The Ocean : « C’est l’album où tu sens la meilleure osmose entre nous. » 

The Ocean navigue dans les eaux troubles et sombres du Metal lourd et pesant depuis de nombreuses années. À l’occasion de leur dixième album et d’un virage stylistique inattendu, nous avons la chance de nous entretenir avec Loïc Rossetti, le chanteur de la formation.

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La Face B : Salut Loïc ! J’espère que tu vas bien !

Loïc Rossetti : Salut Manu ! Ouais ça va bien et toi ?

La Face B : Ça va très bien ! Merci beaucoup de m’accorder un peu de ton temps ça me fait super plaisir. Avec The Ocean vous sortez votre dixième album, Holocene. Est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur vous l’avez imaginé, conçu et enregistré ?

Loïc : L’album il a surtout été composé par Peter, qui est le mec qui joue su synthé dans le groupe. C’est lui qui est venu avec les idées de base. Il a composé un album électronique, puis pendant la pandémie ils en ont parlé avec Robin. Il a trouvé ça vachement bien puis on s’est dit qu’on allait essayer de prendre ces morceaux et essayer de leur donner un petit côté Oceanesque. Puis en essayant on s’est rendu compte que ça marchait pour nous. On s’est dit que c’était un challenge, l’occasion de faire autre chose.

La Face B : Cette direction là on la sentait venir sur la deuxième partie de Phanerozoic II. J’ai trouvé qu’il y avait une sorte de transition assez logique au final. Est-ce que c’était fait inconsciemment du coup ?

Loïc : Pleistocene elle est pas vraiment typée très électronique, elle te donne pas tellement l’idée qu’on va aller dans ce sens-là. Par contre le morceau Holocene ouais, le dernier morceau il donne clairement la direction où on veut aller. 

La Face B : La première chose qui m’est venu en tête quand j’ai vu le titre de l’album, c’est le lien avec le nom du morceau. Est-ce qu’il y a un lien entre les deux ?

Loïc : Le morceau Holocene il donne la direction du prochain album, celui qui va sortir et qui a le même nom. Ça donne un peu l’idée d’où on voulait aller.

La Face B : Au final ce morceau là c’est l’amorce de ce qui arriver après ?

Loïc : Exactement. Après c’est une petite parenthèse à The Ocean. On sait pas si on va continuer dans ce style.

La Face B : Oui bien sûr, j’allais tout justement te demander si c’était quelque chose pour vous qui est durable ou c’est vraiment une parenthèse que vous faites pour ensuite repartir sur quelque chose de plus classique pour le groupe.

Loïc : Alors, il y a déjà un autre album qui est plus ou moins prévu qui est un peu plus Metal quand même. Après on a encore rien enregistré, on en est pas encore là mais dans l’idée Robin il a déjà ça. Je te dirais qu’on se laisse aussi toutes les portes d’ouvertes, tout est possible. On verra bien comment les gens vont apprécier cet album, ou pas. Peut-être que ça nous donnera un nouvel élan pour partir dans une autre direction. Pour l’instant on sait pas trop encore.

La Face B : Même si on peut s’attendre à autre chose venant de The Ocean, on est habitué à quelque chose de plutôt lourd, au final ça colle bien à l’image que je me fais du groupe. C’est-à-dire un groupe qui est assez moderne et qui vit avec son temps.

Loïc : Exactement ouais ! Moi je trouve pas que les morceaux soient complètement différent de ce que fait habituellement The Ocean. Non ? On est d’accord ?

La Face B : Moi l’album m’a surpris la première fois que je l’ai écouté. 

Loïc : Ouais forcément ouais.

La Face B : Je pense que c’est un peu ce que vous recherchez aussi au final ?

Loïc : Oui et puis comme je te dis, tous les autres ont été composé par Robin en gros. Donc c’est lui qui arrivait avec les morceaux et l’idée d’où il voulait aller. Là c’est vraiment la première fois qu’on arrive avec des morceaux qui étaient finis. Puis on a essayé de les réadapter, il a fallu composer des guitares dessus, des batteries. Il a fallu composer tout le reste autour de ces morceaux. 

