Une conversation avec Ibrahim Maalouf

Pour ses 40 bougies, le trompettiste Ibrahim Maalouf nous avait concocté en novembre dernier une compilation de 40 mélodies, revisitées par ses soins avec de nombreux invités. À l’occasion de la sortie du clip de All Around The Wall, titre issu de ce dernier album, nous avons rencontré le musicien. Un clip réalisé par le jeune réalisateur Abel Danan, qui nous propulse par delà les frontières, en plein coeur du Japon.

Ibrahim Maalouf © Yann Orhan

La Face B : Comment ça va ?

Ibrahim Maalouf : Ben ça va, un peu compliqué mais ça va. J’ai traversé pire. C’est vrai que c’est difficile en ce moment, parce qu’on a envie d’être sur scène quoi.

LFB : Avant de parler du clip de All Around The Wall, on va revenir sur votre album 40 mélodies, sorti en novembre dernier, au cas où certains sont passés à côté de ce projet. Est-ce qu’on peut parler un peu de cet opus et de sa genèse ?

IM : L’album 40 melodies c’est un album qui résume tout plein d’années de vie, musicales, et pleins d’albums, musiques de films … J’ai eu envie de faire un album pour célèbrer mes 40 ans. Faire un album festif, pas forcément au niveau du son, mais festif pour moi. C’est à dire qui célèbre vraiment quelque chose de cool et de sympa. Et j’ai eu l’idée avec François Delporte, le guitariste qui est avec moi sur cet album et qui m’accompagne depuis plus de 10 ans. J’ai eu l’idée de reprendre plein de musiques de mélodies, de mes différents albums, de musiques de films …. Et d’en faire un album beaucoup plus intime, bien plus intimiste.

LFB : On retrouve de nombreux instruments dans cet album, mais la guitare reste votre compagnon principal, en plus de la trompette bien sûr. Pourquoi cet instrument en particulier ?

IM : La guitare c’est quand même un instrument assez complet; il peut être rythmique, mélodique etc… un peu comme un piano. Donc c’est assez agréable d’être accompagné par la guitare. Et puis aussi parce que c’est François, et que j’aime beaucoup ce musicien. Donc voilà, c’est aussi l’aspect humain qui pousse vers ça. Fêter ses 40 ans, on a envie de le faire avec ses amis aussi. J’avais envie que ce soit un ami qui m’accompagne. 

LFB : On retrouve énormément d’invités tous très différents, de différents pays, jouant divers styles musicaux… Est-ce qu’il y avait une volonté de montrer toute la diversité musicale qu’il existe dans le monde ?

IM : Ouais en fait, j’avais envie de fêter ça avec des personnes que j’apprécie. Sur des musiques que soit les gens connaissent un peu, soit qu’ils ne connaissent pas forcément, que je puisse leur faire découvrir. J’avais envie que ce soit un album assez innovant, assez jeune dans l’esprit. Et puis en même temps qu’il ait quelque chose d’assez intemporel. Et j’avoue que l’idée de ce duo trompette / guitare a un peu quelque chose hors du temps. Il y a quelque chose de très serein. C’est pas du tout à la mode, c’est pas attendu de ma part, et en même temps c’est pas le truc nouveau, révolutionnaire. Il y a un côté presque baroque à cette aventure. Les musiciens, artistes invités sont tous des gens que j’aime beaucoup, que j’apprécie énormément musicalement et humainement. Pour certains, c’est des personnes que les gens ne connaissent pas beaucoup, et pour d’autres, des artistes que tout le monde connait. C’est un album qui est assez complet par rapport à ce que j’essaye de faire depuis quelques années. Il résume bien mon travail depuis le début jusqu’à aujourd’hui. Et puis le fait de reprendre les mélodies c’est quelque chose de très symbolique aussi. La mélodie c’est quelque chose qui reste, qui ne peut pas être transformée, ni trahie. La mélodie c’est la mélodie, il n’y a rien à faire. Comme moi mon travail a toujours tourné autour de la notion de mélodie, c’était l’occasion de le faire encore plus de cette manière.

LFB : On va maintenant parler du clip All Around the wall. Clip réalisé par le jeune Abel Danan sous forme de court-métrage, qui nous plonge dans la culture nippone à travers une histoire. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu ce que raconte ce clip ?

