Sabrina Bellaouel : « montrer cette casquette de productrice m’a libérée de quelque chose »

Cette année 2020 aura été riche pour Sabrina Bellaouel. Après We Don’t Need To Be Ennemies, elle a livré Libra, deux EP’s totalement différents, qui représentent bien toute l’étendue de la palette artistique de cette artiste. Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir plus sur sa manière de vivre la musique.

Louis Muller

LFB : Tu viens de sortir Libra, comment c’est passée la sortie du projet, comment tu l’as vécue ?

Sabrina Bellaouel : Je suis très contente, j’ai eu pleins de retours positifs. Que cela vienne de gens qui s’intéressaient déjà à mon travail et de nouvelles personnes qui ont découvert sur le net, à la radio ou sur des playlists Spotify. Je suis très heureuse, assez fière aussi et j’ai hâte de continuer l’aventure.

LFB : Pour ceux qui ne te connaitrait pas encore, comment tu te présenterais toi et ta musique ?

SB : Alors, je m’appelle Sabrina Bellaouel, je suis bi-nationale, française et algérienne. Je suis chanteuse et compositrice, je vis à Bagneux, dans le sud de Paris. J’ai commencé la musique à l’âge de 16 ans, c’est ma première forme d’expression artistique. Aujourd’hui, j’étends la musique et mes inspirations à de la House mélangé avec du R’n’B, mélangé à de la musique électronique.

LFB : Tu viens de parler de R’n’B, c’est un style assez prédominant dans Libra, mais t’y apportes toujours une touche singulière. Comment as-tu travaillé ta musique au fil des années et des influences ?

SB : En fait, ce qui change pas mal, entre Libra et We Don’t Need To Be Ennemies qui sont deux projets que je viens de sortir avec mon label, InFiné. Ce qui change c’est que je passe à la composition, les projets précédents, c’était plus de la collaboration avec des instrumentales avec des beatmakers et des musiciens arrangeurs. Là, je dis pas que c’est assez unique pour moi mais en tout cas je suis aux commandes de tout, je contrôle tout. C’est deux projets qui me ressemble beaucoup parce qu’ils font tous les deux parties de mon univers. Il y a quelque chose de très dur, d’électronique un peu d’une dimension cinématographique avec We Don’t Need To Be Ennemies. Avec Libra, je suis revenue sur un format chansons mais j’ai pris plaisir à faire les deux et c’est vrai que de montrer un peu cette casquette de productrice, cela m’a libérée de quelque chose. Je pense que c’est peut-être cela la différence avec mon travail au présent et celui du passé.

LFB : Justement, je trouvais que musicalement, Libra n’avait rien à voir avec We Don’t Need To Be Ennemies. Pourquoi avoir choisi cette dualité ?

SB : Je crois que c’est les deux versions de ma personnalité. Libra est né en amorce de We Don’t Need To Be Ennemies. Il existait déjà dans sa forme la plus simple et initiale. Ensuite, est venu le confinement et à partir de mars on était tous à la maison et en fait, j’avais envie de me libérer de cela. Du coup, je me suis mise à la production. En fait, ces projets là, viennent d’une expérience un peu unique, le confinement. La différence, c’est que les voix sont vraiment relayées au second plan, je l’utilise vraiment comme un instrument comme de la texture au même titre qu’un synthétiseur ou qu’une batterie. Pour moi, c’était important d’explorer un peu les sons plus que de raconter une histoire avec des mots. J’avais vraiment envie de créer une bande son de ce que je vivais. Ensuite, je suis repassée sur les morceaux de Libra et puis m’est venue une idée de narration avec Fernando Prudhomme que je sample au début sur Build Up. Après, tout était plus fluide pour moi. Les paroles sont venues facilement, les mélodies, donc tous c’est fait assez rapidement au final.

LFB : Un autre aspect, c’est que tu voyages beaucoup, ce qui je suppose à influencé ta musique. Comment arrives-tu à retranscrire ces voyages dans ta musique ?

SB : C’est compliqué comme question, je le fais, c’est tout (rires). Je pense qu’il y a des gens doués pour faire des patisseries, moi je suis douée pour faire de la musique. En tout cas, c’est vrai que j’ai beaucoup voyagé l’année dernière et j’avais tout le temps mon petit enregistreur et j’enregistrais le moindre bruit : des gens qui marchent dans un couloir, des bruits de machines. En revenant à la maison, j’ai essayé de reproduire les bruits que j’avais enregistrée. Donc, je suis directement inspirée par ce que je vois, j’entends et je le reproduis. Je pense que c’est la seule réponse que je puisse d’apportée (rires). J’avoue que c’est difficile d’expliquer le processus créatif.

LFB : Maintenant, on va se concentrer un peu plus sur Libra. Sur l’entrée, The Build Up, tu arrives avec des sonorités qui bougent, c’était une volonté d’incorporer cet aspect là dans ta musique ?

