Une conversation avec Fyrs

Pour la sortie de son premier EP Lost Healing, on avait pris le temps de discuter un peu avec Tristan Gouret aka FYRS. On le retrouvait au Festival FrancOFF à la Rochelle samedi dernier, une belle occasion de vous partager notre échange avec ce jeune artiste, tout aussi touchant que talentueux.

© Maxime Gouret

LFB : Comment ça va ? 

FYRS :  Ça va bien, ça va très bien. Le contexte est un peu spécial, mais avec la sortie de l’EP, et les autres sorties de contenus à présenter, ça va je suis assez occupé. Donc j’ai de l’occupation pendant cette période qui n’est pas simple pour tout le monde. Je crois que je m’en sors plutôt bien.

LFB : Justement en cette période, c’est quoi ton ressenti de lancer un projet dans les circonstances actuelles ?

FYRS : Alors c’était une longue question, est-ce que ça vaut le coup de le sortir maintenant, entre les deux confinements, sans concert ? Est-ce que c’était vraiment le meilleur moment ? Et en fait je pense que oui, parce que c’est dur de repousser quelque chose que tu as déjà terminé depuis un bout de temps. Et pour le moment ça va, pour un projet qui est nouveau, émergent, que personne ne connaît il y a des bons retours. Je suis assez satisfait pour l’instant des réponses autour de l’EP. Pour le moment ça va dans ce sens là. Après j’ai vraiment hâte que les concerts puissent reprendre, pour pouvoir le défendre. Pour une musique en anglais, je pense que l’action principale, c’est le concert pour pouvoir le défendre, surtout en France. Donc pour l’instant je suis satisfait de l’avoir sorti, et j’espère que ça va continuer, et que je vais continuer à avoir d’autres retours dessus. 

LFB : Du coup on va parler un peu plus de cet EP, un opus assez profond, est-ce que tu peux nous en parler un peu ?

FYRS : Il y a pas mal de choses à dire dessus, je vais essayer de bien tout résumer. Je dirais que globalement l’EP traite de l’étape du deuil, qui a eu lieu il y a maintenant trois ans. Une étape qui a été très importante pour moi, qui est arrivé à un moment de changement, qui a créé du changement aussi. Et je voulais traiter de ça dans ce premier chapitre, j’aime bien voir ça comme un premier chapitre de ma vie. Résumer d’abord un EP, et plus tard un album, parce que je pense que j’ai encore d’autres choses à dire, il y a d’autres étapes liées à ce deuil là qui sortiront plus tard et qui seront dans l’album. Mais en tout cas dans ce premier EP, je voulais commencer à traiter de ce sujet là. Je parle un peu des étapes du deuil qui sont l’avant, l’après, le pendant, avec mes différents ressentis par rapport à cette étape là. Il y a forcément parfois la dépression, des contradictions de sentiments qui arrivent plus tard, le choc qui arrive bien avant, au moment où ça se passe. Il y a eu tout le pendant, puisque que ça été sur une durée, ça n’a pas été brutal, il y avait une maladie, donc il y avait différentes étapes avant. Peut être une souffrance qui s’est imposée pendant quelques semaines pour arriver à ce point final là. Et puis aussi parler de ce sujet là avec mon regard un peu naïf, de jeune, encore enfant. Puisqu’au final on s’est censé être adulte, mais c’est un long chemin. C’est dur de dire qu’on se sent adulte. Par exemple, j’ai 23 ans, et je ne me sens pas encore entièrement adulte, je pense que j’ai beaucoup de choses à vivre pour me sentir sage où je ne sais quoi. Mais en tout cas c’est arrivé à un moment où c’était nouveau, je n’avais jamais expérimenté ça, je ne savais pas trop comment réagir. Et donc j’avais besoin je pense de l’extérioriser. C’est une sorte de première thérapie on va dire sur ce sujet. Après il y a des choses un peu fictives, des choses très introspectives… Mais je pense qu’il y des sujets fictifs où je me cache un peu derrière pour raconter certaines choses. Peut-être parce qu’à ce moment-là quand je les ai écrit, ces morceaux là je ne les assumais pas encore, où j’en avais encore un peu honte, où que je ne trouvais pas forcément les mots. Donc je dirai que c’est autour du deuil, deuil de ma grand mère.

