Requin Chagrin : « Étant donné que le thème d’une nuit étoilée ressortait de ce disque, ça m’amusait de préciser mon signe astrologique une fois le disque terminé »

Guitare et synthé vintage, cheveux aux vents et regard vers le ciel constellé d’étoiles, c’est la balade aux couleurs dream pop proposée par BYE BYE BABY, le troisième album de Requin Chagrin. A l’occasion de sa sortie le 9 avril dernier, La Face B a pu poser quelques questions à Marion Brunetto « Balance ascendant Balance » et fondatrice de ce projet rock incandescent.

©Andréa Montano

La Face B : Est-ce que tu pourrais nous rappeler de quoi est né le projet ? Requin Chagrin, c’est d’abord Marion Brunetto la multi-instrumentiste et de nombreuses rencontres ? 

Requin Chagrin : A l’époque je jouais dans des groupes dans lesquels j’étais à la batterie et j’adorais ça. A un moment j’ai voulu à mon tour écrire des chansons et les enregistrer seule pour voir. C’était l’occasion de me remettre plus sérieusement à la guitare, mon tout premier instrument. Requin chagrin a vu le jour lorsque j’ai enregistré et terminé ma toute première chanson « Adélaïde » à l’aide d’un 4 pistes cassette. Ensuite il y a eu la formation groupe pour les lives et de nombreuses rencontres effectivement !

LFB : Dès Première vague, le titre qui ouvre l’album, on replonge dans tes morceaux teintés du parfum de la jeunesse insouciante, de l’appel au voyage et des amours de vacances, en esquissant un clin d’œil au premier album, Sémaphore, qui mobilisait, lui, la thématique de la mer. Pourtant cet album a bien les pieds sur terre et il y est davantage question des éléments, qui souvent, se déchaînent dans les morceaux, entre la foudre, l’orage…

RC : Je dirais que cet album regarde plutôt vers le ciel, il est plus dream pop, plus pop aussi peut-être ? J’ai aimé y parler par moments d’étoiles et notamment de ce qu’on appelle les perséides, lorsqu’autour du 15 août on peut observer une pluie d’étoiles filantes en faisant nos vœux. Je me souviens de ces nuits-là, c’est un beau souvenir d’enfance et je trouvais ce thème intéressant pour me guider dans certains textes.

LFB : On retrouve également dans cet album la thématique de la nuit et des astres. Est-ce-que pour toi, l’astrologie et le mystique sont des choses prégnantes ou est-ce plutôt un support à l’imagination personnelle? 

RC : Étant donné que le thème d’une nuit étoilée ressortait de ce disque, ça m’amusait de préciser mon signe astrologique une fois le disque terminé. L’astrologie et tout ce qui gravite autour peut être une source d’inspiration oui !

LFB : En évoquant le mystique, cet album en appelle selon nous au sacré, de par les textes donc, mais également de par ses compositions. Par exemple, le single « Déjà Vu » propose une boucle au synthé assez hypnotique, à la manière d’un orgue. Quelle dimension ont le sacré et l’onirisme dans cet album ? 

RC : En terme de son, sur « Déjà Vu », il y a effectivement une mélodie jouée sur un petit orgue Casio qui, en passant dans une reverb, lui donne un côté rêveur, onirique. Je trouvais que cette couleur sonore pouvait éclairer certains de mes morceaux qui comportaient déjà quelques pistes de guitares etc. Jouer des mélodies au clavier par dessus donne quelque chose de plus céleste c’est vrai. C’est le cas sur « Fou », « Perséides » et « Nuit B ».

LFB : L’autre thématique qui revient de manière assez récurrente est celle de la nuit, comme sur « Déjà Vu » le titre « Nuit B ». Avec « Déjà Vu », on perçoit également cette mélancolie associée à cet espace temps, avec « la nuit pleurait de l’or » et « pleurait ses trésors ». Est-ce que c’est un moment où tu préfères composer ou plus particulièrement vivre, la nuit, quand tout s’arrête ? 

