The Supermen Lovers : « Mon métier est de faire danser les gens et je pense que je le fais bien. »

A l’aube de la sortie de Body Double, quatrième album solo de Guillaume Atlan, alias The Supermen Lovers, nous nous sommes entretenus avec l’un des compositeurs les plus emblématiques de la french touch. Derrière le succès monstre de Starlight, on se rend vite compte que la carrière du compositeur est bien plus large que cela et qu’il ne s’est jamais arrêté de produire. Rencontre avec un homme qui n’a pas cessé d’être heureux, de vouloir son bonheur et celui des autres malgré un contexte difficile pour la fête.

.The Supermen Lovers

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La Face B : Comment tu appréhendes la sortie d’un album 10 ans après la sortie de Between The Ages, ton dernier LP ?

The Supermen Lovers / Guillaume : Je ne considère pas que ça fait 10 ans parce que j’ai sorti pas mal de choses pendant toutes ces années, des EPs, des singles. Ça ne change pas grand chose pour moi, je ne suis pas plus inquiet. L’EP Clock Sucker, par exemple, est un mini album avec ses 6 titres. Par contre, ce qui a fait mal, c’est le confinement, ça nous a bien mis dans la galère, ça a chamboulé tous mes plans.

LFB : Parce que tu avais déjà commencé ton album pendant le confinement ?

TSL : Mon album est prêt depuis le premier confinement ! Il m’a pris deux ans à peu près… Si tout se passe bien, il doit sortir en septembre-octobre mais moi les morceaux je les ai trop entendus, ils me gonflent déjà un peu (Rires). Quand tu créés un morceau, t’es dans une vibe précise, deux ans après ce n’est plus la même. Durant 2017-2018 à peu près, je suis parti vivre dans les pays de l’Est, j’y ai vécu des aventures de toutes sortes que ce soit au niveau sentimental, amical ou professionnel, Requiem For A Bitch parle de ça.

LFB : Oui, il y a cette espèce de syndrome où quand ton public reçoit les morceaux, toi tu es déjà psychologiquement passé à autre chose.

TSL : Bah oui, je suis déjà sur ce qu’il se passe après, tout a été décalé parce que notre média N°1, les clubs, n’existe plus, c’est très compliqué pour la musique électronique. Maintenant l’urbain a pris le pas sur l’électro en France. Mais bon…On va se remettre au boulot et sortit de bonnes petites bombes !

LFB : C’est marrant que tu parles de vibe parce que justement, ton morceau Requiem For A Bitch m’a rappelé certains de tes anciens morceaux, notamment La Suze sous un autre nom, Stan de Mareuil, avec Stéphane Bejean…

TSL : Ah ouais ? La Suze ? (Rires). Trop drôle, oui je vois ce que tu veux dire, Le riff de violon. Mais ce n est pas le même du tout. C’est juste les intentions qui se ressemblent un petit peu.

LFB : Oui, ce sample que je ne connais pas d’ailleurs !

TSL : Alors, sur Requiem For A Bitch, ce n’est pas un sample, j’ai composé tout le morceau, mais sur La Suze, il me semble que ça vient du morceau Walkman de Kasso, c’est marrant en tous cas ! C’est clair que j’ai pu être influencé. Après il est sympa mais comme je t’ai dit le morceau est assez étrange pour moi, c’est perso et je ne le voyais pas forcément comme single mais bon, ça s’est fait comme ça et puis c’est tout.

LFB : Bizarrement tu sembles toujours ajouter une couche d’humour sur tes morceaux, même si les intentions sont plus sombres, c’est une volonté de ta part ?

TSL : Non pas du tout, c’est juste naturel en fait, je suis comme ça ! Je viens d’une époque où on pouvait rire de tout et je sens que ça m’a influencé énormément. Je vois pas pourquoi je devrais être sérieux, je trouve que c’est un luxe de se plaindre. Les artistes qui viennent de te balancer leur malheur en pleine face pendant tout un album ce ne me branche pas particulièrement. Personnellement je suis compositeur et producteur, mon métier est de faire danser les gens, leur donner de la joie, et je pense que je le fais plutôt bien

LFB : Non je dirais pas que ça ne fait pas sérieux, mais on sent que tu prends les choses avec légèreté et que tu n’as pas besoin d’avoir une posture trop réfléchie sur la scène musicale.

