Tirzah : « Colougrade est un mélange d’états d’esprit »

La musique de Tirzah est captivante et étrange, intime et hypnotique, à la fois douce et pleines d’aspérités et d’infimes détails à découvrir au fur et à mesure des écoutes. Après un premier album, Devotion (2018), acclamé par la presse musicale et les fans de musique indépendante de l’autre côté de la Manche, la musicienne londonienne sort Colourgrade, son successeur et continue d’envouter et de surprendre. Élaboré avec Mica Levi (Micachu & the Shapes, B.O. de Under the Skin…) et Coby Sey ses amis et collaborateurs de longue date, Tirzah livre un album organique en apesanteur repoussant les limites du « normal ». Nous lui avons posé quelques questions…

Tirzah

English version below

LFB : Comment vas-tu ?

Tirzah : Bien, merci.

LFB : Comment te sens-tu à quelques jours de la sortie de Colourgrade ?

Tirzah : Oui, je n’arrive pas à croire que c’est arrivé si vite. C’est probablement ce que tout le monde dit, mais je n’arrive vraiment pas à y croire. Mais oui, c’est bien !

LFB : Quand as-tu composé et enregistré l’album ?

Tirzah : Il a été écrit en 2019. Il y a à peu près un an, presque exactement. Donc oui, de 2019 à 2020.

LFB : Est-ce que la pandémie a affecté le disque de quelque manière ?

Tirzah : Nous avions terminé juste avant en termes d’enregistrement. Donc, cette partie n’a pas été affectée. Je pense que le fait d’avoir eu le temps de se poser avec l’album après coup a vraiment aidé à solidifier ce que nous voulions. La réalisation, le mixage et le mastering et l’orchestration et en termes de sélection de chansons, certaines sont restées et d’autres ont été laissées de côté… Donc, oui, je pense que ça a eu un impact de ce côté-là. Et évidemment, juste l’impact global de tout ça, mais pas beaucoup je dirais.

LFB : Il y a un fort mélange de sons organiques et digitaux sur l’album. Peux-tu nous parler un peu de ton processus de composition ?

Tirzah : C’est un mélange d’états d’esprit, où on était quand on écrivait les morceaux, les beats, les boucles et tout ça. Et puis évidemment des moments où c’était Coby, Mica et moi tous ensemble. C’est une sorte d’adaptation des préférences de chacun dans un melting-pot.

En ce qui concerne les sons, nous nous sommes sentis libres d’inclure des sons de la pièce ou des sons qui se produisaient à ce moment-là. Pour moi, comme ils sont – je ne sais pas si c’est pareil pour Mica – mais, pour moi, le genre de percussion et de phrasé, c’est ce qu’ils apportent assez fortement. Et quand ils ne sont pas là, c’est un peu différent. C’est comme s’il manquait un battement (beat). Ils sont vraiment intrinsèques à moi. Et puis le processus était similaire, quand il y avait juste Mica et moi. C’était très similaire à ce que c’était avant. Ce qui était bien, juste familier, vraiment.

LFB : Cet album, comme le précédent (Devotion, 2018), est très intime, il y a quelque chose de réconfortant et de chaleureux, mais il y a aussi une certaine étrangeté. Étais-tu dans un état d’esprit particulier lorsque vous avez composé l’album ?

Tirzah : C’est drôle parce que c’est comme… Je suppose qu’ils contiennent une similitude comme ça. Je pense qu’il s’agit juste de capturer des moments dans le temps à travers une année. Et nous sommes tous évidemment à l’unisson dans ce sens. Et je pense que c’est peut-être aussi dû au fait que nous avons beaucoup voyagé et joué ensemble. Je pense qu’il a trouvé son propre rythme comme ça, d’une certaine façon.

LFB : Et tu es devenue mère et tu attendais ton deuxième enfant aussi quand tu enregistrais l’album. Est-ce que la maternité a changé quelque chose dans ta façon d’appréhender la musique ?

Tirzah : Non, je ne pense pas. C’était très similaire parce que notre mode de fonctionnement était si fort – notre façon de faire de la musique Mica et moi. Et c’était comme se glisser à nouveau dans une seconde peau. C’était cet espace familier si… programmé (rire). Donc, c’était comme une continuation, ce qui était vraiment amusant. C’est vraiment agréable.

LFB : Et en plus de l’intimité qui se dégage de Colourgrade, il y a une mise en avant des corps, de la peau, du mouvement et du toucher dans les vidéos, comme Tectonic et Sinking avec le danse dans l’eau, et Send Me, comme une méthode pour guérir… Tu as travaillé avec un.e artiste de mouvement /praticien.ne somatique et directeur.ice du mouvement. Peux-tu nous parler un peu de cette facette de ton travail, de cette chanson en particulier et de la vidéo?

