Sean : « les trucs tout simple que les gens disent et font, c’est cela qui m’inspire le plus »

Créé dans des conditions particulières, Sean a réussi à rebondir pour sortir MP3+WAV. On est revenu avec lui sur les circonstances et le processus créatif qui l’ont amenés à sortir ces huit titres.

LFB : Tu viens de sortir ton projet, comment te sens-tu ?

Sean : Super bien parce que j’ai bien travaillé. Je suis souvent en studio et j’ai pleins de retours des gens avec qui je travaille, c’est chan-mé. C’est aussi un peu de soulagement, dans le sens où ça y est, c’est sorti. A la base, c’était des tracks qui n’était pas censées voir le jour comme cela, c’est né suite à un cambriolage. C’est une façon de rebondir ce projet, rien n’est mixé, tout est masterisé.

LFB : Tu viens d’évoquer les conditions assez spéciales dans lesquels le projet est née, comment t’es venue l’idée de quand même le sortir ?

Sean : En gros, je me suis fait cambriolé le soir du 14 juillet. De base, nous on était sur une stratégie « singles », on en préparait pleins, on emmagasinait un maximum de morceaux. Du coup je me suis fait cambriolé ce soir là, on m’appelle le 15 juillet, on me raconte l’histoire et c’est cette journée là où on a eu l’idée de rebondir avec Roodie mon producteur et ami depuis longtemps. Parce que sinon on perdait plus d’un an de travail et c’était difficile pour tout le monde. Donc on a été chercher ce qu’on avait dans nos mails, on a récupéré dix titres et au final on en a sorti huit sur une trentaine de morceaux. C’était assez spécial. On a trouvé le nom, MP3+WAV le jour même en regardant les exports qu’on avait, il y avait écrit MP3 presque partout et le dernier il y avait écrit WAV.

LFB : Pour le coup, on peut dire que tu as fait preuve d’une grande capacité d’adaptation. Est-ce que c’est quelque chose qui te suit aussi au quotidien ?

Sean : Ouais, je pense que je suis issu d’une génération qui peut s’adapter à toute sorte de situation. Moi je suis à l’aise pour parler business, pour parler avec des mecs issus du milieu hyper-bobo parisien comme avec la street en personne. Je sais que je suis à l’aise avec les trois, c’est ce qui fait la force de notre génération. En tout cas de moi et mes proches. Par exemple, je vais te citer un gars il s’appelle Espiiem, je travaille beaucoup dans ses studios en ce moment, il est vraiment en mode grand frère. Ce gars a vraiment cette capacité à pouvoir parler avec tout le monde et se faire comprendre par tout le monde en étant sérieux et crédible avec tout le monde. Cela, c’est un truc que je trouve hyper important dans la vie de tous les jours et surtout dans ce milieu là où t’as des gens de label avec qui il faut savoir parler. C’est pour cela qu’il y a des gros DA qui savent parler aux deux côtés : rappeurs et label.

LFB : Maintenant, on va parler un peu de ta carrière. Tu as fait des débuts assez remarqués avec ton premier projet, Mercutio, ton nom commençait à tourner. Tu t’attendais à de si bons retours sur ton premier projet ?

Sean : Non, franchement, Mercutio c’était hyper inattendu. En fait, à la base c’était sur un morceau que j’ai sorti avec Tunecore, on a essayé un morceau qui s’appelait Souvenir, c’était mon premier morceau et j’ai eu pleins de retours. Je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment un truc à faire. Du coup, on s’y est mis sérieusement et on a fait Mercutio, j’étais mineur encore quand on l’a sorti et puis j’ai signé directement après. C’était exponentiel pour moi à l’époque, je passe de faire de la musique dans ma chambre une fois tous les six mois à aller en studio et rencontrer des gens qui me prennent vraiment pour un artiste complet.

LFB : Ça fait pas peur quand on est jeune comme tu l’étais de voir tout cela arriver d’un coup ?

Sean : Une fois que j’ai vu cela, ça m’a fait rêver beaucoup plus. J’avais déjà un peu cette idée en tête d’être un chanteur mais je m’y étais jamais mis sérieusement. Mercutio, cela m’a fait rendre compte de pleins de choses et on s’est boosté car on voulait cette vie. On cherche à ce que les gens écoutent et apprécient notre musique.

