Une conversation avec Marcel et Son Orchestre

Il y a des groupes qui vivent dans l’inconscient d’une région. Toute personne qui a grandi dans le Nord-Pas-de-Calais connait au moins une chanson de Marcel et Son Orchestre. On a profité de leur retour sur scène et de leur passage à l’Olympia pour partir à la rencontre de Franck Vandecasteele afin de parler de Marcel forcément, mais aussi de la scène et de la région si chère à nos coeurs.

La Face B : La première question que je pose toujours c’est comment ça va ?

Franck : Écoute ça va… Je me suis levé sans trop de difficulté ce matin, c’est pas toujours comme ça (rires).

LFB : On se sent comment une semaine avant un Olympia à Paris ?

F : Alors, ça occupe évidemment une bonne partie de mes pensées quoi. Je vais pas mentir quoi, mais ça va quoi franchement on a fait une belle résidence, on a calé pas mal de choses, pas mal des invités sont prêts, on a pu répéter un peu avec eux, donc je me sens un peu serein. J’ai hâte, un petit peu de fouler cette scène.

LFB : Vous avez prévus des tenues particulières pour ce soir là ?

MESO : Alors ça devient compliqué un peu ces histoires de effectivement de dress code. Oui on a fait un dress code c’est boa, moustache, maquillage et froufrou.
(rires) On reste dans la thématique Marcel et dans la thématique carnaval punk bien sûr, mais je crois que c’est ce qu’on a toujours prôné. Moi ce que j’aime dans le carnaval c’est que c’est un exutoire. C’est le moment où tu peux sortir du cadre, tu peux sortir du rang. Ce que je trouve un tout petit peu dommageable aujourd’hui dans une bonne partie de la scène c’est que les mecs ils ont bientôt moins d’audace que les agents d’assurances. Et moi je trouve que si tu as la possibilité de monter sur scène c’est sympa d’afficher une exubérance. Surtout derrière le conformisme se cache aussi pas mal de personnes qui sont là pour vendre des fringues. Je trouve que ça un petit peu… ça suffit à un moment de ne regarder le public uniquement que comme un consommateur.

LFB : Je me demandais d’où elle venait l’idée de sortir une compilation de 50 titres, parce que généralement un best of c’est 10/12 titres là on a, je sais pas 50 titres, y a des versions live, des remix…

F : Ben, après Marcel on a jamais su faire des albums courts. On aurait pu doubler la discographie parce que la plupart des artistes font des albums de 10 titres. Nous à chaque fois il y avait au moins 18 titres … moi je pense que c’est ce qu’on est. Foncièrement enthousiaste et généreux dans notre démarche. Et puis l’idée d’une compil’ c’est plutôt une volonté de maison de disque tu vois. Nous on n’y a pas spécialement pensé quand on a rejoué pour la première fois en 2017 après 5 ans d’abstinence, c’est vrai qu’on a une maison de disques qui a déboulé en nous disant : « ce serait bien que vous ressortiez le catalogue ou une partie du catalogue » et on les a laissé courir un petit peu sur cette idée. On ne voyait pas l’opportunité de faire ça, on se disait les gens qui aiment Marcel de toute façon ont les disques, les autres avec les réseaux sociaux peuvent les découvrir, enfin bref, l’opportunité on ne la trouvait pas terrible. Et puis finalement, on a commencé à regarder un petit peu cette idée parce qu’ils étaient insistant et on s’est dit, c’est vrai il y a 30 ans de discographie quasiment entre le premier et le dernier, enfin peut être pas, ou 20 ans, mais avec des productions très différentes, difficile de marier tel titre avec tel titre parce qu’on ne l’a pas enregistré dans les mêmes conditions. On n’a pas la même maturité de jeux, enfin il y a plein de choses qui bougeaient quoi.

Et on s’est dit ok on le fait mais si on le fait on remixe vraiment les choses. Et puis quand on a commencé à récupérer les disques durs, on a commencé à récupérer les bandes, il a fallu numériser les bandes parce qu’on avait même plus de quoi lire les premiers trucs. On a numérisé, en numérisant on a découvert plein d’inédits, en ouvrant les disques durs on a découvert plein de versions alternatives etc… On s’est dit bah tiens y a pleins de solutions marrantes et puis on s’est enthousiasmé et on a découvert qu’on avait de quoi garnir quatre disques. Voilà donc pour le moment on en a mis deux.