Tirzah : Oui, c’est bien que ces choses soient là parce je me souviens avoir eu une conversation avec Lewis Walker – qui a fait la plupart des vidéos et a participé à l’artwork – sur le fait de vouloir que le corps soit présent d’une manière ou d’une autre, que ce soit l’intérieur du corps, ou l’extérieur du corps (rire)… Qu’il soit horrible ou beau ou n’importe quoi entre les deux. C’est ce qui ressortait en écoutant le disque, et c’est ce qui m’est venu à l’esprit. C’est ce que j’ai dit que je voulais dans les visuels. Donc oui, je suis contente que ça se soit infiltré.

LFB : J’ai regardé la définition de Colourgrade, plus exactement « l’étalonnage des couleurs » (« Colour grading »), et c’est « le processus d’amélioration de l’apparence d’une image pour la représentation dans différents environnements sur différents appareils. » Est-ce que faire de la musique, c’est améliorer l’apparence de la vie ? Qu’est-ce que faire de la musique pour toi ? Peux-tu nous parler un peu du titre de l’album?

Tirzah : Oui, je vois la musique comme le droit de chacun de faire du bruit. Quelle que soit la manière dont cela sort, quel que soit le produit de cela. Et je pense que c’est quelque chose auquel je n’ai jamais vraiment envisagé ou que je n’avais pas vraiment l’ambition de faire. Mais c’est une de ces choses qui m’a été donnée comme ça. Et avec ça, je me sens vraiment bénie que ce soit avec une amie très proche et que cela se soit transformé en quelque chose que j’aime vraiment faire et c’est juste une perspective d’une certaine forme d’expression.

Pour le titre, je ne connaissais pas vraiment le mot colourgrade. C’était juste ce qu’on obtient quand on met des mots ensemble et qu’on écrit ses propres petits poèmes et des choses comme ça. Lorsque j’ai choisi Colourgrade, j’ai juste regardé pour voir si cela avait d’autres significations et s’il y en avait, parce que je n’avais jamais entendu ce mot auparavant, ou cette explication technique. Donc c’est une sorte de, oui, quelque chose que tu peux prendre ou laisser, tu peux y mettre un sens ou choisir de ne pas le faire. Mais oui, une coïncidence.

LFB : As-tu déjà eu l’occasion de jouer l’album en live ?

Tirzah : Oui, nous l’avons fait une fois… deux fois en fait ! Et, oui, je suis impatiente de voir l’évolution de l’album, tout comme Devotion, j’ai l’impression que ce n’est que maintenant que la version live ressemble à une nouvelle entité. Comme si il se formait à sa façon tout au long du chemin. Mais j’ai l’impression que ce n’est que maintenant qu’il arrive à un endroit dans ma tête où il ressemble à quelque chose de nouveau. J’ai hâte de voir où il va aller (rire).

LFB : Est-ce qu’il y a quelque chose que tu as découvert récemment et que tu aimerais partager avec nous ?

Tirzah : J’ai récemment découvert – ce n’est pas nouveau, nouveau, je suppose – mais leur dernier album… Still House Plants. Le disque s’appelle Fast Edit (2020). Je l’aime bien, c’est nouveau pour moi.

LFB : Super ! Merci !

Tirzah

English version

Tirzah’s music is captivating and strange, intimate and hypnotic, at once soft and full of rough edges and minute details to be discovered as you listen over and over again. After a first album, Devotion (2018), acclaimed by the music press and independent music fans on the other side of the Channel, the London musician releases Colourgrade, its successor and continues to bewitch and surprise. Developed with Mica Levi (Micachu & the Shapes, Under the Skin soundtrack…) and Coby Sey, her long-time friends and collaborators, Tirzah delivers an organic, weightless album that pushes the limits of « normality ». We asked her a few questions…

LFB: How are you?

Tirzah: Okay, thank you.

LFB: How are you feeling a few days before Colourgrade is released?

Tirzah: Yes, I can’t believe it’s come so quickly. I mean it’s probably everyone says that but I genuinely can’t believe it. But yeah, it’s nice.

LFB: When did you compose and record the album?

Tirzah: It was written in 2019. It’s about a year, almost exactly I think, in way. So yeah 2019 to 2020.

LFB: Did the pandemic affects the record at all in any ways?

Tirzah: We had finished just before in terms of recording. So, that part wasn’t affected. I think just obviously having the time to sit with it afterwards, actually really helped to solidify what we wanted. The make of it, I suppose, with the mixing and the mastering and orchestrating it in terms of song selection, which ones stayed which ones got left behind. So, yeah, I suppose that impacted it. That side of it. And obviously, just the whole impact of it all, but not greatly I’d say.

LFB: There’s a strong mix of organic and digital sounds on the album. Can you, tell us a bit about your process of composition?