La Face B : Moi comme je l’ai perçu, c’est quelque chose de beaucoup plus lancinant, limite un peu psychédélique parfois. Par exemple sur Sea of Reeds, comment tu utilises ta voix, je trouve qu’il y a quelque chose de très lancinant et d’envoûtant. Et ça m’a surpris mais au final, après plusieurs écoutes pour moi c’est presque une évolution logique quand on prend en compte la tournure qu’avait pris la deuxième moitié de Phanerozoic II.

Loïc : Ouais ouais moi je suis assez d’accord avec ce que tu dis. C’est un peu la direction dans laquelle on voulait aller en fait. Clairement ouais.

La Face B : Et pour parler aussi de comment tu utilises ta voix. Il y a moins de chant hurlé sur le disque. Il y en a un petit peu mais qui est plus dispersé. Est-ce que toi ça a changé quelque chose dans la manière dont écrivais ou enregistrais ?

Loïc : Non pas vraiment, il y a plus de chant parce que les morceaux ont moins de cri en fait, tout simplement. On voulait peut-être aussi inconsciemment explorer de nouveau territoires. Tu sais comment ça se passe. Tu deviens un peu plus vieux, tu te calmes tout ça. Mais ça veut pas dire qu’on va arrêter de faire des morceaux violents non plus. D’ailleurs il y a deux-trois passages qui sont clairement violents. Surtout sur la fin de l’album. 

La Face B : Tout justement je trouve que ce nouveau côté là, ces passages violents ça leur donne limite plus d’impact en fait.

Loïc : Ah ouais, exactement ! Parce que si tout ton morceau il est violent depuis le début, c’est très monotone. Là le fait de lui donner beaucoup de dynamiques tu sens la différence. Quand ça chie, ça vraiment un effet tarte dans ta gueule quoi !

La Face B : Et cette direction là, c’est pas forcément habituel pour vous. Est-ce que vous avez pensé à comment vous allez organiser ça quand vous allez arriver sur scène ?

Loïc : On a pas vraiment encore pensé à la scène je dois te dire. Tu penses à quoi en me disant ça toi ?

La Face B : Surtout au niveau du côté très électro en fait.

Loïc : Le côté électro il sera toujours là, il faudra qu’il soit là sinon les morceaux vont être complètement défigurés d’une certaine manière. On pense jouer deux-trois électro-beats. Paul va jouer je pense avec un octogone ou tu peux assigner des sons de batterie. Du coup il pourra les jouer lui-même. On va essayer d’aller là-dedans tout en sachant que ça demande un peu d’organisation.

La Face B : Et puis surtout un petit peu d’adaptation aussi pour lui.

Loïc : Exactement ouais. C’est clair que c’est pas comme une batterie mais ça reste quand même quelque chose que tu frappes.

La Face B : Oui évidemment ça reste très percussif.

Loïc : Ouais puis il est tellement bon que le faire ça devrait pas lui poser de problème. Je pense que c’est dans cette direction qu’on va partir sinon ça fait un peu bizarre aussi. Parce qu’il y a vraiment des morceaux ou il y a presque pendant trois minutes pas de batterie. C’est clair que ça fait un peu bizarre d’avoir un batteur au fond de la scène qui joue pas. Donc on va trouver, on va trouver.

La Face B : En parlant de Paul, je trouve que l’une des grandes forces de The Ocean c’est d’avoir dans vos rangs Paul, qui à mon sens en tout cas est l’un des meilleurs batteurs de sa génération, dans son style. Comment est-ce que vous vous utilisez ce styla là et sa patte quand vous écrivez ?

Loïc : Dans cet album il y a un peu une rythmique qui était déjà faite par Peter, dans ses batteries qu’il a fait. Donc Robin il a composé des guitares autour de ça, en prenant des loops de batterie tout simples pour donner un peu une direction. Puis après Paul il a écouté ces morceaux puis il les a réadaptés à sa sauce. En général on travaille comme ça puis c’est aussi comme il a travaillé sur les anciens albums.

portrait the ocean

La Face B : Je trouve que ce côté très moderne et électronique, avec la section rythmique et le jeu de Paul, avec toute la finesse qu’il a etc, au final ça donne un charme en plus à l’album.

