Finally A Live #1 : Martin Luminet & TERRIER

Pendant toutes l’année 2021, La Face B a suivi les artistes et les salles de concert à travers le Not Dead Project. Maintenant que l’horizon s’éclaircit légèrement et que les concerts reprennent, on a décidé de poursuivre notre volonté de suivi et de prise des paroles des artistes avec Finally A Live ! Dans ce nouveau format, nous partons à la rencontre des artistes pour parler de live et l’impact qu’a pu avoir la crise sanitaire sur leur manière de vivre cet élément si essentiel à leurs existences et à la notre. Premier rendez vous tout de suite avec Martin Luminet et TERRIER.

Martin Luminet

La Face B : Comment as tu vécu tes premiers concerts « post-covid » ?

Martin Luminet : C’est quelque chose d’à la fois très heureux et très bizarre. Je parle en tant que personne à la fois sur scène et en tant que spectateur car je vois aussi beaucoup de concerts.

Je le vis comme un truc ou l’on revit des émotions qui me semblent très anciennes alors que si tu regardes, ça ne fait qu’un an et demi qu’on a coupé ça dans sa forme la plus « normale ».

C’est là où tu te rends compte que ce muscle émotionnel qui se situe dans le coeur, dans les tripes, je ne sais pas trop … Tu réalises que c’est un vrai organe vital. Si on te le coupe, tu ne respires pas et c’est pour ça que deux ans paraissent dix piges.

Donc retrouver ça, c’est évident que ça te ramène dans ton corps, dans ce pour quoi tu fais de la musique … J’ai l’impression que remonter sur scène te ramène dans un état de vulnérabilité assumée. J’étais déjà dans cette énergie la mais ça me l’a confirmé. Sur scène ou les gens dans la salle, on est là pour se dire qu’on s’est manqué. Il faut se l’avouer en fait, c’est un aveu de faiblesse autant qu’un aveu de courage. Juste se dire qu’on se réunisse.

LFB : Quel est ton ressenti de jouer face à un public assis ?

Martin Luminet : Entendons nous bien, ça ne remplacera jamais à un public debout, mais ça ne ressemble plus à un public assis comme avant. C’est comme quand tu es au cinéma, tu te prends les émotions de plein fouet mais ton corps est tellement peu engagé que le film tu te le fais à l’intérieur et tu prends l’émotion de manière différente.

Alors que là, j’ai l’impression qu’on trépignait tellement tous que ça ne ressemblait plus du tout à ça. Les gens étaient tellement volontaires que je voyais vraiment du mouvement, une espèce d’euphorie immobile et c’est très cool. Et puis les gens se sont levés assez rapidement… Là l’esprit peut revoyager et c’est super mais la prochaine étape c’est qu’on puisse avoir le corps libre, qu’on puisse s’exprimer, danser, être serré aux autres …

LFB : Est-ce que tu as adapté ta setlist en fonction du concert assis/debout ?

Martin Luminet : Non. Moi je ne viens pas sur scène en récitant un espèce de conducteur. Je pense qu’il faut adapter son énergie, ça c’est sûr. J’adapte l’énergie aux personnes que j’ai en face de moi, selon la façon dont on réagit à la première chanson ou la première vanne. Parfois tu sens qu’on est plus de l’ordre de l’intime et d’autres moments ou tu vois que les gens sont là pour en découdre et tu réponds à ça.

Adapter la setlist, je ne me sens pas de le faire sinon tu deviens une girouette à anticiper la réaction des gens. En fait je viens proposer un truc qui est tel qu’il est, parfois un peu difforme pour certains lieu mais qui a le mérite d’être entier. J’essaie de ne pas changer une virgule de l’ordre mais par contre être hyper honnête dans la façon dont j’aborde chaque date qui est une sorte de conversation avec l’énergie qu’on me donne dans la salle.

LFB : Tu pourrais nous partager ton pire et ton meilleur souvenir de concert ?

Martin Luminet : Ouh-la … Le pire souvenir tu essaies généralement de l’évacuer de ta tête mais je vais en trouver un … Attends si ! C’était au tout début, j’avais fait une seule date avec un bassiste et je commence une chanson et y’a quelqu’un qui dit « oh putain ». Et la je me dis « c’est trop bien, je suis dans un espèce de cocon , les gens sont d’une gentillesse… »

C’était un tremplin, on joue 15 minutes, on sort de scène et la je rejoins Matthieu et je lui en parle et il me dit « ouais ouais, il a dit : putain qu’est-ce que je me fais chier » (rires).

