The Wombats : « Arriver à un âge où tu comprends que la positivité est plus utile que la négativité »

On s’est récemment entretenu•e•s avec Murph, le leader de The Wombats, autour de leur très bon dernier album Fix Yourself, Not The World et de la nécessité de l’optimisme. On retrouvera le trio britannique en concert à Paris ce 29 avril 2022 à la Machine du Moulin Rouge.

LFB : Comment ça va? Comment s’est passée la sortie de l’album?

Murph : Ça a été très différent des 2 années qui l’ont précédée. La semaine de sortie d’album au Royaume-Uni a été dingue, on a fait genre 16 concerts en 9 jours et la tournée américaine a été très intense aussi. Tout le monde était malade au tout début, on pensait tous que c’était le Covid mais en fait seul l’un d’entre nous l’avait et a du s’isoler pendant 5 jours en se déplaçant dans son propre van (rires). C’était notre tour manager et il a du tout gérer en isolement. C’était éprouvant mais les shows ont été incroyables et on dirait que les retours sur l’album l’ont été aussi, donc ça valait totalement le coup.

LFB : J’ai lu que l’album a été enregistré dans plusieurs villes, comment ça s’est mis en place? Ça a du être très différent du processus habituel, de se réunir au studio avec le groupe et de bosser sur le disque tous ensemble pendant quelques semaines.

Murph : J’étais à Los Angeles pour une bonne partie de l’album, Tord était à Oslo et Dan à Londres. Pour moi, c’était génial parce que je pouvais bosser de mon côté à partir de 9h, rentrer à 17h et être avec mes enfants, les coucher, faire tous les trucs de papa que je n’aurais pas pu faire dans un monde sans pandémie. C’était aussi un peu bizarre et on a donc dû être le plus ouvert et communicatif possible. Quand ils finissaient leur journée, je commençais la mienne et l’objectif était de faire un Zoom et de parler de tout ce qu’il se passait. On a fait ça pendant un temps et ensuite ça s’est arrêté. Tout le monde bossait sur différentes parties de différentes chansons et ça a un peu viré au pur chaos!

LFB : J’ai l’impression que l’album a beaucoup de sonorités différentes, est-ce que l’enregistrement dans divers environnements a influencé ça?

Murph : Alors tu vois, je ne sais pas si c’est vraiment ça ou pas, mais j’aime penser qu’il y a deux pièces dans l’album qui se rejoignent pour en créer une nouvelle, donc c’est assez intéressant. Il y a comme deux espaces dans chaque chanson, j’imagine que ça leur donne un côté 3D ou quelque chose dans le genre, enfin peut-être pas… Dans les démos, il y avait des chansons où on se disait « Ça, c’est clairement fait pour des cuivres », parfois il y avait un petit truc à la LCD Soundsystem, des influences Bowie, des guitares funky style Nile Rodgers… On a repéré tout ça assez rapidement pendant le processus de maquettes et on savait ce qu’on avait envie de mettre en avant : on a essayé de le faire autant qu’on le pouvait et on les a inclus dans toutes les chansons où ça fonctionnait.

LFB : J’ai l’impression que l’album résonne pas mal avec la situation actuelle car l’isolement peut mener à l’introspection et par extension à l’acceptation des choses. À mes yeux, on dirait qu’on assiste à l’évolution d’un personnage, de quelqu’un qui traverse différentes phases, qui commence par être un optimiste réticent et qui finit par être vraiment prêt pour des trucs grandioses. Ça ressemble au journal intime d’une personne en plein cheminement. Est-ce que c’était ton intention?

Murph : 50% du disque a été écrit avant la pandémie et le reste après. Ça parle de lâcher prise, d’acceptation de soi et de régler pas mal de choses, mais mes paroles essaient toujours un peu de faire ça (rires). Pour moi, la thématique principale tourne autour d’arriver à un âge où tu comprends que la positivité est plus utile que la négativité. La négativité et le cynisme peuvent être marrantes parfois et ça marche sur du court-terme, mais si tu t’en sers pendant longtemps, ça risque de ne finalement pas beaucoup t’aider en réalité. Pour moi, c’est ça que raconte l’album je crois.

Crédit photo : Tom Oxley
Crédit photo : Tom Oxley

LFB : Je suis d’accord. Au niveau de la musique, ça commence avec quelque chose de très énergique et qui finit dans le calme. Et entre ça, ça fluctue entre des morceaux qui sont très optimistes et d’autres qui parlent d’être inquiet•e ou co-dépendant•e… Enfin, co-dépendant•e n’est peut être pas le bon mot…

Murph : C’est en fait carrément le bon mot! (rires)

LFB : J’ai juste trouvé que c’était très réaliste : ce n’est pas linéaire. Il y a des variations. J’aimerais aussi parler du titre de l’album et de celui du dernier morceau : Fix Yourself, Not The World et Fix Yourself, Then The World. Malgré les apparences, je trouve que l’album a un regard sur le monde très positif. Beaucoup de gens pensent que les humains sont horribles, que rien ne pourra jamais changer et qu’on est condamné•e•s mais tu as l’air penser l’inverse : tu peux m’en dire plus?