LFB : Tu as utilisé le mot thérapie, ça laisse effectivement sous-entendre que tu as vraiment un lien très particulier avec cet EP, au-delà de la création musicale.

FYRS : Oui complètement. C’est assez marrant, parce que j’ai l’impression d’avoir deux personnes. Il y a la personne que je suis dans la vie de tous les jours, et cette facette artiste que je dois un peu mettre un peu avant, qui est forcément un peu différente, mais liée aussi à la personne que je suis tous les jours. Il y a cette stature entre guillemets d’artiste, et en même temps des sujets très personnels en fait. Et en fait pour moi, je pense que je ne me voyais pas écrire des chansons inventées sur des sujets complètement de ce que je peux vivre tous les jours. Je pense que c’est ce qui me motive en tout cas à écrire. Et en même temps ce n’est pas révolutionnaire, dans le sens où tout le monde le fait je crois, d’une manière ou d’une autre tout le monde écrit un peu sur ce qu’il vit. Mais en tout cas moi, c’est ce qui me motivait. Même si parfois je ne trouve pas les mots dans les paroles ou ces choses là, j’ai l’impression de pouvoir les retranscrire en musique. Et si ce n’est pas une phrase très claire, ce sera dans une émotion retranscrite en musique.

LFB : FYRS ce n’est pas juste un alter ego “pansement” du coup.

FYRS : Non je ne pense pas, j’aime bien l’idée de travailler quelque chose de visuel, qui est différent de moi et en même temps qui me ressemble. Parce que je pense que tout a une signification. Que je choississe de me mettre en blanc, les fleurs ect… il y a le souhait de faire écho à qui je suis. Mais après voilà, c’est sûr qu’être artiste, pour moi, c’est différent de quand je suis aujourd’hui dans mon appartement, pendant une interview, j’ai une posture à prendre, je traite de sujets que j’amène d’une certaine manière. Je vais parler de choses qui sont privées, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. C’est tout le jeu de réussir à raconter quelque chose de personnel, et de réussir à trouver les limites dans ces sujets qui sont très privés, et de ne pas aller trop loin.

LFB : Justement au delà de cette introspection, est ce que tu vois cet opus comme quelque chose pour autrui ? Une sorte de conseil pour les personnes qui vivent le même type de schéma ?

FYRS : Je pense que oui, parce qu’on est tous pareil. Quand quelque chose ne va pas dans nos vies, soit on va regarder un film qui va nous faire ressortir certaines émotions, et moi je pense que je le fais avec la musique. Quand ça ne va pas, et que des choses sont un peu dur à vivre, je vais écouter des artistes qui font une musique très mélancolique et qui vont me faire ressortir des émotions. Et je pense que oui, qu’il y avait ce but là aussi, mais inconscient. Je pense que c’est d’abord d’extérioriser quelque chose, et ensuite c’était une belle surprise autour de moi, de voir des gens hors du cercle familial réagir. Je pense au batteur avec qui je travaille, qui lui sans le savoir avait vécu la même chose. Et quand il m’a demandé ce que j’essayais de raconter dans mes histoires, il s’est senti très relié à ces dernières. Et en fait c’est encore mieux. Si ça peut parler à des gens, des fois ça aide juste à avoir un sentiment. Même si ce n’est pas une phrase qui va résoudre quelque chose, même juste ressentir que quelqu’un d’autre vit la même chose, ça a déjà des bénéfices en fait. Et moi je suis hyper content que ça parle aux gens, et si ça peut aider juste à se sentir mieux à savoir qu’on n’est pas seul, ben tant mieux, c’est trop cool.

LFB : Ce sera la phrase clé de l’interview.

FYRS : (Rires) Oui c’est ça, “c’est carrément super, c’est trop cool” !

LFB : Tu es parti une année à Bristol, qu’est ce que ça t’a apporté selon toi cette année de césure ?

