Rencontre avec Nina

Une musique en clair obscur. Avec Adieu, Nina enclenche le mouvement et le changement. On a eu le plaisir de rencontrer la musicienne lors de son passage au BISE Festival. L’occasion de revenir avec elle sur la confection de cet EP, son rapport à la scène et ses ambitions.

La Face : Salut Nina, comment ça va ?

Nina : Énergiquement, ça va. C’est toujours bizarre de faire des interviews avant les concerts, parce qu’on est toujours dans un état un peu pas normal, stressé et en même temps excité. Du coup, on comprend pas trop ce qui se passe, mais c’est trop cool.

LFB : Tu as fait le MaMA. Tu as fait Les Bars en Trans. Là, tu fais le BISE Festival. Comment tu vis cet intérêt du milieu professionnel ?

Nina : Je suis super contente, parce que c’est quand même une grande chance qu’il y ait des professionnels qui s’intéressent à ma musique. Après, j’essaie de ne pas trop attacher d’importance à ça, mais plus au public en lui-même en fait. Là où je me dis que c’est bien, c’est que c’est chouette, ça peut-être même une ou deux personnes en plus que je conquiers à chaque fois, mais j’essaie de ne pas faire de la musique pour les pros.

Parce que ça ne sert à rien et même dans mon cheminement personnel, les professionnels que je veux avoir, je veux qu’ils aiment ma musique, et qu’ils ne soient pas là par intérêt. Enfin, ça sera toujours par intérêt bien sûr, mais voilà, je préfère conquérir le public avant les pros, parce que c’est en ayant le public avec soi que les pros suivent.

LFB : Et du coup, tu préfères faire des premières parties au final ? Rencontrer les « vrais gens » ?

Nina : Bah ouais, carrément. Surtout quand ce n’est pas ton public, pas forcément là où on t’attend, tu vois. Enfin, je pense à IZIA par exemple pour ces premières parties, c’est un projet assez pop. Enfin, c’est très rock sur scène mais je sais qu’elle est quand même dans la pop, qui marche bien, qui passe sur NRJ et tout ça, et c’est bien je trouve d’aller un peu partout, de naviguer partout, d’aller dans des clubs obscurs indés et d’aller dans des trucs super reconnus dans le paysage de la musique mainstream.

Moi, j’aime bien naviguer entre les deux et je trouve que les deux ne sont pas incompatibles. C’est dommage qu’il y ait un peu en France ce clash indé/populaire. En fait, les meilleures chansons, ce sont des chansons populaires, qui sont parfois indés, quoi. C’est que des questions d’arrangements et d’habillage en fait. Les hits, c’est des hits.

LFB : Oui, c’est ça. Mais de toute façon, on le sent aussi dans ta musique. Il y a ce côté un peu radical et brut mais en même temps, il y a un vrai respect de la chanson française et de la construction musicale, qui ne renie ni l’un ni l’autre.

Nina : Ouais. C’est plein d’influences, quoi. Donc c’est ça qui est chouette et je pense qu’il ne faut pas se priver de quoi que ce soit. Il faut être aventureux et être curieux, tu vois. Faut pas hésiter. C’est pour ça que parfois, je trouve que la musique française manque un peu d’audace. Je trouve que c’est chouette d’aller puiser à droite, à gauche. Et de pas trop se poser ces questions. Bon après, il y a des réalités tu vois, économiques, du milieu, du business. Forcément, tu ne passeras pas à la radio si ta chanson n’a pas tel son, machin. Ça, c’est un peu triste. Enfin, elle ne passera pas en tout cas sur les radios très écoutées et il y aura peu de chance que tu sois sélectionné aux Victoires de la Musique (rires).

LFB : Tu as sorti ton premier EP ,qui s’appelle ADIEU, ce qui peut sembler un peu étrange mais qui, je trouve, est hyper intéressant à l’écoute des morceaux, parce que j’ai l’impression que tu dis adieu à une partie de ta vie qui existait avant et qui change complètement avec la sortie de cet EP.

Nina : Carrément, c’est exactement ça. Et ma vie a vraiment changé. Ma vie, dans tous les sens, a complémentèrent changé depuis la sortie de l’EP. Il y a déjà eu un soulagement immense, tu vois. J’avais une urgence de sortir l’EP et tout ça. Là, il y a eu une libération.

Et même, ma vie a complètement changé. Le fait de construire un live, de rencontrer de nouvelles personnes, de voir encore la vie différemment. Tu vois, tu renais un peu de tes cendres, bizarrement. Tu vois vraiment la vie de différentes couleurs. Et tu as des périodes dans la vie aussi. Tu as des phases, des périodes plus sombres que d’autres, des moments où tu te sens bien avec toi même, d’autres où tu te sens mal. Tout ça, ça chang,e et c’est rassurant aussi de se dire qu’il y a des cycles, quoi. Donc oui, il y a eu un grand changement.

