Spider Zed : « Parfois, la famille t’apporte de la réussite, parfois elle te rend triste, parfois heureux, mais tu ne peux pas la laisser tomber ! »

Deux ans après la sortie de Jeune intermittent, Spider Zed est de retour avec son deuxième album, Club de cœur. Le Parisien offre un projet de 12 titres encore plus introspectif et personnel que son prédécesseur. Nous avons rencontré cet artiste sincère et hyper talentueux, et avons échangé à propos de son nouveau projet, sa famille, la notoriété, son évolution musicale, et un peu de super-héros.

La Face B : Salut Spider Zed ! Comment est-ce que tu te sens à l’approche de la sortie de ton nouvel album, Club de cœur ?

Spider Zed : J’ai très hâte ! Je suis impatient que ça sorte, et j’ai hâte de partir en tournée également, ça va être cool ! Et j’ai hâte de la suite surtout. J’ai envie que tout aille si vite, mais j’attends.

LFB : C’est ton septième projet en presque 6 ans, où trouves-tu cette inspiration ?

Spider Zed : Moi-même, je me le demande ! À chaque fois que je sors un album, je me dis que c’est fini, que j’ai tout dit… Je me demande ce que je vais faire de ma vie, que j’aurais dû faire des études finalement et plein de choses. Et au final, je trouve toujours un truc à dire. Lomepal avait dit un truc en mode « On raconte toujours la même chose, c’est juste qu’on a des nouvelles rimes« , et je pense que c’est un peu ça. Et je pense que je le dis mieux, et que les prods sont meilleures. Que je me libère un peu plus. C’est un peu l’idée que je fais le même morceau, mais qu’il évolue en mieux à chaque fois.

LFB : Tu ressens une certaine évolution dans ton travail ?

Spider Zed : Oui, et même dans les prods. J’ai beaucoup travaillé avec d’autres compositeurs, car avant je composais tout moi-même. Mais honnêtement, je ne pense pas que je sois un très bon compositeur, donc je faisais ce qu’il fallait, mais pas plus. Et là, j’ai travaillé avec des gars où moi, je suis plutôt un technicien, et eux, ce sont plus des artistes. C’est-à-dire que moi, je fais ce qu’il faut pour que ça soit écoutable, et eux font ce qu’il faut pour que ce soit bien. Et ensemble ça fait un bon mélange, on arrive à faire des morceaux, eux par contre tous seuls, ils arriveraient pas à faire un morceau (rire).

LFB : Tu veux dire que tu ramènes la plume et eux les sonorités ?

Spider Zed : Pas trop en vrai, car on compose tous ensemble. C’est moi qui écris quasiment tout le temps, mais c’est surtout en termes de petits ajouts, de mélodies… Par exemple, ce sont des réflexions du style : « On changerait bien la basse à ce moment-là » alors que moi, je n’aurais pas pensé à la modifier. Du coup, c’est vrai que ça peut être redondant. C’est juste trop cool quoi !

LFB : Comme tes autres projets, tu proposes une certaine dualité dans ta musique, avec des sonorités plutôt joyeuses et entraînantes mélangées à des paroles assez tristes ou plus sombres, est ce que tu peux nous expliquer davantage ?

Spider Zed : C’est vrai que sur cet album, il y a des sons qu’on pense joyeux, mais qui sont au final tristes. Il y a peut-être des sons un peu plus légers… Mais pas vraiment en vrai, au final, c’est vrai que c’est un peu pesant (rires). Mais c’est clair que ça m’a toujours foutu la flemme les mecs qui font des pianos / voix tristes, en disant des trucs tristes. Je trouve ça un peu glauque. Alors que j’aime bien quand les gens dansent, mais j’aime également les gens qui se disent : « Putain, ça, c’est un truc que je ressens depuis longtemps, il a réussi à mettre des mots dessus, je me sens un peu moins seul ».

C’est pour ça également que je ne fais pas de chanson hyper joyeuse, car quand je suis content, j’ai l’impression que je n’ai pas grand-chose à dire. Donc c’est un peu ça l’ambiance, mais j’aime beaucoup ! Je pense que je vais continuer dans cette voie-là.

LFB : Au fil de tes projets, tu as commencé à te livrer de plus en plus sur ta famille, sur comment tu les voyais et comment ils te voyaient. Club de cœur donne un peu l’impression de faire une grosse dédicace envers eux. Est-ce que c’était important de réaliser un projet pour toi, mais également pour eux ?

