interpréter les morceaux et daller chercher autre chose avec ta voix.

UssaR : Ouais. Je suis un peu sorti de ce côté complètement guttural et intérieur. De toute façon, dans ma voix, il y a toujours les deux personnages, qui étaient déjà un peu présents dans l’EP. Il y a ma voix, parlée et il y a toujours les chœurs. Je me permets beaucoup, beaucoup de choses en fait, des harmonies, des superpositions. Des harmonies que j’espère riches et intéressantes. Sur Hello Love, c’est vraiment fiesta de chœur, de voix. C’est un peu comme dans Top Chef où ils disent « on va travailler la betterave en trois textures ». Sur l’album, j’ai vraiment essayé d’avoir ça sur le piano et les voix. Genre vas y viens, on travaille la voix en sample. Parce que même les synthés un peu weird, parfois c’est ma voix ressamplée, traitée comme un synthé. Donc viens, on va travailler ma voix comme un instrument, avec du sample, de la superposition, de la reverb. Il y avait toujours cette volonté d’explorer aussi ma voix.

LFB: Tu parlais de voix intérieure mais finalement, comme tout lalbum est justement un chemin intérieur, jai limpression que le fait que ta voix évolue au fil de lalbum et quelle change, ça vient aussi le chemin parcouru au travers des chansons.

UssaR : Ouais, merci. La tracklist s’est imposée à moi. Je ne dis pas que j’ai galéré mais pour moi, c’était ce chemin. Les derniers morceaux qui sont arrivés ont pris la place à la fin en fait. C’était quasiment logique chronologiquement. Sauf Les Grands Axes qui est mon fil et qui est revenu à la fin.

UssaR
UssaR

LFB: Tu parles des Grands Axes. L’album commence avec ce morceau. Je vais continuer sur mes métaphores d’autoroute. J’ai limpression quon est face à un album de départementales parce que cest un album qui est fait avec des étapes, des arrêts, des changements de vitesse. Du coup, jai vraiment limpression que cest plus un album de route de campagne quun album dautoroute.

UssaR : Ah ouais non c’est sûr. On est sur terrains accidentés. Dans la musique, il y a ce que j’appelle les accidents, ces glitchs, ces cassures, ces coupures. Dans un moment où tu te dis « ok, ça file tout droit » et tout d’un coup, je viens te rattraper en te disant « regarde la route ». Je le prends si c’est la départementale comme ça. Ok.

LFB : C’est un album où on ne peut pas sendormir en fait.

UssaR : Je n’espère pas. J’espère que ce n’est pas de la musique de fond. J’espère que c’est de la musique qui s’écoute. Je sais que c’est compliqué aujourd’hui d’avoir ce type de projet qui sollicite l’auditeur, autant que je désire me faire solliciter quand j’écoute de la musique. J’espère que je ne rends pas l’auditeur passif mais que je le rends actif dans l’écoute.

LFB : C’est un album qui est nourri par le voyage, de manière directe dans ce que tu racontes mais aussi de manière symbolique. Cest un album de voyage intérieur, cest un album de voyage vers soi et cest aussi un album où tu voyages vers les autres.

UssaR : Complètement. Par exemple, tu as des morceaux comme Loin du Sud, ça s’appelle comme ça et dans la prod’, j’ai grossi le trait de cliché de musique du sud. Tu as des respirations, une batterie afrobeat, tu as une guitare hispanisante. C’est des clichés de ce que pourrais être le Sud de quelqu’un qui n’a jamais vu le Sud. C’est complètement un voyage intérieur. Ou alors, c’est un tout petit aller-retour entre Le Havre et Paris quoi. Mais effectivement, le but, c’était aussi d’aller vers les gens et je pense que dans cette idée qu’il n’y ait pas de feat sur l’album, ça se termine avec le cadeau de ces chanteurs qui sont venus chanter avec moi et qui ouvrent comme des voix à la fin sur le reste, c’est une ouverture publique quoi. Et puis le morceau, Les Lumières Eteintes, de toute façon, je parle aux gens. Je parle soit à l’être aimé, soit aux gens.

LFB: Tout lalbum parle damour mais ce nest pas lamour cliché. C’est lamour multiple. Il y a lamour de soi, lamour de soi, le sens du collectif. C’est une mosaïque de lamour cet album je trouve.

UssaR : Franchement, je le prends. Mosaïque de l’amour, en gros, sur les stickers.

