Rencontre avec Mikano

À l’occasion de la sortie de son projet Akwa II, on a discuté avec Mikano avant sa release party au Badaboum. Une rencontre avec un artiste qui apporte au paysage du rap français une fraîcheur nécessaire, à travers une esthétique travaillée au millimètre et une originalité marquante.

On est allé à la rencontre de Mikano pour la sortie de son nouveau projet : akwa II

La Face B : Salut Mikano, on se retrouve juste avant ta release party au Badaboum ce soir, comment tu te sens ?

Mikano : Je me sens stressé et content en même temps. Je suis pressé de sortir le projet (ndlr: Akwa II, sorti le soir même) parce que c’est une release avant d’être un concert, donc le projet sort à minuit et je suis super content de le sortir et de célébrer ça, mais en même temps, ça me rajoute du stress en plus du trac d’avant-concert.

La Face B : Tu as déjà fait beaucoup de scène avant ce soir ?

Mikano : Ouais j’ai déjà fait pas mal de scène, mais ça faisait quand même un moment que j’en avais pas refait, et ça tombait bien pour la sortie du projet.

La Face B : Tu dirais que la scène a quelle importance dans ta carrière ? Est ce que c’est juste une activité qui vient s’ajouter à l’enregistrement ,ou est-ce que tu la considères comme un pan à part entière de ton art ?

Mikano : Je suis à 2000% dedans ! Le live, c’est la raison pour laquelle je fais du son : profiter du moment, des couacs que tu fais en direct, c’est vraiment le moment où t’es en contact direct avec les gens et c’est pour ça que je kiffe.

La Face B : Et t’es à l’aise avec le fait de partager tes pensées les plus profondes, que t’exprime dans tes sons, sur scène devant des centaines de personnes ?

Mikano : À fond, c’est justement sur les sons les plus personnels que je vais travailler le plus pour que les personnes se les mangent vraiment en live, donc je vais encore plus les préparer que les autres, que les bangers et le reste.

La Face B : Pour revenir sur toi et ta musique, quand est-ce que tu as commencé à écrire ?

Mikano : J’ai commencé à écrire vers mes 12-13 ans. Au début je copiais un pote à moi qui écrivait des textes de R’n’B, et j’ai commencé à rapper comme ça. J’ai découvert que j’arrivais à bien m’exprimer, à faire des bonnes rimes.

La Face B : Tu as toujours su que tu rapperais en anglais, ou tu as eu une phase de réflexion ? Pourquoi ce choix ?

Mikano : J’ai directement écrit en anglais, parce que je vivais dans des pays anglophones, donc j’étais déjà bilingue et mes influences parlaient anglais. Ça s’est fait automatiquement, toutes mes références étaient anglaises. Je sais même pas rapper en français, j’ai essayé mais ça marche pas ! (rires)

La Face B : Est ce que tu as l’impression que le fait de rapper en anglais a pu te freiner par rapport à ton développement en France ?

Mikano : Clairement ! La scène française à l’heure actuelle n’est pas forcément faite pour le développement d’un artiste anglophone et c’est une réalité, notamment dans le rap.

La Face B : Justement, il y a pas mal d’artistes français qui, tout comme toi, se mettent à écrire en anglais (ndlr : Gracy Hopkins, par exemple) et on vous regroupe souvent, tu comprends la comparaison ou ça te gonfle un peu qu’on vous mette tous dans la même case ?

Mikano : On fait vraiment pas la même musique et on nous regroupe tous dans la même case juste parce qu’on est des rappeurs anglophones. C’est dommage, parce qu’on ne propose pas du tout la même chose. Tu vas pas mettre un Koba La D dans la même case qu’un Nekfeu juste parce qu’ils rappent en français. On nous réduit à « musique anglophone » alors qu’on a tous plein d’influences différentes, mais c’est le jeu.

mikano

La Face B : Dans tes sons, on peut vraiment constater qu’il y’a deux parties bien distinctes, entre egotrip et morceaux plus introspectifs. Est ce que cette polyvalence est importante pour toi ?

Mikano : À fond ! Parce que c’est comme je suis dans la vie de tous les jours. Il y a des moments où je vais être super arrogant et confiant, et d’autres où je ne suis pas forcément dans ce mood-là, c’est important de transmettre ça dans ma musique. C’est pour exprimer toutes ces facettes-là que je fais de la musique de base.

