Rattrapages #2 : Dans les remous pop de Grand Rapid

Avec Rattrapages, La Face B fait sien le proverbe « mieux vaut tard que jamais » et vous propose de découvrir des projets qui pourraient vous avoir échappé lors de leur sortie. Aujourd’hui on met notre gilet de sauvetage et on plonge dans les remous pop de Grand Rapid.

La pochette du premier EP de Grand Rapid pourrait faire état d’une note d’intention assez claire : une forêt qui pourrait sembler réelle jusqu’à ce que l’on s’intéresse aux détails. Dans ce paysage nocturne, apparaissent des yeux par dizaines qui nous observent, qui peuvent être aussi bienveillants qu’inquiétants. Nous sommes bien ici dans une plongée fantasmagorique, de l’autre côté d’un miroir où tout semble possible, le bon comme le mauvais. Cette illustration rappelle à nos souvenirs le travail de Maurice Sendak notamment pour Max et Les Maximonstres, cette ode sublime à la jeunesse et à l’imaginaire comme échappatoire. Cette idée, des rêves qui croisent la réalité, des mots qui tanguent dans les remous du fantasme, guide les cinq premiers titres des français de Grand Rapid dans ce premier EP éponyme.

Grand Rapid se compose de cinq titres et nous fait l’effet d’un enfant qui prendrait le kaléidoscope de la pop pour le secouer et en faire apparaître cinq images différentes, cinq moments gravés et éclectiques. Ce besoin de diversité peut se comprendre, un premier EP est souvent un moyen de lancer des pistes, de tenter des expérimentations pour trouver son son et sa couleur. Et ici la réussite est belle et explosive. Les titres jouent sur les longueurs, respirent et évoluent, on s’enfonce avec bonheur dans cette forêt sonore, déplaçant les branches pour y trouver des sons et des images.

Chien Blanc ouvre le voyage, une introduction qui monte et qui n’est pas sans nous rappeler Hot Chip, et puis cette voix qui nous guide en français et qui nous comte une histoire, imagée, un peu floue, on y sent l’ivresse et les regrets, ces moments étranges dans lesquels notre esprit s’échappe face à nos propres excès. Le morceau joue bien de cette tension, traînant en longueur ce petit malaise qui nous donne autant envie de danser que de ralentir le rythme.

Darwin contrebalance ces effluves électroniques pour introduire des guitares proches parfois du reggae et de la disco pour narrer les instants de gueule de bois romantiques, quand l’histoire touche à sa fin mais qu’on essaie malgré tout de sauver ce qui peut l’être avant de repartir de plus belle vers l’épique, toujours porté par cette imagerie sauvage et animale.

Les oiseaux d’Hawaii pousse au voyage et à l’évasion avec son rythme presque disco et sa basse complètement folle qui nous accroche de la première à la dernière seconde tandis qu’Odessa vire vers les froideurs électroniques, la langueur hypnotique de boucles tentant de nous apaiser alors que le texte se fait plus sombre, plus dense et où l’étrange se rapproche toujours davantage.

Soleil d’avril clôt ce premier effort en douceur, avec ses intonations tropicales qui font écho au premier titre, où les errances qu’on s’était promis d’éviter reviennent frapper à la porte comme un vieil ami que l’on a pas vu depuis bien longtemps.

En cinq titres, Grand Rapid nous offre donc une cartographie de ses influences autant qu’une piste de réflexion d’un avenir qui s’annonce radieux, tant les morceaux qui nous sont offerts ont déjà la solidité et la puissance d’un groupe qui sait parfaitement où il va. La suite risque d’être belle, on sera là pour la découvrir.