Ucyll & Ryo : « On ne peut pas être plus unis dans une progression »

La jeunesse comme vecteur pour le futur, voilà la mission du label Jeune à Jamais. C’est dans leurs locaux que l’on a retrouvé le duo issu de ce label Ucyll & Ryo pour parler de leur nouveau projet Cahiers de Vacances. L’occasion pour nous de revenir sur leur jeune carrière et les différents choix artistiques qu’ils y ont opéré.

Ucyll & Ryo
Simon Steward

LFB : A quelques heures de la sortie de l’EP, comment vous sentez-vous ?

Ucyll : Franchement bien, on a pas vraiment d’attente je crois.

Ryo : Tout se passe bien, tout se goupille bien. Pas de problème particulier, j’ai bien dormi, tout va bien (rires).

LFB : Pour les gens qui ne vous connaissent pas encore, vous sauriez vous présenter ?

Ucyll : Nous c’est Ucyll & Ryo, on vient de Paris. On est deux rappeurs/producteurs…

Ryo : Compositeur aussi. On fait tout nous mêmes.

Ucyll : Ou avec quelques potes.
Allez jeter un oeil ça fait plaisir.

LFB : C’est important pour vous d’avoir le contrôle sur la totalité de votre processus de création ?

Ucyll : Depuis le début, quand je faisais juste des instrumentales au début du lycée ça a toujours été une démarche solo. Dans la production j’ai énormément de mal à déléguer.

Ryo : Le peu de fois où l’on délègue on est vraiment là pendant le processus aussi avec les personnes qui vont nous aider. Mais oui, on tient vraiment à avoir la main sur toutes les composantes.

LFB : En plus sur le projet il y a une co-prod entre Kodgy et Pana. Dans ce cas là, vous étiez avec eux quand ils ont fait l’instrumentale ?

Ucyll & Ryo : Non, pas du tout.

LFB : Donc ça vous arrive de travailler à distance ?

Ucyll : C’est la première fois.

LFB : On va rentrer un peu plus dans le projet. On y retrouve un univers assez différent de ce que l’on pouvait retrouver sur Amour Hotel, je ne sais pas si vous le ressentez aussi ?

Ucyll : Si bien sur.

LFB : Comment s’est opéré ce choix ?

Ucyll : En fait, on change sans changer vraiment. On fait surtout ce qui nous plait sur le moment. Là on a une petite capsule très orienté plug parce qu’on écoute ça depuis archi longtemps. Même sur Amour Hotel il y avait déjà des accents plugs.

Ryo : Ouais carrément, le morceau Sad One par exemple. Même à cette époque on travaillait déjà sur un morceau plug qui est dans Cahiers de Vacances.

Ucyll : On a toujours eu un pied dans ce monde là donc on a pensé à cette capsule pour extérioriser nos envies. Mais ça nous définit pas à long terme, on a d’autres ambitions dans pleins de styles différents.

LFB : Tu parles de capsules, c’est vraiment un projet où vous vouliez vous faire plaisir ?

Ucyll : Oui totalement. Puis nous, là on est déjà passé à autre choses.

Ryo : Et ça ne veut pas dire qu’on ne sortira plus jamais de plug.

Ucyll : En fait, plus on avance, plus on découvre de styles et plus on prend le petit bout de style qui nous plait, on le rajoute à notre catalogue et puis on mélange et on fait la sauce qui nous ressemble.

LFB : Elle vient d’où votre attache avec les sonorités plug ?

Ucyll : On en écoute pas depuis sa création. J’ai découvert ça avec les compilations d’instrumentales de C4000 il y a deux ans et demi. Je suis tombé complètement love de ça, j’en écoutais tout le temps. On traitait déjà tout le temps ensemble avec Ryo du coup on en parlait.

Ryo : C’est drôle parce qu’il y a un morceau de Chroma (premier projet du duo, ndlr) qui s’est retrouvé dans une compilation de plug sur Soundcloud.

Ucyll : D’ailleurs dans Chroma, OD c’est produit par C4000.

LFB : Sur Amour Hotel, il y avait une ambiance plus nocturne et sombre. Ici, comme l’indique le titre du projet et le côté ensoleillé de la plug, on est sur quelques choses de plus lumineux. C’était une volonté de votre part de montrer une autre facette de votre musique ?

Ucyll : Je ne pense pas que ça soit vraiment une envie que l’on ait eue de montrer une partie plus ensoleillé de nous. Mais en tout cas, ça s’y prêtait mieux. Ca sort en septembre, c’est des sonorités d’été.

Ryo : J’ai l’impression que dans les sonorités c’est plus ensoleillé mais dans le fond, dans l’émotion, dans ce qu’on raconte, ça ne l’est pas forcément.

Ucyll : Oui, il y a quelque chose d’assez contradictoire.

