Rencontre avec Toh Imago

Ce vendredi, Toh Imago a dévoilé son nouvel album, Refuge. Un voyage musical qui alterne entre le réel et la quête intérieure. On a rencontré Thomas pour discuter longuement sur la conception de cet album, ses thématiques et ses contraintes, mais aussi sa vision de la musique électronique et son label, InfiNé.

Crédit : Marine Keller

La Face B : Salut Thomas, Comment ça va ?

Toh Imago : Bah ça va. Plutôt pas mal, c’est une nouvelle année qui commence. Bonne année Charles. Tout va bien.

LFB : J’ai écouté ton précédent projet. J’ai écouté le nouveau. J’ai l’impression qu’on est sur deux ambiances complètement différentes. D’ailleurs, c’est noté un peu dans ta bio. J’ai vraiment l’impression qu’en fait Nord Noir regardait vers le sol, et que Refuge regarde plus vers le ciel.

Toh Imago : C’est ça. Pour le coup, dès le départ, j’avais pas envie de faire un truc hyper sombre. Ce n’était franchement pas l’objectif, surtout que j’ai commencé à faire tout ça à l’époque du confinement en 2020. Je n’avais pas envie de repartir dans un truc hyper darkoss. Il fallait un peu… C’est le principe du truc : refuge, se sortir de ce marasme pour faire quelque chose de plus lumineux. Donc je suis content que tu aies quand même ressenti ça. En plus de ça, après, il y a eu Les Nuits Secrètes qui nous ont donné l’opportunité d’aller faire une petite résidence chez eux et d’aller enregistrer dans la forêt de Mormal, qui est juste à côté d’Aulnoye-Aymeries. Ça a amené encore plus cette idée de lumière parce que là, on allait vraiment capter les sons extérieurs pour les intégrer complètement dans l’album. Donc ouais, c’était vraiment une volonté d’être plus lumineux et plus proche du ciel, du soleil et de la nature.

LFB : Je trouve que le premier titre de l’album fait clairement la transition entre ces deux univers parce qu’il y a un côté très anxiogène au début du morceau, mais qui s’évacue très vite vers des composantes un peu plus dansantes, légères qui vont habiter tout l’album.

Toh Imago : Ouais, c’était un peu l’idée que tout soit lié. Même l’EP que j’avais fait entre les deux, Opalis FM, était un peu la transition entre ces deux univers. Du coup, ouais, ce morceau d’intro, il se voulait un peu comme l’intro de Nord Noir, qui était ce truc un peu très sombre, qui sortait de la terre. Bah là, on part du côté sombre pour justement aller, avec ce synthé un peu plus club qui arrive, vers des choses plus dansantes. Et c’est vrai que c’est un album que je ne voulais pas forcément dansant au début, qui est devenu dansant tout seul. Je n’ai pas réussi à ne pas le faire. Ça va avec, je pense, ce côté hyper lumineux. On a envie que ça bouge, de danser.

LFB : Ça va avec l’idée du refuge et de quelque chose d’expiatoire, de relâcher un peu certaines émotions. Finalement, on reste sur un concept sur cet album que j’ai divisé en trois parties, mais je t’expliquerais après. Il y avait aussi cette idée de concept sur Nord Noir. Je me demandais si c’était une « obligation » pour toi d’envisager tes albums avec un concept fort qui s’étale tout du long, ou est-ce que tu te fais surprendre parfois justement ?

Toh Imago: Oui oui. J’aime bien avoir des contraintes. Ça m’aide en fait. Ça me donne une direction. Dès le début, il faut que j’aie cette direction, pour savoir où je vais. Sinon, j’ai l’impression que les albums deviennent une compilation de plein de morceaux que j’ai faits. Alors que là, d’imposer quelque chose dès le départ, d’imposer déjà une contrainte plus philosophique, puis des contraintes un peu techniques… Je me mets toujours des contraintes techniques. Là, j’ai accordé tous mes synthés en La 432, qui est un truc un peu ésotérique.