Ça c’était vraiment un souvenir très acide mais avec le recul ça te fait relativiser aussi de voir une salle qui n’exprime rien ou tu te dis qu’ils se font chier alors qu’il ne faut pas sur-interpréter les émotions des gens.

Et le meilleur souvenir … Franchement je vais vraiment faire fleur-bleue mais c’était vraiment aujourd’hui aux Francofolies. Je ne pensais pas vivre un concert comme ça si vite. Un truc ou l’énergie est vraiment lâchée et déployée, ou on se prend littéralement dans les bras avec le public.

Je l’ai vraiment vécu comme ça ou on est sur un fil émotionnel parce que ça nous a trop manqué. Ce n’est pas des personnes qui nous ont manqué mais de savoir où l’on met ces émotions qui nous ont débordé pendant un an et demi. Si on peut pas les mettre dans une salle de ciné, dans une salle de spectacle ou une salle de sport où est-ce qu’on va mettre cette énergie qui est trop grande pour nous ?

En fait ces retrouvailles c’était ça : retrouver le chemin entre le public et l’artiste. Nous on était venu vider le sac et eux aussi. Et si tu remets ça dans le contexte, avec un festival décalé d’un an, le chantier des Francos qui s’est battu comme des lions pour qu’aucun des artistes ne pose genoux à terre … T’arrive dans un festival et tu te prends le plus beau concert de ta vie, tu réalises que ces années là sont pas du tout des années à jeter à la poubelle mais vraiment des années fondatrices du projet.

LFB : Est ce que tu as des habitudes de concerts qui ont évolué avec le COVID ?

Martin Luminet : Moi j’ai pris l’habitude de casser mes habitudes. Avant, je me montais en l’air tout seul, j’essayais de me redire pourquoi je faisais des chansons, pour qui je les faisais, en quoi c’était vital … En gros j’essayais de convoquer des émotions fortes, des gros enjeux et je montais sur scène un peu gonflé à bloc. Et ça se passait bien.

Et un jour, on est arrivé sur un festival ou tout le monde avait pris du retard. Donc balance, costume et direct le show. Donc aucun moyen de faire mes petits rituels et en fait j’ai passé le meilleur concert de ma vie à ce moment là, par rapport aux précédents.

J’ai juste convoqué ce que j’étais sur le moment. Au final tu apprends à te faire confiance, te dire que ces idées là ne vont pas disparaître si tu ne te le dis pas à haute voix.

Et désormais je me regarde à l’instant T, est ce que je suis apaisé, en colère … et il faut absolument que j’utilise ça, l’état dans lequel je suis au moment ou je suis sur scène.
Et après, je fais toujours un peu de air-boxe, car je suis un très grand air-boxer et désormais je fais aussi du air-basket. Avec Ben (Benjamin Geffen ndlr), on court dans les loges pour s’échauffer physiquement et se vider la tête. Et comme je déteste les sports sans ballons, je fais du basket sans basket je fais des shoots etc … Faut nous voir avant de monter sur scène, on est deux bons teu-bés (rires).


LFB : Est ce que tu as un morceau pour toi qui est «incontournable » dans ta setlist ? Un morceau chargé en émotion ou un morceau qui est attendu ?

Martin Luminet : J’ai aucun morceau attendu je pense comme c’est le tout début. J’ai le syndrome des parents qui n’arrivent pas à préférer l’un ou l’autre de leurs enfants. Si j’admets le fait de montrer les chansons aux gens c’est que pour moi elles sont allées au bout de leur geste et que j’ai mis l’émotion qu’il fallait au bon endroit dedans.

Par contre la chanson qui me suit depuis le plus longtemps c’est Garçon. Elle me suit depuis très très longtemps et c’est elle qui a lancé le processus d’écriture sur la partie monstrueuse qui est en moi. C’est ce texte qui a tout déclenché.

Je me souviens l’avoir chanté en piano-voix dans un festival qui s’appelle à tout bout d’chant, j’avais écrit le texte trois jours avant, il était venu d’un coup.

