On a pris notre ticket pour le manège de la vanité

Il y a 16 ans on découvrait Vive La Vie, premier opus fondateur du mythe Klub des Loosers. Un album qui aura laissé une trace indélébile sur ceux qu’il aura su toucher. Comme une boucle, l’album démarrait avec Le Manège des Vanités. Aujourd’hui, comme si le monde n’avait pas réellement changé, la culture de la win est toujours omniprésente. Il fallait donc bien que Fuzati s’y attarde. Prenons notre ticket pour le manège de la Vanité.

On pourrait voir en Fuzati un être sans âge. Son masque, qu’il porte depuis le début de l’aventure Klub des Loosers, est une sorte de protection. Contre le temps qui passe, mais aussi contre le monde qui l’entoure. Si on ne saura jamais exactement l’âge ni la personne qui se cache derrière celui-ci, cela ne l’empêche pas d’être un observateur de son temps et de son époque. Vive la Vie décortiquait à merveille l’âge ingrat de l’adolescence qui se termine et de l’âge adulte qui pointe le bout de son nez tandis que La Fin De L’espèce s’attaquait à la trentaine.

Deux parties d’un trilogie qui ne trouve toujours pas de conclusion, sans doute parce que cela signifierait la fin de l’aventure Klub des Loosers. Ce quin’a pas empêché le bonhomme de se montrer, très, productif au cours des dernières années : Deux excellents albums instrumentaux qui montraient que le garçon était, en plus d’une plume monstrueuse, un sacré producteur, Spring Tales et Last Days, un album en collaboration avec Orgasmic, Grand Siècle, et surtout un album qui marquera une vraie évolution dans le son du Klub des Loosers : Le chat et autres histoires.

Fini le sample place à la composition pour cet album volontairement pop, qui prenait la forme d’un livre, recueil d’histoires ou Fuzati multipliait points de vues et personnages. Un album qui en aura déroutait plus d’un mais qui aura permis à l’artiste d’ouvrir son projet et de se l’approprier encore plus. Trois ans plus tard, le voilà de retour avec un nouvel album, toujours en dehors du corpus principal : Vanité. Et qui de mieux qu’un être de l’ombre pour traiter du mal principal de notre monde : la vanité et l’amour de soi. 13 morceaux pour ce qui se révèle être l’album le plus ambitieux, maitrisé et aventureux du Klub des Loosers autant qu’un retour à son premier amour : le rap.

Car oui Vanité est un album de rap, un vrai. La preuve avec d’or et d’argent, vrai morceau hip hop old-school avec sa boucle hypnotique, ses punchlines folles et ce flow très carré. Fuzati serait-il rentré dans le rang ? Sans doute pas complètement, la preuve avec l’excellente Courir qui dans le flow et fans la forme nous ramène à l’époque Vive La Vie, mais cet album est une véritable évolution dans l’univers du Klub des Loosers, comme si les efforts concédés avec Le Chat… prouvaient leur valeur dans un univers rap plus codifié.

Ici il n’est plus question de refuser le refrain ou de s’appuyer sur un flow hors tempo et cette envie de coller au rythme influence aussi grandement l’écriture : elle est plus acérée, plus directe, moins littéraire ce qui permet de s’appuyer plus facilement sur le sens de la punchline inné du versaillais : ici les phrases claquent et claquent fort et les morceaux de bravoure ressortent avec beaucoup plus de facilité. On pourrait prendre pour exemple les excellentes Battre et Nouvelle Vague ou encore Réussir, ou encore Moi Je qui s’autorise même à l’utilisation, discrète et réussie, du vocoder.

Et même si cette envie d’un retour à un rap est clairement ressentie, Fuzati ne renie pas non plus sa passion pour la pop qui réapparait ici et la, notamment avec l’apparition de chœurs féminins sur Champions ou Joie de Vivre ou sur l’excellent piano-voix Billet de Cent. On notera aussi que le seul featuring de l’album est celui d’Alexis Fugain, tête pensante de Biche, sur Comme Eux, morceau aussi inattendu que brillant qui réuni à la perfection les univers des deux artistes.

Vous l’aurez compris, avec ce nouvel album, Fuzati multiplie les intentions musicales, les variations et les émotions pour notre plus grand bonheur. Mais si la forme change, le fond, et la pensée profonde du Klub des Loosers, reste le même, bercé par les obsessions et la misanthropie de Fuzati. Et, comme espérait, Vanité est un grand jeu de massacre réjouissant.

Avec un titre comme Vanité, le thème central semblait donc tout trouvé pour tirer à tout va et c’est bien ce qui se passe ici : Fuzati passe à la sulfateuse tout ceux qui touchent de prêt ou de loin à la vanité : ceux qui l’embrassent autant que ceux qui l’exècrent.

Ainsi Fuzati joue le rôle d’observateur, pointant du bout de sa plume ceux qui s’inventent une vie autant que ceux qui se réjouissent de l’échec des autres, ceux qui profitent d’un succès qui leur ai donné par le sang, ou le compte en banque de papa/maman aussi bien que ceux qui évitent l’ambition de peur de se casser la gueule, ou ceux qui préfèrent le fatalisme… Tous sont coupables, car au fond les winners sont des loosers comme les autres et ceux qui se contentent de leur existence au point d’en oublier d’avoir un minimum d’ambition ne valent pas forcément mieux.

Ce voyage au sein de klub des winners est donc une œuvre cynique et ironique comme on en voit peu. Vanité est une vraie réussite, un retour au fondamentaux d’une musique autant qu’un album qui a l’ambition de proposer plus et mieux. Porté par une thématique forte et vénéneuse qui permet à Fuzati de développer une nouvelle foi ses obsessions au travers d’une plume qui ne cesse plus que jamais de nous impressionner, Vanité est une nouvelle pierre solide apportait à l’édifice du Klub des Loosers. En attendant la fin de sa trilogie personnelle commencée en 2004, l’artiste nous prouve qu’il reste un véritable observateur du monde qui l’entoure autant qu’un être capable de s’ausculter lui même.