LFB: Il y a vraiment une recherche esthétique des façons de parler de lamour et de comment lamener sur des lieux différents, de se réconcilier avec soi-même, de pouvoir aimer lautre.

UssaR : C’est exactement ça. Franchement, il y a une phrase de Joeystarr : « pour aimer, faut déjà s’aimer ». Bah ouais hein. En vrai, poto, t’as tout dit. Pour aimer les autres, réconcilier les gens et aimer profondément l’être aimé, il faut déjà se réconcilier avec soi. Même si je déteste parler de ça, il fallait que je raconte ce qu’il se passe dans ma vie aussi.

LFB: Avoir le droit d’être impudique en fait.

UssaR : Ouais, après tu me connais, je ne suis pas très mon cul sur la commode mais c’est crypté. Mais oui, je raconte une certaine forme de bonheur et d’accession au bonheur et à l’amour.

LFB : Même si cest cryptique, ça se ressent.

UssaR : J’espère. Après, j’ai toujours ce truc. Il faut être très, très, très objectif et honnête avec soi pour éventuellement, à un moment, pouvoir toucher à l’universel. Je ne dis pas que je touche à l’universel mais je te dis que le seul moyen, c’est d’être étrangement très au courant de ce qu’il se passe intérieurement et d’être très honnête avec toi. Si t’es sincère, peut-être qu’éventuellement, ces gens pourront se reconnaître dans cette sincérité et que ça les touche. Si t’es en recherche de prosélytisme, de démonstration, si c’est fake, je pense que les gens le ressentent. J’espère que ce n’est pas un album comme ça.

UssaR
UssaR

LFB : J’ai limpression que la grande réussite de cet album pour UssaR, c’est davoir quitté le piège réconfortant de la mélancolie pour aller vers lapaisement.

UssaR : Merci. Franchement, je ne suis pas sûr… Je crois qu’il y a quelque chose chez certaines personnes qui s’arrêtent à l’enveloppe des choses. Par exemple, un morceau comme Les Lumières Eteintes, j’ai eu des retours comme quoi c’était vraiment l’amour tragique et tout. Mais à quel moment en fait ?

LFB: Pour moi, cest plus un appel au combat.

UssaR : C’est un appel au combat amoureux oui. C’est un appel au combat musical, artistique, contre soi pour justement, ne pas succomber à cette mélancolie. Pour moi, c’est vraiment de la lumière.

LFB: Complètement. C’est ce que je te disais, cest un album avec des couleurs d’été, vraiment.

UssaR : Merci de le capter et de le ressentir comme ça. Ça veut dire quelque part que ça existe et que je ne suis pas fou.

LFB: Quand on s’intéresse aussi à tes anciens morceaux et quand on connaît un peu UssaR, sur 6 milliards ou Bidon Vie, c’étaient des morceaux qui parlaient des autres. Alors que là, tu parles de toi pour accéder aux autres. Même si cest fait de manière critique et que tu continues à te cacher derrière certaines idées, on sent quil y a lintime qui est mis sur la table quand même.

UssaR : Complètement.

LFB: Et du coup, est-ce que tu es ressorti changé de la création de cet album ?

UssaR : Ça a été une vraie traversée, sur tous les plans. Je pense que tous les artistes disent la même chose quand tu les as en interview. Après, tu connais mon processus de création. C’est souvent très solitaire. Donc beaucoup de doutes, beaucoup de remises en question, beaucoup de peur aussi. De savoir si j’assumais des choses. Crie mon nom, c’est un morceau que j’adore et à la fois, il me surprenait moi-même. On se regardait en chien de faïence, en mode : est-ce qu’on y va tous les deux ? Il y a eu beaucoup de doutes, de peur, on ne va pas se mentir. J’en sors, je suis content qu’il soit fini. Je suis content d’avoir les retours et d’avoir des gens qui disent qu’ils aiment cet album. Je suis content aussi d’avoir des gens qui disent que ça les surprend. Même si je ne suis pas sûr que ça veut dire qu’ils aiment. Je sais que je l’ai fait et que le reste sera forcément une autre étape.

LFB: Je trouve que le mieux quon puisse dire, cest que finalement cest un album qui est en équilibre sur tout. Il est en équilibre entre les prods et lamour des mots. C’est un album qui est en équilibre entre la chanson française et l’expérimentation, parce qu’il y a quand même beaucoup d’expérimentations, de choses qui mettent la patte d’UssaR, ton amour des machines et tout ça. Je trouve que c’est vraiment un album qui se tient sur le fil en fait.