FYRS : Alors je suis parti avant de me lancer dans ce projet là. Avant j’avais un projet, je jouais dans un groupe de lycée. Il y avait, je pense, un peu le souhait d’en faire une chose un peu plus poussée. Et en fait très vite, humainement ça ne passait plus vraiment parce qu’on était plus dans les mêmes directions, et moi je ressentais une grosse frustration de ne pas réussir à retranscrire la musique que je voyais. Je parle plus de la musique, parce que j’écrivais déjà les paroles, donc j’essayais d’écrire les paroles à ce moment-là. Je dis bien “j’essayais » parce que je n’avais pas le niveau que j’ai acquis en revenant. Et en fait, cette première expérience de groupe a été un peu dure, dans le sens où c’était un peu une déception. Et j’avais vraiment besoin de couper, et j’étais un peu dégouté de faire de la musique. Et puis je me suis retrouvé tout seul, je crois que j’ai eu des étapes pour grandir. Le fait de se retrouver dans un pays où ce n’est pas sa langue, de se retrouver dans une famille étrangère, avec des étudiants d’autres pays …etc… je pense que ça m’a aussi ouvert l’esprit sur pas mal de choses. Et puis c’est surtout que j’ai vraiment pris le temps d’aller voir toutes mes influences en concert, c’est -à -dire que dans l’année où j’y étais, je suis allé voir peut être 6-7 concerts, dont des trucs que je ne connaissais pas. Des choses qui m’ont complètement influencées. Par exemple, je suis allé voir Block Party, qui était un groupe que j’écoutais depuis des années, dont j’étais super fan parce que je jouais au jeu Ssx de snowboard de playstation 2, et c’était drôle de les voir enfin. Il y en a vraiment eu plein ! Il y a un artiste américain que j’ai découvert là-bas qui s’appelle Youth Lagoon, je ne sais pas si vous le connaissez. Mais qui est un artiste qui s’est arrêté depuis un an, mais reste très réputé dans l’indé américaine. Et vraiment je pense que ça m’a permis de cibler la musique que j’avais envie de réaliser. D’avoir un oeil plus précis sur ce que j’aimais. Et d’être vraiment dans le pays qui produit mes influences, je pense qu’il y a eu une énorme source de motivation. Et en fait en revenant, j’ai tout de suite eu l’envie de me lancer plus sérieusement dans ça. Dans un projet, qui allait me ressembler plus solo, pas en groupe. J’allais vraiment pouvoir travailler, même si ça allait me prendre plus de temps, la musique et les paroles. Et puis aussi ça m’a apporté un niveau d’anglais bien supérieur à celui en sortant du lycée. Malheureusement en France c’est compliqué, on a des niveau de langues qui sont assez limité. Ça n’avait rien à voir quand j’en suis sorti. Le fait d’être aller ailleurs, dans le pays, ça va beaucoup plus vite. Et puis ça va beaucoup plus vite, on apprend des mots de tous les jours, donc ça aide aussi pour écrire ensuite derrière. Donc je pense que je me suis inspiré de toutes ces choses là que j’ai pu apprendre, et aussi découvrir, et en même temps j’ai pu grandir en tant que jeune adulte, puisque je venais d’avoir 18 ans.

LFB : Tu parles un peu d’un côté innocent et naïf dans ton album, et en même temps je trouve qu’il y a une certaine maturité qui se dégage, du fait des thématiques et même la manière dont tu poses la musique. J’ai un peu l’impression que Bristol était une sorte de rite, où tu as pu prendre du recul sur les choses ?