Spider Zed : C’est clairement ça ! Ça s’appelle Club de cœur pour faire référence à une équipe sportive, ou souvent, quand on pense à club de cœur, tu penses à une équipe de ton bled ou de ta ville. Tu ne la supportes pas forcément par choix, mais par défaut. Et du coup, c’est un peu comme la famille. Parfois, elle t’apporte de la réussite, parfois elle te rend triste, parfois heureux, mais tu ne peux pas la laisser tomber ! C’était un peu ce genre d’idée que j’avais par rapport à la famille. Mais oui, le thème principal est ma famille. J’espère d’ailleurs que ça ne va pas les rendre trop tristes ! Mais je pense qu’il y a de jolis trucs quand même. Je pense qu’ils peuvent s’y retrouver aussi !

LFB : Est-ce que tu leur as déjà envoyé Club de cœur ? Si oui, as-tu eu des retours ?

Spider Zed : Non, pas trop. J’ai envoyé à ma sœur, mais après ma mère, je vais attendre un peu quand même. Je préfère qu’elle écoute au calme de son côté. Et qu’elle ne m’en parle jamais (rires).

LFB : Est-ce que tu as quelques craintes vis-à-vis du retour de tes proches?

Spider Zed : Non, parce qu’en vrai je leurs mets cher depuis toute ma carrière, donc ils sont préparés. Mais en vrai, s’ils pouvaient faire comme si ça n’avait jamais existé, ça m’arrangerait.

LFB : Comment s’est passée la création de l’album ? Tu t’es un peu isolé pour cela, c’est bien le cas ?

Spider Zed : Il y a eu deux résidences à la campagne en 2021. On a fait quelques prods mais, au final pas tant que ça. Ouais, on se l’est un peu branlé au final pendant les résidences… Alors que ça m’a coûté plutôt cher (rires) ! Mais finalement j’ai travaillé un peu avec Pierre Pleure, un chanteur-compositeur, et avec Herman Shank aussi ! Mais sinon beaucoup avec l’artiste avec qui j’ai fait tout l’album, Jules Coulibaly. C’est vraiment avec lui qu’on a bossé sur l’ensemble du projet. On a même fait des arrangements ! Lui, c’est vraiment un artiste de la musique, il rajoutait le petit truc, c’est un gars qui aime bien les détails. Je pense que le fait de travailler avec lui a beaucoup apporté à l’album.

LFB : On retrouve beaucoup plus d’instruments organiques également dans Club de cœur, pourquoi ce choix ?

Spider Zed : J’écoute beaucoup plus de la pop indie, en mode des petits Américains avec des voix fluettes et des petits pianos. Dernièrement, j’aime beaucoup ça ! Je me disais que ça me parlait plus en termes d’instrus que la drill par exemple, même si j’adore la drill. Je me suis dit que ça devait être intéressant que je travaille sur ça. Mes potes savaient un peu jouer de la guitare, du coup, je trouvais que c’était une bonne idée.

Après, je pense qu’il n’y a que les guitares et certaines basses qui sont vraiment vraies. Tous les pianos proviennent d’instruments de logiciels, mais qui sont censés simuler des vrais pianos. Tout comme les batteries, ce sont de VRAIES batteries mais samplées, et après refaites à la souris, etc. Mais je me suis fait chier car c’est moi qui ai fait toutes les batteries, pour que tout soit bien agencé, pour que ça donne vraiment une impression qu’il y a un gars derrière.

LFB : On pourrait penser, surtout dans la dernière partie, à une sorte de retour à la réalité, ou une peur de passer à l’âge adulte. Est-ce que c’est le cas ?

Spider Zed : C’est vrai. Après, je pense que c’est un thème assez récurrent dans tous mes projets. C’est un peu ma problématique principale. Quand on est enfant, on se dit toujours que lorsqu’on sera grand, on fera ça, qu’on aura ça, etc. Mais finalement tu deviens vite grand, et tu te rends compte que pas grand-chose a changé. Et ça ne me met pas spécialement dans une ambiance de ouf en vrai (rires). Et heureusement que je fais de la musique pour le raconter. Mais je n’ai pas l’impression d’être vraiment adulte. J’ai 26 ans aujourd’hui, mais je me dis toujours : « Ah dans dix ans, je serai différent, ça y est je serai vraiment un adulte »… Mais tous les dix ans, j’ai pas changé ! Donc j’en fais des chansons !

LFB : Tu évoques aussi le sujet de la notoriété, où tu donnes parfois l’impression de démystifier un peu la chose ?

