Le concert de l’année 2023 ? Oui ! Merci The Murder Capital

Il est des concerts où il faut absolument être. Inratable, inégalable, sans doute. C’était notamment le cas ce 13 février au Trabendo. Le quintet irlandais The Murder Capital a saisi l’essence même du live et nous a offert un instant suspendu et précieux. Le post-punk a frappé plus fort que d’habitude ce soir-là.

The Murder Capital au Trabendo © William Langer

Lundi soir. Temps maussade. Comme une envie de rester chez soi. Je regarde par curiosité les setlists des jours précédents. Déception. Ils ne feront donc pas For Everything. Encore plus envie de rester chez moi. Je me dirige quand même vers le Trabendo pour ce concert, annoncé complet depuis déjà un certain temps.

J’arrive un peu avant le début de la première partie, Junior Brother, et les fans aguerris sont déjà là, au premier rang. Légèrement en hauteur, car je me doute que ça va partir en live, je patiente sereinement jusqu’à l’homme, en solo, qui va ouvrir le bal.

Première partie : Junior Brother

De son vrai nom Ronan Kealy, le musicien irlandais n’a pas froid aux yeux et semble déterminé à conquérir la foule, de plus en plus compacte. Si je suis charmée par son sens de l’humour, je le suis en revanche moins par sa musique. Les morceaux, s’étirent au fil des minutes et sont empreints d’une certaine mélancolie, peut-être caractéristique d’une folk alternative. Junior Brother ne se démonte pas, faisant l’analogie avec son capo en « steal » et la musique, « metal ». Certains titres résonnent plus que d’autres, tels que This is my body, sur l’importance d’accepter son corps qui change et d’avoir à ses côtés quelqu’un qui l’honore également, ou encore Tell me I’m a fool.

Lorsqu’il conclut son set, sans jamais se départir de sa bonne humeur, la salle est dorénavant comble. Je capte des discussions éparses, des personnes fébriles, celleux qui n’ont pas le wifi et qui tentent tant bien que mal de shazamer les morceaux qui passent (bonne chance). D’ailleurs, l’un d’eux attire mon attention. C’est Glue de Bicep. Ça n’a rien à voir avec l’ambiance et pourtant, tellement. C’est un duo irlandais (well well, again) qui propose une musique électronique vibrante et joyeuse. On est prêts. Je suis prête.

The Murder Capital

Revoir The Murder Capital quasiment trois ans après. Quelle drôle de coïncidence. Car le 13 février 2020, j’étais au Café de la Danse pour découvrir en live ce magnifique premier album, When I Have Fears (notre coup de cœur chroniqué ici). Je me rappelle d’un concert filant à toute vitesse, de musiciens chevronnés et d’un beau live. Aujourd’hui, nous sommes le 13 février 2023, ils remplissent un Trabendo et ont définitivement pris de la bouteille.

Je me rappelle de la première fois où j’ai entendu ce groupe et découvert cette pochette intrigante. C’était l’été 2019 tandis que je me rendais au festival Check’in’Party. J’étais la passagère de cet homme que je ne connaissais pas, et que je vois dorénavant à chaque concert. Il avait lancé l’album. Je me souviens de la surprise et de ces airs qui sont restés gravés dans un coin de ma tête toutes ces années durant. Alors, merci F.

Le groupe, originaire de Dublin, ouvre le concert avec Existence, premier morceau de ce second album, Gigi’s Recovery. Une introduction intense, qui nous plonge instantanément au cœur de leurs compositions. « Existence fading…« 

Les voilà tous sur scène pour Crying, avant d’enchaîner avec Return My Head face à une foule déjà survoltée, déjà en train d’entonner le refrain. Et ce n’est pas prêt de se calmer, car survient More Is Less, un de ces nombreux tubes présents sur le premier album. La fosse est surexcitée et le charismatique James McGovern qui s’époumone dans son micro l’est aussi. Il prend ainsi son premier bain de foule, pour notre plus grand bonheur. On en redemande : « more, more, more ». Puis surgit The Stars Will Leave Their Stage, sans doute un des morceaux les plus fascinants de ce nouvel album. Je suis déjà conquise.

