Une conversation avec Baasta!

Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine… Cet été, on avait rencontré BAASTA ! pour parler de leur premier album Paanic… On pensait alors sortir l’interview au moment de leur prochain concert. Le temps a finalement bien passé et le groupe est revenu récemment avec un nouveau titre , Bang Bang Bavaria. L’occasion était donc idéale pour partager notre rencontre avec FX et Yoann.

Crédit : Cédric Oberlin

LFB: Ma première question c’est toujours, comment ça va ?

BAASTA!: Ça va ça va ça va ! Il fait beau ! 

LFB: Vous avez sorti le 14 février un album et un mois après on se tape le confinement. Comment vous avez vécu cette période-là qui était censé être une période de défense de l’album ?

FX: En fait on l’a défendu. On avait fait un crowdfunding pour sortir l’album vu qu’on a l’a sorti sur un label qu’on a nous-mêmes créé qui s’appelle Friche n’Cheap Records.
On a créé un package dans lequel on pouvait pré commander des disques et on avait affrété un bus pour une release party. Du coup les gens pouvaient acheter un ticket de bus et l’album et nous on les prenait dans le bus et on les a emmené à Bruxelles! On a joué dans une brasserie qui venait d’ouvrir qui s’appelle Drink Drink, dans une espace de friche industrielle à la berlinoise, avec plein d’étages, des couleurs, des murs qui se pètent un peu la gueule donc on a eu cette chance de faire cette fête de sortie d’albums en Belgique.

La semaine d’après on a fait la fête au Supersonic, à Paris, où là, on a emmené personne ! Ça c’était fin février, et après on était sur des plans en Belgique, pour des tournées dans des cafés-concerts dans les pays de l’Est. Il y a pas mal de gens qui était chaud, on s’était dit qu’on allait faire ça fin mai et puis en fait il n’y a rien eu.

Nous, on a été un peu frustré, forcément. On s’en est servi pour composer, faire des essais, des trucs… Heureusement on a évité de faire des lives Facebook pourris. Dès le départ on ne voulait pas faire les rockeurs de salons ou en acoustique devant une bibliothèque Ikea. C’était clairement pas notre truc. On a eu des demandes de médias mais on ne voulait pas faire un morceau.

On fait du live pour voir des gens, si tu veux voir ce que l’on fait, l’album vient de sortir, les clips viennent de sortir, tiens! Voilà de la matière. On a eu plutôt de la chance car il a fait super beau. On a aussi pu recomposer les morceaux, on a un peu de cartouche d’avance, qu’on va travailler, essayer pour la scène. Il n’y a pas si longtemps, on est allé en résidence pendant deux trois jours pour bosser les sons. On a essayé des nouveaux morceaux, voir ce que ça faisait par rapport aux anciens. Là, on travaille un set de 30-40 minutes, format première partie ou festival qui soit vraiment percutant tout de suite ! 

LFB: La première chose dont j’aimerais parler c’est cette ponctuation autour du projet. Le nom du groupe se termine par un point d’exclamation et le nom de l’album se termine par des points de suspension. Je trouve que l’un comme l’autre, il y a une véritable importance, ils ne sont pas là par hasard. Le nom du groupe avec le point d’exclamation c’est pour exprimer une certaine colère et les points de suspension c’est de la fatigue par rapport à toute la panique qui se crée en l’état actuel des choses.

FX: C’est ouf que tu l’ait remarqué car hyper précis! Le point d’exclamation ça vient de l’injonction Basta! qui veut dire « stop, ça suffit quoi ! »  donc il faut le mettre avec un point d’exclamation forcement. Paanic…, pour le coup on pourrait croire qu’on puisse mettre plein de points d’exclamation. En l’occurrence dans le morceau Paanic…, on décrit un mec qui vit sa vie tranquillement et qui profite, genre le Titanic est en train de couler mais ça va! « Ah c’est la Paanic…, on verra plus tard », c’est vraiment ça l’idée! Tu es la première personne qui remarque les trois points de suspension ! C’est bien, ça fait plaisir ! 

LFB: Ils sont sur le titre de l’album mais pas sur le titre de la chanson au final ?

