Pouchkine, la poésie crépusculaire d’Odezenne

Ils sont de retour ! Il y a presque un an maintenant, les bordelais d’Odezenne nous avaient ravis avec la sortie d’un nouvel album : le quatrième de leur discographie, Au Baccara. Et après une vaste tournée dans toute la France, dans des salles pleines à craquer, face à un public de feu… Ils nous font l’honneur, la joie, le plaisir de revenir avec un tout nouveau projet, un EP : Pouchkine.

© Edouard Nardon


Le ciel est triste, je trie des pommes

En avril, ils avaient déjà dévoilé un tout premier titre : Bleu Fuchsia, avec un clip crépusculaire alliant une esthétique très chromo : une plage au coucher du soleil etc. et des insertions 3D aux couleurs criardes, rappelant les animations des tous premiers âges de l’Internet (Windows 98, Internet Explorer… toi-même tu sais !). Vous avez sûrement la vidéo en tête mais on vous la remet juste pour le plaisir !

Clin d’œil au clip de leur titre Au Baccara, Odezenne reprend sensiblement le même décor estival… mais pirate sa propre vidéo d’une myriade de petites insertions 3D et animées à la cadence complètement folle et épileptique. Une belle transition entre l’album Au Baccara et un autre univers, beaucoup plus psychédélique, celui de Pouchkine, leur nouvel EP.

La petite histoire derrière cet EP ? Pourquoi produire quelque chose de nouveau si vite ? Comment expliquer une telle énergie qui les fait accoucher sans cesse et sans cesse de nouveaux sons ? C’est un malheureux accident. Stefano, batteur du groupe de son état, se fracture le poignet pendant une nuit de concert en février dernier. Accident du travail. Six semaines de plâtre. Et un bon nombre d’autres dates de concerts décalées, repoussées – car Odezenne n’annule pas ! Et cette pause dans la tournée donne ainsi aux trois membres du groupe, Alix, Jacques et Mattia, le temps, l’énergie et l’envie, motivée par leurs concerts vertigineux, les rencontres incroyables qu’ils ont faites avec leur public, de retourner à la création !

Seul le réel compte, les rêves se trompent

En découle donc Pouchkine, EP de 5 titres, qui sort bien des mois après la main cassée et la reprise de la tournée… mais c’est que ces garçons veulent faire les choses bien. Ils ont pris le temps de retravailler, de peaufiner ces nouveaux morceaux qu’ils avaient extrait de leurs âmes, pour en faire un rendu réussi, en retournant notamment dans le prestigieux studio Konk, fondé par les Kinks, à Londres, où ils avaient d’ailleurs enregistré Au Baccara (l’album) !

Et effectivement il y a quelque chose de terriblement réconfortant, quand on aime Odezenne, à l’écoute de cet EP. Ils sont fidèles à eux-mêmes : on retrouve le verbe ciselé, le ton nonchalant, la rythmique très droite, très découpée… le tout enveloppé de ces nappes électroniques qu’ils maîtrisent si bien. On retrouve tout ce qui fait l’essence du groupe. On a donc affaire à un EP empli d’énergie noire et instable, avec toujours cette même forme de sincérité directe, et cette bienveillance qui va de la belle au clochard.

Quant au titre : pourquoi Pouchkine ? Il fait éminemment référence au poète, dramaturge et romancier russe Alexandre Sergueïevitch Pouchkine, qui a vécu de 1799 à 1837. Pouchkine au style extrêmement simple et si précis à la fois, et poète qui abordait des sujets graves : n’hésitant pas à critiquer ouvertement le système, les jeux du pouvoir, l’exploitation des petites gens et la cruauté des grands propriétaires. Une écriture, un fond et une forme dont on retrouve une influence directe dans le style et les texte d’Odezenne. Belle référence !

© Edouard Nardon et Clement Pascal


Tenir la main du firmament

L’EP s’ouvre donc avec le titre Bleu Fuchsia, qui nous plonge dans le quotidien et les états d’âme du chanteur lorsqu’il travaillait sur le marché de Rungis… un mélange de dur labeur et de sarcasmes à l’encontre de ses patrons.

Puis vient Matin, qui aborde l’amitié, une amitié qui dure à travers le temps, une amitié qui défie les heureux… « dans nos yeux, dans les deux. y a la vie mon ami, faute de mieux. on verra bien jusqu’à quand, jusqu’à quand ».

Dans Salope d’amour, Odezenne tournoie tout en tendresse autour des destins fêlés, des âmes brisées, en se demandant si « les salopes sont-elles des reines ? ».

Et tout de suite après, Pouchkine : deux voix, deux âmes, un duel entre deux visions de l’amour, l’un blessé, l’autre blessant : « en joue fusil, je vois, je vise, pan ! la plaine garnie d’une terre promise morte » versus « c’est pas fini, c’est pas la mort, encore une fois dans les dents ! ».

L’EP se termine sur Delta une ode crépusculaire à la vie qui passe comme un battement, au temps qui coule comme un fleuve jusqu’à nous emmener à son embouchure inévitable : « la mort au coin du vent, j’ai dit au-revoir aux vieux ». Mais Odezenne n’oublie pas de nous insuffler la fureur de vivre, la force de résister : « si mourir est une cause, y a du vent, y a qu’à vivre. dessine-toi un couteau, une goutte d’eau, des ennuis » !

Le compteur pompe le sang, il tourne en continu

Le secret d’Odezenne, c’est aussi leur communauté : pour Bleu Fuchsia ils avaient envoyé le clip en avant-première à près de 4.000 fans, avant la publication officielle ! Le crew d’Odezenne parvient vraiment à créer un lien avec son public, que ce soit par le texte : qui parle de choses vraies, du quotidien, qui ne cherche pas à enjoliver la réalité, à ne parler que de belles choses ou à s’apitoyer sur son sort… mais aussi par leur attitude : en concert ça fume, ça boit, sur scène et dans le public : en communion, à l’unisson !

Et les garçons viennent de refaire un coup en lançant l’Odezenith ! Ils nous donnent rendez-vous dans un an pour un concert exceptionnel, un concert unique, brûlant, au Zénith de Paris. Save the date, ce sera le 17 octobre 2020. Les places vont partir à la vitesse de la lumière. On vous aura prévenus !

Procurez-vous Pouchkine !