Spider Zed : C’est un peu important. Dans le sens où je ne suis pas Jay-Z bien sûr. J’ai une notoriété assez minimale, mais ça commence un peu. Mais c’est vrai que je vois des gens autour de moi qui sont peut-être à un tout tout début, à être déjà en mode à ne plus répondre aux gens, etc. Alors qu’en vrai, on a toujours un peu le temps. C’est surtout le truc où il faut arrêter de faire semblant d’être des stars. En vrai, je connais de très grandes stars qui te répondent en trente secondes, où ils n’ont rien à foutre ou ils sont juste dans leur canapé. Juste arrêtons de faire semblant.

C’est comme les soirées de gens célèbres, en vrai à part l’alcool et les petits-fours gratuits, bah c’est nul. Personne se parle, personne se fait de compliment, c’est horrible. Mais bon, tant qu’il y a du champagne gratuit, j’irai (rires) !

LFB : Est ce que cette notoriété a changé beaucoup de choses pour toi ?

Spider Zed : Non, pas spécialement. Déjà je ne sors pas beaucoup de chez moi, donc je ne me fais pas beaucoup reconnaître. Et quand c’est le cas, les gens sont sympas ! Après, au sens premier, c’est cool car ça me permet de vivre de ma musique, et c’est formidable. Mais en vrai, c’est assez rare qu’on me reconnaisse, et si ça arrive c’est généralement pour une photo ou des compliments. Donc c’est vraiment pas chiant !

Cover de Club de cœur, réalisée par Joanna Doukov

LFB : Tes projets sont accompagnés de pochettes plutôt épurées, mais magnifiques, possédant beaucoup de messages. Cependant pour Club de cœur, on a une question, pourquoi les lasers dans les yeux ?

Spider Zed : Alors, quand j’étais petit, il y avait un bac à CDs chez moi dans lequel il y avait un CD de Massive Attack. C’est l’album No Protection. Ils ont fait une pochette que je ne faisais que regarder. Je me disais que ça avait l’air incroyable, car je suis très fan des super-héros, notamment Spider Man, d’où le nom forcément. Et je me suis dit que cet album devait être génial ! Sauf qu’un jour, je l’ai écouté et je l’ai trouvé trop nul. C’était une grosse déception musicale.

Depuis, j’ai toujours eu cette envie de refaire un hommage à cette pochette. C’est peut-être pas très modeste, mais en réalisant un album qui me plaît. Ça a pas mal joué, pour redorer le blason des pochettes de super héros. Même si l’album de Massive Attack doit plaire à énormément de gens bien sûr, mais malheureusement pas à moi.

Il y a également autre chose. Je lance des lasers, mais il y a plein de petits cœurs à l’intérieur. C’est une espèce de métaphore un peu large en mode, quand tu aimes les gens, tu es un peu obligé de leur faire du mal. Parce que vu que vous vous aimez, que c’est un peu intense, c’est un peu en rapport à la famille aussi… Il faut que je réfléchisse encore à une réponse un peu plus stylée et philosophique (rires) ! Mais voilà, c’était quelque chose comme ça.

Il y aussi un rapport à Spider-Man, qui s’appelle le syndrome de Gwen Stacy. Spider Man, vu qu’il est un super-héros, s’il aime des gens et que ces gens l’aiment en retour, forcément, il les met en danger. Car forcément, c’est Spider-Man et on va essayer de blesser ses proches. Encore une fois pas très modeste (rires), mais c’était aussi par rapport à ça. En mode, vu que les gens m’aiment, et que moi ce que j’aime, c’est faire de la musique, raconter ce que je vis dans les sons, forcément je vais leur faire du mal.

LFB : Tu as annoncé une tournée dans toute la France en 2023, est-ce que c’était important pour toi de remonter sur scène et montrer ton travail à tes fans ?

Spider Zed : Oui grave ! Je pense que ça va être un bon moment ! En plus, je vais prendre Jules avec qui on a fait tout l’album, il va jouer de la guitare et du clavier en live. Pour un côté un peu plus groupe… Même si on est que deux (rires). Mais à l’avenir je pense qu’on sera plus, en ajoutant des membres au groupe. Et oui, c’est cool, moi j’adore ! Par ce qu’on passe toujours des bons moments ! C’est toujours un peu une petite fête, vu que j’ai pas forcément toujours des grosses soirées à Paris, là, je me dis qu’on est dans telle ville, avec des potes, l’équipe technique, on va boire des coups et on va jouer ! C’est vraiment ce qui me plaît les concerts !

LFB : Pour finir, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour ton futur ?

Spider Zed : Devenir une légende, mais modestement (rires). Ouais devenir une semi-légende, ça pourrait déjà être pas mal.

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