Je trouvais ça vraiment intime, j’étais vraiment en fragilité la dessus, c’était la première fois que j’allais dans cette direction et il fallait que je sache très vite si elle avait les bonnes choses à dire.

Et j’ai senti une vraie grosse émotion ce soir là, ce qui m’a donné envie de lui faire rapidement un clip et de la balancer sur youtube de manière presque sauvage.

C’est la chanson la plus vieille de mon set, elle a un peu muté … À chaque fois on la remet en question quand on doit faire des sets plus courts pourtant c’est souvent la chanson qui fait basculer un peu tout le monde parce qu’elle a un truc frontal, elle a la pureté de la première fois… Je ne saurais pas expliqué pourquoi, elle traverse les cycles d’écritures et elle saura dans tous mes sets jusqu’à la fin des temps … Du coup oui, il y a finalement une chanson incontournable (rires).

LFB : Est-ce que tu peux nous parler de l’importance du catering ?

Martin Luminet : Là on est parti pour trois heures … (rires) Je n’ai pas assez l’habitude des festivals mais moi quand je reçois des gens chez moi, je mets beaucoup d’amour la dedans.
On peut dire « je t’aime » ou « je suis content de vous voir » juste en ayant cuisiné, en ayant accordé du temps… C’est quand même quelque chose qui va aller dans le corps des gens, donc il y a quelque chose d’assez poétique la dedans.

Moi je sais que l’importance du catering c’est plutôt la dessus, quand tu vois l’attention et le soin qui y est porté, c’est là où tu vois la quantité d’amour et de volonté de t’accueillir à bras ouvert avec beaucoup de douceur. Et là je trouve que le catering est à l’image des Francos : des produits d’ici, des produits sains avec une grande générosité et l’envie de partager quelque chose.

TERRIER

LFB : Comment as-tu vécu ton premier concert « post covid » ? 

TERRIER : Je pense qu’on y est pas encore … Malheureusement. Post covid ? Je pense que c’est y a deux, trois concerts. Et ça fait du bien. C’est flippant, parce que tu as l’impression d’avoir perdu tous tes repères. Mais c’est un peu comme le vélo: tu retrouves un peu les habitudes, les sensations que tu as. En fait, tu retrouves la motivation de faire de la musique, ce pourquoi tu aimes ce job.

Moi, je ne suis pas forcément fan de rester au studio, de composer, d’avoir cette notion de stratégie, est ce que ma musique va plaire à un  public … je m’en fous un peu. Et c’est un truc qui peut plomber le mental. Là, je fais des concerts, de sourire un peu aux gens, et même d’avoir des retours même un peu facile parce que les gens sont hyper bienveillants en ce moment… ça fait trop du bien quoi ! Ça booste ! Je ne sais pas si c’est l’effet post covid ou si c’est naturel… En tous cas, il y a beaucoup de bienveillance chez les gens. Et peu importe leur style de musique, s’ils aiment ou n’aiment pas , ils sont quand même là à écouter, applaudir et jouer le jeu.

LFB : Des habitudes que tu avais avant et qui ont évolué ? 

TERRIER : Je fais moins la bise, c’est tout. (rires) En vrai, je trouve que le check, il est sympa . J’aime bien la manière des ricains de faire des hugs aussi, genre c’est le truc un peu plus universel, et sans genrer le truc.  Je trouve ça plutôt rigolo et sympa. J’aime bien ce concept là.

Sur scène, je reviens en mode gros dalleux . Avant, c’était beaucoup moins énergique, j’ai vachement bossé les lives, bossé les transitions. j’ai vraiment pris le temps de me mettre à la place du public et de me demander ce que j’aimerais voir en tant que spectateur en concert. Et j’avais du temps donc je me suis bien pris la tête. Donc le live, il a pris un step sans forcément avoir tourné. Et aujourd’hui, on a passé une marche qu’on n’a même pas connu parce que ça aurait été une marche qu’on aurait fait en tournant . On en aurait passé trois, et là on en a passé qu’une. C’est comme ça. 

C’est peut être ça,  je sais pas trop, mais y a vraiment ce truc de : c’est un moment unique et il faut en profiter ! C’est peut-être le dernier. Cette sensation est forte. Moi je m’en sers pas mal. 

