Raw Honey : la douceur sucrée et lumineuse de Drugdealer

Les années 60 & 70 furent une terre bénie pour le rock’n’roll. Groupes cultes, expérimentations, albums et chansons monstrueuses. Tant et si bien que ces années sont devenues des références et qu’il est toujours assez risqué de s’attaquer de manière frontale à ce passé si glorieux. Risqué oui mais pas impossible comme nous l’avait prouvé The End Of Comedy, premier œuvre sublime de Drugdealer. Trois ans plus tard, le collectif formé autour de Michael Collins revient avec Raw Honey, un album doux comme le miel et chaleureux comme une journée de printemps sans fin.

Une voiture qui démarre, un voyage qui s’amorce et l’horizon face à nous. Voilà comment s’amorce Raw Honey, le nouvel album de Drugdealer. Le soleil est haut dans le ciel, le printemps arrive et avec lui ce début de chaleur réconfortant qui caresse nos bras au niveau des manches que l’on retrousse. On attache nos ceintures, on pose nos Ray-ban sur le bout de notre nez et on part en ballade pour 35 minutes de bonheur. Comme son prédécesseur, The End Of Comedy, l’album s’ouvre et se referme sur des instrumentales, comme pour le confiner dans un espace fermé, pour créer un tout uni et définitif.

You’ve got to be kidding ouvre donc le voyage, avec ses effluves cinématographiques proches des western spaghetti, on navigue ici entre Sergio Leone et Terence Hill, avec ses chœurs habités, ses cordes lancinantes et sa douceur mélancolique qui agit comme un générique mental alors que le paysage défile sous nos yeux. Si l’on parle de cinéma, ce n’est pas foncièrement par hasard, plus que comme un musicien, on voit ainsi Michael Collins comme un réalisateur, un directeur au sein de Drugdealer. Car si il s’agit de son projet, on a plus tendance à le considérer comme un collectif, une association de personnes talentueuses et habitées par un objectif commun : faire de la nostalgie non pas un vecteur émotionnel, mais une force créatrice, un puits dans lequel creuser afin de trouver les émotions et les armes nécessaires pour créer une musique aussi brillante qu’intemporelle.

Intemporelle non pas parce qu’elle puise dans le passé, mais tout simplement parce qu’elle se créée une bulle dorée dans laquelle rien d’autre n’existe qu’elle. En se refusant à tout cadre spatio-temporel, en éludant toute référence pop, en utilisant des thèmes universels et communs à l’humanité, Drugdealer offre un album sur lequel le temps n’a pas d’effet. Raw Honey est ainsi une douceur sans âge, lumineux et réjouissant. On est ainsi happé par la qualité des harmonies, par la basse ronde et les chœurs grandioses qui habitent chaque chanson. Et on a bien du mal à ne pas succomber à chaque instant, à chaque chanson, tant les ambiances et les effluves qui arrivent jusqu’à nous sont aussi addictives que sublimes. Que ce soit la douce Honey partagée avec Weyes Blood, la superbe Fools, Lost in My Dreams ou If You Don’t Know Now, You Never Will et Lonely, chaque titre est une pilule de bonheur instantanée qui ne nous donne qu’une envie : chanter les yeux fermés sans nous soucier de rien, vivre l’instant présent avec ces titres à la beauté et à l’énergie communicative. Un petit conseil tout de même, si cette musique vous pousse à ces envies, on ne peut que vous inciter à les pratiquer chez vous, parce qu’on s’est personnellement mis à chanter Wild Motion dans le métro et les réactions ont été … contrastées. L’album se termine avec Ending on a Hi Note, générique sublime et habité qui porte magnifiquement son nom. Le film se termine, la destination est atteinte et le soleil se couche. Le moment de quitter Raw Honey est venu, pourtant la seule envie qui nous vient à l’esprit et de faire demi-tour pour profiter une nouvelle fois des sensations que nous procurent les neufs chansons qui le composent.

 

Il est assez fou de se dire qu’il y a de ça dix ans, Michael Collins n’avait pas touché à un instrument de sa vie. Une décennie a passé, des voyages, des déménagements, des expériences et des rencontres plus tard, il livre avec Raw Honey une petite merveille sur laquelle le temps, les influences et la vie n’aura pas de prise. Le genre d’albums qui offre un véritable sentiment d’unité, tant sa confection respire autant l’artisanat que le bonheur de partager une musique qui rend heureux de 7 à 77 ans. Une petite merveille en somme à côté de laquelle il ne faut définitivement pas passer.