Porridge Radio nous fait plonger dans l’Abîme

Actif depuis 2015, mais seulement révélés en 2020, grâce à leur excellent précédent album Every Bad, le groupe de rock indépendant de Brighton n’a pas pu profiter de son élan à cause de la pandémie. Avec Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky, Porridge Radio vient de confirmer toutes les attentes à son sujet.

C’est avec une triste ironie du sort que Dana Margolin s’écrie « You’re wasting my time » sur Long à l’aube du premier confinement. La chanteuse et interprète avait délivré des paroles tragiques et fortes. Chaque titre de Every Bad était conçu sur les traces d’une blessure, dans le but de faire exploser la souffrance propre à chacune. Le groupe restaurait alors un dance-rock sombre et tangible qui avait plus le but de déstabiliser le tensiomètre que de nous faire véritablement danser. Au bout de deux ans de crise sanitaire et de repli sur soi, le groupe vire logiquement vers un léger désespoir.

Ecrite fin 2019, Back to the Radio est le premier single de Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky et prend logiquement tout son sens comme ouverture de l’album. Dana est toujours impactée par une solitude intense et une volonté de s’échapper de cette réalité. Il s’inscrit dans une parfaite continuité de Every Bad dans sa construction harmonique : un crescendo nerveux vient froisser ces douces notes de synthé. La nostalgie prend le pas sur le bien être actuel, l’innocence des premières heures de l’adolescence finit en angoisse d’un présent incertain : « Talk back to the radio,, think loud in the car / I miss everything now, we’re worth nothing at all. ».

Quelques balades viennent trancher avec la structure musicale dont nous nous sommes accoutumés avec Porridge Radio. Trying et I Hope She’s Okay 2 se déclinent respectivement en une liste de questions existentielles et en lien avec l’amitié. L’air se veut plus enjoué et entrainant, mais dans ce contexte, Dana semble peu encline à épiloguer sur les points positifs. The Rip surprend davantage, la boite à rythmes, accompagnée d’un synthé hypnotique, apporte un voyage spatial dans les entrailles physiques de l’interprète. Le titre est un moment majeur de Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky.

Si la solitude semble la peiner encore, l’interprète se sent plus libre et heureuse, car le besoin n’y est plus. U Can Be Happy If U Want To fait vibrer des ondes positives enivrantes alors que l’entame du morceau et sa durée laissaient craindre une longueur pénible dans l’album. Encore une fois, Porridge Radio trouve toujours le contre-pied pour emporter nos émotions et notre corps au-delà de la stratosphère.

Georgie Stott, la claviériste, vient renforcer les cris de sa complice dans un style assez similaire à Régine Chassagne au moment du déchirement central de la piste : « I don’t need anything / And I’m never feeling good again. ». Nous voilà dans un nouveau masterpiece de la formation. C’est à la fois positif, neutre et pourtant, un tantinet mélancolique, avec cette répétition effrayante « and back ». Le refus du besoin serait-il une clé du bien être ?

La haine de soi, accompagnée d’un rejet du bonheur, s’infiltre tout au long de l’album. Sur Birthday Party, qu’on ne nous conseille pas de placer véritablement en soirée d’anniversaire (sauf si vous êtes seul), Dana se libère davantage une nouvelle fois, quand la souffrance est présente, dans une insistance inquiétante (35 fois) : « I don’t wanna be loved ». Malgré cette frénésie, l’album regorge d’instants plus stables, quoiqu’un peu bipolaires, comme Rotten, qui joue sur cette ambivalence amoureuse et platonique à l’opposé du plat Flowers, qui argue à renouer les liens dans une relation proche : « I’m in your blood / I’m in your veins »

Finalement, la pochette de Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky résume parfaitement les sentiments qui en ressortent : un chemin tortueux, en escalier long et haut, qui nous amène à une chute vertigineuse. Porridge Radio prône ces ascenseurs émotionnels dans cette suite réussie de Every Bad. Dana Margolin continue d’évoquer plus facilement sa détresse que ses victoires. Ses paroles sont une sorte de confidence que l’auditeur partage ou reçoit simplement en tant que psychologue. Porridge Radio affine ici son savoir-faire contre vents et marées.

Coups de cœur de l’album : Back to the Radio, Birthday Party, U Can Be Happy if You Want To, The Rip