En gros, il y a plusieurs fréquences du La. Le La qu’on utilise dans la musique occidentale, c’est le La 440 hertz. C’est la fréquence du La. Mais il y a plein de gens qui disent que dans la nature, le La le plus harmonieux serait le La 432. Les images du La 432, les vibrations sont plus harmonieuses que les autres. Bref. C’était plus pour le délire qu’autre chose, mais je suis parti dans le délire. J’utilise toujours la même gamme sur tous les morceaux. Enfin bref, je me fixe plein de contraintes comme ça et ça me permet d’avancer. J’essaie de les lier aussi, avec le concept et notamment là, on a pré-enregistré des sons de synthé et avec mon ingé son, Olivier, on est allés les envoyer dans la forêt à Mormal. Donc on a ré-enregistré les sons de synthé avec la réverbération naturelle de la forêt, que tu ne pourras jamais reproduire avec une reverb numérique. Donc voilà, plein de contraintes. Ça me donne vraiment une direction.

Je pense que je vais de plus en plus partir vers ça, dès le départ des albums. Là, je suis déjà en train de réfléchir au prochain, donc j’essaie d’amasser plein de choses, plein d’informations, et après je pars dans la composition. Je trouve que ça donne du sens en fait. Parce que dans la musique électronique, il n’y a pas de paroles, ou il peut y en avoir mais moi, il n’y en a pas. Mais là, il y a de la voix sur chaque titre, mais ce n’est jamais chanté. Du coup, j’ai besoin d’avoir l’impression d’avoir donné du sens à ce que j’ai fait. Après, chacun l’interprétera de la manière dont il veut. C’est ça aussi la force de la musique électronique. Mais je trouve que si, pour moi, ce que je fais est clair, ça inspirera des choses aux gens qui l’écouteront.

LFB : Tu parles de choses qui, pour moi, sont un peu les trois socles de ton refuge. Il y a la musique, forcément. Je trouve qu’il y a le rapport à la nature, qui est hyper important comme tu l’expliquais, et tu as aussi une espèce, qui est aussi inhérent au refuge, de quête intérieure et de rapport aux souvenirs qui est hyper importante je trouve dans cette musique. Et qui passe énormément par les titres des morceaux que utilises. Ces trois là s’entremêlent et se retrouvent parfois sur certains morceaux ensemble.

Toh Imago : Tu as complètement raison. En fait, depuis Nord Noir, ce truc de l’association avec le souvenir, c’est quelque chose d’hyper important pour moi. Ce n’est pas un trip mégalo mais je trouve ça important, quand tu fais de la musique, d’apporter quelque chose qui vient vraiment de toi. Tu vois, dans Nord Noir, forcément c’était un peu l’histoire de là d’où ou vient. Et là, il y a aussi beaucoup de choses qui sont plus du ressenti lié à l’enfance, beaucoup de récupération de sons de VHS de films d’enfance. C’est une chose que j’avais déjà commencé à faire sur Opalis FM, c’est pour ça que c’était un peu la bascule entre les deux.

Du coup, que tout ça se mélange, au final, quand tu fais de la musique, je trouve que tu donnes un peu une part de toi à des gens qui vont l’écouter. C’est ça aussi qui donne un peu un sens à ce qu’on fait. C’est ce qui donne une certaine sincérité. Moi, je n’ai pas l’ambition de faire une musique « utile ». Dans la musique électronique, il y a beaucoup de musique de club, des choses qui sont vraiment faites pour danser, qui sont hyper bien. Quand je suis DJ, j’en fais, mais je trouve que c’est souvent des musiques utiles, qui sont faites pour correspondre à un genre, un truc qui passe parfaitement dans un set, des trucs qui défoncent, qui sont trop bien. Moi je n’ai pas l’impression de faire ça. J’ai une musique qui sert juste à être écoutée.

LFB : Je trouve qu’il y a une idée de recherche d’apaisement dans cet album, que je trouve hyper importante. Toi, tu ne le vois peut-être pas comme ça, mais je trouve que l’album, comme il est pensé et agencé, il y a vraiment cette idée de quelque chose qui traverse et qui t’apaise. Même en termes d’émotions, des trucs qui poussent à l’introspection de la personne qui découvre.