FYRS : En fait, c’est vraiment deux étapes différentes. Parce que le décès est arrivé un an après, dans l’année qui suivait, donc ça n’avait pas de lien avec ce voyage. Je pense que Bristol a vraiment été l’endroit d’influences qui m’a donné la motivation pour lancer ce projet. Et ensuite le sujet est arrivé plus tard avec cette étape là, et ça a vraiment défini quelque chose dans mes récits. Mais oui, je pense que ça a joué un rôle. Et puis c’est surtout qu’à cet âge là, à 18 ans, on a envie d’aller dans tous les sens, parce qu’on découvre plein de choses, on est encore dans une sorte de puberté. Et je pense que de retour à Nantes, je me suis rendu compte que toutes les musiques que j’avais écouté là-bas avaient un lien au final . Et ça m’a permis de prendre du recul, et de me dire “c’est cette musique là que j’aime, et que j’ai envie de réaliser”. Et l’EP est un peu encore entre les deux. Je pense qu’on sent qu’il y a encore une naïveté dans la production, où j’ai envie de mettre pleins de choses, pleins d’instruments. Et en même temps j’ai envie de poser les choses. Mais je suis en contradiction en fait, je pense que je suis à cette étape là, où je sens que je me pose dans mes goûts aussi, et que l’excitation de la puberté et de la jeunesse se calme. Et j’ai vraiment envie de me diriger vers des musiques que j’écoutais moins, vers des choses encore plus folk. D’encore plus poser les choses. Par exemple, avant de commencer l’EP, tout ce qui était le jeu de ballet au niveau de la batterie,  qui donne quelque chose de beaucoup plus posé, de la nuance, qui vient asseoir un peu la musique, l’idée est vraiment venue à la dernière minute.  En écoutant les références que je donnais au producteur et réalisateur, je me suis dis “mais c’est ça que je veux, c’est venir poser ce truc là”. Et en plus, comme tu l’as dis et ça, ça me fait vraiment plaisir, tu ressens de la maturité et les mots que j’utilisais c’était “je veux que ce son de batterie sonne parfoi un peu jazz, même si j’en écoute pas, mais viennent ramener quelque chose de plus posé quoi”. Et donc je suis hyper content que ce soit ce que tu ressens quand tu l’écoute.

LFB : C’est vrai qu’au niveau du style musical on sent que tu parles sur d’autres ambiances. Par exemple pour Out of Sight, qui a des sonorités un peu plus orientales, et même au niveau de la thématique qui se dégage des autres morceaux. Est-ce que tu peux nous en parler un peu. 

FYRS : Pour moi c’est pour ça que je disais au début de l’interview qu’il y avait des histoires fictives. Le souhait global c’était de parler du deuil, mais au final je ne parle pas que de ça. Out of Sight c’est le morceau qui est vraiment arrivé vers la fin. Je pense que je n’étais plus du tout dans ce truc du deuil, et je crois que j’avais besoin de penser à autre chose, quelque chose de différent. Et en fait ma copine m’avait passé un livre de Paulo Coelho qui parlait de Mata Hari. Un livre qui m’avait pas mal touché et que j’avais beaucoup aimé, parce que j’avais l’impression de voyager et que l’histoire était intéressante. Et en fait Mata Hari était une espionne, je n’ai pas envie de dire de bêtises, mais c’est je crois que c’était pendant l’une des deux guerres… peut être la première si je ne me trompe pas, ou la deuxième, bref en gros c’est une espionne (rires). C’est pour ça que je m’en inspire mais j’en parle pas réellement, parce que je ne pense pas être assez calé sur son histoire. Mais j’aimais cette idée d’une femme forte, espionne, qui vit dans un monde mené par les hommes. C’est ça pour moi qui fait référence à la guerre.  C’était une guerre d’homme, de pouvoir et de pays, et j’aimais l’idée de raconter l’histoire de cette femme qui se retrouve espionne, qui se fait un peu manipuler par les hommes mais qui arrive à s’en sortir. Je voulais partir dans cette histoire, je voulais que la musique sonne orientale, du coup ça fonctionne c’est cool. Je trouvais que c’était un peu la limite de ce que je pouvais écouter. Dans le sens où c’est l’une des limites de musique que je pourrais faire. Je pense que j’ai été inspiré par Altın Gün, que j’écoutais un peu, qui pour le coup a vraiment des riffs de guitares qui sonnent très orientales. Et j’aimais bien l’idée de mixer ces deux choses là. Sachant qu’en plus, Mata Hari fait de la danse indienne, au final c’est un peu des fausses références à des cultures. C’est pas vraiment oriental, c’est un mix de plein de choses. Et je trouvais ça intéressant de mélanger toutes ces choses là, et arriver à en faire une histoire fictive, différente. Je ne raconte pas grand chose d’introspectif. Le morceau tourne autour de ce personnage là. Et j’aimais bien l’idée qu’il y ait une sorte de fin mystique. Je dis dans la dernière phrase en gros que la rumeur dit qu’elle ne serait pas morte, que ça n’a été qu’un complot que des gens auraient vu son ombre etc… J’aimais vraiment l’idée d’avoir un morceau avec une histoire un peu inventée, mystique. C’est un peu mal expliqué dans le sens où il y a plein de choses. Mais c’est vraiment inspiré de Mata Hari, je ne voulais pas raconter son histoire. Je voulais parler d’une femme forte. Peut-être qu’au final je voulais parler de ma grand-mère. Je ne sais pas, on pourrait y voir ça, moi je ne pense pas mais ça peut faire écho.