LFB : Ta musique est assez diversifiée, on y retrouve une multitude d’influences. Justement, quelles ont été tes influences ?

Sean : Mes influences sont plus dans les gens que je fréquente. Ma musique elle nait vraiment de phrases que j’entends. Par exemple, un jour un mec me dit « Putain c’était trop frais avec cette gow, je l’ai rencontré à Plougrescant cet été, c’était le temps d’un été« . Il me dit « le temps d’un été » et je l’ai retenu. Dans ce que dise les gens, il y a tellement de poésie et moi, c’est ce que je vais chercher les trucs tout simple que les gens disent et font, c’est cela qui m’inspire le plus. Après, en influence musicale, j’écoute pleins de trucs, je suis assez varié, je peux pas te dire une influence musicale qui m’a amené à faire ce que je fais aujourd’hui. C’est pour cela que je fais pleins de trucs assez éclectiques. J’ai pas envie de me mettre de barrières, si j’ai envie de faire un morceau pop où je parle d’une meuf, je le fais. Après, je peux aussi fair un son grave « sale », trap, juste parce que je suis dans un autre mood. C’est vraiment une question de mood et de temps. Genre en hiver, on va plus faire des morceaux sombres, quand j’ai envie de faire la fête et que je peux pas, je fais des morceaux dansants, un peu club et après on voit ce qu’on en fait.

LFB : Comme tu l’as dit, ton univers est assez éclectique mais il est aussi cohérent et assez singulier. Comment as-tu travaillé pour avoir cette patte ?

Sean : C’est des années de studio qui m’ont amenées naturellement vers cela. Puis chacun a sa voix, si j’ai envie de faire du Djadja & Dinaz cela sert à rien puisqu’ils le font déjà. Je pense que dans les artistes que j’écoute, c’est des artistes qui ont leur truc. Moi, je suis pas allé chercher un truc chez les autres mais je me suis cherché moi même plutôt.

LFB : Au niveau des thématiques, l’amour c’est un sujet qui revient souvent dans le projet, sous différents angles et formes. Quelle place les relations amoureuses ont pu jouer sur ton parcours ?

Sean : Cela m’a aidé en vrai car c’est un sujet universel, qui touche tout le monde et moi en chantant je parle à un maximum de gens. C’est des choses que l’on vit tous. Donc ouais, je pense que cela m’a plus aidé que cela m’a brisé, sachant que je n’ai pas encore connu l’amour, je parle juste de choses que j’ai vécu et que d’autres gens ont vécus, parfois c’est même pas moi qui les ai vécues. Par exemple, une histoire hyper sombre entre un pote à moi et je raconte un peu sa relation avec sa copine qui peut être destructrice. En fait, je raconte ce que j’ai pu voir des relations et ce que j’ai pu apprendre. Que cela soit les déceptions, les moments hyper charnels ou les moments de charmes, il y a toujours cette période d’avant la relation où il y a ce truc où tu es dans le charme avec une personne et je trouve que c’est les plus beaux moments et je pense que je suis pas le seul à le dire. Le début d’une relation tu peux pas trouver mieux, quand t’essayes d’être la meilleure personne aux yeux de l’autre. Déjà cela te booste toi et cela apporte que tu bon dans la vie.

LFB : On va rentrer un peu plus dans MP3+WAV maintenant, le projet va être accompagné de huit visuels, quelle est la place de l’esthétique dans ton art ?

Sean : Pour moi, le visuel c’est 50% de l’oeuvre. Du coup, j’y tiens autant qu’à la musique. Un bon son ne va pas avec un mauvais clip et inversement.

LFB : Du coup, ça t’éclate de réfléchir à ces visuels ?

Sean : Ouais, de ouf. La moitié de mon temps je travaille sur l’image, pleins d’idées, on débat avec mes gars. On se demande ce qu’on veut transmettre avec quelle énergie. Là on va arriver un truc beaucoup plus « Trapstar » par exemple. On va être beaucoup plus drill, plus accessible parce qu’on a envie de le faire.

