Sommes-nous Alain Bashung #9 : « Volutes partent en fumée »

Il y a de cela dix ans, l’éternel Alain Bashung nous quittait. Il laissera derrière lui son dernier souffle : à la fois inspirateur et créateur pour une lignée d’artiste. En hommage, nous avons demandé à certains musiciens de la nouvelle scène française de témoigner sur le chanteur. Si l’on devait définir la musique d’Alain Bashung, on parlerait d’onirisme entre sensualité, comme l’évoque Valentin Stuff et fragilité, comme perçu par Clou. Telles les volutes que Bashung chantait, celles qui partent en fumée…

Valentin Stuff

« Oh Bashung, Bashung qui ? Ma rencontre avec la musique d’Alain Bashung fut très tardive. Biberonné au sein de Margot qui dégrafait son corsage et autres pornographies phonographiques ce n’est que vers l’âge de 18 ans que je me suis réellement plongé dans l’univers onirique de Bashung et ses auteurs.
Comment ne pas s’identifier à ce personnage rêveur et poétique, moi aussi la nuit je mens, avec madame rêve dans des trains à travers la plaine.
Une fois immergé dans la richesse des textes et la voix suave du chansonnier, difficile d’en sortir. Mais par où commencer, 16 albums, c’est aussi terrifiant que de commencer le première épisode de la saison 1 de
Game of Thrones avec ses 8 saisons. Vais-je tenir? Vais-je survivre? Vais-je rester confiné pour arriver au bout? (Ca tombe bien de toute façon tu es confiné en ce moment à cause du Covid-19 mon gars.)
Nous artistes d’aujourd’hui, nous sommes forcément inspirés, que ce soit conscient ou inconscient de la musique d’Alain Bashung, d’autant plus si nous chantons en français comme c’est mon cas. J’essaye chaque jour d’aiguiser un peu plus ma plume, de moderniser ma verve, d’y intégrer du sous texte, une lecture entre les lignes en m’inspirant des plus grands, Gainsbourg, Brassens, Brel, Baudelaire, Ferré … et bien évidemment Bashung, sans leur arriver à la cheville.
Pour boucler la boucle j’ai eu la chance il y quelques années de remplacer Jean Fauque auteur emblématique de l’artiste, lors d’une lecture sur fond d’adaptation Jazz contemporain des textes chantés par Bashung au parc Floral de Paris.
Alors Merci Alain, je me permet de te tutoyer, pour te dire merci d’avoir dédier ta vie au rêve. »

Clou

« On dirait qu’on sait lire sur les lèvres », elle commence comme ça ma chanson préférée d’Alain Bashung. Ce n’est pas la plus connue, d’autant plus qu’elle arrive tardivement dans sa carrière, dans son dernier album studio Bleu Pétrole. Cette chanson s’appelle Sur un trapèze et c’est avec elle que j’ai réellement découvert Bashung. Je veux dire que c’est avec ces paroles et cette musique que je l’ai écouté comme si je ne connaissais pas ses tubes. J’étais attentive, émue et emportée par sa fragilité. Cette chanson est devenue un hymne personnel mélancolique. En l’écoutant, j’imagine l’enfant intérieur de Bashung posant sur son visage des masques pour affronter le monde : « On dirait que les pirates nous assiègent, et que notre amour c’est le trésor ». Pour moi, c’est l’innocence qui se pose la question « être ou ne pas être » chantée par la voix d’un homme qui va bientôt nous quitter. Beauté et profondeur en équilibre sur un trapèze.

Illustrations réalisées par Camille Scali.
Photo de couverture : montage réalisé d’après une photographie de Catherine Faux (SIPA).