FX: Ouais, c’est ça. Pour le coup sur la chanson, je ne sais pas pourquoi on ne les a pas mis c’est vrai d’ailleurs mais comme l’idée générale du disque qui sont à chaque fois des sujets de société où l’on pourrait croire que nous ça nous interroge, ça nous révolte etc. Pour beaucoup de gens ce n’est pas non plus leur priorité quoi. Et on peut comprendre des fois mais on vit tous quand même dans le même monde donc tu te dis « putain, ouvre les yeux gars. » 

LFB: L’autre chose qui réapparaît c’est le double A. Je me demandais d’où elle venait cette idée-là ? C’est pour faire trainer le mot, c’était pourquoi ? 

FX: À la base c’est par-ce que l’on était un duo donc on s’est dit qu’on allait mettre deux A. Puis on s’est dit qu’il y a trois A quand même donc pourquoi pas une troisième personne possible ? On a essayé sur quelques dates l’année dernière avec un batteur debout après il faisait des machines, il lançait des progs et tout. Ça alourdissait un peu la chose, ça déviait le projet de ce que l’on voulait faire. Il avait d’autres projets et on allait commencer à enregistrer l’album il nous a dit « écoutez les gars, moi j’arrête là. »

Pour le titre Paanic…, l’idée était de faire un rappel, pour l’identité visuelle du groupe, c’est simplement ça. Il y a des gens qui ne le font pas trainer, il y en a qui le trainent quand ils le prononcent, ce qui nous fait effectivement marrer! Nous on le dit comme s’il n’y avait qu’un seul A évidemment. 

LFB: La dernière partie au niveau esthétique c’est que tous vos visuels, vos photos, tout est fait en noir et blanc. Qu’est-ce que c’est, c’est une référence pour emmener un côté années 70 ? 

FX: Pas plus que ça en fait. C’est par-ce que l’on avait commencé comme ça. Le premier logo de Baasta! que l’on avait fait quand on a lancé le projet, on avait fait un pochoir qu’on a tagué sur un mur en brique, représente le 6.2 quoi !

On l’avait mis en noir et blanc et le premier clip on s’est dit « tiens on va le faire aussi en noir et blanc » et on s’est rendu compte que c’est un truc qui nous va bien. Sur les premières photos qu’on avait faites, on a fait une ou deux photos en couleurs car il y en a qui nous cassaient les couilles mais on a capté que ça devenait notre esthétique et on a même poussé le truc par rapport au visuel sur scène. Nos amplis sont blancs, les guitares sont blanches, nous on est habillé en noir. On essaye de garder ça, c’est clairement une idée d’esthétique. 

LFB: Est-ce qu’il y a aussi une histoire de « radicalité » ? Par rapport à la musique que vous faite, finalement on a l’impression, sans vouloir trop juger là-dessus, que tout est noir ou tout est blanc ? 

FX: Le visuel il ressemble quand même à qui ressort, tu vois ce n’est pas la fête à Neu-Neu, ça colle bien. Après, le côté radicalité sur le visuel forcement ça marque. Dans le morceau Ton Camp ?, qui avant s’appeler « Choisis Ton Camp » l’idée c’était en mode rockeur.
On nous demande toujours de choisir dans quel camp on est, comme si on ne pouvait être tiède, ce qui est très Français. Du genre, je ne me mouille pas trop ou alors avoir un troisième choix Qui lui est ton propre choix et qui n’a pas moins de valeur de ceux qu’on te proposerait. Donc le côté radicalité pour choisir quel côté, tout blanc ou tout noir ouais c’est vraiment un truc à réfléchir !
Je ne veux pas spoiler sur ce qui arrivera plus tard mais il y a une histoire de verre à moitié plein ou à moitié vide donc ouais ça nous correspond pas mal, c’est vrai !

LFB: Justement, si je ne me trompe pas, le premier album a commencé à être écrit en 2017 ?

FX: On a sorti un premier EP qui s’appelait Sale Gosse que l’on a sorti avec nos petites mains, imprimé en CD. Il y a un titre qui est sur l’album, Le soir des lions.
C’était un peu notre hymne, notre morceau qui a lancé le truc. Au moment de se rencontrer un de nous avait déjà six/sept titres d’écrit et ensuite il fallait juste les arranger et les adapter à notre sauce.
Il y a des morceaux qu’on a depuis un bout de temps, courant 2017-2018. Et puis d’autres qui sont arrivé au fur et à mesure. Quand on s’est dit qu’on en avait suffisamment et que c’était le bon moment, on s’est dit qu’on allait enregistrer l’albu. 