TSL : C’est surtout qu’on se mange déjà un paquet de merdes dans la vie, c’est dur, on a tous des problèmes, donc je suis là pour faire oublier aux gens ces moments difficiles. Après, j’ai jamais vraiment essayé de faire des morceaux tristes, peut-être que je ne sais pas le faire. En fait, je trouve ça plus difficile de faire une chanson qui fait danser qu’une chanson pour émouvoir, je pense que les émotions comme la tristesse ont pas mal de clichés en termes de musique, c’est plus facile de les retranscrire. De toutes façons ça se voit partout, sur Internet tu fous une photo de chat trop mignon tout le monde est ému (Rires).

LFB : Je suis assez d’accord, même en composition je trouve que c’est plus difficile de faire une musique joyeuse qu’une musique triste…

TSL : Je ne sais pas, sûrement, mais c’est surtout aussi au niveau de la réception du public. Une musique joyeuse comme la mienne est beaucoup plus critiquable je trouve, alors que, dès que ça touche à la tristesse, il y a un genre de consensus où personne va te dire « C’est relou ce que tu fais ».

LFB : Dans de précédentes interviews déjà il y a plus de 10 ans, tu disais ne pas vouloir t’enfermer dans un style ou faire des redites de Starlight, à quoi peut-on s’attendre alors sur ton prochain album Body Double ?

TSL : Un peu de tout écoute, de la disco, du clubbing, en espérant que les clubs réouvrent… Pas de chanson triste ni de hip-hop donc je croise les doigts pour les clubs. De toutes façons, je ne vais pas te mentir, si je vois que vers septembre les clubs n’ont toujours pas réouvert, je vais décaler la sortie de l’album tout simplement, encore une fois.

LFB : C’est la meilleure décision oui…

TSL : Bah oui complètement, franchement s’il n’y a pas de clubs ça ne sert à rien. Là je vois Requiem For A Bitch, Summer Love, ou encore Pigeon, même avec le clip, on rame quoi. C’est la galère. La musique électronique est en difficulté et puis les gens ont tendance à oublier, j’éspère que les nouvelles générations n’ont pas oublié l’électro et qu’ils ne sont pas allés vers autre chose.

LFB : Oui, personnellement à 24 ans autour de moi je n’en entends plus beaucoup, en tous cas assez peu dans nos soirées confinées à six personnes.

TSL : Oui, c’est normal, maintenant l’électro c’est presque une musique de niche, c’est réservé au clubbing, autour de toi c’est hip-hop à 100% ?

LFB : Quasiment, je n’y suis pas pour rien évidemment, je kiffe aussi, mais disons que c’est moins instinctif d’écouter de l’électro en petit comité que dans des soirées grands formats, chose qui n’existe plus pour le moment…

TSL : Exactement, et des trucs comme Myd toi ça t’intéresse ?

LFB : Oui complètement, je suis fan de la french touch en général de toutes façons, c’est pour ça que c’est assez fou pour moi de faire cette interview avec toi sachant que je dansais sur Starlight quand j’avais 7-8 ans.

TSL : Trop cool !

LFB : Après, Myd est un bon contre-exemple parce que, même avec le COVID, j’ai l’impression que ça se passe plutôt bien pour lui…

TSL : Ah ouais ? Moi je trouve pas, par rapport à ce que ça devrait être en tous cas, normalement un mec comme ça, ça devrait être un raz-de-marée !

LFB : Il expliquait pourtant que son single The Sun marchait de mieux en mieux même quatre ans après, ça tourne dans toutes les stories Instagram, c’est assez fou. Après, c’est sans doute une exception, la plupart des producteurs d’électro doivent être dans une situation assez difficile effectivement.

