La lettre #7 : November Ultra

Parfois, il est plus facile de s’adresser directement à un artiste pour parler de sa musique. On a donc choisi d’adresser notre septième lettre à November Ultra.

Paris le 22 juin,

Chère November Ultra,

J’ai toujours aimé les lettres. En écrire, en recevoir. Il me semblait donc que tu étais l’interlocutrice idéale pour celle-ci. Tu as sorti le 8 avril ton premier disque bedroom walls. Je l’ai écouté plusieurs fois avant de te voir en concert au festival Chorus à Boulogne-Billancourt (92) deux jours plus tard. Il y avait certaines chansons pour lesquelles j’accrochais déjà. Mais c’est lorsque je t’ai finalement entendue que l’album a pris tout son sens. C’est en effet lorsque ta voix a emplit tout l’espace que j’ai compris que je ne comprenais pas. Qu’est-ce qui se passait sous mes yeux ce jour-là ?

Depuis, il n’y a pas un jour où je n’écoute pas ton album. Car tu m’aides à mettre de l’ordre dans ma vie. Car tu m’apaises et me consoles. Je parle de toi à tout le monde, comme si tu étais une vieille amie. November Ultra. Je suis si heureuse de recevoir des messages de mes proches, me disant que tu les bouleverses, eux aussi. Tu es un pansement doux et moelleux, qu’on peut soulever à tout moment, sans se faire mal. Puisqu’avec toi, tout cicatrise tellement plus vite.

Dans cet album, il n’y a que toi. Toi et ta guitare, toi et des boucles enregistrés via le logiciel Ableton et surtout, toi et tes émotions. En effet, tu nous livres tout. Dans le dossier de presse, on pouvait ainsi lire : « J’y ai mis tout ce qui me représentait, chaque larme, chaque moment de rire, chaque souvenir. Il est désormais temps que les gens se l’approprient, avec leurs propres expériences et leur imagination. » Et c’est exactement ça. 11 chansons où ta voix résonne, berce et réconforte. 11 chansons qui nous transportent à travers ta vie et ton univers. Ton monde est nourri d’influences folk, d’une part, mais il est aussi irrigué par la copla espagnole, le r&b et ton amour pour les comédies musicales des années 60.

L’album s’ouvre au piano avec over & over & over, un morceau que j’ai écouté de nombreuses fois, sans jamais me lasser. Ton timbre vibrant me dépose instantanément dans un espace-temps différent, et lorsque tu chantes « i’m loosing my mind », en écho, je pleure. Les gros sanglots, ceux qu’on ne retient pas. Des voix se mêlent à la tienne jusqu’à mener à une tension palpable et déchirante.

Crédit photo: Elisa Baudoin

Puis survient soft et tender, un titre lumineux entonné à la guitare. Sous des airs de comptine, tu nous susurres à l’oreille que tout va s’arranger et en live, c’est le moment où l’on rit avec toi, où tu nous invites à faire des bruits d’animaux, du chat en passant par la chèvre. Tandis que l’on se dirige délicatement vers la fin du morceau, tu déclames tout à coup quelques phrases en espagnol. Il faut souligner que tu as un amour infini envers les langues et que tu es trilingue depuis l’âge de six ans, née de parents espagnols et portugais.

L’album bedroom walls se partage donc entre le français, l’anglais et l’espagnol, chacune ayant une signification bien particulière à ton cœur. Tu chantes principalement en anglais, langue vers laquelle tu te diriges à l’adolescence pour ne pas être comprise de ta mère. Tu t’y sens à l’aise et en sécurité, en phase avec qui tu es. L’espagnol est quant à lui plus viscéral et te renvoie à tes origines et à la relation que tu entretiens avec ton grand-père, Ramón. Lui qui t’a appris ta première chanson alors que tu n’avais que 3 ans et qui t’a également fait découvrir la comédie musicale The Sound of Music. Enfin, l’album est ponctué de phrases en français, qui mettent l’accent sur ta vulnérabilité et tes failles.

le manège devient en concert un moment calme, pour se marier, précises-tu. Le public t’éclaire avec les lampes des téléphones, on dirait de petites étoiles et tu déclares « vous êtes si beaux ». C’est ainsi un moment suspendu, de ceux qui resteront gravés quelque part dans le cœur, on le sait.

monomania est un clin d’œil au titre The Bell Jar de Sylvia Plath. C’est un morceau pour évoquer les obsessions envers une personne. « i cry, i panic, i lay on the floor », ces quelques mots égrainés, en boucle.