Loïc : Ah ouais c’est clair. Ouais parce qu’en plus Paul il est très branché du genre batteur de Nine Inch Nails, il aime aussi beaucoup la Trip-Hop ou Massive Attack. Il a un peu toujours cette idée dans la tête je dirais de partir un peu dans cette direction tout en étant toujours Metal, et un peu plus agressif et violent. Donc ouais la combination elle marche super bien je dois dire.

La Face B : Ça marche pas mal et ça paraît surtout très naturel.

Loïc : Ouais ouais c’est clair, il y a rien qui est forcé. Tu sens que c’est naturel. Vu que c’est un peu plus calme je pense qu’il y a pas forcément besoin de forcer les choses en fait. On a peut-être trop tendance maintenant à trop vouloir en faire. Le piège c’est d’oublier ce qui est essentiel des fois, ou ce qui est devant nos yeux. On le voit pas et on veut aller chercher trop loin.

C’est aussi ça qui est compliqué quand tu composes un morceau je trouve. C’est de faire quelque chose qui est simple. Un morceau simple, c’est très difficile à faire. C’est en général ceux qui cartonnent le mieux. C’est des trucs simples qui restent dans la tête. Et c’est très compliqué à faire, d’autant plus que maintenant quasiment tout a été plus ou moins fait. Donc tout de suite si tu fais quelque chose de trop simple ça peut être vite cliché ou bien pompé de quelque chose. Un morceau simple c’est difficile à composer je trouve. 

La Face B : Tout justement, cette simplicité dans un sens c’est aussi une force parce que comme tu disais c’est difficile de composer un morceau simple. Mais vous y arrivez et c’est cette petite touche que vous donnez, même dans les progressions mélodiques, ou il y a des choses qui sont très fines, très subtiles, au final ça apporte un vrai grain au groupe et quelque chose qui était plus ou moins déjà présent avant. C’est surtout sublimé là finalement.

Loïc : Exactement parce que moi tout cet espèce de rouleau compresseur ou on est tous ensemble, ou tu peux plus discerner les petites variations…  les subtilités et tout ça, ouais ouais clairement.

La Face B : Pour continuer sur ce parallèle là entre les deux visages qu’il y a maintenant, comment est-ce que vous souhaitez composer avec ça du coup quand vous allez faire vos setlists ? Parce que je suppose que vous allez vouloir jouer d’anciens morceaux aussi ?

Loïc : J’imagine ouais. Quoi qu’on pensait aussi à faire l’album en entier mais on verra. On sait pas trop comment on va faire encore exactement. Je sais qu’on a déjà des concerts qui sont prévus pour l’année prochaine, en 2024, ou ça sera l’album en entier qu’on va jouer. Après je sais pas si on fera d’autres setlists. Pour être honnête pour le moment on s’est pas encore posé la question. On les a jamais joué ensemble les morceaux encore. C’est paradoxal ! Vu que le groupe il est pas basé à un certain endroit, tout le monde est dans des locations différentes et que les six derniers mois on était constamment en tournée, on a pas du tout eu le temps encore de jouer.

D’ailleurs pour Karnivool on avait dans l’idée de faire un morceau, le premier, Preboreal, mais on a pas eu le temps. Après la tournée sud américaine on a eu dix jours à peine juste pour redescendre un peu sur Terre avant de repartir de nouveau (rires). Tu peux pas non plus aller jouer un premier morceau comme ça. C’est un peu casse-gueule si tu l’as jamais joué. Maintenant avec YouTube et tout ça ça peut te coûter un peu cher si tu te plante.

La Face B : Moi il y a un truc qui m’a impressionné, c’est à quel point vous arrivez à faire des albums longs. Holocene dure plus de 50 minutes. Mais ils sont toujours très bien rythmés, il n’y a pas de ventre mou.

Loïc : Tu trouves que 50 minutes c’est long ?

La Face B : Aujourd’hui, on a des albums « mainstream » qui tournent autour des 30-45 minutes souvent.

Loïc : Ouais carrément ouais.

La Face B : Au final aujourd’hui ça représente un risque de sortir des albums de 50 minutes ou une heure.

Loïc : Ouais mais en même temps avec The Ocean on a des morceaux qui sont toujours longs aussi. C’est aussi ça qui fait qu’on a des albums longs. Vous votre site vous faites pas mal de Pop non ?

