P.R2B : « il n’y a aucune ironie dans ce que je fais »

En janvier, P.R2B s’est dévoilée au monde avec un « premier » titre : La Chanson du bal. On a profité de son passage au festival pop factory pour aller à sa rencontre et parler de sa formation à la fois musicale et cinématographique, de l’importance des mots qui frappent, de son blase de robot et de son futur album à venir.

La Face B : Salut Pauline, comment ça va ?

P.R2B : Ecoute ça va bien, contente d’être là.

LFB: Un premier titre c’est toujours important, pourquoi s’être lancé officiellement avec La Chanson du Bal ?

P: Parce que cette chanson réunissait pas mal de choses, assez cinématographiques, entre la chanson et la production du morceau. Elle racontait pas mal de chose pour le projet et les nouvelles bases. On a aussi envie de surprendre avec d’autres choses. Il y avait une idée de raconter l’histoire avec cette chanson.

FB: Pour être honnête, je t’ai découvert avant ce titre. J’ai beaucoup aimé ta reprise de Léo Ferré et ton titre avec Hyacinthe. J’ai l’impression que c’est un grand écart qui te laisse tout les champs des possibles dans la musique. Ça va de la chanson française très classique au rap, hip-hop.. C’est un spectre assez large finalement.

P: Oui, c’est très vrai. J’ai assez du mal à me définir, à me classer dans un genre, comme pas mal d’artistes d’ailleurs. Travailler avec Hyacinthe qui a le même amour que moi du gabber ou des chansons à moi comme la chanson du bal qui emprunte à des histoires et des références beaucoup plus classiques de chanson. A chaque fois, sur scène par exemple, il y a une chose à dire et les genres me permettent ça. A un moment s’il faut se promener je vais aller toucher vers le rap et quand je m’énerve, je vais pas vers la chanson, je vais vers le rap par exemple.

LFB: Cette chanson-là, elle est vraiment bien et aussi inattendue car ce que l’on connaissait de toi à l’époque n’était pas vraiment dans cette direction. Même pour Hyacinthe, je trouve ça intéressant qu’il aille chercher des artistes assez pop pour faire contrepoids.

P: Oui tout à fait et ce que je trouve assez génial c’est que ce soit sur Ferré , Hyacinthe ou que ce soit sur mes morceaux, à chaque fois il n’y a aucune ironie! A chaque fois j’ai envie d’y aller totalement! Quand il m’a proposé la chanson c’était assez drôle car il y avait cette mélodie assez techno derrière alors que je devais faire des envolés, c’était hyper lyrique! A chaque fois, je dis oui à ce genre d’aventure!

LFB: Ta musique est très visuelle. Une phrase comme « j’ai mis ma robe couleur de spleen » m’a particulièrement marquée car les mots tapent. Est-ce que c’est important pour toi que les mots aient une image, une couleur voir une odeur ou une sensation ?

P: Complètement! C’est ça qui me touche aussi dans les chansons et dans les films. Il y a toujours un plan où par exemple quelqu’un qui se tourne ou quelqu’un qui marche de dos et on est bouleversé. C’est ce que je cherche toujours, ces accrochages de sens que l’on ne s’attendait pas à voir. « Une robe couleur de spleen », tout de suite, il y a quelque chose qui va appeler direct en nous une mélancolie ou quelque chose. Dans des plans cinématographiques ou même des chansons de Barbara, je vais ressentir beaucoup de choses!

FB: Dans ton titre presque tous les couplets sont à la deuxième personne  et les refrains à la première personne. Est-ce que ce jeu de miroirs c’est quelque chose qui t’intéresse, d’être à la fois actrice et spectatrice de ta chanson ?

P: Il y a de ça définitivement, et aussi il y a le fait que je m’appelle « P.R2B » , cela sonne un peu comme le nom d’un robot alors que ma musique c’est l’inverse d’une chose robotique.
J’ai un nom qui paraît non-genré, il y a des personnes qui disent « ah, j’ai l’impression que c’est un blase de rappeur ou  un personnage de Star-Wars. » Il y a aussi cette part de dédoublement, c’est à la fois moi et pas vraiment moi, je pense que je ne dirais pas les choses de la même façon si c’était moi à 100%.
A un moment si on se dit « il faut tout donner » on peut pas s’appeler totalement par son nom.

LFB: Est-ce que tu écris des chansons pour t’échapper du réel par moments ?

P: Pour m’échapper, je ne pas sure car je n’aime pas trop fuir mais c’est une manière de la voir autrement. Je me suis toujours raconté des histoires depuis toute petite, je m’ennuyais très peu et c’est toujours le cas d’ailleurs. C’est comme une manière de résister.

LFB: C’est un vrai un travail d’imagination au final.

P: Oui, c’est comme lorsque l’on est petit et que l’on se raconte des histoires. J’ai essayé de cultiver ça. Ça m’est arrivé d’arrêter de le faire mais ça ne va plus très bien après et ça me bloque  (rires)

LFB: Il y a toujours une touche onirique dans ce que tu fais.

