The Psychotic Monks – Opération à cœur ouvert

Le quatuor parisien a signé son retour en février dernier avec Pink Colour Surgery, un 3ème album toujours aussi enflammé qui, teinté d’improvisations, repousse les limites de leur alchimie. En pleine possession d’un monde qui lui appartient, le groupe nous en ouvre les portes pour nous immerger dans une expérience bouleversante. Un voyage qui nous porte au plus profond de notre intimité, dans des endroits parfois sombres et inconfortables, où l’album trouve toute sa fulgurance.

Pink Colour Surgery se joue des étiquettes que la société nous impose et la couverture du disque en est un bel exemple. L’andro-switch est mis à l’honneur, au cœur d’une photo d’une sensualité à la fois douce et intense.

Toute l’attention est tournée vers ce moyen contraceptif qui, par sa simple présence, défie un rapport de force qui s’impose à notre société. L’album s’ouvre avec brio par le morceau Post-Post-, qui pointe du doigt avec humour ce préfixe réducteur que nous employons à tout bout de champ. Pink Colour Surgery se place alors comme un médium qui, morceau par morceau, détruit avec violence ces enveloppes sociales pesantes afin de nous parler au plus profond de notre individualité. 

L’album se conçoit comme une véritable expérience, et il semble impératif de se laisser guider passivement par le groupe afin de la vivre pleinement. (Pre-Enter) nous laisse quelques secondes pour nous installer confortablement sur notre lit d’hôpital avant que la chirurgie n’opère.

La transition est brutale et fait l’effet d’une opération sans anesthésiant. Le groupe invente une musique instinctive qui aime prendre au dépourvu, et nous bouscule jusqu’aux dernières notes. L’écoute du disque est physique, et la sensation n’en est que plus salvatrice.

Il y a quelque chose de cinématographique dans la structure des morceaux : si Pink Colour Surgery était un film, son titre serait À bout de souffle et il serait sans aucun doute réalisé par les frères Safdie. Impossible de ne pas penser aux merveilleux Good Times ou Uncut Gems tant l’expérience vécue est similaire.

Les quatre virtuoses ne cessent de développer une présence singulière. Pour cet album, les membres ont expérimenté de nouveaux sons plus électroniques. On sent une maîtrise totale de ces nouveaux instruments que le groupe s’amuse à pousser dans leurs retranchements. Sur Crash, un des morceaux les plus marquants de l’album, le groupe installe un rythme techno maladif qui, crescendo, nous conduit à une chute certaine. 

Le clip, brillamment réalisé par Bart Price, accentue cette impression de crash imminent. Et pourtant *spoiler alert*, il n’en est rien. Une nouvelle fois, le groupe s’amuse avec nous, et nous faire redouter un crash que nous sommes déjà en train de vivre.

Talking through repetition

Les quatre membres s’adressent à nous tels des gourous et ces répétitions obsédantes, aussi bien textuelles que rythmiques, nous emportent dans un état d’extase orchestré. Comme un appel à un lâcher prise total, l’album libère nos émotions enfouies pour nous y confronter. Si l’expérience semble brutale, le groupe articule à merveille des moments d’intensité destructrice avec des temps de relâchement nécessaires. Décors, reflet de notre santé mentale, vient rompre des instants de quiétude par des crises d’angoisse soudaines.

Si ce constat paraît bien sombre, sachez que Pink Colour Surgery cache une grande part de lumière. location.memory, dernier morceau de l’album, marque la fin de la course et vient nous repêcher, à moitié inconscient, perdu entre deux réalités – « Not sure what is real » – Peu importe l’endroit où cette expérience termine, les quatre virtuoses délivrent une performance cathartique par laquelle on en ressort plus fort et apaisé. Nous aussi, de cette expérience, on en gardera le plus beau souvenir !

Photo : @benedictedacquin