Rencontre avec Eloise

C’est près de deux ans après la sortie de son dernier projet qu’Eloise a fait son grand retour en avril dernier avec son tout premier album, Drunk On A Flight. Un grand pas dans la carrière de la londonienne au style jazz-pop jusqu’alors travaillé au millimètre près, qui s’ouvre avec ce nouvel opus à une diversité de genres agréablement étonnante. Nous l’avons rencontrée il y’a quelques semaines pour parler destin, Normandie, mais surtout de sa musique singulière dont le caractère unique fait la force.

Crédit : Charlotte Patmore

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La Face B : Commençons par une question très basique : peux-tu nous en dire un peu plus sur le titre à la fois intrigant et explicite de ton nouvel album, Drunk On A Flight ?

Eloise : Le titre de l’album vient du fait que toutes les grandes choses qui se sont produites dans ma vie ont toujours eu lieu un jour où je prenais l’avion pour aller quelque part, ou pour rentrer chez moi. Quand je suis dans l’avion, je suis beaucoup plus émotive que d’habitude, et je bois un peu plus que que dans ma vie de tous les jours, ce qui m’amène à écrire davantage, parfois même trop (rires). Toutes les pensées et les sentiments que j’ai eus pendant les vols correspondent aux paroles que j’ai écrites pour toutes les chansons composant l’album, donc en réalité j’ai écrit la plupart de cet album en me basant sur les voyages que j’ai faits.

Crédit : Charlotte Patmore

LFB : J’ai vu que tu avais également commencé à écrire l’album simplement parce que tu avais raté tin vol ! J’ai l’impression, en regardant toute ta carrière, que ce soit au tout début quand Bruno Major t’a remarqué sur les réseaux sociaux et t’a pris en première partie de sa prochaine tournée, ou maintenant avec cette histoire d’avion, que le destin semble avoir joué un rôle assez important dans ta carrière même si le fait que tu travailles dur et que tu sois talentueuse est évidemment le principal facteur de ton succès. Penses-tu aussi que c’est le cas ?

Eloise : Tout à fait ! Je crois complètement au destin et mon petit ami se moque toujours de moi parce que j’appelle ça de la magie. J’ai l’impression que c’est le destin parce que tout ce qui s’est passé dans ma carrière a été presque facile, dans le sens où il n’y a pas eu de résistance. Toutes ces choses folles qui se sont produites m’ont conduite à l’étape suivante. Je pense vraiment que le destin a joué un rôle parce que lorsque j’ai raté ce vol de retour de Los Angeles, j’ai fini par écrire ma toute première chanson pop avec un ami, puis lorsque je suis rentrée à Londres, j’ai utilisé exactement la même méthode que j’avais découverte à l’époque pour écrire le reste de l’album. Nous n’aurions pas d’album si je n’avais pas raté ce vol.

Crédit : Charlotte Patmore

LFB : C’est fou ! On parlait de Bruno Major, qui a entièrement produit l’un de tes premiers projets, mais pour celui-ci tu as travaillé avec Conor Albert. J’ai l’impression que tu es l’une des rares artistes à t’en tenir à un seul producteur pour chaque projet, afin de le rendre plus cohérent, et d’ensuite répéter ce schéma gagnant. Est-ce que c’est quelque chose que tu veux garder pour tes prochains projets ou est-ce que c’est sujet à changement ?

Eloise : Je pense que pour chaque projet, je suis vraiment attachée au fait d’avoir une seule personne pour travailler avec moi sur toutes les chansons afin que cela soit cohérent, et que ça ne s’apparente pas à un tas de chansons et de vibes complètement différentes. Pour cet album, même si je pense beaucoup à Bruno et que c’est un producteur extraordinaire, je sentais que j’avais besoin de franchir une nouvelle étape et de changer un peu de son, et Conor Albert était la personne idéale. Il est assez proche de Bruno, mais suffisamment différent pour que ce nouvel opus sonne comme une vraie évolution.

LFB : En parlant de producteurs, cela m’a surprise parce que tu as toujours collaboré étroitement avec eux, mais on ne t’a pas beaucoup vu travailler avec d’autres chanteurs pour des featurings, y a-t-il une raison particulière à cela ?