Toh Imago : Bah ouais. Ça c’est cool. Je suis très content que tu dises ça. C’est un peu l’objectif. Ouais, OK, ça a cette utilité là. J’avais moins cette utilité de musique de club, faite pour les clubs. Je pensais un peu à ça. Surtout qu’il y a des morceaux qui sont dansants mais hyper durs à mixer parce qu’ils ne sont pas sur du 4-4. Asile Sauvage, j’ai essayé de le placer moi-même dans un set et je me suis dit que j’étais vraiment con. C’est du cinq temps, donc c’est hyper dur à caler. Alors que c’est hyper dansant. Donc je me tire une balle dans le pied moi-même.

LFB : Ça vient aussi des contraintes que tu t’es imposées sur l’album en fait. Enfin, j’ai l’impression que c’est un album qui nécessite une écoute attentive, de par la façon dont tu l’as construit.

Toh Imago : Ouais. Je voulais même aller plus loin. Je voulais carrément faire tout en rythme ternaire. Puis en fait, je me suis dit que c’était trop compliqué. En fait, aussi dans la genèse de cet album, j’ai écouté beaucoup de musique néo-traditionnelles, des groupes de musique occitane… Je trouve que ces musiques traditionnelles ont vraiment ce truc hyper dansant pour le coup, et qui est vachement dû au rythme ternaire. C’est vraiment un truc qui m’a inspiré au début. Je voulais faire des trucs un peu comme ça. Je n’ai jamais réussi. Parce qu’il y a ce côté dansant, mais en dehors de toute cette idée club, c’est presque de la dance music rurale.

Et c’est ça que j’aime bien. Il y a un lien à la nature, à des instruments hyper traditionnels anciens et en même temps hyper modernes, et c’est un truc qui m’a vraiment mis des claques au début, quand j’ai fait cet album. Ça m’a un peu guidé. J’ai essayé par exemple de trouver une gamme ancienne pour travailler, pour me rapprocher un peu de ça. Je ne suis pas allé beaucoup plus loin, mais c’est vraiment des trucs qui m’inspirent à fond en fait. Voilà.

LFB : On parlait de choses qui traversent l’album mais aussi, tout l’album est un peu traversé par des sons extérieurs et des choses qui sont très organiques pour le coup, même si tu les modifies après coup. J’ai l’impression que sur une musique électronique, qui est censée être quelque chose de très froid et fait par des instruments qui ont ce son un peu froid, toi, même si tu le tritures et que tu le modifies, il y a vraiment cet apport du réel dans l’album et des sons de l’extérieur qui sont remis au service de la musique électronique.

Toh Imago : Ça, c’était hyper important pour le coup. C’est ce que je disais toute à l’heure, on est allé dans la forêt, on a renvoyé des sons dans la forêt pour récupérer la réverbération naturelle de la forêt mais en même temps, tu récupères aussi tous les sons de la forêt qu’il y a derrière. C’était une idée que j’avais, je n’étais pas sûr que ça marcherait.

Je trouve que ça marche à fond parce que du coup, tu as vraiment ce truc des machines qui sont des espèces de choses… C’est un peu vivant, c’est un truc que j’aime bien quand même. Les vieilles machines, ça apporte une certaine chaleur. Mais mine de rien, ça reste une machine et tu les remets dans le réel, dans des sons que tu ne peux en plus même pas maîtriser, parce que c’est le son de la forêt. Il y a les oiseaux, un peu de vent, plein de choses. On essaie de s’éloigner au maximum de toute activité humaine. Mais du coup, de mélanger ces deux choses, des choses créées de toute pièce et des choses qui existent vraiment, je trouve que ça marche bien et que ça donne une vie et que ça crée ce cocon.

J’aimerais que quand tu écoutes l’album, tu te crées ce cocon et que tu rentres un peu dans cette forêt. Une forêt qui existe vraiment, parce que c’est la forêt de Mormal, mais qu’une musique va un peu t’entraîner dans un voyage. En plus, sur l’album, au début, on est dans la forêt. On en part à un moment et après on y revient. Je trouve que le fait qu’on y soit plus, le but c’était de créer une espèce d’absence pour réapprécier le fait d’y retourner plus tard.