LFB : Ce qui est marrant c’est que finalement, sur la compil il y a un ou deux duos, il y en a un avec Didier Super et finalement c’est l’image parfaite, je trouve que l’association est géniale.

F : On se connaît tellement bien. Tu sais Olivier, enfin Didier, est né à Douai et moi j’étais agent de développement culturel, travailleur social, animateur dans un centre social et j’y programmais les concerts. J’ai fait des locaux de répétition pour les groupes, on a donné des cours de musique pour les gamins tout ça, puis Olivier y a participé. Donc on se connaît depuis qu’il est ado. Et ensuite on s’est jamais perdu de vue, on est toujours resté en contact même quand il était sur Montpellier et lorsqu’on a fait les quinze ans au Zénith évidemment ça commençait à gazer pour lui, on était content de l’inviter et puis il a fait cette version absolument improbable qu’on a retrouvée, on ne se souvenait même plus qu’il y avait eu ça tu vois. C’est en regardant dans mes disques « putain mais merde y a ça ». Mais comme Gari et Lux B tu vois de Massilia enfin de Oai Star, on a eu cette version de 62 Méfie-Te. Voilà c’est la bande de potes quoi. C’est sûr.

LFB : Et là donc il y a des concerts qui sont reprogrammés, vous faites partie de la « longue liste » des groupes qui ont dit « on arrête » mais qui reviennent ! Finalement lorsque vous avez dit « on arrête » en 2012 ce n’était pas vraiment sérieux au final, ça reste une drogue les concerts un peu non ?

F : C’est vrai. Maintenant, on n’a pas arrêté par manque d’appétit. On a juste arrêté parce qu’on avait envie de dire la même chose mais on ne savait plus le dire de la même façon et donc ça devenait compliqué. Tu vois quand tu commences a composer pour un punk rock, quand ça commence à pinailler pendant la répète, à un moment tu te dis bon les gars c’est qu’il y a un truc qui marche plus quoi.

Et puis quelque part on ne s’est pas économisé avec Marcel, je pense que pendant 20 ans on a passé entre 150 et 200 jours par an sur les routes et à un moment il faut savoir après quoi tu cours et je crois que là il y avait une sorte de fatigue et on s’est dit, on a toujours aimé ce côté un petit peu enthousiasmant, dès qu’on foulait une scène c’était super, mais relationnellement il n’y avait plus de surprise entre nous. Et on s’est dit les gars, sans déconner c’est pas une entreprise donc si on n’a plus envie, s’il y a de la fatigue, bah arrêtons quoi.

Donc effectivement on a arrêté pendant cinq ans. A l’occasion d’une fête on a eu l’occasion de rejouer ensemble et puis moi j’ai continué la scène parce que j’ai fait Lénine Renaud pendant ce temps-là et les autres Tibal il a fait Mortal Combo une fanfare funk, JB il a fait Mascarade, Bidingue était avec lui, James… enfin tout le monde a joué un peu. Donc on avait peut-être des choses à dire à côté… Moi je pense que dans Marcel on est dans l’écriture, je suis plus dans du ressenti et je sentais que j’avais besoin d’être dans du récit plutôt que dans la chanson et donc quand je dis on a envie de dire la même chose mais plus de la même façon, tout ça… Vraiment dans l’écriture, à un moment tu dis bah ouais mais ça ne rentre plus avec cette idée de rythme extrêmement soutenu, festif et compagnie ce que j’ai envie de dire en ce moment. Il y avait plein de choses, entre temps y a eu le décès de ma mère, il y a eu plein de choses qui ont fait que j’ai eu un besoin de poser les choses autrement.