LFB : Tu parlais de vouloir te tourner vers des styles un peu jazz aussi, tu as d’autres styles musicaux comme ça que tu aimerais essayer ?

FYRS : Je ne sais pas trop. J’aimais bien l’idée de mettre par exemple une sorte de valse avec du 3 temps, qui vient vraiment appuyer un style. No One Would Mind It, ça l’est par exemple, et ça vient complètement changer. C’est un morceau qui vient faire une pause, les accords joués au piano sonnent très jazz finalement. Je parlais de la folk tout à l’heure, et je pense que c’est une musique qui m’inspire beaucoup, et qui au tout début m’a inspiré quand j’ai commencé à faire de la guitare. Après je suis parti dans autres choses avec des groupes anglais comme Foals, Two Doors Cinema Club, des groupes joués avec des musiques bien plus énergiques. Mais non c’est un peu un incident, un incident heureux Out of Sight, parce qu’il est vraiment différent. Mais il y a un lien entre ces quatre morceaux. Mais j’aime bien jouer avec ce truc là, parfois c’est pas vraiment un style défini, mais plus aller chercher des inspirations dans d’autres musiques. Mais je ne pourrais pas dire que j’ai envie de m’inspirer du jazz, de world music, de choses comme ça. Je ne sais pas trop. C’est vraiment là où ça m’emmène, et essayer de trouver un lien, ne pas faire quelque chose de complètement décousu.

LFB : L’année dernière en janvier 2020, tu étais aux Inouis du Printemsp de Bourges, quel regard portes-tu sur ton parcours depuis ? 

FYRS : C’est une étape qui a été assez importante quand même, et qui a chamboulé pas mal de choses. C’est à dire que j’ai vraiment eu des choix à faire concernant le projet. Ça m’a permis de trouver des professionnels avec qui j’allais avoir envie de travailler, des partenaires avec qui j’aime travailler. Je pense à mes tourneuses par exemple, avec qui j’ai commencé à travailler avant d’aller à Bourges pour la sélection nationale. Ça m’a permis pas mal de trucs, de me poser, faire les bons choix. Parce qu’il y avait des choses qui n’étaient pas forcément claires parfois sur la définition du projet. Je parlais de cette problématique de groupe, c’est une problématique que j’avais encore. Dans le sens où s’appeler FYRS c’est pas très claire en France, dans le sens où on pense directement groupe. Moi je pensais plus à des projets comme Apparat ou Sun, qui sont des artistes solo, mais qui ont des noms qui sortent un peu de l’ordinaire. Ça n’était pas forcément clair. Et en même temps il y avait le live qui était proposé, qui emmenait dans une direction qui n’était pas celle du projet solo. Je travaillais avec une claviériste qui avait vraiment son truc très personnel, et au final qui emmenait vers un duo de voix. Et j’ai dû faire un choix entre continuer avec ce duo de voix qui était très marqué, ou vraiment garder ce qui pour moi faisait l’essence du projet, et de ce qui me motivait réellement, c’est à dire pouvoir aller où je veux sans avoir de contrainte. Et à ce moment-là, l’idée du duo ne m’emmenait pas forcément dans la direction souhaitée. Donc j’ai eu vraiment un choix à faire, qui au final a été bénéfique pour tous. Ça a permis aussi à la claviériste chanteuse de lancer son projet. Et en fait vraiment, il y a eu ce changement qui a été important. Et puis là avec tout le confinement il y a eu l’EP créé. Donc remaniement aussi de la production, de la création, là où parfois j’avais intégré cette chanteuse, il fallait reprendre la direction et se dire “ok, on change de choix, maintenant on part vraiment sur ce projet solo, et le faire comprendre au maximum”. Parce que c’est ce qui me fait vibrer et m’inspire beaucoup. Donc globalement ça a été autour de ça, mieux cibler le projet, et lancer avec l’EP ce nouveau départ. Au final il s’est passé une année, c’est un peu comme un cycle, on était arrivé au bout. J’ai essayé de faire le bilan, de savoir comment je me sentais aussi, parce qu’au final ça a beaucoup joué. Comment je me sentais moi en tant qu’humain dans ce projet, et comment je vais me sentir dans le futur si je prends telle ou telle direction. Et ça a été important, parce que c’est une étape après les Inouïs qui m’a un peu chamboulée, parce que je travaillais avec des gens qui étaient habitués à cette formation-là. Donc c’était réussir à assumer ce choix, et montrer que c’était la bonne chose à faire, et qu’il en reste encore beaucoup à faire. Ça a été une étape bilan depuis, et là c’est le nouveau départ avec cet EP.

