Sleaford Mods: « Je pense que personne ne SE préoccupe du bruit qui sort de ma bouche »

Une sortie coup de poing de ce début d’année. Le groupe le plus véhément de d’Angleterre Sleaford Mods revient pour nous balancer nos quatre vérités à la tête. Claque politique, mais aussi recueil de souvenirs intimistes, Spare Ribs est un hommage superbe à la working class anglaise. Nous avons eu la chance de s’entretenir avec Jason, chanteur/rappeur du groupe au sujet de la pandémie, sa définition du punk et de papier toilettes. 

LFB : Salut Jason ! Merci beaucoup de prendre un peu de temps pour nous, c’est vraiment un grand honneur. Comment vas-tu ?

Jason : Oh, bien. Je vais bien. Je suppose de la même manière que tout le monde, tu sais. (rires)

LFB : Et comment va Andrew ?

Jason : Il va bien ! A la maison, nous sommes tous un peu confinés. (rires) Alors oui, il est tranquille.

LFB : D’où vient le nom de votre dernier album Spare Ribs ? Qu’est-ce que ça veut dire pour vous ?

Jason : C’est essentiellement un commentaire sur le nombre de décès inutiles dans ce pays dus à la pandémie et sur la façon dont le gouvernement a géré la situation. On a eu l’impression qu’ils pensaient plus au modèle économique qu’aux intérêts du peuple. Cela m’a donc fait penser que nous sommes vraiment tous sacrifiables. Nous sommes tous des victimes collatérales potentielles au nom du plan économique global, tu vois ce que je veux dire ? Et j’essaie de comparer cela à l’idée d’une cage thoracique, dont on  arrache juste assez de côtes  pour que le corps puisse survivre. Je me suis dit que j’essayais d’en faire une image surréaliste.

LFB : Jason, pour le clip de Mork N’ Mindy, tu choisis de reproduire la maison de ton enfance. Fish Cake parle aussi de ta famille. Maintenant que vous êtes célèbre et que vous avez du succès, il est plus important que jamais d’être connecté à vos racines ? 

Jason : Je pense que oui. Je ne sais pas pourquoi je n’ai cessé de parler de mon enfance dans cet album… J’ai subi une opération du dos cet été et cela m’a ramené à cette période, quand j’étais enfant. J’ai donc commencé à y réfléchir davantage. Je ne sais pas si je vais continuer à jouer avec le thème de mes racines et de mon enfance, mais pour cet album, c’est définitivement un sujet important, oui.

LFB : Vous avez de grands invités dans cet album ! Amy Taylor et Billy Nomates qui donnent une sorte de R n’ B soul à ces chansons. Comment s’est passée la collaboration avec eux ? 

Jason : Oh, génial. Oui, nous sommes vraiment de grands fans de Billy Nomates. De toute évidence, c’est une chanteuse qui va décoller en Angleterre. Vraiment géniale. J’ai collaboré sur une chanson de son premier album, un premier album éponyme, puis je lui ai demandé si elle voulait faire une chanson avec nous : Mork n’ Mindy. Je n’étais pas très à l’aise avec la façon dont je chantais le refrain (rires), alors je lui ai demandé si elle voulait le faire. Et pour Amy Taylor, nous sommes en quelque sorte de grands fans d’Amyl and the Snifters. Nous lui avons donc demandé si elle voulait aussi collaborer. Et cela a pris un peu plus de temps parce qu’elle était à Melbourne et évidemment nous étions au Royaume-Uni. Mais oui, c’est facilement les deux meilleurs morceaux de l’album.

LFB : J’ai vu lors d’une interview que c’était quelque chose que vous vouliez faire depuis longtemps, mais vous aviez peur pour les concerts du fait d’engager quelqu’un de plus pour la tournée. Comment allez-vous vous y prendre ? Peut-on s’attendre à de grands invités ?

Jason : Je ne sais pas ! Ils seront sur la piste de fond, je suppose ! Ou bien je vais juste arriver sur scène et faire un « boum boum boum » pour remplacer (rires) Pourquoi pas ?

LFB : J’ai cru comprendre que la production de l’album a été interrompue par la crise de Covid. Comment avez-vous travaillé pendant cette période ? 

Jason : Oui, nous avions déjà fait cinq ou six chansons en janvier dernier avant d’aller en Australie. Des prises brutes. Et puis nous sommes revenus en studio en juillet. Il nous a fallu environ deux semaines pour faire le reste de l’album. Mais en général, malgré la pandémie, c’était comme d’habitude, nous n’avons pas changé notre façon d’aborder les chansons. S’il n’y avait pas eu de pandémie, nous aurions pu parler d’autre chose. Je veux dire,  nous vivons une époque assez chaotique, n’est-ce pas ? Les choses changent sans cesse. Andrew et moi, nous voulions pousser la production, mais nous avions besoin d’un producteur. Nous n’avons besoin de personne pour mixer l’album. Mais nous avons pensé que les collaborations pourraient pousser la production, et les sons de l’album.