LFB: Justement avec tout ce qui s’est passé ces six derniers mois, vous avez sept cartouches pour les dix prochaines années ! 

FX: Pas tant que ça car c’est ce que j’explique souvent, on veut beaucoup de sujets de société ou de rencontres, trainer dans les bars, s’assoir sur un banc là où il y a des gens qui passent. Je leur invente des histoires.

Quand t’es dans la rue où tu croises quelqu’un, tu entends juste une phrase de sa conversation et après tu te demandes ce qu’elle a dit avant, pourquoi elle a dit ça, qu’est-ce qu’elle va dire après et tu inventes un truc… Même parfois rien que la phrase que t’as entendue elle peut te déclencher une idée. C’est vraiment ce qu’il nous arrive.

La plupart du temps c’est une phrase qui déclenche un morceau. « Le soir des lions, le matin des couillons » c’est un sous-marinier qui était bourré dans ma cuisine, un lendemain de fête où il avait dormi parterre, en dessous de la table, la tête dans la litière du chat.

Le lendemain il se réveille, il était complètement cramé et il sort cette phrase ! Ça devait être un mec de leur sous-marin qui disait « ok tu sais faire la fête mais le lendemain, tu fais moins le malin! » C’était peut-être en 2015, cette phrase je l’ai gardé en tête et je l’avais toujours quand j’ai commencé à composer. Je lui ai trouvé une histoire et c’est venue comme ça. Il y a vraiment plein de phrases, des idées, je n’invente rien, je brode autour de ce que les gens disent. Je n’ai aucun mérite. (rires)

LFB: Ce que j’entendais par « des cartouches pour dix ans » c’est au vu de l’actualité entre le nouveau gouvernement, les violences policières, le racisme qui n’existent apparemment pas, il y a quand même un terreau sur lequel creuser.

FX: Ouais ouais c’est clair. Après il faut le faire avec finesse, on n’a pas envie de faire le punk à chien qui est vénère contre tout et qui va enfoncer des portes ouvertes. Il faut un peu de subtilité. Ça m’intéresse mais je préfère le faire par le prisme d’autre chose et placer la phrase quand même.

Sur les nouveaux morceaux que personne n’a encore entendus, j’en parle forcément. Ce n’est pas le titre du morceau, tu le places quand même dans le truc, l’air de rien, dans un contexte. Il y a tellement de sujets qui sont révoltants.
Je ne veux pas être le gars qui dit, et ça a toujours été notre ligne dès le départ, « ça ce n’est pas bien, il faut penser comme ça. » Je veux dire « regardez il y a ça. ».
Tu jettes une graine et ensuite les gens l’interprètent comme ils le veulent. Ils pourraient très bien dire « ouais c’est quoi ce mec islamo-gauchiste végétarien qui casse les couilles » et à l’inverse des mecs qui viendraient te dire « ouais Jean-Luc Mélenchon au pouvoir. ».
Pour le coup, je ne me situe dans aucun des deux, je dis juste ce qui se passe. Comme un journaliste au final. Tu n’es jamais un journaliste neutre, tu es toujours un peu d’opinion, c’est juste la dose que tu mets.  

LFB: Au final, plus qu’un groupe engagé, vous êtes plus un groupe de réalisme social entre guillemets ?  On est plus du côté de Ken Loach que Noir Désir !

FX: Clairement ! C’est exactement ce que j’allais dire! Je suis plus Ken Loach que les Bérus ou Noir Désir. À fond, je suis tout à fait d’accord !
Pour le coup, puisque je fais de la vidéo et que je suis vidéaste, c’est mon taff, j’aime bien choper des trucs qui sont plus sociaux, même si des fois ça peut choquer. J’ai fais des clips pour des mecs qui étaient en centre de réinsertion mais qui écrivaient des textes de rap. Les mecs ils avaient des gueules cassés tu vois. On pourrait se dire « ouais il fait du misérabilisme avec les gars » . Sauf que quand tu vis une autre vie, que tu habites une autre région et que tu connais l’histoire des gars, tu sais juste qu’ils sont comme ça et que c’est la réalité. C’est ce que j’ai envie de développer dans l’idée : parler de la réalité ou du moins celle que l’on vit. Pour le coup, Ken Loach, grosse référence, j’adore ce gars.