LFB : La dernière étape récente c’était au Stereolux avec tes musiciens. Ça fait quel effet de remonter sur scène ?

FYRS : Et ben c’était hyper chouette. Déjà c’était la première fois que je présentais cette formation là, il y a eu toute cette étape de retravailler un live. C’était un autre propos à défendre, et un peu le lancement aussi de cette nouvelle étape. Ce qui est assez rigolo, c’est qu’avant le confinement ça a été la dernière date le Stereolux, on a joué en première partie de Voyou, et on a fait deux soirs comme ça. C’était super de pouvoir revenir à un endroit où on avait terminé la mini tournée on va dire. Mais en tout cas ça fait vachement de bien. C’était assez étrange, je pense qu’on sent qu’on prend beaucoup de plaisir mais que ça fait longtemps qu’on a pas joué. Et c’est ça qui est assez spécial, c’est de jouer après un long moment sans avoir de répétitions. Même si on en a eu quelques-unes, ça reste quand même tôt avec une nouvelle formation. Mais l’idée était vraiment de pouvoir au moins retranscrire une atmosphère en live. C’était super bien de pouvoir rejouer, que j’aime beaucoup en plus. J’étais ravi.

LFB : Pour rester avec la scène et le live, j’ai remarqué que tu avais un truc avec les fleurs qui sont très présentes. C’est quoi ton rapport avec elles ?

FYRS : Alors les dernières fleurs que j’ai sur le live, et sur les visuels… ben si je crois qu’elles ont un sens. Déjà c’est des fausses fleurs, parce que c’est compliqué d’en trouver à chaque fois, à chaque date d’aller en chercher des nouvelles. Ouais elles ont un rôle important, parce qu’elles ont chacune une définition, et un sens. Il y a la chrysanthème qui est blanche et qui rappelle le deuil, il y a la rose qui rappelle l’amour. Et en fait globalement il y a ces deux fleurs qui sont mélangées dans un bouquet. Et pour moi elle représente ces choses là, je voulais que dans les visuels il y ait ce sens. Et du coup c’est retranscrit dans les fleurs. Pour que les gens qui cherchent, peuvent trouver je pense. Après ce n’est pas le truc qu’on voit le plus facilement. Je pense qu’elles retranscrivent aussi quelque chose, de cette temporalité que j’ai essayé d’expliquer tout à l’heure. Toute cette idée de naissance, de la fleur qui fleurit et finit par mourir. Je trouve que ça retranscrit bien le sentiment du deuil et ces étapes-là. Elles ont un rôle aussi un peu descriptif du sujet.

LFB : Et là que tu me parles du blanc, que ce soit sur tes visuels, ton clip en noir et blanc ou même toi sur scène où tu performes toujours en blanc, il y a également un choix visuel qui se dégage. Pourquoi ?

FYRS : Alors, je pense que c’est vraiment parce que tout simplement j’adore les photos en noir et blanc. Encore une fois, il y a l’idée de temporalité dans une vie. Le noir et blanc c’est lié à quelque chose d’ancien. On a tous vu des vieilles photos de nos grands parents en noir et blanc, ou un peu jauni. Et j’aime beaucoup l’idée de présenter quelque chose entre l’ancien et le nouveau, et ça passe par ce choix de noir et blanc. Même si derrière dans le visuel j’essaye d’être habitué peut être de manière plus “moderne”. Même si je ne sais pas si c’est vraiment. Ce ne sont pas des photos très analogiques. Il y a cette idée d’avoir ce truc de l’ancien et du nouveau. Parce que j’aime les photos en noir et blanc, mon frère en fait beaucoup. Et puis je n’ai pas grandi dans mes références photographiques avec beaucoup de visuels en couleurs. Souvent les visuels qui m’ont marqués sont des visuels en noir et blanc. Je pense à Victor Solf dans Her.  Alors au début, il y avait une petite comparaison qui était faite, pendant les sélections des Inouïs, j’avais eu pas mal de retour comme quoi même sur scène je dégageais quelque chose de proche de Her.