LFB : Ce nouvel album vous a-t-il permis d’apprendre quelque chose sur la façon dont vous produisez la musique ?

Jason : Oh oui ! Nous sommes constamment en train de nous pousser et pour une raison obscure, cet album a vraiment touché une corde sensible chez les gens. Je ne sais pas si, peut-être, nous avons franchi un cap avec le son de la production. Qui sait ? Mais nous avons senti que c’était vraiment un son plus grand.

LFB : Quelle est votre relation avec Rough Trade ? Vous êtes parti puis revenu !

Jason : Vraiment bien, même super. Ils nous comprennent, c’est bon d’être avec eux.

LFB : Vous êtes clairement le groupe le plus engagé politiquement en Angleterre en ce moment. Comme vous n’êtes jamais à court de mots, si vous n’avez qu’un seul message à faire passer, que dirais tu ?

Jason : Je ne sais pas. Je n’en suis pas sûr parce que beaucoup de gens croient en tellement de choses différentes. Donc même si quelqu’un voit la vérité, les autres ne seront probablement pas d’accord avec cette vérité. C’est très difficile. Mais mon message est le suivant : réfléchissez. Regardez simplement ce qui se passe autour de vous. Faites confiance à votre instinct.

LFB : Tu as une forte histoire avec la colère, tu en parles beaucoup et semblez motivé par elle. C’est pour toi un moteur ou une barrière dans ta vie ?

Jason : Je peux être en colère, dans cette période, qui ne l’est pas ? (rires) C’est une grande émotion si vous l’utilisez de manière intelligente. Si vous en êtes conscient. Je pense que vous pouvez faire de bonnes choses pour votre musique.

LFB : Es-tu un idéaliste ?

Jason : Non, je ne le suis pas. Mais j’ai des principes et des normes ! Mais je ne dirais pas que je suis un idéaliste complet.

LFB : Et alors, qu’est-ce qui te rends heureux ?

Jason : La famille ! Et avoir assez de papier toilette dans la maison. (rires)

LFB : Grand sujet en temps de pandémie ! Votre franc-parler sur des questions politiques vous a-t-il déjà crée des problèmes ?

Jason : Non, non, non. Je ne pense pas que les autorités ou qui que ce soit se préoccupe du bruit qui sort de ma bouche. (rires)

LFB : Peut-être pour le moment ! Attends un peu. Que signifie être un punk de nos jours ? 

Jason : Je ne sais pas, peut-être juste quelqu’un qui fait quelque chose d’inattendu et qui est fidèle à ce qu’il ressent vraiment. Et quelqu’un qui n’a pas peur d’être juste lui-même, d’être normal. Quelqu’un qui n’a pas peur d’admettre qu’il ne fait pas vraiment quelque chose de révolutionnaire, qui surprend les gens.

LFB : Quel est ton rapport avec la scène et comment vis tu pour ne pas pouvoir jouer en ce moment ?

Jason : Oui, j’adore ça… J’adore jouer, « the proof is  in the pudding » ! C’est notre place. Et oui, j’espère que j’y reviendrai bientôt.

LFB : Qu’espéres tu pour l’avenir ? 

Jason : Qu’on puisse retourner à une sorte de vie normale. Tout simplement continuer à vivre. J’espère que ça arrivera bientôt.

LFB : Tu veux que les choses reprennent leur cours normal ou tu espères des changements dans la société ? 

Jason : J’espère que nous pourrons revenir à un mode de vie normal, mais il est évident que certains changements doivent se produire. Il doit y avoir une sorte de poussée vers un changement environnemental et il doit y avoir une révision de cette tendance actuelle de la cupidité et du fascisme.

LFB : Merci beaucoup pour ton temps ! J’espère te voir bientôt en concert !

Jason : Merci beaucoup ! Ravi de t’avoir rencontré, prends soin de toi !

ENGLISH VERSION

LFB: Hi Jason! Thank you so much to take some time with me, it’s really a great honor. How are you?

Jason: Yeah, good. I’m OK. I guess like everybody, you know. (laugh)

LFB: And how is Andrew?

Jason: He’s good ! At home, we’re all kind of locked down. (laugh) so yeah, he’s cool.

LFB: Where does it come from this name Spare Ribs? Where does it mean for you?

Jason: It’s basically a comment on the amount of unnecessary deaths in this country due to the pandemic and the way the government handled it, and you just got the impression that they were thinking more about the economic model than they were the interests of the greater public. So it made me think that we are really all just expendable. We are all potential collateral in the name of the greater economic plan, you know what I mean ? And I try to compare it to the idea of a rib cage, and to rips off in order to the body can survive without all these ribs. I just kind of figured I tried to make a surreal kind of image from it, you know.

