Preoccupations, ces Patrons

Preoccupations venait défendre leur dernier album à Petit Bain ce samedi 18. Et, si preuve il fallait, on a bien confirmation que ces Canadiens-là sont des patrons.

On aurait aimé vous parler de la première partie du jour. Mais bon, faute d’une organisation alambiquée, l’auteur de ces lignes est arrivé pour les dernières notes de CLAMM. Ce trio mixte de garage punk australien fait pas mal parler de lui en ce moment. Dans le même label que Crack Cloud ou N0V3L, le groupe est dans une urgence folle. Un tempo rapide, des paroles débitées à la vitesse de l’éclair, une envie d’en découdre constante. Voilà comment rapidement résumer ce groupe. D’un cœur anticapitaliste, anticonformiste, CLAMM, comme le groupe qu’iels précédent, chantent la fin du monde, le populisme et les méfaits de notre société. Une vraie castagne, qu’on a loupée, mais qui repasse bientôt en France, au Foul Weather Festival du côté du Havre notamment, à bon.ne entendeurice..

Groupe assez particulier aujourd’hui. Preoccupations est un quartet canadien, qui, des années auparavant, répondait au doux nom de Viêt Cong. Ce projet est né des cendres de Women, jusqu’à la mort du guitariste du groupe. Les autres se sont retrouvés, et ont continué sous Viêt Cong, donc, pour un album éponyme en 2015 et un EP l’année précédente, Cassette (les deux chez Jagjaguwar). Puis changement d’identité, Preoccupations prend son envol. Nous sommes devant un groupe qui, clairement, se meut d’une envie à la réflexion. Tant par leur musique que par leur message, c’est une sorte d’OVNI dérangeant, mélangeant foule d’influences, dans un univers noir, chaotique, froid et brutal.

Preoccupations chante la fin du monde, et le fait que tout le monde s’en fiche comme de sa première chemise. Dans Arrangements (2022 / Preoccupations), le groupe se retrouve dans une lignée de post punk un brin gothique, avec une bonne dose d’ironie prégnante. Ils jettent un regard désabusé sur nos sociétés qui dépérissent. « It’s alright, we can celebrate the evaporating Homo sapien race/That’s racing to erase its brief and glorious existence« . Voilà un extrait du morceau d’ouverture, Fix Bayonets! (rien que le titre..), qui donne le la d’un album dénué d’artifice. On reste hypnotisé.e par cette voix si particulière, qui nous porte au travers de cet album noir, dur et profond. Sans jamais égaler leurs premières œuvres, Arrangements, reste un très bon album qui ne coupe pas à la tradition de Preoccupations, mettre en musique le destin funèbre qui paraît se présenter à nous. On n’est pas sur un album d’optimistes, bien loin de là.

D’influences variées, on reconnaît quelques sonorités de Joy Division, dans la basse et la batterie notamment. Des Cure, de l’Interpol, du Radiohead aussi, dans cette recherche constante de bizarreries électroniques et rythmiques, bref, un sacré mélange. Preoccupations ne fait pas de place au faux semblants, et rentre dans le dur, un dur qui tabasse. Dans ce dernier album, la même formule nous est fournie. Sans jamais révolutionner son genre et atteindre le niveau de leurs premières sorties, Arrangements est un album qu’on écoute avec une attention particulière. On se laisse aisément porter dans cet univers noir, qui nous touche profondément. Un très bon album, donc, qu’on a eu l’occasion de découvrir à Petit Bain.

Le quartet rentre sur scène, mais après rapide vérification, les canadiens sont pourtant cinq. En effet, le chanteur, bassiste en temps normal, a laissé de côté son instrument, un de ses poignets habillé d’une attelle. On apprendra plus tard que le bassiste n’est autre que son fils. Le chanteur ne pourra pas longtemps cacher son inconfort sur scène. On le sent même parfois gêné aux entournures dans les longues parties instrumentales du set, ne sachant pas trop où se mettre. On le surprend parfois en retrait, dans un coin de la scène, ce qui rend la situation parfois un brin cocasse.

Pour autant, cela ne ruine en rien un set puissant. Une heure presque sans respiration, sur une montée en tension quasi constante. Dans les rares pauses qui nous sont offertes, on a l’impression d’assister à une répétition, le groupe préférant parler entre eux, sans trop jamais s’adresser à l’audience. Et c’est pourtant bien un concert auquel nous assistons, et un concert épatant. Les musiciens sur scène sont d’une technicité, d’une fluidité, d’un professionnalisme extrêmes. Rien ne dépasse, pas une fausse note, pas un impair – d’ailleurs, le fils est un impressionnant bassiste. Dans cette mécanique huilée à la perfection, on retrouve avec bonheur la noirceur de Preoccupations.

Cette noirceur ne nous quittera pas. Après un dernier tour de vis,le groupe quitte la scène comme ils étaient venus, presque sans un mot, accompagnés par les premiers kicks d’un gros track de techno. Les lumière se rallument, pas de rappe. Preoccupations est un groupe de patrons. Un groupe qui tourne depuis des années, un groupe qui n’a plus rien à prouver. Un groupe qui est là pour s’amuser à chanter la fin du monde. Et ce fut une réussite totale.

Toutes les photos ont été réalisées par Céline Non, que l’on peut retrouver ici sur instagram : @non_deux_non