La Face B : De la Pop, on fouille un peu partout.

Loïc : Forcément un morceau Pop, c’est un morceau qui doit être dans un format très particulier pour la radio qui est 3:30 minutes max. Après trois minutes tu perds l’attention. Dans cet album il y a moins de morceaux longs, il y en a quand même deux qui font neuf minutes. Sur Phanerozoic, Jurassic il faisait quatorze minutes quoi. Pour nous c’est presque un challenge de ne pas écrire un morceau long en fait.

La Face B : Tout justement je trouve que vous êtes très très forts là-dedans, faire des morceaux longs mais qui arrivent toujours à garder une part de surprise. Je suis très fan de Jurassic dont tu viens de parler, j’adore aussi The Great Dying qui est absolument énorme. Comment en ayant l’habitude de faire ces morceaux longs vous arrivez à garder ce sens de toujours avoir des disques qui sont intéressants tout le long ?

Loïc : Je pense que Robin il est très fort pour tout justement composer ce genre de morceaux, qui sont très longs et qui se rapprochent presque d’une pièce de théâtre. Je veux dire un morceau de quinze minutes, comme The City in the Sea, des morceaux de Precambrian ou deux-trois autres morceaux qu’il a fait qui sont vraiment des pièces de douze-treize minutes ou ça répète pas couplet-refrain tout le temps. Je pense que dans le morceau il y a presque dix riffs différents ou peut-être même plus. C’est jamais très répétitif.

C’est toujours des challenges de faire des morceaux comme ça, c’est vraiment pas facile. Moi en tant que chanteur en tout cas je pourrais pas (rires). Mais lui en tant que guitariste il y arrive. Puis Robin, je te dis il est très fort. Il a vraiment une vision des choses, quand il compose un riff de guitare il pense déjà à tous les arrangements autour. Ça peut être des violons, des cuivres ou il a déjà des idées. Dans cet album il y a beaucoup de cuivres justement. Donc il avait une idée. Quand il composait le morceau il voyait déjà les cuivres, comment ça pouvait être.

La Face B : Tout justement dans The Ocean il y a beaucoup de cordes, et donc des cuivres dans le nouvel album. Est-ce que ça vous ait déjà passé par la tête de faire un concert ou une série de concerts avec ces musiciens là sur scène qui vous accompagnent ?

Loïc : On en a fait un ou deux sur Heliocentric au tout début parce que c’était la première fois qu’on utilisait des cuivres sur Origin of God, à la fin ou il y a ce solo de saxophone. On l’a fait qu’une ou deux fois. C’était un show à La Chaux-de-Fond, on avait un quatuor de cordes avec nous et il y avait deux trompettistes. C’est beaucoup d’organisation. On aimerait le faire plus mais après c’est aussi financier parce que c’est des musiciens professionnels qu’il faut payer. Puis il n’y a pas non plus beaucoup d’argent dans le Metal. On en discutait tout justement dans une autre interview de faire un album avec un philharmonique ce serait quelque chose qui nous plairait assez bien par exemple aussi. Mais ouais ça va coûter un peu d’argent.

La Face B : Puis au final je trouve que l’idée du philharmonique ça peut aussi beaucoup coller à The Ocean avec le côté très épique que vous pouvez avoir.

Loïc : Exactement ouais, très théâtral comme ça. Je pense quand même qu’une fois ça va se faire. On en parle depuis dix ans déjà. Sans vraiment aller à fond dans le projet mais on en a déjà parlé, ce serait quelque chose d’intéressant à faire ouais. Avec un orchestre complet, mais bon ça a un coût quoi !

La Face B : Ouais c’est un pari.

Loïc : Ouais, c’est un pari ouais.

La Face B : Pour reparler un peu de l’album, tu disais que c’est un peu particulier parce qu’au final c’est le premier ou c’est pas Robin qui emmène les maquettes. En prenant tout ce processus d’écriture de ces démos, de réimagination etc… Est-ce que tu pourrais me dire combien le processus de création a duré à peu près ?