LFB : C’est plutôt un bon compliment.

FYRS :  Ouais carrément, c’était trop cool, en plus j’adore leur musique. Mais pour le coup je voulais un peu m’en détacher. Là où j’étais dans quelque chose de très sombre au début, où c’était des photos très noires. Et là je voyais quelque chose de plus lumineux. Et ça fait le lien avec l’EP qui est plus blanc que noir. J’aime beaucoup l’idée que les photos soient plus lumineuses. Mais voilà, je pense que le noir et blanc est lié à un goût, et ce petit côté descriptitf de l’ancien et du nouveau.

LFB : C’est vraiment un retour en enfance. Tu parlais de tes photos de famille, on est toujours sur une introspection sur toi et ce qui t’entoure.

FYRS : Complètement, et en même temps il y a encore ce truc de fiction. Dans le clip The Swirl Of Love, je mets en scène ma partenaire avec moi. Donc je suis aussi dans la vidéo parce que je parle de ce sujet, de la renaissance de l’amour etc… Et en même temps je ne voulais pas que ce soit trop personnel. Dans le sens où je n’avais pas envie qu’on mette trop de vie à nous. L’appartement est vide au final, on a mis quelques objets mais il n’y a pas grand chose. Et je voulais vraiment plus parler de ce sentiment, d’avoir l’impression de connaître la personne avec qui on vit et avec qui on est amoureux depuis l’enfance. Et ce sentiment je voulais le retranscrire par une histoire un peu fictive, comme si deux enfants s’étaient fréquentés depuis la tendre enfance, et en grandissant avaient compris que c’était plus de l’amitié, qui seraient tombés amoureux et auraient vécu toute leur vie. Et ça fait aussi un lien avec ce que ma grand-mère a pu vivre avec mon grand-père. Au final au bilan de sa vie, elle a vécu la plus grande partie de sa vie avec lui. Il y a un peu ce truc là que je voulais retranscrire avec ces deux enfants.  On a essayé de trouver des enfants qui nous ressemblent un minimum, je ne sais pas si les gens l’ont forcément compris.

LFB : Comment se passe un casting d’enfant ?

FYRS : En fait c’était des gens qu’on connaissait. Mes parents sont du Morbihan, à côté de La Roche-Bernard pour ceux qui connaissent. J’ai grandi là où ils vivent. Et en gros il y a beaucoup de parents, beaucoup de personnes qu’on connaît là-bas plus qu’à Nantes. Et forcément pour un premier clip, l’idée c’était de trouver des gens dans notre cercle d’amis. Ça a été tourné chez mon grand-père, ça a aussi un lien; donc on tourne avec nos connaissances. Et c’était rigolo parce que moi je les connaissais  mais quand ils étaient tout petits. Je me suis dis “faut trouver un brun qui va me ressembler un peu”, mon père a contacté son meilleur ami, et je suis allé à la rencontre du petit avant. Je le connaissais un petit peu. Et la petite qui s’appelle Lucie comme ma copine, encore un petit lien même si c’était un gros hasard.  Et pour le coup c’est pareil, c’est un collègue de mon père qui savait que l’une des petites était blonde aux yeux bleus, et que ça pouvait fonctionner. Mais du coup c’est une étape rigolote, parce qu’il faut réussir à les convaincre, sans trop leur faire peur. Et l’idée c’était vraiment de leur dire que ça parle pas d’amour au départ, parce qu’il y aurait eu une gène, ou quelque chose comme ça. Quand tu es petit et qu’on te parle d’amour, il y a toujours une part de honte ou de dégoût. Et donc directement on leur a juste dit “vous allez jouer ensemble, il n’y aura pas de bisous », sinon ça aurait été impossible de les faire jouer dedans (rires). Mais ça s’est très bien passé, et puis ils ont été super. Moi c’était ma première expérience de clip, et pouvoir le faire avec des enfants c’était trop bien. Ils s’y sont mis à 100%, et vraiment sans aucune honte ou peur, nous ça nous a complètement boosté pour réussir à faire un truc à l’image.

