Tuerie et Papillon Monarque, l’histoire d’un poète

Quand on se dit que Blue Gospel est seulement le tout premier projet de Tuerie sous la structure Foufoune Palace, on peut se demander comment va-t-il atteindre un niveau déjà aussi incroyable. 2 ans plus tard, il est de retour avec l’EP Papillon monarque, tout simplement sa nouvelle claque. Il revient avec son univers propre et original, mélangeant les styles et alignant les mots à la perfection. Il prouve encore une fois qu’il est presque intouchable dans cet univers aérien, sensible et frais dans le rap français actuel.

Tuerie
© Fifou

Plutôt actif dans les feats avec différentes excellentes collaborations comme sur le titre Grammy en feat avec JeanJass, ou Mes Névroses avec Coelho, le Parisien restait cependant très discret au sujet de ses futurs projets. Mais une seule vidéo d’annonce, suivie d’un film de 8 minutes, va rompre le silence. Réalisée par Steven Norel, la vidéo propose une présentation de chaque titre, toujours dans ce visuel mystérieux mais très esthétique, qui colle parfaitement à l’image du rappeur. Les visuels du projet sont gérés par Fifou, véritable pilier dans le domaine. Il a fait appel à 17 compositeurs pour construire Papillon Monarque, dont notamment Ryan Koffi, HAR2NOK et Kedyi, déjà présents sur l’album précédent. C’est donc bien entouré, préparé et en feu que Tuerie s’apprête à lâcher un nouveau chef d’œuvre ce 19 mai 2023.

Analyse d’une vie d’artiste

Alors qu’il dépeignait son enfance difficile dans Blue Gospel, Tuerie continue de s’ouvrir en nous parlant cette fois de sa vie d’artiste. Il parcourt toutes les concessions et les compromis qu’il faut pour vivre dans la musique, tout en montrant ses positions sur ce milieu. Il prend position sur divers sujets, comme sur l’hypocrisie de certains artistes avec No More, où il critique les artistes se créant une fausse identité de « mec triste ». Une vie pleine d’incertitude, où tout peut se perdre et se gagner en un rien de temps. Il décrit ces faiblesses d’artiste à travers le premier titre de l’EP, Garçon Triste/Federico, une excellente entrée en matière avec un Tuerie qui montre le plein potentiel de sa voix et de ses textes.

Même si ses mélodies sont aériennes et chantantes, Papillon Monarque possède des côtés plutôt sombres. À l’image de Reconnu sans être riche, où le rappeur dépeint une sorte de retour à la réalité assez brutale après la célébrité. Il livre une sorte d’analyse sur sa vie artistique, qu’il ne souhaite presque à personne, mais pourtant, qu’il ne veut pas quitter.

© Fifou

Une vie qu’il ne souhaite pas à son fils, très présent dans ce nouveau projet. Alors qu’on entendait des pleurs de bébé dans Low, on peut entendre son garçon directement réagir au couplet énervé du rappeur à la fin de G/Bounce. Même si son fils se rapproche du rap en écoutant du Gazo, il l’incite clairement à le suivre dans cette voie. Un sujet qui marque une évolution dans la vie du rappeur, une sorte de nouvelle inspiration et de prise de conscience, qui va beaucoup l’inspirer.

Il remercie toutefois tous les rappeurs et artistes avec qui il a travaillé. C’est pourquoi on peut entendre de nombreux rappeurs cités dans le projet : JeanJass, Caba, Disiz, Deen Burbigo, ou encore Benjamin Epps. Ces collègues, qui sont devenus amis, puis ensuite une famille pour certains, à l’image de FouFoune Palace, qui l’accompagne depuis quelques années maintenant. Les clashs et les piques sont derrière lui maintenant. Malgré ces nombreuses refs, Tuerie propose un projet sans feats. Un choix logique lorsqu’on voit et comprends les divers sujets très personnels qu’aborde le rappeur.

À cœur ouvert

La cover de Papillon Monarque représente parfaitement le projet. Il démontre les deux facette de la personnalité du rappeur. Le coté aérien, poétique et sensible avec l’image légère du papillon posé sur le bras de Tuerie qui représente cette force brute. Les couleurs représentent également cette dualité entre la douce chaleur de l’orange et la passion du rouge. En un seul coup d’œil, on peut comprendre le chemin qu’il veut nous faire prendre.

Cet EP continue d’arpenter ses cicatrices d’une manière toujours aussi poétique. Numéro Vert possède un refrain simple et poignant. Plus on avance dans ce projet, plus Tuerie s’adoucit et ouvre une page plus heureuse. C’est ce que fait comprendre un hommage pour un proche malheureusement parti dans Là où on dort heureux, qui montre tout ses talents en gospel.

Véritable vent frais

Tuerie, c’est également un catalogue musical en un seul projet. Comme il l’explique dans différentes interviews, le rappeur a été bercé par différents styles totalement opposés. Passant par un gospel qui fait voyager, jusqu’à une chanson française poétique ou un jazz bien groovy, il rend hommage comme il se doit à ces genres qui ont construit son identité musicale. Il ajoute également une touche de funk dans Papillon Monarque avec Juste pour nous. Mais Tuerie est avant tout un très bon rappeur et le prouve sans mal à travers les kicks bien tranchants de 27 Cèdres et G/Bounce.

Le travail sur les instrus est simplement génial. Hyper variées, originales et entêtante, elles sont l’une des plus grandes forces du projet. Même si on enlevait le texte, on comprend directement la direction que prend le morceau. Mention spéciale aux changements de prods ultra efficace qui nous font passer d’un câlin réconfortant à une envie de casser toute la pièce.

Maître en art de l’introspection, Tuerie parvient à nous transmettre ses idées, ses envies, ses peines et ses émotions d’une justesse incroyable. Et ce projet en est l’exemple parfait. Il dépeint une vision du monde musicale réelle et authentique, loin des paillettes qu’on peut nous faire croire. Une vie artistique qu’il mêle à sa vie personnelle en livrant toutes ses incertitudes et évolutions. Chaque nouvelle écoute est synonyme d’une nouvelle histoire, d’une nouvelle pièce de puzzle dans l’univers du rappeur. Mélangez à ça une musicalité harmonieuse avec ce choc des différents styles, et vous aurez Papillon Monarque, un EP qui fait du bien, et qu’il faut écouter, tout simplement.