LFB : Il fallait retrouver une fraîcheur en fait finalement…

MESO : C’est ça ouais. Et puis donc il y a eu cette date qui devait être un one shot en décembre 2012, mais réellement ça devait être un one shot, et puis on a mis les places en vente en septembre à 10h du matin pour le mois de décembre et à 10h10 il y avait 1800 places vendues, à midi les 4000 places étaient vendues, il y avait 6000 demandes de places insatisfaites. Et on s’est dit « qu’est-ce que c’est que ce bordel ! ». On s’attendait à ce qu’il y ai une attente mais tant que ça on ne s’y attendait pas. Et donc on se faisait pourrir par des tonnes de potes qui bossaient qui nous disaient, « j’ai pas eu le temps d’acheter les places, vous êtes vraiment des tocards de nous mettre ça le matin ! », enfin bref ! Et donc on a trouvé le moyen d’ouvrir une troisième date mais c’était la même chose. Du coup, il y a plein d’organisateurs qui nous ont dit « les gars vous n’avez pas répété pendant 3 mois pour organiser ce bel événement pour faire qu’une date quoi » et on s’est dit écoute, regardons les trois dates d’abord, voir si on a du plaisir à se retrouver et du plaisir à fouler la scène, si les automatismes et la fraîcheur sont là. Si on a toujours la même énergie aussi. Et on s’est surpris à dire « oui quand même quoi », on a regardé nos agendas et on s’aperçoit que (parce que tout le monde a un emploi du temps de son côté, c’est plus notre activité à temps plein) on arrive à faire 15/20 dates par an et on ira pas au-delà. Donc oui, on a repris Marcel mais de façon très ponctuelle quoi.

LFB : Et justement le fait de travailler à côté, ça permet de sacraliser encore plus ce passage scénique ?

F : Je pense. Disons qu’il y a pleins de choses qui deviennent assez terribles, c’est que, tu re-chopes la trouille parce que tu vois, quand c’est un spectacle que tu as déroulé 100 fois etc. c’est presque une autoroute, alors tu dois te créer des surprises, les inventer. De là il y a de la fébrilité parce qu’il y a des choses que t’as pas retravaillées comme tu le sentais etc., donc ça offre plus de place à la spontanéité, plus de plage à l’impro, parce qu’il y a de l’incertitude tout ça et ça c’est terriblement excitant. J’adore.
Puis après on vient de là quoi. On vient plus du théâtre de rue que du rock avec Marcel.

LFB : Et justement tu dis 15/20 dates par an, se retrouver au Main Square Festival entouré de Sting et -M-, ça fait quoi d’être les régionaux de l’étape ? Au final sur un festival comme ça vous êtes limite plus attendus que certaines grosses têtes d’affiche…

F : Je suis à la fois enthousiasmé, à la fois, je peux pas dire que je suis un fan de Live Nation quoi, mais de toute façon ces gens ont les moyens de tout acheter, voilà, ils ont Universal et l’Olympia enfin bref… et donc à côté ça bon écoute ils peuvent nous bi-passé, ils l’ont fait, donc il y a un certain respect pour le parcours donc je peux juste dire qu’il y a peut-être dans les programmateurs des gens corrects dans cette histoire vraiment et puis c’est rigolo effectivement. Je sais plus en 2000 on avait fait plusieurs fois les Eurockéennes de Belfort et les Vieilles Charrues, on avait ouvert pour Iggy Pop ou ouvert pour d’autres comme ça, c’est quand même, t’es un gamin des quartiers populaires, t’as fantasmé sur toute cette scène et puis un moment tu te retrouves sur des plateaux comme ça ! Tu vois même si y a de l’eau qui est passée sous les ponts, j’ai 50 balais maintenant, bah la surprise elle reste là parce que il reste quelque chose de l’ordre de la magie quoi. C’est à dire que je me suis jamais vu en quoi que ce soit, vedette ou rockeur/rockstar, j’en ai rien à carrer de tout ça, donc je trouve ça marrant ce pied de nez. Surtout que Marcel, notre stratégie c’était d’échouer. On se disait quand on voit la gueule de la réussite on a envie d’échouer quoi ! Et donc on a fait le contre-pied, on a choisi le nom le plus balochard possible pour voir jusqu’où on allait pouvoir pousser le handicap dans ce monde du paraître et de la frime. On a singé toute cette scène rock, enfin moi je considérais que tous ces rockeurs qui se la pétaient « je suis là plus belle quéquette que t’ai jamais rencontrée avec moi tu vas connaître dix orgasmes à la suite, j’ai survécu à quinze overdoses et tout” tu vois. Je trouve que c’était bof. Et après quand on est arrivé il y avait toute cette scène de reggae où les mecs ils pensaient que si on disait pas « yessay irie Babylon » toutes les deux phrases on ne pouvait pas avoir le certificat d’aptitude. Mais idem pour le punk avec le côté contrôle mental/camisole et tout.
Donc je trouve que mettre un peu un pavé dans la mare c’était rigolo et on nous permet de le faire au niveau de réception du public, mais ça reste marrant c’est sûr.

