OH MU – Contre-Culture ou Alien qui pourra

Contre-Culture, le quatrième EP d’ OH MU est sorti ce vendredi 22 mai 2020.  Artiste  pluridisciplinaire originaire du canton du Valais en Suisse, iel vit aujourd’hui à Paris après avoir fait des études de BD à Bruxelles. Son nom de scène OH MU vient de Nausicaä, film d’animation réalisé par Hayao Miyazaki, et fait ainsi référence à ces insectes géants pacifiques dont la colère peut pourtant tout anéantir.

Non binaire, gender fluid, OH MU lutte contre le patriarcat et pour l’acceptation des différents handicaps, et en particulier l’autisme. Iel a été diagnostiqué.e Asperger. On retrouve dans son œuvre et en particulier dans cet EP toute cette énergie caractérisée par une force créatrice intense et une volonté de d’avancer en faisant fi des difficultés.

Contre-Culture, c’est ne plus s’obliger à essayer de se conformer à ce que l’on pense que la société attend de nous. Comprendre que même si on se sent différent.e, d’une autre culture, on n’est pas étranger.e au monde dans lequel on vit mais simplement l’une de ses composantes.
Cinq titres, cinq temps, cinq cris, cinq révoltes composent cet EP qui ne souffre d’aucune concession.


L’EP s’ouvre par le titre Alien (oh mu theme) que l’on imagine comme un autoportrait du personnage qu’elle incarne et qui l’incarne. OH MU se présente sous de multiples facettes usant d’anaphores pour donner à ce morceau une forme presque incantatoire. 

« Je suis le chaos je suis femelle je suis mâle
Je suis l’ombre la lune le soleil et les étoiles
Je suis le mouvement je suis le vent qui t’enlace
Je suis humaine mais toujours alien dans ton crâne »

La phrase musicale est simple et appuyée par une rythmique qui nous accompagne tout au long du morceau. Pour autant celui-ci n’est pas aussi linéaire qu’on pourrait le croire. Des changements de rythme sont présents et font évoluer imperceptiblement les lignes musicales. La structure couplet/refrain est là sans être là. Elle évolue dans de subtiles variantes.


Avec Dingue qui a fait l’objet d’un clip fin avril, on passe de l’incantation au mantra.

« Dingue Dingue Dingue, elle te rend dingue dingue dingue »

C’est l’histoire d’un jeu, d’une relation basée sur un rapport haine/amour, dominé/dominant. Le phrasé incisif est presque moqueur par moment. Le débit est rapide et ne laisse pas de répit. Dingue est prononcé pas moins de 52 fois en 2mn47. Le tempo suggère des pulsations cardiaques dopées par une montée d’adrénaline. Les effets de spatialisation sont poussés pour mieux englober, encercler l’auditeur. L’addiction est là, l’obsession proche. Le sentiment d’oppression qui en résulte s’intensifie graduellement et se libère à la fin du morceau. Soulagé.e ou pas ?


La lutte contre le patriarcat et ses dérives fait partie des combats d’OH MU. Le morceau Daddy en est son fer de lance et son dessein est de dénoncer un système que l’on aimerait aujourd’hui savoir dépasser. Au cours d’une montée musicale de plus en plus chaloupée, OH MU s’affranchit de ce schéma d’enfermement sans aucune complaisance – Et alors « C’est moi She Daddy ».


Je fais ce que je veux je m’en fous, ce titre annonce un morceau rageux et, effectivement, l’instrumentation ne fait pas dans la demi-mesure. Les premières mesures nous télétransportent en plein milieu des guitares saturées d’un concert death metal. Un rire digne du Joker (qui pourrait provenir de la Batdance de Prince) nous en extirpe avant de nous replonger en pleine techno hardcore. Bref on est dans l’exutoire, la révolte, le rif. Les paroles nous reviennent en écho comme des uppercuts.


Indigo clôt l’EP Contre-Culture avec la mélodie d’une flûte qui nous fait naviguer entre spiritualité et ésotérisme. On ressent ce sentiment de différence, d’inadaptation au monde dans lequel on évolue. Les interrogations que l’on laisse en suspens, ce laissé-aller qui nous gagne.

« On en sait rien mais on le fait quand même
On en sait rien mais on s’aime quand même

On en sait rien mais on est quand même»

Indigo semble faire référence à ces enfants Indigo. Ceux que l’on croit – dans une dérive ésotérique – héritiers de dons extra-sensoriels parce que pas tout à fait comme les autres et dont on oublie qu’ils ne diffèrent que par leurs fors intérieurs.

OH MU a publié en 2017 sur son tumblr Vagues Survivantes un témoignage autobiographique en bande dessinée. Sa lecture complète Indigo en y apportant d’autres éléments de compréhension. N’hésitez pas à le consulter en cliquant sur le dessin ci-contre.


OH MU est un.e artiste rare, plein.e et entier.e. C’est pour cela qu’à la Face B nous avons un faible pour iel. Avec son EP Contre-Culture, nous naviguons peut-être dans ce qu’OH MU a de plus personnel, ses batailles, ses hésitations mais aussi sa force de résilience. Son monde, tout comme son EP, n’est pas dans la linéarité. Il est constitué de multiples chemins de traverse. Prenez le temps d’en parcourir toutes les venelles et, promis, vous y ferez de nombreuses découvertes.