IM : C’est un petit film, un court métrage sur l’histoire d’un homme qui demande .. une sorte d’hommage à la résilience. C’est à la fois un film qui parle de transmission, de la nouvelle génération, de ce qu’on lègue à nos enfants. Il parle de la notion de résilience, comment on se reconstruit. Si je peux résumer, je dirais ça.

LFB : Un sujet qu’on peut retrouver un peu partout dans le monde. Pourquoi avoir choisi le Japon pour représenter ce morceau ?

IM : Pour la même raison que ce que vous venez de dire. C’est un sujet qu’on peut retrouver un peu partout dans le monde. Parfois, on a un peu l’impression que les problèmes qu’on a, la vie qu’on a, les choses qu’on doit régler au quotidien, que c’est un peu nos problèmes de tous les jours. Or c’est international, c’est universel. Il s’agit de problèmes universels. Le fait de le faire au Japon, ça permet de montrer que même de l’autre côté de la planète, les histoires et les problèmes sont les mêmes, malgré une culture différente.

LFB : On imagine que le choix thématique de la famille, de cette transmission avec les enfants n’a pas été choisi au hasard. Est-ce que le morceau All Around The Wall vous inspire cette relation de famille et d’héritage ?

IM : Oui, mais All Around The Wall ça parle surtout de cette notion de résilience. Ça parle de cette nécessité de toujours contourner pour régler les problèmes. De parfois accepter de ne pas toujours avoir des réponses à tout. Et qu’il faut parfois laisser le temps faire son travail. C’est un peu de ça que parle ce titre. C’est en ça que la musique et ce que raconte ce film se rejoignent.

LFB : Pourquoi vous êtes vous tourné vers Abel Danan ? Comment avez-vous connu ce jeune artiste ?

IM : C’est des rencontres inopinées, des rencontres par contact. On m’a présenté un peu son travail, j’ai trouvé ça génial. Je trouvais que ça collait parfaitement avec le sujet de cette musique. Ça racontait exactement ce que je voulais raconter.

LFB : Un coup de coeur immédiat.

IM : Oui c’est ça.

LFB : Pour cet album, il y avait de nombreuses dates prévues au Théâtre de l’Oeuvre pour début février. En terme d’organisation c’est pas trop compliqué, vous vous en sortez ?

IM : Non ce n’est pas compliqué, mais c’est juste qu’il y a rien (rires). C’est plutôt ça le problème, c’est qu’il se passe pas grand chose. C’est un peu triste. Mais bon c’est pas plus compliqué, on est obligé d’attendre.

LFB : Dans tous les cas il y a une grosse date à Bercy prévue en décembre.

IM :  Ouais, dans un peu moins d’un an maintenant. On sera en effet à Bercy. Et ça va être chouette.

LFB : À quoi on peut s’attendre par rapport au Bercy de 2016, qui était déjà assez dingue comme spectacle ?

IM : Ouais c’était génial hein, c’était fou. Ce qu’on peut attendre… je sais pas (rires). Je pense qu’on va faire un concert complètement dingue, comme j’aime bien faire d’habitude. Avec pleins de surprises. Une vraie aventure, une vraie expérience comme je les aime, assez unique.

LFB : Et suite à cette tournée quelle est la suite ? Vous disiez arrêter la trompette à vos 40 ans. Est-ce qu’on arrive à la fin de cette relation ?

IM : En fait, j’arrivais un peu progressivement vers la fin de cette relation comme vous dites. Et puis, il s’est passé un truc pas très chouette. J’ai dû par la force des choses faire une sorte de mini pause, alors que j’avais pleins pleins de projets que j’avais envie de faire pour conclure cette belle aventure. Pleins de supers projets que j’avais, et que j’ai du mettre en stand-by pendant quelque temps, 3-4 ans. Du coup, j’ai fini par reporter l’écheance. Donc je vais continuer encore un tout petit peu. Des choses que j’avais envie de faire pendant tout ce temps. C’est une aventure qui se prolonge encore un petit peu avant que j’arrête.

LFB : Enfin dernière question, est-ce que vous avez des découvertes musicales pour ce début d’année 2021 à partager ?

IM : Il n’y a pas grand chose que j’écoute en ce moment, je suis pas mal concentré sur les créations en studio. Et quand je suis en période de studio, j’écoute peu de choses. Mais sinon, je vais en donner un nom : Thaïs Lona. Une artiste soul rnb que je produis, super fraîche et intéressante à suivre.

LFB : C’est noté. Merci pour ce petit temps !

IM : Merci, à bientôt ! Bonne continuation !