LFB : Justement, tu dis que tu ne voulais pas être connu, être une rockstar, mais il faut être honnête, Marcel et son Orchestre ça reste quand même un groupe qui est dans l’inconscient collectif du Nord-Pas-de-Calais. On a tous des souvenirs, que ce soit de concerts ou de soirées ou n’importe quoi avec Marcel et son Orchestre et moi je me demandais comment tu vivais ça et comment tu l’analysais ?

F : Moi les artistes que j’aime sont les artistes qui ont une identité et je m’aperçois que celle qui me touche réellement est quand même liée à un territoire. C’est à dire que je comprends pas tout Bob Dylan tu vois, parce qu’il y a de l’argot, je comprends pas tout Neil Young ou Léonard Cohen etc… Mais ce que je peux te dire c’est que je sens le territoire d’où ils viennent. Et à partir de là ça raconte des choses.

On parle bien de ce qu’on connaît. On parle bien de ce qui nous a fait. Que ce soit nos humiliations, nos révoltes, nos coups de gueule etc. On parle bien de ça. C’est à dire qu’on peut s’essayer à des sujets qui sont pas nous mais ça fera fake. Vraiment.

Et donc moi je pense, effectivement je suis né sur ce territoire alors tu vois je m’en fais pas ambassadeur plus que ça et compagnie. Mais je sais qu’on est une terre de sangs mêlés, parce qu’on a du sang de tous les pays du monde, liée aux vagues d’immigration, liée à ces terres industrielles où il fallait de la main d’œuvre, liée aux guerres aussi parce que ce plat pays c’était utile pour ces salopards qui voulaient guerroyer… et donc ça n’oblige pas mais ça explique ce côté d’où tu viens.

Et puis, nous on est des gens de la côte, on vient de Boulogne-sur-Mer pour la plupart et donc il y a peut-être aussi contrairement… Le Nord c’est très vaste tu vois. C’est à dire que le bassin minier, c’est quelque chose comme « c’est déjà bien qu’on ait pensé à nous ». Alors que sur la côte il y a plutôt une fierté liée à l’ouverture sur le large qui est « hey tu vas pas me parler comme ça ! » tu vois. Et moi je trouve qu’on est la région la plus jeune de France, on est là deuxième région la plus peuplée en densité etc… Donc c’est vrai qu’être reconnu dans cette région c’est être reconnu partout. Marcel ça faisait 2000 à 3000 personnes en Bretagne, 2000 à 3000 personnes dans le Sud-Ouest donc rapidement on s’est dit qu’il y a des groupes qui sont strictement régionaux. Nous on vient du Nord on n’est plus strictement régional, loin de là. Mais effectivement, les gens viennent rencontrer des nordistes quand ils viennent à nos concerts.

LFB : On vient du Pas-de-Calais et on a quand même vu la région évoluer dans le mauvais sens. Je me demandais qu’elle image tu avais sur cette région à l’heure actuelle et si ça te donnait envie d’écrire des choses là-dessus ?