LFB : Question toute simple, mais FYRS ça vient d’où ?

FYRS : Alors il y a plusieurs significations, et la principale c’est tout simplement parce que le premier morceau que j’ai écrit s’appelait Fears, c’est le premier morceau que j’ai écrit sur ma grand-mère, que je n’utilise pas mais qui au final aura servi pour le nom du projet. C’est un mot qui revenait beaucoup quand j’écrivais. Et à un moment je me suis dit “pourquoi ce ne serait pas juste ça ? “. Et après pour le côté visuel je me souvenais d’un morceau de Glass Animals dans le premier album qui s’appelait Wyrd au lieu de Weird, et au final ça donnait la même sonorité. Et je me suis dit « pourquoi ne pas faire la même chose? “. Donc ça vient de ces deux choses là, d’une mot Fears, des craintes et des peurs. Parce qu’on a des craintes pour tout, face à l’amour, à la mort, face aux amis, tous les jours dans notre quotidien. C’est un mot que je trouvais fort et qui avait un gros écho en moi.

LFB : Mais tu lui donnes une signification un peu plus optimiste par rapport au sens premier du mot. Vu que tu apportes une note d’espoir dans tes morceaux.  Ce qui est assez touchant finalement. Ça change le sens du mot Fears. 

FYRS : Oui oui oui, là il y a un peu cette peur naïve. Souvent je dis “naïf” mais dans le bon sens. Il faut qu’on est de la naïveté, si on était au courant de tout il n’y aurait plus de surprise. Du moins on a besoin de ça aussi pour comprendre certaines étapes. C’est cette naïveté qui nous permet aussi de se poser des questions et d’avancer en tant qu’humain je pense. Et en vrai je trouve que les craintes c’est un peu pareil, il faut qu’on ait des craintes face à certaines choses. C’est ce qui fait qu’on est vulnérable. Mais ça pourrait être un autre mot pour définir le projet, du moins ce que j’ai envie d’écrire. Mais c’est ce qui construit en tout cas chaque Homme, avec un grand H.

LFB : Ce sera peut-être ça la phrase clé de l’interview finalement.

FYRS : Peut-être (rires), j’essaye de trouver des phrases cools sans m’emmêler les pinceaux.

LFB : Dernière question et après je te laisse tranquille, est-ce que tu as des artistes musicaux de 2021, des découvertes à nous partager ?

FYRS : Ouais, ooh j’en ai plein. Et en même temps pas tant que ça, parce qu’il y a des choses que je réécoute cette année et que j’ai adoré il y a longtemps. Déjà je pense à un album qui m’inspire beaucoup cette année qui est le dernier album de Fleet Foxes qui s’appelle Shore, que je trouve très beau, et surtout le morceau Featherweight que je trouve vraiment super, un morceau très beau et léger, et en même temps mélancolique et lourd. Après j’ai redécouvert grâce à un ami, que j’avais déjà vu en concert, Kevin Morby. Avec un morceau qui s’appelle No Halo que je trouve super aussi, beaucoup plus folk pour le coup. Et puis, après qu’est ce que j’ai beaucoup écouté dernièrement ? Ah ben un morceau de Bicep que je trouve super, qui n’a rien à voir beaucoup plus électronique : Apricots. Un morceau que je trouve super, et que j’ai du mettre dans votre playlist d’ailleurs. Mais ça me fait très plaisir d’en reparler, parce que je les adore (rires). Et j’ai acheté un album de Grizzly Bear, je terminerai par ça. Avec l’album qui s’appelle Shields, et le dernier morceau qui s’appelle Sun in Your Eyes, que je trouve vraiment super bien, il est très puissannt et en même très doux. J’adore l’opposition de ces deux sentiments là. Et au final c’est quelque chose qui revient, parce que j’adore le côté léger, et à la fois mélancolique, doux, puissant… c’est des contradictions que j’aime beaucoup.

LFB : Et bien merci beaucoup !

FYRS : Et bien merci à toi, c’était cool !

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