Sommes-nous Alain Bashung #7: Les Petits Enfants

Il y a de cela dix ans, l’éternel Alain Bashung nous quittait. Il laissera derrière lui son dernier souffle : à la fois inspirateur et créateur pour une lignée d’artiste. En hommage, nous avons demandé à certains musiciens de la nouvelle scène française de témoigner sur le chanteur. Si le chanteur évoquait Les petits enfants qui tombent du balcon, c’est pourtant lui qui est tombé, dans notre enfance. Bashung a marqué de près ou de loin, l’enfance de ses contemporains ou de sa relève, à l’image de Santoré et Baptiste Ventadour.

Santoré (Mathieu)

“Quand on est enfant, il y a des choses qui nous font peur de manière un peu irrationnelle parfois.

Me concernant, il y avait, entre autres, les lamas, la scène d’introduction des Visiteurs, les passages « parlés » de Zorro est arrivé d’Henri Salvador et puis il y avait la voix d’Alain Bashung.

Je ne savais pas à quoi il ressemblait mais quand mes parents l’écoutaient, j’imaginais une sorte de géant, monstrueux et difforme. Une sorte d’Éléphant Man de la chanson française. Je l’imaginais terroriser une petite fille dans Madame rêve et mener une véritable dictature dans Ma petite entreprise ( (j’était bien trop jeune pour comprendre les textes).

Et puis il y a eu La nuit je mens … là encore, je ne comprenais pas les paroles (je compris plus tard qu’elles n’étaient pas si facile à comprendre celles-là, même pour un adulte ! ) mais au tout début de la chanson, Alain « saute à l’élastique ». Ça c’était à ma portée. J’étais soudainement beaucoup moins effrayé par cet homme, par cette voix. Je ne sais pas pourquoi mais un grand méchant monstre difforme qui saute à l’élastique… ça le rend plus fragile. C’est comme si d’un coup je voyais ses failles.

Mais ça, c’était ce que je croyais. Maintenant, je sais que c’est l’incroyable mélancolie qui s’était emparée de sa voix qui fut la véritable raison pour laquelle mon ressenti avait changé ce jour-là. C’était le début d’une longue histoire d’amour entre cette chanson et moi.”

Baptiste Ventadour

“Les chansons de Bashung, c’est un amas de souvenir. Elles m’ont suivi depuis que j’existe. En les écoutant, je peux revoir la maison dans laquelle j’ai fait mes premiers pas, les moments où je jouais dans le jardin, vers 7-8 ans, et que j’entendais au loin «  un jour, je t’aimerai moins, jusqu’au jour où je ne t’aimerai plus ». 

Sa voix si particulière, si chaude, m’est rassurante, familière. Comme si elle me faisait me sentir chez moi un peu n’importe où. Je revois ma mère, qui avait rempli les tiroirs de ses albums, verser une larme le jour de son décès, je me rappelle d’une soirée très triste, je devais avoir 10 ans.”