LFB : C’est purement du hasard cette ambivalence ?

Ryo : C’est pas du tout calculé, ça se fait sur le moment.

Ucyll : Dans toutes les instrumentales plug que je vais faire, il y aura toujours des accords très sentimentaux, avec des modulations qui font qu’à l’oreille c’est très rnb, j’adore ça ! Du coup ça fait très couché de soleil. Mais nous, on reste dans notre écriture, on ne change pas ce que l’on raconte en fonction de sur quoi l’on pose. On est influencé par les mêmes choses que l’on voit.
Ca évolue, c’est certains mais l’on reste dans notre ambiance plus sombre.

LFB : Votre écriture c’est un peu votre touche singulière ?

Ucyll : Un peu mais c’est surtout un tout. Je pense que même notre écriture elle évolue. Quand j’écoute Chroma, je ne suis pas la même personne et c’est pareil pour Ryo. Tout évolue en même temps, que ça soit notre manière de produire puisque maintenant on produit tous les deux ou notre manière d’écrire. Maintenant on fait quasiment tout au même niveau. On ne peut pas être plus unis dans une progression. Tout est progressif.

Ryo : L’écriture ça peut être un peu notre fil rouge, dans le sens où même si elle évolue, car on reste dans du concret.

Ucyll : On dit les choses et ce n’est pas juste de la musique.

LFB : Il y a aussi le champ thématique, on retrouve beaucoup de similitude d’un texte à l’autre, ce qui impose un peu un univers qui vous suit depuis le début et qui est également appuyé par votre tag ; « il faut qu’on se suicide ensemble« . Ca donne l’impression que vous avez trouvé un univers, je ne sais pas si vous le ressentez aussi comme ça ?

Ucyll : Je pense aussi que notre manière de concevoir la musique en termes de notes évolue plus que notre personnalité propre. C’est pour ça que c’est le travail d’une vie. Si par exemple à 30 ans je ne fais plus de rap et j’écris des poèmes, tu verras une évolution. A la même échelle que quand moi je faisais des instrumentales il y a deux ans et maintenant.

Ryo : Je trouve que l’écriture, c’est le fil rouge mais c’est une des choses les moins stables du processus créatif. Ça varie d’un jour à l’autre.

LFB : On est sur un format court qui fait suite aux trois titres de Le Jour d’Après. C’est un format dans lequel vous vous sentez bien ?

Ucyll : Le format long on l’a pas encore fait. Si tu regardes Amour Hotel, c’est un long EP d’11 titres. On se sent pas encore tout à fait prêt mais je pense qu’un jour ça viendra.

Ryo : C’est pas un format court non plus Amour Hotel mais on l’a fait en s’isolant pendant trois mois, dans un même mood.
Pour le format long, on prendra le temps de s’isoler aussi pour faire le truc à 100%.

LFB : Du coup, vous avez encore cet attrait pour le mot « album » ?

Ucyll : Ouais !

LFB : Pour vous, à quel moment vous pourriez qualifier un de vos projets comme album ?

Ryo : C’est compliqué…

LFB : Pourquoi Amour Hotel n’est pas un album alors qu’il a été un peu travaillé comme ?

Ucyll : A titre personnel, j’ai envie que mon premier album soit quelque chose où j’explore beaucoup plus de styles. Là on avait 19 ans, c’était juste deux jeunes mecs qui voulait faire ce qui sortait, il y avait trop de débits, d’idées. Franchement si on nous avait laissé trois mois de plus il y aura eu onze morceaux de plus.
Quand on sera prêt à faire un album ça sera le moment où on aura une création compacte, qu’on sortira plusieurs choses de manière posée. En tout cas plus posée que juste deux mecs qui font du son et qui peuvent être influencé par ce qui écoutent et ce qui marche.

LFB : C’est peut-être aussi une question d’expérience ?

Ucyll : Oui c’est ça, emmagasiner plus de styles !

Simon Steward

LFB : On en a brièvement parlé mais il y a des collaborations sur le projet, il y a celle avec Kodgy, qu’est ce qui vous a plus chez lui ?

Ryo : On la rencontré sur Twitter. J’ai vu quelques parcelles de son taf et je trouve qu’il est archi talentueux, sympa.

Ucyll : Franchement c’est aussi simple que ça, on a écouté sa musique et on a kiffé. On a parlé et voilà !

Ryo : Il a envoyé une instrumentale à Ucyll

Ucyll : Avec un couplet déjà dessus. Je lui avait proposé d’être sur le projet, ça se prêtais bien puisqu’il fait beaucoup de plug. Il était chaud et deux jours il m’a envoyé ce qu’il avait fait.

Ryo : Au début j’étais pas chaud parce que ça restait notre projet que je ne le connaissais pas. En vrai, en faisant le morceau et en lui parlant j’ai vite compris que ça allait le faire.