UssaR : Merci. J’adore les équilibristes. Ma soeur, avec qui j’ai écrit les premiers morceaux, est tombée amoureuse d’un fil de fériste, avec qui elle a créé une compagnie. Je pense que dans la famille, on doit avoir l’amour de ça. Roland Barthes dit « le nécessaire déséquilibre des choses » dans Fragments d’un discours amoureux. Ouais, il y a forcément un équilibre précaire qui est toujours comme ça et qu’il faut toujours rattraper. J’espère que sur l’album et pas que sur l’album, il faut être un peu méta parfois. Il faut aussi regarder sur la vision d’une carrière et de ce que tu imprimes, de ce qui restera d’UssaR si dans vingt ans, on se demande c’était qui ce boug. J’espère que je serais encore là déjà. Et se dire « ah ouais, ah ouais ». Comme on peut ré-explorer des gens qui ont une vision toujours trop monolithique de ce qu’ils peuvent être.

LFB : Ou quand on redécouvre des films vingt ans après qu’on a plus la même vision de la chose.

UssaR : Complètement.

LFB : Cet album, tu le vois comment sur scène ?

UssaR : C’est une très bonne question. Je suis plein d’incertitudes. Je suis toujours en interrogation pour le faire vivre dans les meilleures conditions. Pour moi, il y avait besoin de la guitare, qui est un vraiment personnage, sur tout l’album et de ses textures. De la batterie. Je pense que c’est important de réussir à garder ça et à conserver cette vision. C’est vrai qu’il y a eu des dates où j’étais solo et où je me suis senti seul sur scène. Aux francos de Montréal, c’était vraiment un cap où je me suis dit : ah la vache, 18h, plein air, j’ai pas le band derrière moi pour pousser. En plus, j’étais qu’avec des québécois qui arrivent à 12 sur scène, les salauds. Ils arrivent, tu ne sais pas comment ils paient tout le monde mais ils sont 12, dont un qui est venu faire du triangle. Comment vous faites les copains ? Et toi tu arrives tout seul, tu te sens vraiment un peu solo. Donc l’idée, c’est de s’entourer. Après, moi j’aime bien faire vivre les choses, quelqu’elles soient. Là, je vais faire un peu de promo avec des cordes. J’aime faire des pianos-voix. J’aime faire vivre les chansons parce que je pense que c’est ça qui est intéressant.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter avec Étendards ? Est-ce que tu penses déjà à la suite ou est-ce que tu es focus sur l’idée de le faire vivre ?

UssaR : Franchement, j’aimerais bien qu’il y ait plus de gens qui le prennent comme une entièreté. Comme un album. C’est très dur aujourd’hui de sortir de la vision des singles, de quel titre… C’est normal, tout le monde a sa vision mais par exemple, on voulait que je fasse remonter dans la setlist des morceaux parce qu’ils étaient plus faciles, parce que c’était la focus track et tout ça. Moi, je ne pouvais pas parce que j’avais l’impression de mettre le chapitre 10 en introduction. Donc je disais que je ne pouvais pas parce que je n’avais pas encore dit ça ou ça. C’est vrai que ce qu’on peut me souhaiter et qu’on peut souhaiter à tous les artistes, c’est que les gens écoutent les albums et comprennent le cheminement, la narration surtout quand ça a été conçu comme ça. Déjà, j’aimerais beaucoup que les gens le prennent comme un album. Et puissent le passer de A à Z avec plaisir. Et puis, ce qu’on peut me souhaiter, c’est de trouver les gens qui adhèrent à cette vision-là de la musique. J’en ai et je les adore ceux qui me souvent. Que les gens qui adhèrent à ça se rallient sous ma bannière ouais.

LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents ?

UssaR : En artiste, j’aime beaucoup Lisa Ducasse ces derniers temps. Je trouve que c’est vraiment très beau ce qu’elle est en train de faire. J’aime bien aussi les doigts d’honneur qu’elle fait dans sa façon de dire « hey de toute façon, la hype, quelqu’elle soit, où qu’elle soit, je vous em… Moi je vais faire mes chansons, comme ça, avec mon clavier ». Je trouve ça très beau. Et puis, je ne sais pas, c’est délicat, c’est ce que j’aime.

En musique, je cite toujours aussi cet artiste que j’ai découvert pendant la création de l’album et dont je suis fan, c’est Duval Timothy que je trouve vraiment très, très, très fort.

Crédit Photos : Clara de Latour

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