LFB: Comme tu disais, il y a une histoire de sincérité et de vérité, par forcément générale, mais qui est ta vérité à toi, dans ce que vous diffusez dans la musique contrairement aux Bérus ou Noir Désir.

FX: Oui, c’est mon point de vue. Tu adhères ou tu vas te faire foutre !
Je sais que depuis que je suis végétarien que la solution ce n’est pas dire « eh tu es en train de manger un bout de cadavre ! » . Moi je fais ça, si on me demande pourquoi, c’est grâce à des lectures que j’ai eu, une éthique que je veux avoir, je vis comme ça. Si tu viens manger chez moi tu vas très bien manger même s’il n’y aura pas de bidoche dans ton assiette.
Il n’y a rien de pire qu’un vegan vénère sur un plateau de télé qui va desservir tout ce que j’ai fait. Une fois on va dans un restau, ils n’ont rien sans viande, et en leur demandant s’ils ont un truc à me faire, les mecs ils font la gueule au début et après ils le font. Ils voient que tu es cool, tu redemandes une bière. 

Yoann: S’ils voient que tu es cool, ils te mijotent un truc sympa. Si tu les prends comme ça, les mecs ils vont te faire une merde par possible. 

FX: Mais quand tu es cool, celui qui viendra derrière pour demander un plus, le restaurateur il pensera pas « attend si c’est pour me taper le même comme le connard d’avant là ! « 
Sur plein de points de vue, il faut juste poser des bonnes questions. C’est comme Guillaume Meurice sur France Inter, il pose juste des questions, il ne prend jamais parti au truc et il utilise la force de l’adversaire, comme l’art martial.
Tu poses des questions et le mec il va se contredire tout seul et il va avoir une réflexion. Même si sur le moment il peut être frustré, derrière tu enclenche une réflexion. C’est ce qui m’intéresse. 

LFB: C’est utiliser la colère mais à bon escient.

FX: Oui tout à fait. Après il faut parfois le dire avec les tripes, arrogance, panache et fierté surtout. C’est vrai que parfois on me dit « ouais t’es arrogant » ou «  vous faites les fiers » mais tu ne sais pas d’où on vient gars ! Quand tu viens du fond du Pas de Calais, que t’es pas un peu arrogant et énervé, tu n’arrives quoi rien quoi ! 

Yoann : Si tu portes pas ta fierté, ce n’est pas eux qui vont te la donner. Du coup, t’aime, t’aime pas, ce n’est pas grave. Au moins on est sincère. 

LFB: Quand on vient du Pas de Calais, votre musique a une autre résonance. Qu’est-ce que ça apporte à votre musique selon vous?

FX: Ce que ça a apporté c’est vraiment la sincérité du truc. On ne triche pas quoi. J’ai vu des artistes qui voulaient se la jouer en mode rockeurs anglais, du coup ils vont je ne sais où pour faire un clip à Manchester pour avoir le badge Joy Division.
Va chez ma mère, tu n’as pas besoin de te la raconter, tu n’as pas besoin de Joy Division!
Dans les textes, ça peut nous apporter de la fierté. Dans un morceau qu’on va sortir bientôt et pour le coup il est très dans la région. C’est un des premiers morceaux qu’on avait joués et qu’on avait sorti sur Sale Gosse qui est maintenant introuvable. on l’a refait mais j’ai gardé le texte tellement qu’il me plaisait 

Yoann: On a changé le refrain.  On a gardé le texte car je l’avais écrits express. Comme je disais, on écoute du rock anglais mais il ne faut pas avoir honte de venir du Pas de Calais.
C’est l’équivalent de Manchester. T’as les mêmes cassos, t’as les mêmes bars où tu vas te faire casser la tête en sortant. Il y a de la brique, il y a de la pisse par-terre. Tu peux être fière d’être du Pas de Calais sans être le Ch’ti de base, aussi !

FX: C’est aussi prouver que tu peux avoir une espèce de classe comme si c’était de la working class et de venir d’ici. T’es pas obligé d’être un rigolo. En fait, tu peux juste être toi-même et les gens trouvent ça bien. Après, ils viendront peut-être pas passer leurs vacances à Berck !

LFB: Vous en parliez, finalement l’Angleterre n’est jamais trop loin non plus dans ce que vous faites. 

