Sommes-nous Alain Bashung #3 : Vertige de l’écriture

Il y a de cela dix ans que l’éternel Alain Bashung nous quittait. Il laissera derrière lui son dernier souffle : à la fois inspirateur et créateur pour une lignée d’artiste. En hommage, nous avons demandé à certains musiciens de la nouvelle scène française de témoigner sur le chanteur. Dans ce troisième épisode, il est question des mots de Bashung, qui nous marquent et nous imprègnent. Le verbe y est poétique selon le chanteur Marien, voire immortel pour l’artiste Robi.

Marien

« “On m’a vu dans le Vercors, sauter à l’élastique, voleur d’amphores, au fond des criques ».
Voilà quelques vers qui peuvent résumer pour moi l’écriture de Bashung et l’effet qu’elle produit sur moi.

Chargés d’images, énigmatiques, mystérieux, ses textes me captivent. C’est presque toujours immédiat.

Dès les premières secondes, je suis intrigué par le fond, fasciné par la beauté des mots. On peut y déceler plusieurs sens, celui de l’auteur, celui d’un autre, le nôtre, et cela écoute après écoute.

À la manière de ce « voleur d’amphores »j’ai toujours l’impression, quand j’écoute une chanson de Bashung, que je plonge dans quelques eaux sombres pour y trouver quelques trésors.
Parce que ses textes sont métaphoriques, très imagés, il me semble qu’il nous laisse des indices, au milieu d’un écran de fumée, pour trouver notre route dans la chanson.
Et ce qui est merveilleux, c’est que j’ai la sensation d’embarquer dans une chasse au trésor à chaque fois, guidé par la voix d’un ami immortel.»

Robi

« Bashung est immortel. Son corps a cédé, son art jamais, il meurt sur un dernier album ultime. Ultime, il l’est devenu avec le temps car il est ce temps même – où comment il s’est dénudé jusqu’à la densité. De ce temps du vivant, de ce temps après lui dont il ne finit pas de s’intensifier. Bashung me fait croire au temps qui passe et nous bat jusqu’à l’ivresse. Bashung m’a réconciliée avec la finitude et l’éternité de toutes choses. Je l’écoute parfois, je l’écoute souvent mais surtout ce Bleu pétrole sur lequel il nous quitte dans un geste et dans un aveu total . « Chais pas pas pas pas pas pas pas » dit-il . Moi non plus. Et s’il n’y avait rien d’autre à savoir ?»

Illustrations réalisées par Camille Scali.
Photo de couverture : montage réalisée d’après une photographie de Catherine Faux (SIPA).