LFB : Il y a cette sensation de capturer le vivant. Et comme tu le dis, il y a des chassés-croisés entre l’espace extérieur et l’espace mental qui sont très marqués sur l’album.

Toh Imago : Ouais, ouais, carrément. C’est ce que tu disais tout à l’heure : le but, c’est aussi d’essayer d’aller vers une certaine introspection. Et en fait, de se sentir bien en écoutant. C’est aussi pour ça que c’est lumineux, quoi. Parce que bon, si c’était vraiment darkoss du début à la fin, au bout d’un moment, ça serait un peu anxiogène et c’était pas vraiment le but de cet album.

LFB : J’ai l’impression que c’est un album qui est justement fait pour être le contrepoids parfait de l’époque dans laquelle il a été créé en fait.

Toh Imago : Ouais, c’était le but. Essayer d’aider les gens à se sentir mieux. Parce que franchement, il n’y pas plus anxiogène que l’année qui s’annonce.

LFB : Et que les années qui sont passées aussi.

Toh Imago: Oui oui.

LFB: Un titre comme Cité Peupleraie, qui m’a ramené à énormément de souvenirs d’enfance et de choses que tu racontes sur ce morceau en utilisant ces sons de VHS … Pour moi c’est un peu un morceau central de l’album. Dans le sens où il a deux vies dans la façon dont il est créé je trouve, et qui ramène toutes les idées de l’album dans ce morceau.

Toh Imago: Je suis content parce que je crois que c’est un de mes préférés, et ce n’est pas forcément l’avis de tout le monde. Mais moi, j’adore ce morceau. J’avais vraiment envie de faire des morceaux avec des gros trucs de batteries et tout. Je suis un gros fan des Chemical Brothers, ce qui n’est pas le truc le plus underground du monde. Mais du coup, je voulais aussi retrouver un peu ces musiques que j’écoutais quand j’étais plus jeune. Et oui, les ramener là-dedans. Ramener quelque chose d’un peu « ancien » dans cet univers.

LFB : C’est un truc qui apparaît aussi sur le dernier morceau de l’album, qui ouvre sur d’autres perspectives. Ce rapport à la batterie qui est très important sur Chiffchaff justement. J’ai l’impression que c’est un peu ta façon de fermer la porte du refuge et de retourner sur le monde réel. Les sonorités sont beaucoup plus organiques et physiques que ce qu’il peut y avoir eu auparavant.

Toh Imago : J’aime bien. Tu as vraiment bien analysé tout le truc. C’est cool. C’est un peu ça. Parce qu’en plus, on s’est vraiment pris la tête sur le tracklisting et tout. Il y a vraiment une logique qu’on a essayé de respecter. Quand je dis « on », c’est aussi avec le label, avec qui on passe beaucoup de temps à essayer de bien faire les choses. Le tracklisting, même les pauses entre les morceaux, ce genre de choses. On passe du temps à faire ça pour justement qu’il y ait du sens, et qu’il y ait ce sens que tu as ressenti. C’est encore plus flatteur. Et d’avoir ce dernier morceau, qui est une espèce d’ouverture vers ce qui sera la suite, que j’ai déjà en tête.

LFB: Travailler avec InFiné, ça t’apporte je pense une liberté que tu n’aurais pas avec d’autres labels, en termes de construction d’univers, ou de t’autoriser à faire un album comme ça, qui n’est pas forcément évident à vendre. J’ai l’impression qu’on te laisse un peu carte blanche pour faire comme tu le sens.

Toh Imago : Ouais, je trouve que j’ai une chance inouïe d’être signé sur ce label parce qu’il laisse vraiment une vraie liberté à ce niveau-là aux artistes. Ils aiment bien ce délire de l’album concept. Je pense qu’aujourd’hui, c’est un label qui marche vraiment hyper bien, grâce à des artistes comme Rone ou même Léonie Pernet et tout ça. Il y a vraiment une bonne… C’est vraiment une belle période pour ce label. Et du coup, ça leur permet derrière de produire des choses un peu plus compliquées, comme les miennes. Surtout, de vraiment m’accompagner. C’est bien aussi parce que ce n’est pas un label qui a un son.