FX: Justement, elle est même presque tout le temps là. Quand on nous demande nos références en français franchement à part NTM parce que j’ai grandi en région parisienne, que j’ai découvert le rap et la façon dont j’écris et je chante. À part ça on écoute que des groupes anglais! On nous dit Dutronc et tout …C’est rigolo quoi mais franchement je m’en fous, clairement.

LFB: Dans les références actuelles, dont vous parlez, forcement dû au duo on va directement penser à Slaves, à ce format. Je trouve qu’il néanmoins aussi un côté Prodigy dans la musique électronique, dans la façon où c’est fait.

FX: Grave! Dans le morceau Ibiza  de The Prodigy, il y a Sleaford Mods, avec Jason Williamson qui vient poser un truc dessus, à chaque fois qu’on se l’écoute on se dit « wah le jour où on fait un morceau comme ça ! » 

Yoann: Sur les intrus en fait. Sur les fabrications de sons de batterie, c’était Prodigy et Chemical Brothers au niveau du kick et snare, c’était ça. 

LFB: Je pensais à The Streets mais The Streets du début ! Les deux premiers albums où tu es cette espèce de réalisme avec le cassos, la dent pétée et une pinte de bière qui n’est jamais loin et le col de polo relevé.

FX: C’est ça, j’adore ! En fait, je pense que pour plein de gens on pourrait penser que c’est des postures car on nous l’a déjà dit ! «Eh, Fred Perry, machin, tu te prends pour un mods ».
J’ai envie de dire, je ne mets pas un polo pour aller une fois sur scène pour faire Fred Perry et faire genre que je suis un anglais. Je m’en bats les couilles. Va dans Lens et trouve des gars différents de moi! Les gars ils ont des polo Fred Perry, ils ont des trucs Adidas, je n’invente rien quoi! Ça pour le coup, pour les gens qui nous demandent si on est anglais, si on s’habille pareil.. Ouais on s’habille pareil mais sauf qu’en moins de 50min à partir de Lille on est à Londres. C’est une vraie influence ! 

Yoann: Puis, la première tournée on l’a faite en Angleterre. 

LFB: Justement, le fait de chanter en français, ce n’est pas une barrière ? C’est un truc très français aussi, de s’intéresser au texte. Les anglais je pense qu’ils s’intéressent beaucoup plus au rythme. 

Yoann: Tu vois, Sleaford Mods, je connaissais peu ou pas et FX m’a fait écouter. J’ai mis un petit peu de temps à comprendre le fond du truc, je ne comprenais rien forcement et en plus avec un accent au couteau, ça va vite! Mais, quand tu t’intéresses au truc, c’est magique. En plus, c’est le groupe qui bouscule toutes mes convictions. Une batterie, une basse, une guitare pour moi c’était la base, s’il n’y avait pas ça, ce n’était pas possible. Je rencontre FX, tout devient possible! Quand je vois un truc encore plus minimaliste, encore plus brut je trouve ça cool ! 

FX: On a essayé avec un batteur, vraiment! Mais ça gâchait le truc, et en fait comme on jouait sur des morceaux où il y a des claviers qui arrivent à des moments, à jouer c’était l’enfer franchement! C’était une usine  à faire tourner.

Yoann: On avait la première partie de Mass Hysteria et on avait croisé Will, le batteur. On s’est dit qu’il fallait essayer avec lui! On s’est pas fait défoncé par les metalleux, comme d’hab.

FX: Ouais, mouss, le chanteur de Mass Hysteria, il a écouté le truc, il a fait « tes textes ils sont cool ! » Il peut juste être poli et nous dire que c’est bien joué mais il m’a sorti des phrases que j’avais dîtes, donc vraiment c’est qu’il a écouté! Je trouvais ça bien. 

Yoann: Je me voyais mal ouvrir pour Mass Hysteria sans batteur et finalement, ça l’aurait fait quand même. 

FX: Pour répondre à ta question, lorsque nous sommes allé en Angleterre, on n’a jamais eu un accueil pareil. Les mecs ils venaient nous voir après, ils étaient hypers chaleureux et ils captait rien à ce qu’on racontait même si je balançais deux trois conneries que j’avais écrit en anglais quand même! Je leur disait « I know you don’t understand what I say but you have to know one thing : we are fucking brillant! » et à partir du moment où tu fais l’arrogant devant des anglais, je te jure à chaque fois, ça lançait le truc, c’était parti.
Tu pouvais faire ce que tu voulais. Les mecs ils venaient nous voir, on leur parlait de Slaves et Sleaford Mods et ils connaissaient pas même alors que pour nous c’est comme s’il y avait qu’eux en Angleterre tu vois! 