Miel, ce titre aux sonorités r&b et ces pensées « why do we lie to each other » qui viennent me saisir au plus profond de moi. Au festival Chorus, tu compares l’auditorium à une petite ruche dans laquelle nous serions tous ensemble, telles des abeilles.

Puis, fade retentit au piano, une ballade pour les cœurs solitaires, avant de révéler nostalgia / ultra, qui deviendra pour les semaines à venir mon mantra. En live, je ne le sais pas encore. Je ne sais pas où je suis ni où je vais. « Memories on postcard » puis « i’m gonna be all right ». Indubitablement mon titre préféré. Tout doucement, piano et voix s’accordent. Un morceau qui s’étire, et tout à coup ta voix qui se pare de chaleur espagnole, ce timbre réconfortant qui prend toute la place et qui entonne « es una peina ». Finalement, le morceau se conclut avec la voix de tes grands-parents. Pour nostalgia / ultra, tu t’es inspirée de la mixtape du même nom de Franck Ocean, sortie en 2011.

Au festival Chorus, tu étais très émue d’être là, tu habites juste à côté et tu déclenches les rires en révélant que tu aurais pu venir en pyjama. C’était un de tes rêves de jouer ici, dans cette salle où le toit rappelle la Géode, située dans le parc de la Villette à Paris.

incantation (interlude), me ravit tout autant. Sur sa lancée, il me fait pleurer. « don’t care what they say, they can’t fuck my head, I won’t, I won’t, I won’t, I won’t go ». Ta voix mène encore une fois ce court morceau. Avec une simplicité désarmante, tu te munis de tes cartes de tarot pour nous assurer que tout va s’arranger avant nous de plonger dans une tension désarmante avec Septembre au piano, tes mots qui roulent sur les joues et cette brève incursion en français : « Ai-je un peu peur du vide ? »

Puis, bedroom walls, comme une ode à cette chambre qui a vu naître ce magnifique album. Cette pièce et en particulier ce lit dans lequel tu te sens si bien, entourée des messages de tes amis. Entourée de tes objets, comme des talismans, des grigris, des porte-bonheur. Un morceau délicat, susurré, pour accepter ton côté obsessionnel, la nostalgie et la tristesse qu’il y a en toi.

L’album se finit avec open arms et tu nous avoues : « Je savais que cette chanson serait la dernière pièce de l’album, car c’est à ce moment-là que j’ai appris à laisser partir les gens, et à quel point, lorsque vous aimez une personne, vous voulez la garder juste pour vous. Vous ne pouvez pas demander ça à des gens – il faut qu’ils puissent voler de leurs propres ailes. ».

Au festival, c’est le moment où tu nous convies dans ta chambre, où tu nous complimentes, à nous appeler tes petits chats. C’est une chanson que tu aimes chanter en live parce que tu es incroyablement présente. Toi généralement si anxieuse, qui passe souvent à côté de son présent, ce jour-là, tu étais avec nous. Heureuse. Avec tes références (douteuses) sur Alliage et le temps qui court. Avec nos rires et ta joie communicative. Le morceau se conclut avec ta voix qui ne cesse de cavaler contre les parois de la raison, cette voix chaude et immense, qui surprend et émeut.

Alors je pourrais aussi parler plus longuement de ce concert où nous étions tous ému.e.s, toi la première. Avec ta mère, à quelques mètres, en train de pleurer. Ta mère et ton grand-père de 90 ans (sur TikTok) à qui tu dois cet amour de la musique. Celle qui t’a soutenue pendant onze ans lorsque tu faisais ta formation au conservatoire, là où tu as appris à jouer du piano, à chanter dans une chorale et enfin à trouver ta propre voix.

November Ultra au festival Chorus. Crédit photo : David Poulain

Je pourrais vous parler encore de ce live où les émotions se sont mélangées et les poils dressés. Car j’avais la sensation d’être pleinement là, d’être au bon endroit. Effectivement, j’aurais voulu que ce moment dure des heures. Et ce qui fait tellement de bien, c’est de savoir qu’il existe cet album, bedroom walls, que l’on peut écouter quand on veut se donner un peu de force, de lumière et de douceur. De la bedroom pop réconfortante, chaleureuse et si généreuse. Pour accompagner les nuits de pleine lune, les crises de larmes, les doutes et les incompréhensions. Pour mettre du baume au cœur aux ami.e.s, à toutes celles et ceux qui se sentent seul.e.s et pour tous les autres.

Merci November Ultra pour ces milliards d’émotions. Merci pour les larmes et les rayons de soleil, merci pour ta voix, merci d’être toi.

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