Tirzah: Well, obviously it’s heavily kind of pads upon, mixes states of mind, you know, where they were when they were writing the tracks or the beats and loops and all this. And then obviously moments where it was Coby and Mica and I altogether. It’s kind of fitting everybody’s preferences in a melting pot.

With the sounds, this was definitely one where we felt free to just include sounds of the room or sounds that were going on at the time. To me like they are – I mean I don’t know what they feel like to Mica but – to me the kind of percussion and phrasing, that’s what they bring quite heavily. And when they’re not there, it’s sort of, not the same. It’s like a beats’ missing. They’re quite intrinsic to me really. And then the process was similar, when it was just Mica and I it was very similar to how it was before. Which was nice (rire) just from home really.

LFB: Yes, I was going to ask you about Mica levy and Cobey Sey and your musical relationship… How did you meet and how did it progress into working together?

Tirzah: Mica and I have known each other from a long time ago. About 14 we were (rire) so a long time. And, and Coby it was someone that I met maybe… must have been my early 20s. And then, aas time went on, you become more involved with each other’s kind of music ideas or just you have a kinship. You share that a sort of kinship. You have that in common and your approach to things, you know. An approach to music or an openness for experimentation, that sort of things. And obviously as time goes on those things just build and get stronger. So, yeah, really lucky like that. I’ve been really lucky to be able to play with them.

LFB: This album like your previous one (Devotion, 2018),  is very intimate and there’s something comforting and warmly healing and there’s also a strangeness about it. Were you in a particular state of mind when you compose the album?

Tirzah: It’s funny because it’s like… I suppose they do contain a similarity like that. And I think it is just capturing moments in time across a year. And we’re all obviously at one in the sense. I think maybe that’s also to do with having, you know, we were travelling together quite a lot and playing together. So I think that it found its own groove like that in a way I think. Yeah.

LFB: You became a mother and you were expecting your second child when recording the album. Has motherhood changed something in the way you apprehend music?

Tirzah: No. It felt very similar, I think, because the pattern was so strong, of how we made music Mica and I. It felt like just slipping back into second skin. And it was that familiar space so, you know, programmed (laughs). So, it felt just like continuations, which was just really fun. It’s really nice.

LFB: And along with the intimacy which breezes through Colourgrades, there’s an emphasis on bodies, on skin and movement and touch in the videos, like Tectonic and Sinking with the dance in the water, and Send Me, like a method to heal… You’ve worked with a movement artist/somatic practitioner and movement director. Can you tell us a bit about the this side of your work and about this particular song and video?

Tirzah: Yeah, it’s nice that those things are there because I remember having a conversation with Lewis Walker – who did the most of the videos and sort of collaborated with the artwork – about wanting to be a sense of wanting the body to be present somehow, whether it was kind of inside the body, outside the body (laugh)… Whether it was kind of gruesome seeming or beautiful or whatever in between. And so, that’s just what I picked up on in terms of listening to the record, and that’s what just came into mind. So that’s what I said I wanted to be present in the visuals. So yeah, I’m glad that it sort of somehow seeped through.

LFB: And I checked the definition of Colourgrade, more exactly “colour grading”, and it’s “the process of improving the appearance of an image for representation in different environments on different devices”. Is making music, improving the appearance of life? What is making music for you? And can you tell us a bit about the title?

Tirzah: Yeah. I see making music as just everyone’s right to make noise. However that comes out, whatever the product of that is. And I think it’s something that I never really thought or… that I didn’t have ambition to do really. But it’s one of those things for me that’s just kind of been inhanded to me it feels like. And within that, I’ve just feel really blessed that it’s with a very close friend and that has turned into something that I really love doing and it’s just an outlook of some form of expression.

With the title I didn’t actually know the word colourgrade. It was really just, you know, what comes of putting words together and writing your own little poems and things like that. I mean when I did choose colourgrade, I did just check to see what other explanations, if any, there were for that because I hadn’t heard of that word before, or that technical explanation. So it’s kind of something that you can either take or leave, you can put meaning to it or choose not to. But yeah, a coincidence.

LFB: Did you had the chance to play the album live yet?

Tirzah: Yes, we did it once… twice actually! And, yeah, I’m just looking forward to it evolving really just like Devotion it feels kind of like only now, does the live version of Devotion, feels like a new limb, like it’s forming in its own way along the way but it feels to me like only now it’s got to a place in my head that feels like a new thing in a way. So looking forward to seeing where this one goes really (laughs).

LFB: Is that is something that you discovered recently that you would like to share with us?

Tirzah: I recently discovered. What the It’s not new, new, I suppose, but their latest records… Still House Plants. The record is called Fast Edit (2020). I’ve been enjoying that, that’s new to me.

LFB: Thank you!

Voir Tirzah Live:

13/11/21, Pitchfork Festival, The Oval Space, London

Découvrir Colourgrade :

Voir notre chronique de Hive Mind ici.