Sommes-nous Alain Bashung #1 : Les immortels

Il y a de cela dix ans, l’éternel Alain Bashung nous quittait. Il laissera derrière lui son dernier souffle : à la fois inspirateur et créateur pour une lignée d’artistes. En hommage, nous avons demandé à certains musiciens de la nouvelle scène française de témoigner sur le chanteur. Pour ouvrir cette série, L (Raphaële Lannadère) évoque sa mort, une disparition qui résonne comme un “retard impossible à rattraper” pour Pierre Guénard (Radio Elvis). 

L (Raphaële Lannadère)

Festival Alors, chante !, 2009…
Je viens de terminer mes balances, j’ai un trac fou, c’est une de mes premières grandes scènes.
Le temps pour se préparer était court – nous sommes nombreux, dans les découvertes, à partager, ce jour-là, le plateau du magic mirror. Nous rangeons en hâte nos instruments, nous assurant de n’avoir rien oublié.
Et tout à coup, sonnent sous le chapiteau les premières notes de guitare de « La nuit, je mens », et puis, la voix, si particulière de Bashung, déboule, comme une bourrasque extraordinaire, et emporte tout, les doutes, le stress, l’appréhension. Bashung vient de mourir. Et c’est une petite messe qui débute, là, pour nous tous, un instant suspendu, un recueillement. Chacun s’arrête de vaquer à ses occupations, se fige, s’assoit, écoute… On se sourit, on se laisse envahir.
Grâce à sa voix si chaude, à cette mélodie éblouissante, soudain, je n’ai plus peur de rien. Je me souviens de tout – pourquoi je suis là, pourquoi j’en suis heureuse, pourquoi je chante.
Souvent, dans ma vie, ses chansons ont marqué mon parcours, mon chemin, dans ce métier, elles m’ont donné du courage, de l’imagination, et beaucoup d’exigence, aussi ! ”

Radio Elvis

J’aurais pu en vouloir longtemps à mes grands-parents d’avoir conçu mes parents un peu trop tard. Et puis à mes parents de m’avoir eu un peu trop tard eux aussi. Car c’est sûrement à cause de ça qu’à mon tour, j’étais arrivé trop tard pour le dernier concert de Bashung à Poitiers. Peut-être aussi pour ça que je me suis installé un peu trop tard à Paris.

Je n’ai pas vu Bashung en concert. Pas vu Bashung dans la rue ou dans le métro. Je n’ai pas vu Bashung en vrai. Je me suis même dit qu’il n’avait peut-être jamais existé.

Voilà, pour moi Bashung, c’est une histoire de retard impossible à rattraper. Alors pour me consoler je l’écoute en boucle et parfois je me demande ce qu’il aurait pensé de nos chansons. Un jour j’aurai une réponse, j’en suis certain. En attendant j’écoute.”

Illustrations réalisées par Camille Scali.

Photo : montage réalisé d’après une photographie de Catherine Faux (SIPA).