LFB: Jason, for the clip of Mork N’ Mindy you choose to replicate your childhood house. Fish Cake talk also about your family. Now that you are famous and successful it’s more important than ever to be connected to your roots? 

Jason: I think so, yeah. I don’t know why I just kept referencing them for this album… I had an operation on my back this summer and that took me back to that period, when I was a child. So I started to think about it more. I don’t know if I’ll carry on toying with the theme of my roots and my childhood, but for this album, it definitely a surface level. Yeah.

LFB: You have some great guests in this album ! Amy Taylor and Billy Nomates giving a kind of R n’ B soul to this songs. How it was to collaborate with them? 

Jason: Oh, brilliant. Yeah, we’re really big fans of Billy Nomates. Obviously, she’s an up and coming singer in England. Really good. I collaborated on a song from her debut album, a self-titled debut album, and I asked her if she wanted to do a song with us on Mork n’ Mindy. I wasn’t quite feeling comfortable with the way I was singing the chorus.(laugh) So I asked her if she wanted to do it. And for Amy Taylor, we are kind of big fans of Amyl and the Snifters. So we kind of asked her if she wanted to collaborate as well. And that took a while longer because she was in Melbourne and obviously we were in the U.K. But yeah, that easily the two best records on the album.

LFB: I saw on an interview that I was something you wanted to do since a long time, but you were scared about the concerts and the fact to hire someone more for the tour. So how you will do ? Can we expect great guests?

Jason: I don’t know ! They will be on the backing track I guess ! Or just me coming up with a “boum boum boum” (laugh) Why not?

LFB: I understood that the production of the album was interrupted by the Covid Crisis. How you worked during this period? 

Jason: Yeah, on the record, which we did five or six songs, rough trade, in January last year before we went to Australia. And then we got back in the studio in July. It took about two weeks to do the rest of the album. But generally speaking, despite the pandemic, it was business as usual, we didn’t change the way we approach the songs. If it hadn’t been a pandemic it would have been something else to talk about. I mean, we are living in quite chaotic times, aren’t we? So things are ever changing. Me and Andrew, we wanted to push the production, but we did need a producer. We don’t need anyone to mix the album. But we thought the collaborations might push the production, and the sounds of the album.

LFB: So do learned something about the way you produce music thanks to this new album?

Jason: Oh yeah! We’re constantly pushing and for some reason, this album has really struck a chord with people. I don’t know if perhaps, we  turned the corner with the production sound. Who knows. But we felt it was definitely a bigger sound.

LFB: What is your relationship with Rough Trade? You left then returned !

Jason: Really good, even great. They understand us, it’s good to be with them really.

LFB: You’re clearly the most politically engaged band in England right now. As you never are at a loss for words, if you have only one message to pass, what would you say?

Jason: I don’t know. I’m not sure because so many people believe in so many different things. So even if someone sees the truth of the matter, they probably won’t agree with that truth. So it’s really difficult. But my message is, just just think about it. Just look at things. Trust your instincts.

LFB: You have a strong history with the anger, you talk a lot about it and seems motivated by ot. It’s for you a motor or barrier in your life?

Jason:  I can be angry, in this period who isn’t? (laugh) It’s a great emotion if you use it in an intelligent way. If you are aware of it. I think you can do good things for your music.

LFB: Are you an idealist?

Jason: No, I’m not. But I do have principle and standards. But I wouldn’t say I’m a complete idealist.

LFB: And so, what makes you happy?

Jason: Family ! And having enough toilet roll in the house. (laughs)

LFB: Big subject in a pandemic time ! Has your frank talk ever given you any politic or careers issues? 

Jason: No, no no. I don’t think the authorities or anybody bothered about the noise coming from my mouth. (laugh)

LFB: Maybe for the moment ! Wait for it. What’s mean to be a punk nowadays? 

Jason: I don’t know, maybe just somebody that does something that is unexpected and is true to how people really do actually feel. And someone who is not afraid of just being themselves, being normal. Someone not afraid of admitting that they’re not really doing anything revolutionary, to surprise people.

LFB: What is your relationship with the stage and how do you live to ne be able to perform right now?

Jason: Yeah, I love it… I love performing, the proof is in the pudding ! It’s where we belong. And yeah, hopefully I’ll get back to it soon.

LFB: What do you hope for the future? 

Jason: That we can go back to some kind of normal life. Just carry on. I’m hoping that will happen soon.

LFB: You want things to go back to a normal way of life or you are hoping some changes in the society? 

Jason: I’m hoping that we can go back to a normal way of life, but obviously somes changes need to happen. There needs to be some kind of a push towards an environmental change and there needs to be an overhaul of this current trend of greed and fascism.

LFB: Thank you so much for your time ! Hope to see you soon in concert !

Jason: Thank you ! Was nice to meet you, take care !