LFB: Il y a IDLES maintenant ! 

FX: Ouais, putain ! Ça fait partie de notre trio ça ! Après il y en a d’autres, Shame, Fontaines D.C, c’est des Irlandais mais c’est vraiment bien ! 

L’année dernière (2019), à La Route du Rock à Saint Malo, j’ai vu Fontaines D.C et derrière, IDLES, j’étais refait ! Il manquait Sleaford Mods et j’étais bien !

LFB: Est-ce que vous n’aviez pas peur à un moment de vous éparpiller un peu trop sur cet album-là ? Est-ce que c’est une chose que vous allez faire évoluer sur le prochain ?

FX: Je suis d’accord qu’effectivement on peut perdre du monde en route mais après j’ai envie de dire, un album t’est pas obligé de choper le truc tout de suite, avec tous les morceaux à la suite. Il y a eu 6 clips sur les dix ou onze morceaux, on les a sorti un par un. On a parlé d’un sujet different à chaque fois, avec quasiment deux mois d’intervalle. Après, si les gens sont paresseux, qu’ils aillent écouter Maître Gims ! 

LFB: Si je vous ai posé cette question-là, c’est par-ce que pour moi la raison pour laquelle ça fonctionne et que vous ne perdez pas les gens c’est que FX, tu multiplies les perspectives dans ta façon d’écrire. C’est-à-dire que parfois tu prends le rôle de la personne que tu dénonces, parfois tu t’impliques en parlant directement ou même tu prends un parti pris extérieur à ce que tu racontes. Je trouve qu’au de là du fait qu’il y ait un vraie cohérence dans les sons, le fait de multiplier les perspectives, ça permet justement de donner un impact à chaque morceaux. 

FX: Lorsque tu écoutes quelqu’un qui utilise «on » c’est fédérateur et quelqu’un qui utilise « je », tu as l’impression que c’est un mec qui raconte son histoire, que ce soit la mienne ou alors celle du mec que je prends.

Quand tu utilises « je », tu peux passer pour le connard de service, en racontant les pires horreurs, tu donnes pas des leçons puisque je dis que c’est toi. 

LFB: C’est un décalage aussi. Sur le premier titre Paanic… c’est clairement un personnage alors que juste après ça va être ta parole à toi il y a comme un jeu de chat et souris..

FX: C’est clair ! Quand j’écris un morceau, parfois j’utilise « je » mais après souvent de fois les conjugaisons elles changent et quand il me manque un nombre de pied pour que la phrase fonctionne je me demande si je « nous » ou si je mets « on », « est-ce que ça marche mieux ? » 

Yoann: Regarde, le titre Fin du monde, au début c’était « je danse » et après c’est devenu « on danse » et ça fait une différence. Ça fait connard tu danses sur la fin du monde mais en fait non, c’est on danse sur la fin du monde ! 

FX: Dans tout ce qu’on raconte, il y a des trucs où forcement on est à l’opposé de ça mais parfois on en fait aussi partie. Les réseaux sociaux, on en fait aussi! Après, on mets pas nos gueules à la plage, ce qu’on mange et tout ça.

Yoann: Sauf que lorsque tu vas voir un programmateur, un label ou quoi que ce soit, il va aller voir ta page et il va te demander combien tu as de followers. 

FX: C’est presque une course effrénée aux likes, ça retire forcément de la qualité mais sinon on fait un album et on met des chatons tu vois ! Et encore, est-ce que ça marcherait ? 

LFB: Le non à la coupe mulet, c’est un non définitif ? 

FX: Ne jamais dire jamais ! La coupe mulet… Putain t’es dur là ! 

Yoann: C’est revenu à la mode, il ne faut pas se mentir !

FX: Après, il y a mode et estime de soi quand même !

Yoann: Si c’est The Chats, pourquoi pas ! C’est des Australiens dont tu vas surement entendre parler ! C’est très 88, la précision ! C’est du punk, je pense que tout le monde pourrait le faire n’importe où mais eux le font bien et ça marche !

FX: On dirait un groupe anglais mais ils sont australiens, ils ont bien l’accent du colonisateur de l’Australie ! 

Yoann: C’est 3 accords, une batterie et une coupe mulet! Ils ont vraiment des gueules ! 