Murph : Quand j’ai suggéré ce titre, il y a eu plein d’emails que se sont transformés en une énorme conversation sur sa signification. Certain•e•s se disaient « Peut-être que les gens vont trouver ça trop sombre… » et à ce moment là je me suis dit « Wow, regardez de quoi on parle, peut être que c’est exactement pour ça qu’on devrait l’appeler comme ça« . Pour moi, ça parle juste de s’accepter, de s’occuper de soi avant de se préoccuper des autres car personne n’est parfait et qu’on a tous des merdes à gérer. Je ne veux vraiment pas avoir l’air de dire que l’activisme est inutile, mais peut-être que certains aspects le sont si on ne sait pas qui on est vraiment. Des millions de gens brisés qui lèvent leur poing contre un monde brisé lui aussi, ça n’a pas vraiment de sens. Sur les réseaux sociaux, des concepts incroyablement complexes peuvent parfois être réduits à des vidéos super courtes qui sont partagées et repartagées. Avant même que l’on s’en rende compte, tout le monde est possédé par la même idée. Je ne sais pas trop, je pensais que le titre allait être plus controversé qu’il ne l’a été, je pensais que ça allait créer des débats mais on dirait que les gens l’ont vraiment aimé. Quant à la dernière chanson, une des grandes raisons pour lesquelles je voulais l’appeler comme ça était pour distraire de la négativité qu’on pourrait trouver dans le titre de l’album, juste pour rappeler qu’on peut changer les choses si on veut, un truc un peu positif quoi.

LFB : Je voulais aussi te parler du monde virtuel qu’on peut déceler dans la pochette de l’album et dans certains clips…

Murph : J’ai toujours adoré eBoy et ce qu’ils font depuis que j’ai vu leur travail sur un album de Groove Armada. On pouvait pas se payer du Murikami... (rires) et on a pensé qu’ils seraient super. Ils ont été géniaux, on avait une vision précise de ce qu’on voulait : une ville dans le chaos absolu, aussi apolitique que possible et qui se concentre vraiment plus sur la pagaille ambiante que sur le reste. C’est ce qu’on a fait et c’était un plaisir de bosser avec eux. Il y avait beaucoup de choses qu’on pouvait faire avec cet artwork et on en a fait un clip qui nous plonge dans cet univers et qui nous balade dedans. Ce clip représente bien l’idée d’essayer de s’en sortir je suppose.

LFB : Tu es passé de l’avant dernier album de The Wombats à ta carrière solo puis tu es retourné vers le groupe en un temps record, ça a du être très intense. Comment ça s’est passé? C’était important pour toi d’immédiatement retrouver The Wombats après Love Fame Tragedy?

Murph : On faisait les deux en même temps en vrai. Dan et Tord sont venus quelques fois à LA en 2019, je suis parti en tournée en 2020 et j’ai enregistré l’album dans la foulée… Je cumulais les deux projets, ce qui était intéressant. Tu sais, depuis que j’ai deux enfants, tout le reste me parait assez simple (rires). Ça aurait peut-être été un peu plus compliqué sans la pandémie, il y avait quelques plans de tournée qui sont du coup tombés à l’eau. J’imagine que j’aurais été au Royaume-Uni pour la sortie du disque mais je n’ai pas pu le faire. Je pouvais seulement le sortir et penser au suivant.

LFB : En parlant de tournée, vous venez bientôt à Paris!

Murph : J’ai hâte de revenir à Paris. On a plein de bons souvenirs là-bas, professionnels et personnels. On doit juste terminer la tournée britannique et ensuite on pourra imaginer à quoi la tournée européenne va ressembler. On est très heureux de repasser par Paris, on a une longue histoire avec cette ville : Dan y a habité.

LFB : Pour finir, est-ce qu’il y a quelque chose que tu aimerais partager?

Murph : J’ai beaucoup utilisé la technique de respiration Wim Hof, je ne sais pas si tu connais? Avec la tournée et le manque de sommeil dans le tourbus, c’est génial… Enfin bref, il y a un gars complètement fou qui s’appelle Wim Hof et qui s’intéresse à la thérapie d’exposition au froid mais aussi aux exercices de respiration. Il y a un exercice de 11 minutes sur YouTube que je fais beaucoup car ça aide à se recentrer, à calmer le stress et ça donne une sorte de boost, c’est un truc très cool à faire au milieu de sa journée. Il y a d’autres exercices que j’ai fait par le passé qui sont beaucoup plus intenses mais celui là est parfait. C’est ce que je recommanderai, ça aide avec le fait de beaucoup voyager. Je pense que les êtres humains ne sont pas fait pour se déplacer aussi vite, faire des concerts, descendre de scène, boire des bières et retourner dans le bus tous les jours. À un moment donné, tu te dis « bon, j’ai besoin de m’accorder 12 minutes » et je trouve que cet exercice aide beaucoup.

Retrouvez The Wombats en concert à La Machine du Moulin Rouge