C’est un label qui va respecter le travail des artistes, tout en les accompagnant. Tu écoutes O’o qui vient de sortir, et à côté de ça, ce que je fais par exemple, à priori, il n’y a pas un son unique. Et je pense que c’est ça aussi la force de ce label, de proposer des choses qui vont souvent plaire à tout le monde, enfin pas à tout le monde mais aux gens qui les suivent et en même temps, les amener vers des choses auxquelles ils ne s’y attendaient pas forcément tu vois.

LFB : Les surprendre en fait.

Toh Imago : Ouais, exactement. Je me souviens que quand j’étais jeune, j’écoutais beaucoup Ed Banger par exemple, qui avait un son. Tu savais les trucs qui sortait de chez eux. Je trouve que c’est pas le cas d’InFiné, mais c’est justement ça la force de ce label. Sur cet album, avec Alex Cazac qui est le directeur artistique, il y a un vrai aller-retour. Il ne dénature jamais ce que j’ai fait, mais il m’aiguille. Ce n’est pas quelqu’un de technique, il va te donner plutôt des indications floues. Mais ça aiguille, ça donne une certaine unité à tout ça. Et en fait, finalement, même s’il n’y a pas un son, il y a un DA qui fait son travail et qui fait que ce label est intéressant parce que tout a une direction commune.

LFB : On pourrait dire que dans ta musique électronique des forêts, pour réduire un peu ce que tu fais, je trouve que tu as un rapport très régionaliste dans la musique. Tout est influencé par la région dans laquelle tu as grandis et que tu n’as, plus ou moins, jamais quittée. Il y a un truc très en opposition à l’idée de ce que sont les gens de la musique électronique, à Paris, ou des choses comme ça.

Toh Imago: Ouais, et ça je pense que vraiment InFiné, c’est un label basé à Paris mais qui n’est pas vraiment un label parisien. Ils ont des artistes un peu partout, qui respecte beaucoup ça justement. Et c’est vrai que moi je me suis un peu construit, pas forcément en opposition, mais j’aime bien cette idée de revendiquer autre chose.

C’est un peu évident, tout se passe à Paris. On ne va pas se le cacher. Si je les ai rencontrés, c’est aussi parce que je suis allé à Paris. Mais, ce n’est pas là d’où je viens, ce n’est pas ça qui m’inspire. Je ne me sens pas Parisien. Je trouve que c’est une ville sympa pour aller s’y balader mais je n’ai pas envie d’y vivre pour le coup. J’y ai vécu. Il se passe des choses de fou, mais en même temps, c’est intéressant, depuis quelques années j’ai l’impression, il y a vraiment plein de choses qui se passent en région.

Même si ça reste des grandes villes, ce n’est plus forcément que Paris qui est le centre de la France. Il y a des trucs à Marseille, Lille, ça bouge à fond. Bon Lyon, toujours. C’est bien quoi. C’est hyper dur je trouve, pour un groupe d’une région, de sortir de sa région. Et moi je pense que j’ai fait un peu l’inverse. C’est-à-dire que je suis sorti de ma région pour revenir. Mais il faut en être un peu fier, il ne faut pas… Je ne sais pas comment dire ça. Je trouve que c’est une singularité et qu’il faut toujours un peu jouer sur les choses différentes et singulières plutôt que d’essayer de rentrer dans une masse « trop cool, je viens de Paris » quoi.

Je travaille dans une salle de concert, et parfois il y a des groupes locaux, comme on n’est pas très loin de Paris mais qu’on reste dans la Picardie, qui mettent Paris dans leur bio. Et en fait, ça les dessert complètement parce que Paris c’est un endroit hyper chargé, où il y a plein de groupes et te différencier, c’est hyper compliqué. Alors que s’ils mettaient qu’ils étaient dans l’Oise, tous les petits acteurs de l’Oise les repèrent, vont les faire jouer et peut-être qu’après, ça va leur permettre de jouer ailleurs…

LFB: En parlant de région, j’ai vu que tu avais une date annoncée le 27 janvier au Poche à Béthune. Je me demandais comment tu le voyais vivre, cet album en live ?