TSL : C’est cool pour lui, il faut qu’il puisse y avoir des gens comme ça qui drainent un public vers l’électro.

LFB : Bon, pour une interview de The Supermen Lovers, je suis obligé de faire un passage par Starlight et en parler, comment tu vois le titre 20 ans après ?

TSL : J’en suis toujours aussi content. Contrairement à ce que certains ont voulu me faire croire, comme quoi c’était un handicap, un boulet, que les gens connaîtraient pas ma vraie carrière… J’ai envie de leur dire que pour rien au monde je ne donnerais me place, c’est un peu mon Golden Gate quoi (Rires).

LFB : Oui, l’héritage de ce morceau est assez fou même deux décennies plus tard ! D’ailleurs je vois que le titre continue à vivre à travers de remixes et autres, il y a une version avec Bob Sinclar et Robbie Williams qui est sortie en 2019, ça s’est fait comment ?

TSL : C’est un bootleg en fait. C’est Chris (Bob Sinclar) qui m’a appelé et qui m’a dit qu’il avait fait un truc avec mon morceau, je lui ai dit « pas de problèmes » ! En fait, le bootleg n’importe qui peut le faire, toi demain tu veux en faire un, tu peux le faire et même le sortir. Bon derrière il faut pouvoir le promotionner, etc… Mais tu ne peux pas rien dire à des mecs qui font quotidiennement des bootlegs dans tous les sens de tes morceaux sur internet, et refuser un bootleg venant de Bob Sinclar ! En plus Chris est un ami donc pas de soucis.

LFB : Tu peux nous parler de ta collaboration avec La Tebwa ?

TSL : Ça fait maintenant 18 ans, je pense, que je collabore avec Romain Coulon de La Tebwa. J’ai mon propre label « Word Up Records », mon premier label s’appelait Lafessé Records. Sur Word Up, je sors seul mes autres projets (Entschuldigung, Roommates) ainsi que d’autres artistes (Fell Reis, Neumodel, etc…). Mais concernant The Supermen Lovers, nous sortons ensemble, La Tebwa et Word Up Records, les EP, albums, soundtracks etc.. Cette association se passe plutôt bien vu le nombre de disques sortis donc pourquoi arrêter ?

LFB : Un jour, mes recommandations Spotify m’ont fait découvrir un groupe qui s’appelle Entschuldigung, notamment le morceau Gina Cecello. C’est seulement en préparant cette interview que j’ai découvert que c’était toi derrière ce projet, avec Stéphane Bejean, alias L’Anglais, tu peux nous en parler ?

TSL : Entschuldigung, c’est un projet avec mon pote Stéphane oui, il vit à Londres et s’occupe de galerie d’arts. On mélange art contemporain et musique, le nom du groupe veut dire « Désolé » en Allemand, donc on s’autorise une large palette d’erreurs ! On ne fait que les choses quand on a envie de les faire. Tu vois là on avait pas envie de faire de nouveaux tracks depuis 3 ans… Bah on les a pas fait…. Désolé !

LFB : Concernant une autre collaboration musicale, j’ai vu que tu avais collaboré avec Yann Destal du groupe Modjo sur Requiem For A Bitch, tu te sens toujours proche de tes racines à la grande époque french touch ?

TSL : C’est des potes tu sais, encore aujourd’hui. Quand ça va pas, on appelle un pote (Rires). On se connaît un peu tous, on regarde ce que font les autres.

LFB : Et même musicalement tu ressens encore cette proximité ?

TSL : Ouais, je crois qu’on ne se refait pas. C’est en nous tout simplement, on a créé ce style, ce sera toujours là et c’est notre façon d’être. C’est comme si tu demandais ça à un mec d’un groupe de punk de l’époque, il te dira qu’il est toujours punk dans son âme. J’attends avec impatience la génération qui va s’intéresser de nouveau à cette scène french touch, c’est cyclique de toutes façons, ça va revenir je le sens.

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