Eloise : Je pense que je suis plus à l’aise pour travailler seule ! J’ai écrit avec d’autres personnes mais pour la plupart du temps j’ai besoin d’écrire seule et je pense que j’ai besoin de chanter ces chansons seule aussi. Il y a une chanson qui sortira l’année prochaine et sur laquelle je jouerai, ce sera mon tout premier featuring ! Je pense que si mes amis me disaient « J’ai écrit une chanson et j’aimerais que tu chantes ce couplet », j’aimerais évidemment le faire, mais les occasions ne se présentent jamais et j’aime travailler seule. J’ai l’impression d’être tellement proche émotionnellement avec moi-même qu’il y a toujours beaucoup à écrire sur mes propres expériences, et qu’il est difficile de partager exactement les mêmes émotions que j’ai ressenties ou que j’ai voulu transmettre, avec quelqu’un d’autre.

LFB : L’album comporte douze titres, mais tu avais d’abord écrit jusqu’à cinquante chansons avant de les trier, et tout cela dans un laps de temps très court. Je me demande si tu as déjà eu le syndrome de la page blanche, car c’est difficile à imaginer !

Eloise : J’ai et ai toujours le syndrome de la page blanche ! Je pense que jusqu’à ce projet, j’ai toujours eu le syndrome de la page blanche en continu, c’est pourquoi il s’est écoulé deux ans entre mon premier et mon deuxième EP, parce que quand tu es vraiment jeune, tu dois sortir et vivre ta vie pour avoir des choses à écrire. C’est ce que j’ai fait : j’ai mis ma carrière en pause, je suis sortie, je me suis saoulée, je suis tombée amoureuse, je suis tombée amoureuse, et ensuite je me suis remise sur pied, prête à sortir de nouvelles choses sur les expériences que j’ai vécues.

LFB : C’est ton premier album, c’est donc une étape importante dans ta carrière, était-ce difficile de faire face à la pression que tu as pu ressentir ?

Eloise : J’ai essayé d’ignorer le fait que c’était mon premier album. Je me suis dit : « Je ne ferai pas la meilleure musique possible si je m’inquiète que ce soit la meilleure musique que j’ai faite », donc je me suis libérée de la pression et je me suis dit : « Je vais continuer à écrire et si nous avons un album de chansons après cela, ce sera mon album et si ce n’est pas le cas, ce sera bien ». Si vous vous mettez trop de pression, vous n’écrirez pas la meilleure musique puisque l’angoisse reprend le dessus.

LFB : Tout à fait ! Tu n’avais donc pas d’idée précise de ce à quoi tu voulais que ton premier album ressemble.

Eloise : La seule chose que j’avais en tête, c’était la photo de la pochette, qui a été prise il y a des années. Je me souviens avoir vu cette photo prise par Bruno et m’être dit « Je ne vais pas poster ça sur Instagram parce qu’il faut que ce soit la pochette de mon album », mais je ne savais pas quel en serait le thème.

LFB : Est-ce que tu as une interprétation, peut-être une signification plus profonde avec le papier déchiré, le cadre, ou est-ce que c’est simplement parce que tu aimes la photo ?

Eloise : Honnêtement, c’est juste que j’adore cette photo ! Ce qui s’est passé, c’est que nous étions à l’aéroport de LAX et que j’avais acheté un poster d’une vieille star de cinéma. Quand nous sommes arrivés à l’aéroport, j’ai réalisé qu’il était encore dans un cadre et que je n’allais pas pouvoir l’emporter sur le vol, alors j’ai dû déchirer le papier au dos et tirer le poster pour le mettre dans mon sac. Je me suis levé avec le cadre déchiré et j’allais le jeter, mais Bruno m’a dit « Attends, tiens le » et il a pris une photo avec un appareil photo argentique, puis nous nous sommes précipités dans l’aéroport. Je n’ai jamais su que ce serait une grande photo, mais quand je l’ai vue, j’ai pensé qu’elle était intemporelle.

LFB : Bien que tu sois londonienne dans l’âme , j’ai appris récemment que tu avais vécu en France à un moment donné, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Eloise : Oui ! Je suis allée à l’école en Normandie de mes 3 ans à mes 10 ans, j’ai donc appris à lire et à écrire le français. Mon accent est bon, mais malheureusement mon vocabulaire est resté celui d’une enfant de 10 ans.

LFB : On t’entend un peu parler en français dans le titre éponyme de l’album, est-ce que tu envisages d’écrire une chanson entière en français à un moment donné ?

Eloise : J’adorerais pouvoir écrire une chanson en français mais je ne pense pas que je puisse rimer très bien en français : j’ai du mal à dire ce que je ressens en anglais alors tu peux imaginer à quel point ça sonnerait mal en français (rires). Mais j’aimerais bien !