Toh Imago : J’ai fait mon premier live sur cet album, bien avant qu’il sorte. C’était à l’Aéronef, l’année dernière. Et après, on l’a fait au 104. C’était deux premiers lives qui n’étaient pas vraiment les meilleurs que j’ai faits je pense. Ils m’ont amené à tout repenser. Sur ces lives-là, j’avais sorti toutes mes machines et en fait, c’est trop compliqué, trop de galères. Enfin bref, ça ne vas pas. Et là, on a refait quelques-uns : on a fait Le Louvre-Lens, on a joué au festival Images sonores, super festival. Et du coup, j’ai essayé de repenser le truc, d’enlever plein de machines, d’essayer de réutiliser beaucoup de pistes du live et maintenant, je m’amuse carrément plus parce que j’ai moins de contraintes.

Je peux beaucoup plus jouer, paradoxalement, que quand j’avais plein de machines. Et du coup, c’est un truc beaucoup plus vivant et hyper dancefloor en fait. Je trouve ça intéressant, un peu comme quand tu regardes un film, il y a toujours une partie au début où on pose le truc, où t’as un peu l’ambiance qui se met en place, tu comprends un peu ce qu’il se passe, tout ça et après ça peut partir. Bah là, c’est un peu ça. Au début, c’est un peu progressif. C’est les morceaux peut-être les plus calmes et les plus lents et à un moment, ça va partir, ça va devenir dancefloor. Mais je trouve ça important qu’il y ait ce moment-là calme au début. Les ruptures, les trucs comme ça, bref. Donc ce live, je le vois vraiment comme ça, comme un truc vraiment qui peut se jouer un peu partout. On n’a pas de vidéo, je n’ai pas de scéno pour le moment. Et je ne sais pas si j’en ai envie.

LFB : Contrairement au précédent.

Toh Imago: En fait, on l’a joué très peu parce que cet album est sorti peu de temps avant le Covid. On n’a pas eu beaucoup de dates. On en a fait une avec de la vidéo avec Julien qui est un ami, avec qui avant, dans mon ancien projet Gordon, je faisais tous mes lives avec de la vidéo. Et en fait, je trouve que ça amène une contrainte qui donne moins de spontanéité au live. Justement, ce live, il est certes très écrit parce que c’est compliqué de faire un live de musique électronique qui est peu écrit, ou alors il faut s’appeler Jacques. Enfin moi, c’est pas vraiment ce que je cherche.

Et en même temps, c’est un truc où il peut se passer des choses, où tu peux faire des parties beaucoup plus longues, jouer. Il peut y avoir de l’imprévu. J’aime bien sur ce que j’ai fait, que chaque live puisse être différent, qu’il puisse y avoir des moments d’imprévu. Et j’ai cette impression, et je me trompe peut-être, qu’à l’époque où je faisais de la vidéo, l’imprévu était peut être un peu plus compliqué à mettre en place.

LFB : Comme on est en début d’année, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2023, avec cet album ?

Toh Imago : Qu’il y ait plein de gens qui l’écoutent. Et qu’il y ait pas mal de dates aussi. Ca serait cool de pouvoir jouer un petit peu. Mais du coup, c’est un peu un cercle vertueux quoi. Il faut qu’il y ait des gens qui l’écoutent pour faire des dates, puis après grâce aux dates, il y a plein de gens qui vont écouter, etc.

LFB: Si tu devais conseiller un livre, film ou peu importe qui permettrait de développer limage quon peut avoir de Refuge, tu nous proposerais quoi ?

Toh Imago : Vraiment une bonne question. Je ne sais pas. J’ai lu un bouquin, avant d’écrire, qui n’est pas franchement hyper marrant à lire qui est un truc sur l’histoire des forêts en France. C’est hyper intéressant mais c’est un peu un truc de mémoires. Par contre, c’est ni un film, ni un livre, tu m’excuseras, c’est un podcast sur France Culture qui s’appelle LSD, la série documentaire et qui avait fait une série qui s’appelait Des forêts et des Hommes, qui m’a beaucoup aussi… Ca m’a aidé un peu à faire ce choix du travail autour de la forêt. C’est hyper intéressant, c’est une série de quatre podcasts qui est hyper bien faite.