LFB Tu es plutôt concert assis ou concert debout ? 

TERRIER: Debout, tous les jours ! Assis, c’est chiant ! En plus, t’as un son de merde ! (rires)

J’en ai fait des concerts assis, et c’est chiant. J’ai adapté mon set pour qu’il soit plus doux… c’est chiant!

Par contre, en tant que spectateur, j’adore être assis… Je suis un peu un connard ! (rires)

 LFB : C’est quoi ta routine d’avant concert ? 

TERRIER : Petit footing. Je fais tout le temps un petit footing de 5/10 minutes pour monter le cardio un peu. J’échauffe tous les muscles parce que je ne suis pas sportif et j’ai tendance à avoir des courbatures le lendemain. Je bois énormément d’eau. Mais surtout le footing. Si il n’y a pas le footing, c’est très compliqué. Je fais 5 minutes avant de monter les backlines et 5 minutes avant de monter sur scène pour vraiment être tout le temps un peu chaud, un peu dedans. Je cours derrière On me prend pour un gland parce que je cours sur trois mètres.

LFB:  Est ce qu’il y a un morceau incontournable que tu joues ou que tu joueras tout le temps sur scène ? 

TERRIER: Celui que je joue à chaque concert c’est Tourniquet . C’est un morceau qui ait assez facile, pour moi, de faire donc c’est un peu la sûreté. Ça me met bien. Je sais que quand le morceau est passé, je suis bien, je suis plus avec le public et moins dans la réflexion : “putain, c’est quoi les paroles deja ?”. Donc pour moi, il est assez confort et j’aime bien l’énergie qu’il procure aussi.
Après, celui qui restera le plus, c’est peut être le premier, c’est celui que j’ai fait tout à l’heure , Montreuil, qui n’est pas sorti encore. Que j’aime beaucoup, il est ultra vénère. Ça m’aide bien aussi pour rentrer dedans. je le fais depuis le début et il est quasiment tout le temps, à part pour les concerts assis parce que c’est un peu chelou… (rires)

LFB ; Est-ce que tu as un meilleur et un pire souvenir de concert à nous partager ? 

TERRIER : En fait, je n’en ai pas fait beaucoup. Je n’ai pas trop eu de galères pour l’instant. Je touche du bois.

Un super souvenir, je dirais la prison à Valence… En fait, on est arrivé là bas et on était tous les trois en flippe parce que y avait l’ingé son , Gaspard et moi et on ne savait pas à quoi s’attendre. Et en fait, ils ont été trop sympas. Ils nous ont raconté tout comment fonctionne la prison, comment ils se faisaient passer les téléphones. Trop trop bien.

Le concert c’était juste guitare voix. et on discutait entre les chansons: je demandais comment ça allait d’où ils venaient, qu’est ce qu’ils faisaient et c’est trop intéressant. C’était  juste après le Printemps de Bourges en septembre dernier. Et, en plus j’étais en gueule de bois, donc j’étais un peu coton mais c’était hyper bien.
C’était vraiment LE concert qu’il fallait à ce moment-là. Et ouais, c’est un bon souvenir, de toute l’équipe . Parce que tout le monde flippé un peu, et au final, c’était trop bien . On est rentrés le soir à l’hôtel parce qu’on joué à la salle de Valence* derrière . On dormait le soir a l’hôtel après le concert, on est rentés et on s’est dit : “ putain c’était vachement cool!”. Complètement lessivé. c’était assez agréable. 

LFB: Peux-tu nous parler de l’importance du catering ? 

TERRIER : Je m’attendais à tout sauf à ça. Je ne suis pas trop team catering parce que je ne mange jamais avant de jouer et après, en général je vais boire des coups. Je ne bois pas de bière avant sinon je fais des rots au micro. Je ne peux donc pas manger avant de jouer donc je mange très rarement au catering.

Par contre avant j’étais perchman et du coup y avait un catering d’équipe de tournage et je trouvais ça très important , ça met du baume au coeur. Très très important ! 
Mais la en vrai, je n’en profite pas trop. Je suis juste content pour mon sondier parce que lui quand il y a des curly, il est trop heureux ! (rires) Il les emmène dans les loges et il les finit tout seul… il adore ça !