La Face B : C’est marrant, parce que tu parles souvent de tes influences, et les noms de Kid Cudi et Kanye ressortent, et justement, ça leur correspond bien, cette complémentarité de l’egotrip face à une grande vulnérabilité. Est ce que leur musique te parle toujours autant aujourd’hui ?

Mikano : Oui vraiment à 2000% !

La Face B : Si tu devais retenir un morceau de chacun ?

Mikano : Pour Cudi je dirais Mr. Rager…. Après pour Kanye, j’ai trop de sons préférés, mais mon album préféré c’est My Beautiful Dark Twisted Fantasy !

La Face B : Est ce qu’en général en tant qu’auditeur, tu accordes plus d’importance aux sonorités, ou est ce que tu te concentres plus sur les paroles ?

Mikano : Je prends vraiment les deux comme un tout : même si tu dis des trucs pas très profonds, c’est la prod qui va permettre de les faire ressortir et de transmettre les émotions à la place des paroles. Par exemple, moi quand je dis des trucs lights, je le fais parce que je sais que la prod est assez puissante pour me permettre de les dire.

La Face B : Quels sont tes featurings de rêve ? Que ça soit des artistes que t’admires et avec qui ça paraît impossible, ou juste des personnes avec qui tu sais que ça collerait bien.

Mikano : Frank Ocean ! Directement (rires).

La Face B : J’ai l’impression que tu accordes beaucoup d’importance à ton esthétique et à créer des univers bien particuliers pour chaque projet, on reviendra sur ça juste après, mais déjà, par rapport à ce travail autour des esthétiques, quel rôle tu joues là dedans ? Tout ce qui est en dehors de la musicalité pure et dure, tu laisses ça aux mains des autres ou tu y participes quand même ?

Mikano : Tous mes potes m’aident, ma copine est au stylisme, mes meilleurs potes m’aident à trouver des concepts pour la D.A visuelle. J’essaie quand même un maximum de tout contrôler pour que ça reste cohérent et que ça garde un fil conducteur.

La Face B : Tu travailles toujours avec la même équipe ou tu aimes bien appeler des artistes extérieurs dont les visuels t’inspirent ?

Mikano : On essaie de monter tous ensemble, donc de préférence je vais toujours privilégier quelqu’un de mon entourage, mais si on a pas les capacités je vais aller voir ailleurs : pareil, si j’adore le délire de quelqu’un ça va se faire automatiquement, mais je priorise l’humain et les connections.

La Face B : Par rapport justement à ce que j’évoquais, le fait que chaque projet que tu proposes ait une nouvelle dimension totalement distincte à celle d’avant, est ce que c’est une volonté de ta part ou ça se fait naturellement ? 

Mikano : Ça se fait vraiment automatiquement, selon le mood dans lequel je suis : ça évolue tout le temps, donc y’a toujours un lien entre chaque projet dû à mes influences, mais c’est tout de même différent. Je ne le fais pas exprès, mais d’un côté ça m’arrange, parce que j’ai pas forcément envie que les gens s’attendent à quelque chose de ma part, ça me permet de les surprendre.

La Face B : Sauf pour Akwa du coup, ou tu as souhaité faire plusieurs parties. D’ailleurs comment est-ce que ça s’est organisé ? Tous les morceaux étaient déjà prêts à une même période, ou tu as juste continué en t’inspirant du premier opus ?

Mikano : Au début, je pensais à une trilogie de projets parce qu’Akwa c’est le nom du quartier le plus connu de la ville d’où je viens au Cameroun, donc c’était important pour moi de faire ça, pour montrer l’étendue de ma palette. Je me suis rendu compte que la palette évoluait tellement sans cesse que si je continuais on allait aller jusqu’à Akwa 15, donc il fallait arrêter à un moment (rires). On peut réunir Akwa I et II en un seul projet en vrai, parce que le second est dans la continuité du premier, même si il est un peu plus introspectif, il y a toujours le même bounce que dans le premier.

La Face B : Tu peux nous parler un peu de ce qui arrive ? Quelle direction tu comptes prendre ? 

Mikano : La suite arrive à minuit hein ! (rires) Je suis super content des feats, ils sont monstrueux ! On va envoyer quelques clips après, je vous spoile pas !