On a remonté le temps en écoutant le second cycle des Ariel Archives

Sur l’autoroute de la vie, il est parfois bénéfique de regarder dans le rétroviseur et de lever le pied pour s’arrêter un instant sur un moment agréable du passé. Pour preuve : pendant le confinement, combien d’entre nous se sont replongés dans leurs souvenirs gravés sur VHS, ou bien dans leurs vieux albums photos ?
Concernant un artiste comme Ariel Marcus Rosenberg (Ariel Pink), qui a plus de 20 ans de carrière et 15 albums à son actif, on peut (re)trouver suffisamment d’enregistrements K7 pour sortir toute une série d’archives. C’est justement le travail d’archéologie qui a été mené pour produire le second volet d’archives, sorti le 29 mai dernier sur le label Mexican Summer. En numérisant et remixant les fichiers sources au plus proche de ce qu’ils étaient, une seconde vie a été donnée à ces titres issus des albums The Doldrums, House Arrest et Worn Copy.

Alors, attachez vos ceintures, aujourd’hui on vous embarque dans notre machine à remonter le temps pour visiter l’époque où Ariel Pink enregistrait encore sous le nom d’Ariel Pink’s Haunted Graffiti, c’est-à-dire les années 1999 à 2004.


THE DOLDRUMS

1999-2000. Ariel Pink vit à Los Angeles et étudie l’Art au California Institute of The Arts (CalArts). Pour sa dernière année universitaire, il compose The Doldrums depuis son domicile et le présente comme un projet de fin d’étude. Il n’a alors que 21 ans mais a déjà enregistré un premier disque, Underground. A cette époque, Ariel avait l’intention de créer quelque chose qui était totalement en dehors de la mode. Un disque que peu de personnes pourraient comprendre. Pour cela, il expérimentait beaucoup de choses muni de sa guitare (à 3 cordes), d’un synthétiseur et une machine à cassettes 8 pistes de qualité grand public (un Yamaha MT8X-8 prêté par son ami de classe, John Maus). Pour les percussions, on raconte qu’Ariel collait sa bouche au micro en poussant à bloc la saturation. Selon Ariel, The Doldrums est la perversion de la tristesse et des émotions. “Je voulais faire le disque le plus horriblement triste et solitaire de tous les temps”, confie-t’il lors d’une interview réalisée en 2014. En effet, la plupart des chansons qui composent cet album racontent des amours perdus, mais aussi des moments de cafard et de stagnation. Dans le titre The Doldrum, Ariel entonne d’une voix ralentie et éteinte : « Je vis avec moi-même aujourd’hui avec à peine quelque chose à dire. Je vis avec mes problèmes et je ne peux rien y faire. (…) Ça me rend malade d’être si immobile.”
Au final, l’album The Doldrums l’a rendu très heureux selon ses propres dires – et comble également certains auditeurs.

HOUSE ARREST

2002. Animé par un besoin vital de créer et guidé par ses sentiments et son instinct, Ariel produisait des musiques sans interruption à son domicile. Ce rythme effréné, son énergie et son inspiration inépuisable permettent à House Arrest de voir le jour en 2002. Enregistré à l’origine en même temps que Loverboy, une autre entrée à la collection Haunted Graffiti, House Arrest montre l’influence grandissante du nouveau mentor et ami d’Ariel, R. Stevie Moore, un autre outsider prolifique de pop music. Les libertés d’écriture de R. Stevie Moore ont été une source d’inspiration pour Ariel, lui donnant la permission d’être lui-même et de ne pas trop se prendre au sérieux.


WORN COPY

2003. Ariel Pink signe sur Paw Tracks, le label de Animal Collective et accède à un début de reconnaissance dans le milieu de la musique indépendant en dehors de la scène de Los Angeles. L.A, cette ville qui l’a vu grandir, l’a d’ailleurs inspiré pour son album Worn Copy, qui sort la même année. Parmi les 17 titres de l’album, il n’y a peut-être pas plus classique que Life in LA, une remarquable ode à vivre sans but à Los Angeles. Son expérience en tant que disquaire quelques années plus tôt a sans doute également influencé ce disque. Le titre Worn Copy est un clin d’oeil au fanatisme de Pink à ses idoles – The Cure, Can, et Thribbing Gristle par exemple – dont il jouait constamment les disques. 
C’est aussi la première fois qu’Ariel Pink utilise une pédale Wah-Wah, lui faisant découvrir de nouvelles sonorités électroniques. Mais on retrouve aussi quelques touches de funk et de Motown. “Avec du recul et de l’ironie, je pourrais qualifier ce disque de proto-chillwave !” rigola-t’il, dans une interview parue dans le célèbre magazine Magic en 2015. Pour annoncer la sortie de ce 2nd volet d’archives, un clip exclusif a été produit sur le titre Crybaby.

2020. Ecouter le 2nd volet d’archives d’Ariel Pink, c’est un peu comme retrouver une vieille collection de disques dans son grenier. C’est toujours agréable de les réécouter, de revivre les sensations éprouvées à une époque, tout en y prêtant une nouvelle oreille. A travers ces 46 titres aux contours atmosphériques et nostalgiques, se cache l’occasion de découvrir ou redécouvrir le travail d’Ariel Pink. Il y a beaucoup de choses qu‘Ariel Pink peut partager pour la première fois, s’exposant alors de la manière la plus vulnérable. Ce corpus d’œuvres vient compléter le 1er volume d’Ariel Archives, qui comprenait les nouvelles éditions de Loverboy, Underground, et le longtemps attendu Oddities Sodomies Vol.2.

Aujourd’hui, l’univers passionnant d’Ariel Pink suscite encore beaucoup de curiosité et sa musique inspire de nombreux artistes. En se mettant volontairement à contre courant du monde moderne qui évolue, Ariel Pink défie les conventions pop. Il n’a jamais désiré avoir une longueur d’avance pour rester pertinent et ne supporte pas ce concours de popularité où chacun essaye d’anticiper les changements d’un monde qui évolue. Au contraire, il préfère jouer avec les codes et se laisser guider par son instinct. Pourtant, on pourrait bien souvent le considérer “en avance” sur son temps. En avance dans ses expérimentations musicales aussi bien que dans la genèse de sa créativité, puisque Ariel écrivait déjà des chansons à l’âge de 8-9 ans. De notre côté, on aurait plutôt tendance à dire que c’est un artiste “hors du temps” qui entraîne l’auditeur dans un univers décalé. Son étouffé, superposition d’ambiances … Il est parfois difficile de s’acclimater à ce drôle d’univers. Mais n’est-ce pas là ce qui fait tout son charme ?

Retrouvez l’ensemble de la série d’archives ici, et en écoute ci-dessous.