Loïc : Je pense que Peter il a envoyé les morceaux au début de la pandémie, plus ou moins pendant l’été. Donc j’imagine que lui avait déjà bossé pendant un ou deux ans. Voire plus en fait parce que le mec il est tellement perfectionniste qu’en fait il compose, il écoute, il la pose pendant trois mois puis il réécoute et puis il le retourne dans tous les sens. Donc je pense qu’il a bossé dessus pendant bien deux ans, puis après au fur et à mesure ça s’est fait.

Ouais ça a duré deux ans plus ou moins. Sans se mettre de pression parce que c’est vraiment le premier album où on a pas eu de pression en le faisant. À aucun moment on s’est dit qu’il fallait qu’on se dépêche de le finir parce qu’il fallait mixer l’album ou qu’il y avait une deadline. On a vraiment eu du temps. Peut-être que ça se sent aussi dans l’album je sais pas.

La Face B : En tout cas ça se sent que ce disque il dégage une vraie confiance. Il y a quelque chose de très relâché, de très naturel. C’est sans doute ça qui fait qu’il est aussi agréable à écouter au final.

Loïc : Ouais certainement en fait. En tout cas moi j’ai eu beaucoup de temps. Après par exemple Paul, il a booké le studio pour trois-quatre jours et puis ils ont fait ça. Moi j’ai pris presque une année sans déconner pour enregistrer ces voix. Sans aller tous les jours au studio mais en ayant du temps, en réécoutant et en rechangeant des choses. C’est quelque chose qu’on avait pas eu le temps de faire sur tous les anciens albums parce qu’avant c’était toujours un gros rush sur les deux derniers mois, avant le mixage. C’est là qu’on commençait à faire les voix. En tout cas Pelagial c’était ça, je m’en souviens (rires). Je pense que j’ai fini l’album dimanche soir, puis le lundi matin on s’envolait vers la Suède pour commencer le mix. C’était vraiment au dernier moment, la dernière goûte.

La Face B : Je me souviens avoir regardé à l’époque de la sortie de Phanerozoic II le making-of de l’album. Au final avec Robin vous vous mettiez dans une maison et vous faites que ça pendant quelques jours quoi.

Loïc : Exactement ouais.

La Face B : Donc là au final comment est-ce que toi tu l’as ressenti ce côté plus détendu dans la conception de tes voix ?

Loïc : C’est beaucoup plus intéressant de bosser parce que comme je te dis tu peux réécouter en fait. Tu sais des fois tu composes des trucs, t’es assez content. Puis tout à coup après un mois tu te dis que ça perd un peu d’attrait. Tu te dis que tu aurais dû faire comme ça. C’est un peu ça la différence je dirais. Quand t’as beaucoup de temps tu peux vraiment réécouter les choses et puis les rechanger. Quand t’as pas le temps à un moment donné tu scelles le truc.

La Face B : Ouais t’es obligé d’un peu rusher le processus, je vois. Je suppose que tu l’as réécouté toi l’album ?

Loïc : On l’a presque déjà tous trop écouté en fait.

La Face B : En fait vous en avez marre de votre album (rires) !

Loïc : Ouais ouais on l’a tellement écouté pendant le mix et tout ça qu’on est presque en overdose (rires).

La Face B : Est-ce que du coup toi avec du recul, il y a des influences et des ressemblances qui te sautent aux yeux ?

Loïc : Moi pas vraiment. Massive Attack peut-être. Je trouve qu’il y a deux-trois morceaux où il y a des beats avec les cuivres qui me font des fois penser à eux. Ce côté un peu Trip-Hop. Toi tu parles des voix ou bien ?

La Face B : Des voix ou même généralement, mélodiquement parlant. Moi je sais que Massive Attack je l’avais plus ou moins ressenti. Avec un touche quand même plus…

Loïc : Plus sale quoi ! 

La Face B : Plus moderne puis ouais plus sale. Moi le morceau qui m’a vraiment marqué c’est Sea of Reeds. Quand tu chuchotes, que tu joues avec ta voix, j’ai vraiment ce sentiment un peu plaisant de se dire qu’il y a un truc un peu bizarre qui se passe.

Loïc : Ouais, alors quand ça chuchote c’est pas moi c’est Robin en fait ! C’est pas moi. Au début du morceau tu dis ?

La Face B : Ouais c’est ça.