LFB : Le projet est super cohérent, il dégage une atmosphère nocturne, mélancolique qui te suit depuis le premier projet. Quelles places occupent la nuit et la mélancolie dans ton identité musicale ?

Sean : Cela m’a apporté pleins de sujets, aller chercher des émotions chez les gens, chez moi aussi. Franchement, je suis pas du tout un mec triste dans la vie de tous les jours, c’est juste que dans ma musique je peux mettre cet aspect en avant parce que cela me plait. C’est un sujet un peu comme l’amour, c’est des sujets universels, c’est des sujets qui sont en même temps super simples et complexes et aussi super profonds. C’est des sujets sans fin, le mal-être, je pense qu’aujourd’hui on est dans un monde où tout le monde a un petit mal-être propre à lui, développé par ses expériences et son environnement. Mais je suis pas du tout un sadboy. Au début, j’avais un peu une hantise de cela, parce que les gens m’avaient connu sur Mercutio, sur des morceaux hyper triste. En fait, c’est juste les premiers morceaux que j’ai fait, aujourd’hui avec ma discographie actuelle, c’est plus l’image que j’ai envie de donner. Je suis là aussi pour faire danser les gens mais d’une belle manière.

LFB : Justement, c’est pour cela qu’un morceau comme Le bon, la brute et le truand c’est important pour toi ?

Sean : De ouf. Après, sur A moitié-loup on avait déjà testé des trucs un peu plus dansants, limite plus que Le bon, la brute et le truand. Si t’écoutes des morceaux comme En vrai qui passait un peu inaperçu, c’est vraiment un morceau qui bouge. Il y aussi Le temps d’un été. J’essaye d’aller plus vers cela.

LFB : J’ai trouvé le projet assez personnel, même si tu ne t’inspires pas uniquement de ton vécu, j’ai remarqué que tu te livrais quand même beaucoup.

Sean : Ouais, parce que même quand je parle de choses que j’ai pas vécu, en vrai, je les aies vécues. Parce que c’est des gens autour de moi, du coup c’est quand même ma vie qui m’inspire. Et dans ma vie il y a les autres et il y a moi aussi.

LFB : Du coup, je me demandais si c’était pour cela qu’il n’y avait pas de collaborations sur le projet ?

Sean : C’est un peu comme mon Untitled de Kendrick Lamar. C’est un peu un projet de transition et je pouvais pas ramener des collaborations, cela n’aurait pas été cohérent. Ca aurait été vite vu comme une grosse mixtape plutôt que là c’est vraiment pour mon public. C’est des musiques que je voulais pas jeter et au final je les sors parce que ça me fait plaisir de les sortir. C’est pas un truc ou je me suis dis que j’allais tout baiser. C’est vraiment pour sortir des tracks, parce que sinon on allait jamais les sortir. J’ai déjà des collaborations de bookées, mais j’attend un peu parce que cela n’aurait pas été cohérent.

LFB : On peut dire que c’est une mise en bouche avant ce qu’il va arriver ?

Sean : Exactement, une petit mise en bouche.

LFB : Avant de terminer, sur la fin de ton projet, tu t’adresses directement à tes fans, quelle place ils occupent pour toi ?

Sean : Ils occupent une place très importante quand même. Je pense que sans eux je serais pas autant déterminé. Je le fais pour moi, mais je le fais aussi pour les gens qui m’écoutent, et pour les gens à qui je transmets certaines émotions. Du coup, je trouve que c’est archi-important la fanbase. Des fois, faut savoir écouter ses fans. Après, c’est sur qu’avec le contexte actuel, on a du mal à se rencontrer mais aujourd’hui il y a les réseaux sociaux et la force tu la vois même si elle n’est pas palpable. Il y a beaucoup de gens qui me donnent de la force via les réseaux et c’est cool. Hâte de pouvoir faire des concerts.

LFB : Pour clôturer, que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Sean : Que du bonheur, de l’amour et de la joie, de l’argent. Ensuite que cela se passe bien aussi, que le contexte en France et dans le monde devienne un peu plus calme et apaisant. Voilà, que du bon. Moi, je sais que là on va arriver sale et que cela va être cool. On peut aussi me souhaiter de la réussite, même si c’est un succès d’estime.