P: Il y a à la fois quelque chose d’hyper frontal mais aussi très onirique. je pense que ça vient de mes amours pour Lynch et Fellini, on retrouve ce truc où l’on dit des choses très graves mais finalement  il y a toujours le côté onirique qui est invoqué …Quand on regarde Twin Peaks l’histoire c’est pas folichon (rires).  On a cette esthétique du cool, tout le monde trouve ça incroyable et veut porter des t-shirts Laura Palmer mais en vrai elle s’est quand même faite violer et retrouvée dans un sac plastique … Mais pour travailler et  arriver à ça, il faut amener de la pop dans le sérieux et je trouve intéressant que les choses se confrontent.

LFB: Tu as une formation musicale et à la fois cinématographique. Qu’est-ce qui nourrit et influence l’autre? En réalisant tes clips, le projet est finalement très global.

P: Tout frotte avec l’un et l’autre. J’ai toujours aimé voir des détails dans des films. J’ai une formation de réalisatrice mais je suis une vraie cinéphile! J’adore aller au cinéma, je n’aime pas que en faire et ça m’a aidé pour écrire ces textes. Cette manière musicale de penser dans mes films, elle a beaucoup de rythme et de lien. Après, je suis une grande fan de comédie musicale donc là le lien est clair et direct. Tout le monde ne partage pas cette passion mais en tout cas il y a des liens très clairs. Pendant toute ma formation, je me suis battue pour ce ne soit jamais l’un ou l’autre et là, enfin, je peux faire les deux!

LFB: Le fait de réaliser tes clips toi-même, ça te permet de ne pas choisir entre l’un et l’autre.

P: Oui … Je ne vais peut-être pas tous les réaliser mais c’est vrai qu’il y a des images qui viennent en décalage. Pour la Chanson du Bal j’étais en robe sur un cheval. Pour le prochain clip, je ne vais pas être en robe, je le prédis tout de suite ! Pour amener du contraste sur le début du projet et c’était aussi intéressant d’aller fouiller tout ça et personne ne s’y attendait dans mon entourage. (rires)

LFB: Quand on a une formation comme ça, est-ce que l’on a envie de casser les codes de ce que l’on a appris ou l’on reste sur la lignée ?

P: Oui, je crois car c’est lourd tout de même! Je pense que je fais partie de « l’école samouraï. » Il faut respecter ses maîtres mais il faut aussi les battre! Je ne crache pas sur les maîtres mais à un moment il faut aller plus loin et réinventer des choses!

LFB: Tu fais les Inouïs du Printemps de Bourges, le Chantier des Francos et le FAIRE. Comment réagis-tu à ça ? Avoir un titre officiel et tout de même avoir cette reconnaissance ?

P: C’est hyper fort et assez vertigineux. Ce qui me sauve c’est le travail. Je suis quelqu’un qui travaille énormément mais ça fait aussi longtemps que je le travaille ce projet et du coup avoir une reconnaissance professionnelle et avoir des gens qui viennent me dire ce qu’ils ont pensé de La Chanson du Bal c’est très fort et c’est quelque chose que je prends. P.R2B elle est fière et Pauline elle doit continuer de manger chez sa grand-mère et parler à ses amis. C’est très gratifiant et tout ce que j’essaie de construire c’est si beau que ça se passe comme ça .

LFB: Finalement, tu vas directement sur un album ?

P: Oui! Quand j’ai commencé le projet, il y avait toute cette phase de construction, de travail qui est passé aussi par plein de petits lives que j’ai fait avec la formation solo. Là, le live c’est tout nouveau, même de jouer en groupe, c’est tout récent. J’ai écrit beaucoup, et quand on est arrivé pour travailler avec Tristan Salvati, j’avais 19 chansons! Je n’avais pas envie de faire une couleur sur une track ou même sur un EP, j’aime bien penser à des plages. Lorsque l’on fait un long-métrage, c’est quelque chose auquel on va donner une couleur spéciale et après on va le couper en deux, en six, en huit, en douze donc aussi avec ce qui se passe en ce moment dans le monde de la musique, de dévoiler le projet au fur et mesure et d’ouvrir avec un album. Donc, on continue!

LFB: Ça permet aussi de mettre les chansons dans une espèce d’instantanée

P: Oui, absolument! Ce qui est aussi important. Les chansons elles suivent la vie, enfin j’espère!

LFB: Est-ce que tu as des coups de coeurs récents à nos partager ?

P: J’ai vu un super film bien qu’il soit un peu vieux, sur Arte, « The Intruder. » Un film incroyable, d’un réalisateur de séries b. Il a prit l’acteur phare de la série « Star Trek » et il a mit tout son pognon pour faire un film en noir et blanc sur la guerre raciale aux USA. 
Après, Hervé! J’ai travaillé avec lui il y a peu de temps et je l’aime beaucoup.

LFB: Comme on est au Pop-Factory, quelle est ta définition de la pop en 2020 ?

P: La Vache ! (rires) Je crois que ça ne veut plus rien dire la pop en 2020! J’espère que dans le futur ça voudra dire arriver à dire des choses profondes avec un brin de folie. J’aimerais bien que ce soit ça, après ce qu’elle est à l’heure actuelle, je ne serais pas dire! 

Crédit photo couverture : Caroline Jollin
Crédit photo article : David Tabary/ Dans Ton Concert