RC : Je compose très peu de nuit en ce moment. Je préfère l’ambiance du jour et le moment qui me plaît le plus c’est quand le jour commence à tomber et quand le ciel passe du bleu à l’orange/ violet etc. J’aime beaucoup regarder le ciel lorsque je joue chez moi.

LFB : En parlant de « Nuit B », c’est le titre du 3e morceau de cet album mais également de l’un des morceaux de ton précédent album Sémaphore, sans la lettre B. Le morceau du premier album abordait déjà une certaine noirceur, est-ce que c’est une sorte « d’update » ? 

RC : Cette chanson s’appelle « Nuit B » pour les nuits blanches dont je parle sur les refrains. Je trouvais le clin d’œil au morceau Nuit intéressant, comme si c’était une version alternative aussi, le jour et la nuit.

LFB : Une certaine « étrangeté » se dégage des compositions, grâce, notamment au synthé mais pas uniquement : quels sont les instruments en particuliers ou les modèles qui t’attirent par leurs sonorités ? Est-ce qu’il y a des instruments que tu voudrais intégrer dans de futures compositions ? 

RC : C’est vrai que sur cet album je me suis amusée avec les synthés. J’ai pu jouer sur des claviers vintage avec beaucoup de richesse et de caractère ce qui m’a permis d’affiner les arrangements de mes titres et de découvrir une autre manière de composer. Il y a aussi beaucoup de guitare acoustique, plus discrète mais ça donne de l’air et du rythme en plus. J’aimerais pousser ça à l’avenir, mais surtout acheter toutes sortes de matériel d’enregistrement (préampli/micro/effets) pour aller plus loin dans le travail du son.

LFB : A nouveau dans cet album, on relève de multiples influences et en particulier celle du rock de la côte ouest des États-Unis. On retrouve des compositions qui font par ailleurs écho à celles de l’album Crazy for You de Best Coast paru en 2010, est-ce qu’il fait partie de tes groupes fétiches ?

RC : J’aime Best Coast sans connaître à fond mais j’aime beaucoup l’indie pop et le garage surf de certains groupes américains oui !

LFB : Est-ce que, du coup, tu pourrais nous parler de ta passion pour le groupe Cocteau Twins, qui a inspiré les rythmiques du titre « Juno » ?

RC : J’ai redécouvert ce groupe il y a peu de temps. Autant il y a 10 ans j’étais moins sensible à leur musique et autant maintenant je me régale à les écouter. Il y a des titres forts, lents et puissant qui nous font tourner la tête à coup de flanger et de guitares reverbérées. Ils avaient une passion pour les enregistreurs à bandes, au point de jouer sur scène avec, un appareil auquel je suis très attachée et avec lequel j’ai enregistré la plupart des pistes de ce disque. 

LFB : Concernant la pochette de l’album qui appelle à la contemplation et à l’évasion, il y a quelque chose à la Edward Hopper, avec des couleurs à la Drive. Est-ce que tu pourrais nous évoquer les influences qui ont permis de façonner cette pochette ?

RC : Je suis tombée sur cette illustration de Guy Billout sur internet un peu par hasard et j’ai eu un véritable coup de cœur. Je suis restée scotchée dessus en me disant que ça faisait écho à mon album et qu’elle ferait une très belle pochette de disque. Je suis heureuse que M. Guy Billout ait accepté  

LFB : Pour terminer et nous remémorer les bons souvenirs, peux-tu nous raconter dans quelle salle ou festival a été ton meilleur concert et pourquoi ? 

RC : C’est très dur à dire car il y a beaucoup de bons souvenirs qui reviennent. J’ai adoré le festival Tinals à Nîmes, il y avait des gens qui faisaient des slams en chevauchant nos requins gonflables qu’on lançait dans le public à l’époque. Les Transmusicales dans le théâtre du vieux Saint-Etienne c’était très beau. Le Romandie à Lausanne pour notre première en Suisse c’était magique aussi, super public et super ambiance ! On se languit de revenir sur scène.

© Crédit photo de couverture : Andréa Montano

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