LFB : Ce n’est pas difficile de collaborer avec d’autres artistes quand on est déjà deux ?

Ryo : Non on a pas ressenti ça, on a pas de mal à se laisser de la place. Avec Ucyll on fait souvent des passes-passes, ça pourrait être vu comme des facilités mais c’est juste que c’est comme ça, c’est quelque chose qu’on aime bien faire.

Ucyll : C’est comme ça qu’on s’accorde le mieux aussi.
Mais, de manière générale je pense que tout prends plus de temps quand t’es à deux parce que quand t’es tout seul et qu’un truc te plait, tu le fais. Quand tu es à deux, on a beau être assez complémentaire, il y a des choses qui vont me plaire et qui vont pas lui plaire. Il faut appliquer ça à tout le processus d’un projet donc c’est un peu long. Au fil du temps on se connait mieux et on sait quoi faire et ne pas faire.

LFB : Comment vous travaillez le duo ?

Ucyll : Avant je faisais les instrumentales de A à Z. Là ça va faire depuis le premier confinement que Ryo fait de la prod. Du coup, maintenant on bosse ensemble sur les instrumentales.
Plus largement, on bosse aussi avec les gens de notre équipe Taxi Records. Que ça soit Baron Pigeard, Enzo et puis Sacha qui est déjà sur pas mal de projets.

Ryo : En tout cas, on est pas encore au même niveau d’implication. Mais la je vais prendre le temps de bien taffer de mon côté.
Déjà, on enregistre tout chez Ucyll, le studio est dans sa chambre. Du coup, la plupart du temps quand on commence un morceau c’est lui qui aura commencé une vibe sur un morceau. Là, de plus en plus on équilibre ça.

LFB : Vous touchez tous les deux à la prod, c’est un truc que vous allez continuer à faire ? Voire même à produire pour d’autres artistes ?

Ucyll : Je ne l’ai jamais fait. De base, j’ai une manière de travailler où je ne fais pas des instrumentales tous les jours. Mon rythme est plutôt à une par mois.
Je vais écouter quelque chose, avoir une idée soudaine et là faire une instrumentale, mais je n’ai pas d’idée prédéfinie.
Du coup, je n’ai pas tant de stock que ça et donc pas de pack à envoyer. En vrai, je n’ai pas plus de prods que celle qui sont sur nos projets.

LFB : Et à l’inverse si c’est les artistes qui viennent te chercher ?

Ucyll : Vu comme ça, ça me parle plus. Je suis incapable de faire des packs mais si quelqu’un veut passer au studio et qu’on s’entend bien pourquoi pas collaborer.

LFB : Vous avez retrouvé la scène il y a peu, comment l’avez vous vécu ?

Ucyll : Très très bien.

Ryo : Archi bien ! J’étais apaisé de ouf. Après la scène, je me sentais en paix, c’était incroyable.

Ucyll : C’était un co-plateau avec Cashmire, c’était complet deux heures avant, on s’y attendais pas du tout. Ca nous a régalé !

LFB : C’est quelque chose que vous allez continuer à explorer ?

Ryo : Il n’y a pas de dates prévues mais on est carrément chaud.

LFB : Vous êtes dans l’écurie Jeune à Jamais, comment s’est opéré ce choix ?

Ucyll : Ca commence à dater cette histoire (rires).

Ryo : Ca s’est fait sur Instagram, ils nous ont contacté en nous proposant d’aller boire un verre. On a discuté avec eux et on s’est mis d’accord sur ce qu’on voulait, c’est-à-dire, ne pas signer en temps qu’artiste. On trouve que ce n’est pas le moment et on aime beaucoup avoir la main mise sur notre processus créatif. Je pense qu’avoir un DA ne serait pas ce qu’il nous faut. Déjà rien qu’entre nous dans notre équipe, il y a des débats (rires). Pour le moment on reste comme ça.
Puis c’est un label indépendant, on aime bien les artistes qu’ils ont, on trouvait ça cohérent.

Ucyll : Ca nous a apporté une facilité pour la mise en ligne sur les plateformes.

Ryo : Et des opportunités incroyable, comme ce live.

Ucyll : C’est juste une structure qui travaille bien avec des gens qui humainement sont incroyables et qui font tout pour nous pousser vers le haut avec ce qu’ils ont. C’est trop bien de bosser avec eux !

LFB : Je suppose que ça vous facilite le travail et que ça vous a apporté de l’expérience aussi ?

Ryo : Oui totalement !

LFB : A part une belle sortie de projet, qu’est ce que je peux vous souhaiter pour la suite ?

Ucyll : Une nouvelle coupe de cheveux et un rafraîchissement des contours (rires)

Pour découvrir l’ADN de Ucyll & Ryo c’est par ici.