Loïc : Ouais c’est Robin ça, c’est pas moi ! D’ailleurs c’est aussi lui qui le fait dans un autre morceau du disque, dans Parabiosis tout justement, c’est aussi lui qui chuchote. Tu vois toi tu pensais que c’était moi mais en fait non (rires).

La Face B : Ce morceau là particulièrement, je le trouve vraiment très impressionnant parce qu’en plus il y a toute la dimension biblique qui va avec. Moi c’est un morceau qui m’a foutu une claque mais énorme !

Loïc : Oui puis c’est un morceau court aussi. Ça aussi c’est un challenge pour The Ocean, on fait jamais de morceaux qui font 3:30 ou 4 minutes. Puis là il y en a un ou deux sur le disque. C’est aussi le challenge de faire des morceaux comme ça. Il faut être bon tout de suite dans le morceau tu vois. Tu peux pas attendre quatre ou cinq minutes et puis il y a le riff de la mort qui arrive et puis c’est la fête. Il faut que d’entrée que ça. 

La Face B : Au final pour le groupe ce disque là c’est une sorte de challenge aussi ? Vous sortez de votre zone de confort.

Loïc : Clairement ouais, sans être inconfortable je dois dire. 

La Face B : Oui, puis ça se sent que c’est pas non plus un saut dans l’inconnu.

Loïc : Exactement ouais. Moi c’est peut-être un des albums où je me suis senti le mieux au studio et tout ça. Peut-être la question de pas avoir la pression aussi, j’imagine que ça fait beaucoup.

La Face B : Mais du coup qu’est-ce qui fait que vous avez eu plus de temps ? C’est votre gestion à vous ?

Loïc : C’est notre gestion à nous ouais. C’était le fait de la pandémie déjà. Tous les concerts étaient annulés donc on s’est retrouvé à rien faire. On avait le disque qui devait sortir au début de la pandémie et qu’on a repoussé parce qu’il devait sortir en avril et la pandémie a commencé au mois de mars. Donc on a repoussé au mois de septembre, puis on a pas pu jouer. On s’est demandé quoi faire puis c’est là qu’est arrivé ce disque. On a eu du temps pour le faire. 

La Face B : Dans un sens, en tout cas en prenant la perspective de ce disque-là, la pandémie et tout ce qui s’est passé, c’est plutôt un mal pour un bien ?

Loïc : Pour nous ouais ça a été plutôt un bien qu’un mal en fait. C’est aussi qu’on avait tourné comme des zinzins en 2019. On avait fait presque 120 concerts ou un truc comme ça dans l’année. La pause de la pandémie ça a presque été quelque chose de bien pour nous. D’ailleurs moi au début je disais que la musique ça allait quoi. J’ai fait une pause, ça m’allait bien. Puis après forcément ça manque quoi.

La Face B : Oui parce que The Ocean c’est un groupe qui est quand même souvent très présent. Vous sortez des albums, puis vous partez en tournée pour le défendre. Et pas si longtemps après que ça vous ressortez un album. Peut-être qu’au bout d’un moment aussi votre manière de composer avait besoin de s’aérer un peu plus.

Loïc : Ouais ouais, non c’est sûr. Mais tu vois par exemple entre Pelagial et Phanerozoic I il y a quand même eu cinq ou six ans. C’était quand même une grosse pause. C’est aussi parce qu’il y a eu un remaniement dans le groupe. On a perdu des membres, il y en a eu des nouveaux. Après je pense aussi que dans ce nouvel album tu sens quand même que c’est le troisième projet qu’on est ensemble.

Tu sais il faut toujours un peu de temps quand tu as des nouvelles personnes et pour t’adapter à eux. En plus nous on parle des langues différentes donc c’est pas non plus comme si je sortais avec mes meilleurs potes en Suisse. Il faut un peu de temps pour arriver, pour comprendre les gens avec la barrière de la langue tout ça. Je pense que c’est l’album ou tu sens la meilleure osmose entre nous. Je peux vraiment sentir ça. 

La Face B : Et tu parlais de cette barrière de la langue. Est-ce que tu penses que ça a un impact sur vos travaux ?

