Sébastien Tellier : Nouvelle casquette, nouvel opus

Aux heures sombres du confinement, où notre espace de liberté ne cesse de se resserrer; un homme décide de voler au secours de la population en détresse. Le daddy français barbu nous fait don d’un nouvel album, tout juste six mois après la sortie de Domesticated. Pas de fatigue qui soit. Quand il s’agit de voler au secours d’autrui, Sébastien n’hésite pas.  C’est donc onze reprises d’anciens morceaux qu’il nous a gentiment concocté avec Simple Mind. Comme son nom l’indique, une revisite plus simple, plus spontanée et terre à terre sans être dénuée de poésie pour autant.

Parmi les onze titres choisis, on retrouve un peu de tout. Notre gourou à la casquette soigneusement décorée a autant pioché dans son dernier album, que dans de plus anciens comme l’Aventura, My God is Blue ou encore Sexuality. Simple Mind s’adresse à tous, aux enfants, aux adultes, aux rêveurs ou aux réalistes. Cependant, la même recette est appliquée à chaque choix : dénuder le morceau, et le dévoiler sous une nouvelle apparence plus intime. Comme si Sébastien Tellier s’invitait dans notre salon, dans notre cadre privé pour nous réconforter pendant ces temps sombres. Gentil de sa part ça.

Mais attention, qui dit des reprises plus simples ne veut pas toujours dire acoustique. L’artiste garde sous la main ses synthétiseurs, pour insuffler par moment cette électro symphonique qui lui est propre. Surfant entre des ambiances légères et graves, notre papa ours de la pop n’a pas terminé de nous surprendre. 

L’album attaque directement avec Domestic Task, morceau du dernier opus. Égarée la voix auto-tune, disparues les grosses basses gondolantes. Le Dude nous embarque avec lui sur un titre à base d’accords directement plaqués au piano. Une voix sans artifice, avec un accompagnement musical retenu, mais pas moins percutant. Une première version démaquillée, qui donne une idée de la direction que va prendre l’oeuvre. Sebastien peut se permettre quelques envolées vocales. La musique reste entraînante, tout en instaurant cette atmosphère plus privée.

Une douce aura synthétique prend la relève, soutenue par une lourde basse frémissante. Les notes ne trompent pas, les connaisseurs auront immédiatement reconnu L’amour et la violence. On ressent toujours cette sensation de partir pour un voyage dans les étoiles, mais à une vitesse plus modérée. On prend le temps, et on se laisse kidnapper un moment par un ensemble harmonieux euphorisant.

Place au titre qui a eu le droit à son clip live : Look. On y découvre notre chanteur comme on l’imaginait jusqu’à présent depuis le début de l’écoute. Lunettes de soleil et cigarette entamée mis de côté sur le dessus du piano. L’artiste s’est posé pour nous livrer cette version dépouillée de son œuvre. Un beau moment entre lui et nous, le piano et quelques envolées synthétiques. Si on est quelque peu jaloux des chanceux se trouvant derrière la vitrine du studio; on arrive sans peine à se projeter dans cette partie intime de l’univers de Tellier. On suit le cours d’eau avec A Ballet, aussi déshabillé de son auto-tune, mais paré de fines ondes pianotées. Comme ses prédécesseurs, le temps du morceau est considérablement raccourci, semblant ne vouloir garder que l’essentiel de la musique.

Nostalgie quand tu nous tiens la main, Eurovision on pense à toi. Vous l’avez compris, c’est Divine qui prend le relais dans ce défilé de reprises. Et forcément on se replonge dans ses souvenirs, et on re-découvre le clip de 2008. Rien à voir du coup les amis. Si certains d’entre vous pensent encore qu’à quinze ans la technique ultime pour séduire est de jouer Wonderwall devant les braises, vous avez tout faux. Avec cette version, on a qu’une envie, repartir des années en arrière, pour la re-découvrir en colonie autour du feu… Une seule question se pose, Sébastien Tellier a-t-il son BAFA ? On est tous prêt à postuler chez Capvacances en tant qu’anim s’il se reconvertit. Nous arrivons à la moitié de l’album, où Intromission fait son entrée, tel une interlude. L’air est chanté, tel une berceuse, nous offrant un instant suspendu enivrant.

La haute voltige continue avec Fingers of Steel et Stuck in a Summer Love. Le maître de la rêverie dansante nous propose ici une nouvelle vision plus profonde tout en restant aérienne. Guitare et piano s’enchaînent et arrivent à nous faire décoller du fauteuil sans effort. L’électro sensuelle et les synthés de l’espace laissent place à une ambiance planante. C’est d’ailleurs intéressant d’entendre la voix de Tellier de cette manière. On sent un certain plaisir et un lâcher prise, une libération où son timbre peut s’exprimer pleinement.

On vous avez parlé de L’Aventura, pas de panique on y arrive. Cet album s’adresse bien à tous, y compris à ceux atteints du syndrome de Peter Pan. Comment revoir Oursinet ? et Ricky l’adolescent se succèdent naturellement, nous plongeant dans un monde enfantin aux teintes colorées. On fredonne sans s’en rendre compte, la magie opère toute seule. Ici, notre artiste se concentre sur ses airs pop et les réutilisent intelligemment sur de douces ballades musicales. Installez-vous, prenez un Russe blanc, et profitez de la promenade.

Ce moment d’intimité prend déjà fin avec le bien aimé Against the Law. Les sons synthétiques surgissent de toute part, les basses électriques se propagent progressivement; une bulle sonore s’enroule autour de nous. Une conclusion sophistiquée, à l’ambiance quasi spirituelle. Une fin mélodieuse, qui saura vous faire frissonner jusqu’aux orteils. On va peut être se repasser l’album une seconde fois nous…

Petite parenthèse. On retrouvait Sébastien Tellier le week-end dernier sur scène avec Arte Concert à la Gaîté Lyrique, pour un live époustouflant. A bord de son piano, en rond avec une brochette de musicos brillants; notre poilu scintillant nous a offert une prestation remarquable, accompagné par divers invités comme Juliette Armanet ou Samantha Louis Jean. Un instant magique à découvrir, une immersion musicale hors du temps, un beau jeu de lumières et de belles émotions. Fin de la parenthèse, mais ça vaut le coup de jeter un coup d’œil. Fin de notre avis sur Simple Mind également, et la maison vous le conseille !