SB : Tout à fait, je crois qu’avec les années, car il s’est passé du temps entre mon projet Illusions et We Don’t Need To Be Ennemies et Libra. Je crois que j’avais besoin de ce temps là pour réfléchir vraiment à ce que j’avais envie de donner comme énergie. J’ai appris pas mal de leçons et je me sens mieux dans mon corps et dans ma tête. J’ai essayée de garder cette énergie positive et je pense que cela se ressent sur la musique. J’ai envie de plus rassemblé les gens, de les faire bouger, de faire en sorte qu’ils sortent un petit peu de leurs quotidiens et de les faire voyager aussi. C’est carrément un aspect sur lequel j’ai réfléchi. D’ailleurs, la première chose que tu fais quand tu composes un morceau c’est déterminer le BPM. Là sur Libra, ils sont jamais en dessous de 100. J’avais vraiment envie de faire bouger les gens.

LFB : Tu as fait en sorte que le projet sois cohérent, c’est réussi malgré la large palette d’influences que tu dévoiles. Ce qui fait que ta musique est difficile à classifier, c’était une volonté de ta part de montrer qu’il n’y a plus vraiment de frontières musicales ?

SB : En fait, ce n’est pas un choix conscient de ma part. Je ne me dis pas en composant une chanson que je ne veux pas faire de R’n’B, que je ne veux pas faire de House. Je pense que je suis assez curieuse, j’écoute pas mal de musique et tout ces genres là m’influence et inconsciemment, cela crée des ponts entre les genres. C’est pour cela qu’on a un peu plus de mal à me classer. Mais c’est pas un choix conscient de ma part. En revanche, je suis très heureuse de faire partie de ce mouvement un peu hybride, cela me plait. Après, j’adore le hip-hop, je viens du gospel, de la soul, j’ai écouté pas mal de genres. En vérité, moi aussi j’ai du mal à décrire ma musique.

LFB : Je disais aussi que le projet était cohérent, cela t’as pris longtemps de choisir les bons titres ?

SB : Ouais, cela a mis du temps de créer la narration autour de Libra qui m’a pris plus de temps que de composer. J’ai eu une phase, durant peut-être deux mois où j’ai du faire du tri dans ma set-list parce qu’il y avait à peu prêt vingt morceaux, ce qui est déjà pas mal. J’ai du faire le choix d’en mettre de côté pour la cohérence. J’avais envie que les gens lorsqu’ils pressent le bouton play qu’ils rentrent dans Libra, qu’ils rentrent dans une histoire. En tout cas, moi je le trouve cohérent (rires).

LFB : Tu as travaillé avec Myth Syzer et Jazzy Bazz, tu as une attache particulière avec le rap ?

SB : Oui, le rap c’est un genre que j’écoutes énormément depuis très jeune. Beaucoup plus de rap français que de rap américain, je suis assez fan. En fait, j’allais très souvent dans les studios GrandeVille à Paris et Jazzy Bazz y passait souvent, on s’est rencontrés comme cela. On a fait quelques scènes ensemble avec le collectif GrandeVille. Puis, automatiquement à force de trainer dans les studios, il m’a invité sur des morceaux à lui. C’est pareil pour Myth Syzer, lui et moi on gravitait dans les mêmes sphères, du coup, il m’a proposé ce morceau Until We Have It All composé par Myth Syzer et Loubensky. C’était un joli morceau et il a apporté sa touche très Myth Syzer et voilà, c’est un ami de la musique à la base.

LFB: Du coup tu me parles de Loubensky et de GrandeVille, où Monomite est souvent. Ce sont des gens reconnus dans le milieu, ça t’as fait quoi de commencer en travaillant avec des artistes comme eux ?

SB : En fait, Loubensky, Monomite et Myth Syzer, ces producteurs là qui sont devenus de grands producteurs, on s’est connus en 2009. On commençait tous, on étais tous en démarrage. On se retrouvait très souvent tous ensemble dans des studios à écouter les travaux des uns et des autres. Donc, de voir leurs évolutions, cela me rends fière, je trouve cela cool de les voir s’épanouir dans la musique.

LFB : Tu es aussi fort attachée à tes racines maghrébine. Quel rôle cette région du monde a joué sur toi et ta musique ?

SB : Je suis à Paris, de parents algériens qui se sont installées en France milieu des années 80. Je fais partie de cette génération très attachée à ses racines. Je voyage en Algérie à peu prêt deux fois par an depuis que je suis petite. Pour moi, l’Algérie c’est vraiment une muse, j’avais envie de rendre hommage à ma culture en tournant mes deux premiers clips, Illusions et L’eau, réalisé par Hannah Rosselin. Pour moi, c’est important de montrer d’où je viens, ma culture, mes traditions parce que j’ai tout simplement pas envie que cela se perdre. En plus, esthétiquement je trouve cela magnifique. Donc, oui cela a joué un rôle dans mon ADN et systèmatiquement cela se retrouve dans ma musique.

LFB : Dernière question, que peut-on te souhaiter pour la suite ?

SB : Pleins de bonheurs, des dates, pouvoir voyager et faire de la musique, la faire découvrir à des gens partout dans le monde, un album et continuez de faire ce que j’aime.