Crédit : Charlotte Patmore

LFB : Mon morceau préféré sur l’album est probablement I take it back, parce que c’est vraiment très audacieux de ta part de prendre le risque de faire un titre dans un genre si différent de ce sur quoi on t’entend habituellement, tout en gardant ce caractère unique propre à ta musique. Le fait que tu essaies tant de nouveaux styles tout en restant fidèle à toi-même et en incorporant ton propre son pour qu’il reste toujours personnel est ce qui est le plus mémorable pour moi sur l’album.

Eloise : Je suis contente que tu dises ça parce que j’étais nerveuse à propos de cette chanson ! Quand j’ai écrit les titres pour lesquels j’avais le plus de doutes, au départ c’était juste moi et une guitare, donc ça sonnait comme d’habitude au premier abord et je pense que je suis arrivée au studio en me disant « J’ai deux options : soit j’opte pour la sécurité et je fais la version Eloise classique de I take it back, soit j’ose m’écarter de mon style habituel car c’est ce qui convient mieux à la chanson », et ce morceau était clairement destinée à être pop rock, donc nous nous devions la faire sonner comme telle. Je voulais aussi me dépasser, essayer de nouvelles choses.

LFB : Pour conclure, quelle est la chose la plus folle à tes yeux qui te soit arrivée dans ta carrière pour l’instant ?

Eloise : Je pense que j’ai eu beaucoup de chance, car beaucoup de choses ont été magiques. Une dont je me souviens et dont je me souviendrais sûrement toute ma vie, c’est quand j’ai écrit une chanson avec un ami qui s’appelle Jimmy Napes et que, pendant le confinement, il l’a envoyée à Burt Bacharach, le meilleur auteur-compositeur de tous les temps à mes yeux. Bacharach a répondu à l’e-mail et a dit : « J’adore cette chanson, j’adore sa voix, qui est-elle ? » Je me souviens avoir été extrêmement impressionnée et reconnaissante que mon héros, la personne qui m’a appris à écrire des chansons, me trouve talentueuse. C’était vraiment un moment qui m’a marquée.

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Crédit : Charlotte Patmore

La Face B : Beginning with a very basic question, but can you maybe tell us a bit more about the intriguing yet explicit title of your new album, Drunk On A Flight ?

Eloise : The title of the album comes from the fact that every single big thing that has happened in my life emotionally has always took place on a day where I’m flying away somewhere or flying back home. I’d always be heartbroken and then get on a plane, and when I’m on a plane I get way more emotional than in normal life, and I drink a bit more than in normal life which leads me to often overshare. All the thoughts and feelings I had on the flights were the lyrics I wrote for all of these songs so I wrote most of this album based on travels I have had.

LFB : I also saw that you also actually started writing the album simply because you missed a flight ! I feel like, looking through your whole career, whether it was at the very beginning when Bruno Major noticed you on social media and took you as his opening act for his next tour, or now this plane thing, that fate maybe played a huge role in your career. It feels like the random yet specific moments that happened and totally changed your career like the ones I evoked were meant to be, although you being hard-working and talented definitely were and are the main factors of your success. Do you also think so ?

Eloise : Totally ! I definitely believe in fate and my boyfriend always laughs at me because I actually just call it magic. It feels like fate because everything that’s happened in my career has been almost very easy in the way that there’s been no resistance. These crazy things that happened led me to the next stage, so I definitely think that fate played a role because when I missed that flight home from LA, I ended up writing my first ever pop song with my friend and then when I got back to London I used the exact same method I discovered back then to write the rest of the album. We wouldn’t have an album if I hadn’t missed that flight.

LFB : Right ! We just talked about Bruno Major, who entirely produced one of your early projects, and now you worked on this newest one with Conor Albert. I feel like you are one of the rare artistes to completely stick with one producer on each project to make it more cohesive, and repeat this scheme. Is that something that you want to keep for your next projects or is it subject to change ?

Eloise : I think that for each project, I’m really attached to having one person to work with me on all of the songs so that it sounds cohesive, and not just like a bunch of completely different songs and vibes. With this album, although I obviously highly think of Bruno and he’s an amazing producer, I felt like I needed to make a new step and change the sound a little bit, and Conor Albert was the perfect person. He’s quite similar to Bruno but different enough for it to sound like growth.

LFB : Talking about producers, it of surprised me because you have always been collaborating closely with producers but we haven’t seen you that much working with other singers doing featurings, is there a specific reason for that ?