MESO : Oui. Tu vois moi je pense que le fascisme c’est la conséquence d’une économie libérale, c’est tout. Dans les années 30, les capitalistes ont dit : plutôt Hitler que le Front Populaire. Aujourd’hui, les capitalistes disent : plutôt Le Pen que Mélenchon. C’est à dire qu’on peut faire du commerce avec les fascistes, c’est pas compliqué, c’est pas eux qui vont réclamer, ce qu’ils veulent c’est du pouvoir quoi, mais une part du gâteaux, ils l’ont déjà. Le Pen elle est milliardaire et compagnie. La redistribution c’est autre chose quoi. Et donc ça leur fait peur. Une gauche de transformation, Marie-Georges Buffet en 2007 a fait 1,97%. On construit le Front de Gauche, on arrive bientôt à 13% en 2012, et à 20% en 2015. Faut la torpiller cette gauche-là. Il faut la torpiller. Et Le Pen elle sort du débat elle est pulvérisée… Puis là c’est le second ou premier parti de France, faut arrêter de nous la faire à l’envers. Je pense simplement, c’est le diable de confort.

C’est à dire que quand tu veux dire qu’il n’y a pas d’alternative, t’agites l’épouvantail de confort en disant « attention attention les gens, si vous ne vous rangez pas derrière Macron le progressiste, attention le fascisme nous guète« . Mais c’est la fabrique du non choix. C’est juste l’idiot utile Marine Le Pen. C’est la fabrique du non choix. Et il faut que les gens comprennent que c’est une mascarade. C’est vraiment une mascarade. Et moi ce que je crois effectivement dans le bassin minier, les gens que ce soit à Hénin-Beaumont ou ailleurs, c’est pas des fachos quoi, ce sont des gens qui sont fâchés, qui se sont fait bernés par la corruption. Et donc on sait très bien, il y a eu les systèmes Mellick, les systèmes Puchéda, les systèmes Dalongeville et compagnie, qui ont été des gens qui ont servi juste des appareils et qui se sont servis au passage. Et à un moment la population elle dit « il faudrait juste arrêter de nous prendre pour des cons ». On est la terre du socialisme, les gens n’ont pas oublié. Ils ne l’ont pas oublié. Je ne crois pas moi. Une mémoire ça s’entretient. Il faut qu’on l’entretienne cette mémoire du socialisme, cette mémoire des luttes, cette mémoire des idéaux. Après, c’est une guerre culturelle qu’on est en train de vivre. Il y a des gens qui laissent entendre que toutes les idées collectivistes etc. sont des idées d’un autre temps. Et ils proposent quoi ? De la précarité pour tous ? Des lois qui vont nous appauvrir d’avantage ? Mais ils fabriquent le fascisme. Ils le savent. Donc, je peux en parler des heures, mais oui, à un moment il faut rire à la gueule de nos peurs. Il faut leur dire qu’on n’est pas dupe.

Alors Marcel, effectivement on joue les bouffons, on joue les clowns etc., mais on est conscientisés. Moi j’ai grandi grâce aux maisons de quartier et je sais d’où je viens. Que ce soit Victor réfugié chilien, Nouredine réfugié politique tunisien et compagnie, c’est ces gens-là qui m’ont conscientisé quand j’étais gamin avec les maisons de jeunes ou les copains, réfugiés politiques iraniens plus tard ou autre chose. Ça veut dire qu’à un moment on m’a appris à décortiquer le monde.

Alors une chanson ça fait 3 min. En 3 minutes je vais pas faire thèse, antithèse, synthèse. Donc t’as un coup de gueule tu vois À Qui Cela Profite, c’est juste un punk rock écorché mais qui le raconte. Ou alors tu penses à quand on écrit Si Ça Rapporte, j’ai l’impression que je pourrais le ré-écrire aujourd’hui quoi. C’est la même chose, c’est à dire que du moment que ça rapporte, les valeurs tout ça on s’en cogne. Et donc on est dans un monde marchand qui vendrait père et mère pour le business.

LFB : J’ai la citation d’un film qui s’appelle l’Arme Fatale où Murtaugh dit : « Je suis trop vieux pour ces conneries ! » Est-ce que ça c’est un truc qui n’atteindra jamais Marcel et son Orchestre ?