Loïc : Écoute je pense pas, parce qu’on reste dans l’Europe. En fait les européens c’est plus ou moins un peu tous les mêmes (rires). Alors bien sûr il y a des petites différences, mais dans l’ensemble le peuple européen c’est quand même plus ou moins la même chose. Mais tu vois j’imagine que si on avait un indien ou un mec d’Amérique du Sud dans le groupe il apporterait sa touche tu vois. Il apporterait son identité indienne qui est clairement différente d’une identité européenne ou quoi. C’est pas que l’espagnol il nous fait de la guitare espagnole classique tu vois (rires).

La Face B : Oui bien sûr je m’attends pas non plus à écouter The Ocean avec de la Bossa Nova (rires) !

Loïc : Exactement on s’attend pas à ça (rires) ! 

La Face B : Sur l’album il y a aussi toute une dimension visuelle avec la pochette par exemple qui est au final très neutre mais qui colle très bien à l’identité de l’album je trouve. Est-ce que vous aviez une direction particulière qui a guidé ce choix-là ?

Loïc : Je dirais que c’est venu assez naturellement. Ce serait plus une question pour Robin. Je suis un grand fan de cette pochette en fait. C’est une de mes préférées, je la trouve très psychédélique. Elle est moderne, avec les formes géométriques, ça me parle beaucoup. J’aime bien tout ce qui est dans cet univers. Je pense que c’était très naturel. Puis il y a un côté très électronique un peu je dirais ou digital qui vont bien ensemble. 

La Face B : Oui, même d’un point de vue visuel c’est complètement un autre univers par rapport aux deux Phanerozoic ou il y avait aussi tout le concept de coller visuellement à l’histoire etc…

Loïc : Ouais exactement ouais. Ou bien par rapport à Heliocentric ou Anthropocentric ou il y avait deux entités différentes. Un par rapport à la Terre, un par rapport au soleil, l’univers ou bien Pelagial qui avait des zones de l’océan. Je trouve que cet artwork il est vraiment bien. J’imagine bien des t-shirts avec l’artwork dessus.

La Face B : Ouais carrément je trouve que sa force c’est d’être simple et compliqué à la fois en fait.

Loïc : Tu parles de l’album ou de l’artwork ?

La Face B : Les deux pour le coup. Parce qu’à la première écoute il est très accessible, mais en se reprochant dessus on découvre plein de subtilités. Et c’est je trouve que c’est ça aussi qui donne une durée de vie qui est grande à l’album.

Loïc : Plus tu le réécoute plus tu découvres de nouvelles choses, au mix ou quoi. Ouais ouais c’est clair. En plus on a mis pas mal d’éléments. On a utilisé un vibraphone par exemple. C’était un instrument qu’on a acheté et qui date des années 1900 en fait. Ouais c’était un truc assez fou. On a dû trouver pour le tuner un peu parce qu’il était pas super accordé, pas comme on le voulait. D’ailleurs tu l’entends bien dans deux ou trois morceaux. Et puis les cuivres, les mélanges des synthés. C’était important d’avoir un mélange musical en fait. 

La Face B : Et sur l’album il y a une collaboration. Sur les deux derniers il y avait le chanteur de Katatonia, Jonas Renkse. Et là sur cet album il y a Karin Park, la chanteuse d’Årabrot. Comment est-ce qu’elle s’est faites cette collaboration là ?

Loïc : Elle s’est faites parce que Årabrot ils sont singés sur le label de Robin. Et c’est un grand fan de Karin. Je me rappelle, on a tourné avec eux en 2019 il me semble. Puis les contacts se sont mis en place. On voulait aussi faire un morceau avec Jonas, on lui a demandé Nascent et Jurassic, qu’il a fait. Nous on voulait un peu une autre identité, depuis longtemps on voulait chanter avec une fille. Parce qu’elles vont un peu plus haut dans les octaves.

Et puis avec Karin ça s’est fait tout seul en fait. C’était un morceau qu’on avait du mal à composer avec Robin je dois te dire. C’est vraiment le morceau où on trouvait pas. On avait pas quelque chose de super intéressant et pas d’idée bonne. Puis on s’est dit qu’on allait lui envoyer le morceau et lui demander. Puis elle a été partante et elle nous a envoyé ça puis on s’est dit que c’était super.