Eloise : I think I am just more comfortable working alone ! I’ve done some writing with other people but for the most part I need to write alone and I think that I need to sing these songs alone too. There’s a song coming out next year that I feature on, it will be my first ever feature ! I think that if it’s my friends and they are like “I’ve written a song I’d love you to sing this verse” I’d obviously want to do it but the opportunities simply never come about and I like working alone. I feel like I’m so emotionally in touch with myself that there is always loads to write about my own experiences and it is hard to share the exact same emotions I felt or wanted to convey with another person.

LFB : The album is twelve tracks long but you made up to fifty songs at first before sorting them out, and all of this in a very short amount of time. This makes me wonder if you ever experienced writer’s block because it is hard to imagine !

Eloise : I always get writer’s block ! I think that until this project, I had writer’s block forever which is why it was two years in between my first EP and my second EP, because when you’re really young you have to go out and live your life so that you have stuff to write about. So I think that’s what I was doing : I was like pause my career, go out, be messy, get too drunk, fall in love, fallout of love, and then I go right and ready to release new things about new experiences I’ve lived.

LFB : It is your debut album so it obviously is an important step in your career, was it hard to face the pressure you may have felt regarding that ?

Eloise: I just tried to ignore the fact that it was my first album. I just thought “I won’t make the best music I can make if I’m worried about it being the best music I’ve made”, so I took the pressure off myself and I just thought “I’ll just keep writing and then if we have an album worth of songs after this then it will be my album and if not then fine”. But if you put too much pressure on yourself, you’re not going to write the best music. 

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LFB : Definitely ! So you didn’t have a precise idea of what you wanted your first album to sound like.

Eloise : Well the only think I had in mind was the photo on the cover, that was taken years ago. I remember seeing that photo that Bruno and thinking “I’m not going to post this on Instagram because this has to be my album cover” but I didn’t know what the theme would be.

LFB : Do you have an interpretation of it, maybe a deeper meaning with the ripped paper, the frame, or like is it just that you simply love the photo ?

Eloise : Honestly, I just love the photo ! The way it happened was, we were at LAX airport and I had bought a poster of an old film star. When we got to the airport I realised it was still in a frame and I wasn’t going to be able to take it on the flight so I had to rip the paper at the back and pull the poster up to put that in my bag. I literally stood up with the frame that was all ripped so I was gonna throw it away and then Bruno was like « Wait, hold that » and he took one shot on a film camera and then we rushed into the airport. I never knew it was going to be a great picture, but when I saw it, I just thought it looked timeless. 

LFB : On another topic, I recently learned while preparing the interview that you actually lived in France at some point, can you tell us a bit more about it ?

Eloise : Yeah ! I went to school in Normandy from 3 years old until 10 so I learned to read and write French. My accent is good, everything is good, but my vocabulary level is the one of a 10 year old 

LFB : I heard you speaking a bit of french in the the title track of the album, are you looking forward to maybe writing a full song in French at some point ?

Eloise : I would love to be able to write a full song in French but I don’t think I could rhyme very well in French : I can barely say what I feel in english so you can imagine how terrible it would sound in French (laughs). I would love to though !

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Crédit : Charlotte Patmore

LFB : My personal favourite on the album is probably I take it back because it is such a statement to hear you on such a different genre than what we usually hear you on, yet it still has that uniqueness proper to your music. This is actually what is the most memorable to me on the album, the fact that you are trying so many new styles while still staying true to yourself and incorporating your own sound so that is still sounds personal.

Eloise : I’m glad you said that because I was nervous about that song ! When I wrote the more risky songs, they definitely were more poppy and rocky but it was just me and a guitar so it still sounded like me and I think I got to the studio and thought “I have two options : I either go the safeway and do, you know, Eloise version of I take it back, or I do what is right for the song and that song was clearly made to be a pop rock so we had to make it sound like it. I also did want to push myself, I did want to definitely try out new stuff.

LFB : To conclude, what was biggest thing that has happened to you regarding your career ? 

Eloise : I think I’ve been really lucky in lots of things have happened that have been magic, but the thing I remember was when I’d have written a song with a guy called Jimmy Napes and during lockdown he sent it to Burt Bacharach, the best songwriter of all time. Bacharach replied to the e-mail and said « I love this song, I love her voice, who is she ? » I remember being so excited and grateful that my hero, the person who I learned to write songs from thought I was good. That was my moment.