Mais ce qui surgit ensuite finit de m’achever. Dès les premières notes, je comprends. Voilà For Everything. Moralité : ne jamais aller sur setlist. Je sautille, je trépigne. Le public, électrique, est suspendu aux lèvres de James. Et lorsque le refrain s’élève, la foule se transforme en une masse compacte et agile, sur laquelle le frontman prend plaisir à naviguer. Pour calmer l’auditoire, ils poursuivent avec Belonging, qui ne convint pas réellement. Mais ils se rattrapent avec On Twisted Ground, que l’on murmure, que l’on chantonne. J’ai l’impression qu’il chante pour moi. Uniquement pour moi. J’entends son souffle sur la fin du morceau, distinctement. Silence de plomb dans la salle. Silence religieux.

Ainsi, The Murder Capital ne nous lâche pas, passant du premier au second album avec une aisance déconcertante, virevoltant entre l’émotion et les cascades. Ne cessant jamais de proclamer leur amour envers Paris. Avant d’annoncer The Lie Becomes The Self. Les guitares louvoient, la basse fend l’air. Alors, restons dans le frisson et la sensibilité. Je demande A Thousand Lives et Gigi’s Recovery. Peut-être qu’on ne va pas se relever. Peut-être qu’on ne va plus pouvoir sortir de cette salle. J’oublie tout. Profondément ancrée dans l’instant. Buvant les paroles de James et dévorant les accords fiévreux et mélancoliques. Il fallait oser. Jouer à la suite plusieurs morceaux calmes. Oser prendre le risque de perdre l’auditoire. Oser la césure. Je suis toujours là. Je crois que nous le sommes tous. Quelle performance.

Retour au premier album avec Green & Blue, les lumières qui s’accordent et le public qui chante, en chœur. On danse, on sourit. On vit. Tout en se rapprochant doucement de la fin. Le temps de fredonner sur We Had To Disappear, de cueillir en plein vol (encore, oui) le chanteur sur Feeling Fades et de se prendre (à nouveau) une sacrée dérouillée. C’est le bordel, et on chante avec lui : « La, la, la, la, la, la, la« . Explosion de corps. Explosion de plaisirs. Et on ne s’arrête pas en si bon chemin car voici l’instant d’Only Good Things, ces quelques notes acérées et vivifiantes, cette promesse que tout ira mieux. Avant de faire un dernier coucou à When I Have Fears avec le clinquant Don’t Cling To Life. Alors : « Failing this, let’s dance and cry ».

The Murder Capital conclut le set avec Ethel, qui une fois de plus magnétise le public. Et lorsque le concert se termine, après bien plus d’une heure de live, la salle ne désemplit pas, attendant son rappel. Qu’elle n’aura pas. Mais il faut dire que les musiciens jouent avec nos émotions. Cachés derrière le grand rideau noir, ils font des apparitions surprises, à chaque fois plus dévêtus. Mais parés de leur plus grand sourire. Je crois que je n’ai jamais vu ça. Le Trabendo reste bondé. Les gens crient. Les gens frappent du pied pour faire autant de bruit que leur cœur qui cherche à s’échapper. Mais, au bout de dix minutes la musique finit par cracher des hauts parleurs. Et The Blaze retentit. Finalement, c’est amusant de constater que la soirée a débuté avec de l’électro et qu’elle s’arrête avec. Ainsi, la boucle est bouclée.

Et en repensant à ce concert, on se sent en définitive privilégiés. D’avoir vécu cet instant sacré, tandis que le groupe ne se produisait que dans deux villes françaises, Strasbourg l’avant-veille, puis ce soir-là, ici, avec nous. On a envie de les remercier, encore et encore. Et peut-être même qu’on hésite à prendre un avion pour aller les voir à l’étranger.

Alors merci The Murder Capital pour ce concert exaltant et vibrant.

Crédits photos : William Langer