F : J’en sais rien ! Tu sais, t’espères que le corps va répondre jusqu’au bout tu vois. Effectivement ce qu’on fait c’est très convulsif, c’est compliqué de faire de la salsa en fauteuil par exemple. Donc bah peut-être que du rock festif plein d’arthrose c’est compliqué aussi (rires). Donc on verra, j’en sais rien. Pour l’instant je sais sauter partout, je sais bondir comme je veux, tout va bien quoi ! Et maintenant je sais pas dire comment ça se fait, comment ça mène et puis l’énergie je trouve que c’est un truc assez incroyable. Tu vas dans une soirée ou t’as un rendez-vous et t’es plombé, t’as pas spécialement envie et puis il circule une énergie un peu sympa et du coup t’oublies toute la fatigue. Et ce que je trouve fou avec les concerts qu’on a avec le public, il y a quelque chose d’euphorisant pour tous. Parce que ça c’est un beau cadeau.

LFB : Marcel et son Orchestre ça reste nécessaire pour les gens et pour vous encore en 2020.

F : Oui et puis je pense aussi qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise. S’il y a des artifices, c’est des artifices de bazars, pacotilles, donc on ne vend pas de l’emballage. On vend vraiment du rire et de la sueur. Vraiment. Et là-dessus tu peux pas tricher.

LFB : Et c’est quoi les plans pour Marcel finalement ? Est-ce qu’il y a un nouvel album de prévu ou des choses ?

F : Non, pas pour le moment. J’écris mais il faudrait qu’on trouve le temps de poser des choses, mais pour le moment c’est pas à l’ordre du jour.

Alors après on essaye de nouvelles choses, tu vois des arrangements, des versions des titres qui ont quasiment jamais été joués. Effectivement sur la compil’ on a fait ce clip Plus C’est Con Plus C’est Bon qui est complètement un inédit, un texte écrit pour l’occasion, qui revient un petit peu sur le parcours. Et idem pour Si Jamais T’Avoues qui était sur le dernier album et qui était une version guitare/voix et là on a fait vraiment une version très orchestrée et cuivres assez funky… et après dans les cartons il y a quelques titres qui pourraient tourner quoi, mais il faudrait qu’on prenne le temps…

LFB : J’ai une dernière question. Est-ce que tu as des coups de cœurs récents que tu voudrais partager avec nous ?

F : J’en ai pleins. Disons que dans le rock actuellement j’ai bien tripé sur un groupe qui s’appelle Black Midi. Vraiment je trouvais ça assez bluffant quoi. J’ai beaucoup aimé bah évidemment King Guizzard and the Lizard Wizard que j’avais vu à l’Aéro puis je connaissais depuis un petit moment j’ai adoré. Et puis leurs copains australiens qui s’appellent Tropical Fuck Storm ça me plait vraiment bien aussi ça. Après plus ça va plus je suis un grand dingue de world music donc du coup j’écoute beaucoup de musiques latines. Il y a un label qui a ré-édite pas mal de bossa qui s’appelle Soul Jazz Record. Les compil’ de ce label me bluffent à chaque fois, ça j’adore. Et alors maintenant ici en France plein de choses quoi, qu’est-ce que j’ai adoré ? Sur scène là j’ai adoré Kokomo ! J’étais assez bluffé par ces deux gars, j’ai trouvé ça vraiment cool. Après je vais me répéter mais j’aimerais bien voir Loïc Antoine aux Victoires de la Musique (rires) vraiment quoi parce que pour le peu en terme de sens et de propos ça ça me parle vraiment. Je l’ai réécouté hier Loïc et j’étais fort ému, bouleversé encore de ce qu’il envoie…
C’est toujours la question piège parce que je ne l’a prépare pas donc on sait qu’elle viendra toujours et du coup en sortant je me dis « merde, j’ai pas dit lui, j’ai pas dit elle » enfin bref, c’est un petit peu compliqué mais bon globalement voilà. Et puis je continue à acheter pleins de disques. Ouais si évidemment le David Byrne, American Utopia, l’ex-leader des Talking Heads, c’est vraiment un des artistes que je préfère au monde quoi c’est vraiment impensable. Après dans les trucs un peu plus vieux il y a C.W. Stoneking que je trouvais vraiment cool. Il y a des disques que je ressors comme ça. Tu vois j’ai réécouté PJ Harvey par exemple etc…