FX: Ils ressemblent un peu à Shame, avec une dégaine mais ils ont des coupes mulets ! Là, il y a du niveau, respect. Pour revenir à ta question, la coupe mulet, j’avoue que je ne suis pas prêt ! Comme je suis pauvre, je ne vais pas chez le coiffeur et je me coupe moi-même les cheveux, ça demande un peu de travail. S’il y a un confinement d’un an, on peut négocier ! 

LFB: Et toi, Yoann ?

Yoann: Plus The Monks, c’est un groupe des années soixante avec des coupes de moines ! Je pense que dans les années soixante avec le concept de se faire des coupes de moine pour rentrer dans le groupe, il faut vraiment être perché ! 

LFB: Est-ce que vous avez des coups de coeur récents à nous faire partager ?

FX: Lens en Ligue 1 c’est quand même cool, en plus premier match contre le PSG à domicile ! Le dernier concert avant le confinement on est allée voir un groupe qui s’appelle Life, super bien ! 

Yoann: En plus généralement on y va ensemble, on essaie de voir les groupes ensemble pour se faire une idée finie du truc.

FX: The Chats, vraiment ça nous a fait marrer. Life, l’album super bien. Un groupe qui s’appelle Memes, c’est des écossais. Ça c’est par-ce qu’on a un super disquaire à Aras, Olivier à Big Stars Records, vu qu’on y va souvent il voit un peu se que l’on écoute et il est friand de nouveaux trucs ! Avec le confinement, on a découvert beaucoup moins de choses, vu qu’il n’y a plus de festivals. L’année dernière quand on est allé au Cabaret Vert avec Damien qui est ici et qui vient des Ardennes, on avait vu des trucs cool ! Notamment Bodega avec qui on a joué ensuite à l’Aéronef en première partie. Pottery c’était vraiment bien, Johnny Mafia hyper cool aussi ! 

Yoann: On a vu Murder Capital aussi mais c’était pas top.. Au début ils arrivent sur scène tu te dis qu’ils vont tout défoncer mais non! 

FX: Ils avaient tout, le look, l’arrogance et tout mais ils commencent avec des morceaux et il y a rien en fait!

LFB: Pour finir et étant donné que vous avez une chanson qui s’appelle Ton Camp?, je vous ai fait une petite interview où il faut choisir son camp ! Pour commencer, LOSC ou RC Lens  ? 

FX: RC Lens !

Yoann: Dans toute ma famille c’est le LOSC mais je vais dire RC Lens par-ce qu’en fait le LOSC j’en ai rien à secouer ! 

FX: Puis ils n’ont pas de public, qu’est-ce que tu veux faire !

LFB: Beatles ou Stones ? 

FX: Beatles, tous les deux ! J’ai Yellow Submarine sur le bras, on ne fait pas semblant ! 

LFB: Blur ou Oasis ?

FX: We’re gonna live forever mec ! Oasis sans aucun doute mais Yoann peut-être moins!

Yoann: Ouais ouais, je dirais aussi Oasis pour l’ensemble de la carrière ! Plus de tubes, beaucoup plus.

X: Même si tu pousses dans le truc, Noel ou Liam, beh Liam, obligé ! Noel il écrit des morceaux c’est un geek sauf que s’il n’y a pas Liam tu fais de la disco de merdecomme il est en train de faire.

LFB: Ouais mais il chante quand même pas très juste !

FX: C’est vrai mais sur la fin et depuis quelque temps, il rechante mieux je trouve. Je suis allé le voir à Bruxelles, à l’Ancienne Belgique, il y avait que des anglais, ça défonçait, il était parfait ! On l’a vu au Mainsquare, franchement c’était une catastrophe.

LFB: Je continue mes questions débiles, Macron ou Mélenchon ?

BAASTA!: Mélenchon, malgré tout ! Malgré ses petits coups de sang ! 

Bière ou mojito ?

Yoann: Si j’avais les moyens, mojito tout le temps !

FX: Si j’avais les moyens, je mettrais de la vraie bière dans les pubs anglais ! Quand on a fait la tournée là-bas, ça coute cher de se prendre une tête ! 

LFB: Et la dernière, amour ou violence ? 

Yoann: Amour !

FX: Car la violence ne résoue rien mais la révolution elle ne se fera en se faisant des Chupa Chups quand même. J’aime bien finir en beauté !