La Face B : Au final je trouve que l’idée de ramener une femme sur un de vos morceaux elle est super intéressante. Il y a un parallèle qui se fait entre les tons des voix qui se créé qui est super intéressant aussi.

Loïc : Ouais exactement, c’est clair ! 

portrait the ocean

La Face B : Il y a une question que j’aime bien poser aux artistes avant de terminer les interviews. Est-ce que toi tu as en ce moment des artistes, des albums ou même juste des morceaux en particulier que tu aimes bien écouter ?

Loïc : Moi je vais être honnête avec toi, j’ai dû faire un petit une pause avec la musique parce que j’en avais trop écouté. Quand t’es en tournée t’en as non-stop. Là je me suis branché sur le dernier album de remixes de Puscifer qui vient de sortir. Je suis en train d’écouter cet album en ce moment. Moi j’aime bien les remixes. Il y a deux-trois morceaux qui ont été remixés par Trent Reznor et Atticus Ross, ou bien un autre par Justin Chancelor, le bassiste de Tool. Ou même Karin qui est la chanteuse de Puscifer qui est dessus. En ce moment je suis en train d’écouter cet album. J’ai écouté un peu moins de musique, j’avais besoin de faire reposer un peu mes oreilles. Quand je suis en tournée, j’ai un peu des acouphènes et des fois j’ai besoin de stopper un peu.

La Face B : Je t’avoue que je me rends pas trop compte, je suis jamais parti en tournée donc je me rends pas compte du volume auquel tu es exposé. Ne serait-ce que jouer tous les soirs je suppose que c’est fatigant pour les oreilles.

Loïc : Ouais non tout justement c’est ça. Le fait d’avoir un jour de congés des fois, nous des fois on en a pas. Tu vois sur cette tournée on a fait vingt jours d’affilés sans pause sans rien, tous les soirs on jouait. Puis des fois tu fatigues un peu. Des fois tu bois, tu sais comment c’est, t’es un peu hangover, tu commences à payer ta journée (rires). Après il faut essayer de se remettre dans le train c’est pas toujours facile.

La Face B : Vous tournez beaucoup du coup je suppose que c’est un rythme que toi tu aimes bien ?

Loïc : J’aime bien tourner ouais. Après le rythme ça dépend. Tu sais il y a des tournées ou tu fais deux congés par semaines et d’autres où tu en as pas. Tu vois ce que je veux dire ?

La Face B : Ouais ouais, sur celles-là ça tire (rires) !

Loïc : Ça tire ouais, tu tires sur la corde. Et puis à un moment la corde elle fait un peu *pof*. Vocalement c’est la gorge qui ramasse et un moment donné t’arrives plus trop à chanter (rires).

La Face B : Ça t’es déjà arrivé toi d’être en extinction et de pas pouvoir chanter ?

Loïc : Ouais ouais ça m’est déjà arrivé. Plusieurs fois déjà même. Je pense que c’est humain en fait. Maintenant je commence à comprendre pourquoi les gros groupes ils font deux concerts, un jour de congés puis deux concerts. C’est parce qu’ils peuvent se le permettre financièrement déjà, et puis aussi pour le show tu vois. C’est bien de pouvoir se ressourcer des fois. Parce que la vie en tournée ça paraît idyllique comme ça, mais faut penser que c’est pas toujours facile d’être avec six ou sept personnes, constamment. Même avec ma femme je suis pas autant avec.

La Face B : Au final pendant ce temps de tournée tu mets ta vie en pause quoi ?

Loïc : Exactement mais tu peux pas tellement dire à ta femme « Je mets ma vie en pause » (rires). Elle va pas être super contente (rires) !

La Face B : Et bien écoute merci beaucoup Loïc ! 

Loïc : Merci à toi !

La Face B : Ça m’a fait super plaisir. J’étais très content de pouvoir discuter avec toi, je suis très fan de The Ocean depuis longtemps. Est-ce qu’avant qu’on termine l’interview tu as peut-être un mot de la fin pour nos lecteurs ?

Loïc : Pour vos lecteurs ? Et bien lisez la chronique que tu vas nous sortir ! J’imagine qu’elle va être bien cool (rires) !

La Face B : Super ! Merci (rires), à bientôt !