LFB : Si je te dis que pour moi, c’est un peu une collection de titres de reconquête intime, est-ce que c’est une chose avec laquelle tu es d’accord ?

Nina : Ouais. Ouais, c’est vrai. Complètement. Quand j’ai fait les chansons, c’était vraiment ça. C’était se reconquérir soi-même et se découvrir, même. Parce que parfois, on a des choses en nous qui sont insoupçonnées mais qu’on perçoit un petit peu. On sent un peu l’odeur, le goût, les prémices de quelque chose, mais on sait pas du tout qu’on a ça en nous. Enfin, on le sait, mais on ne se l’avoue pas vraiment, ou on ne sait pas comment y aller… Parfois, il faut juste du temps, de l’expérience, vivre. Je suis hyper d’accord avec ta définition.

LFB : J’ai l’impression que dans la façon dont l’EP est monté, il y a aussi de ça. Parce que par exemple, au début, quand tu as un titre comme Elle, où tu parles de toi à la troisième personne, et sur la deuxième partie, tu utilises le « je ». Et j’ai l’impression que tu passes d’une espèce d’observation, de passivité, à l’action et à la mise en place de ce mouvement et de cet adieu.

Nina : Ouais, c’est vrai. En fait, Elle quand je l’ai écrite, j’avais… Souvent, quand j’écris, j’ai des images dans la tête et là, je marchais beaucoup à cette période et j’avais l’image de mes mains qui avaient froid dans ma veste en cuir et tout ça. En fait, j’ai juste eu cette image-là, sans forcément… Je ne me disais pas que j’allais parler de moi, mais j’ai eu cette image-là, un peu comme si je me regardais de loin. Après, on a découlé tout simplement l’histoire du truc et c’était un peu aussi une photo de la période dans laquelle j’étais, et un peu des aveux sur moi-même.

LFB : Ce qui est marrant, c’est que j’ai l’impression que le morceau Les garçons n’est pas placé au milieu par hasard et qu’il cristallise un peu ce basculement et ce changement.

Nina : Tu dis des choses bien plus intelligentes que ce à quoi j’ai pensé (rires). Oui, ce titre n’est pas là par hasard, c’est vrai, et je n’avais même pas pensé à ça. Mais en fait, je l’ai mis au milieu parce que pour moi, il avait une place importante et centrale dans l’EP, mais je n’avais pas pensé à cette signification-là. Mais c’est vrai que c’est hyper juste parce qu’en effet, beaucoup de mes questionnements à cette époque-là étaient liés à des garçons, que ce soit de ma famille, des garçons que j’ai aimés et tout ça. Donc ouais, plein de questionnements là-dessus et c’est assez central. Dans ma vie, les garçons prennent beaucoup de place, toujours, et donc voilà, je trouvais ça chouette qu’ils aient une place là, quoi.

LFB : Cette idée, ce basculement, cette évolution suit aussi musicalement, parce qu’il y a une espèce de montée en tension entre les premiers titres qui sont très calmes, Adieu qui est beaucoup plus up-tempo et la fin de M’as-tu vraiment aimée, qui est assez folle et explosive.

Nina : Il fallait que le disque se termine comme ça, dans la folie, dans l’excès, le bruit. J’avais vraiment envie que ça s’arrête dans un gros bordel et qu’à la fin, il y ait comme un petit temps calme pour annoncer un peu la suite, l’espoir, la lumière. Pour ne pas que ça soit trop sombre non plus, parce qu’au bout du bout du tunnel, il y a quand même une petite lumière. Mais ouais, il y avait besoin de cristalliser tout ce que j’ai vécu à ce moment-là et de mettre tout ça dans une chanson et de ne plus en parler. De clore le chapitre.

LFB : Il y a une notion hyper importante dans ta musique, c’est la musicalité des mots. J’ai l’impression que les mots font que la chanson forme un tout et que la musicalité, le choix des mots, les sonorités, vont aussi chercher sur la composition et l’émotion qui en découle.

Nina : C’est vrai que j’essaie de faire attention aux sonorités. C’est vraiment un truc que j’adore, qui m’est cher. Après, c’est un plaisir personnel. J’aime vraiment les sons, les mots qui sonnent ensemble, j’adore les jeux de mots. Je trouve ça joli dans une chanson, quand les mots sont bien choisis, quand le sens est bien choisi. Je trouve ça important. Moi, il y a des mots qui m’ont beaucoup aidée dans certaines chansons et des mots qui m’ont fait vibrer, et j’ai envie de partager la même chose.

En tout cas, j’ai envie d’avoir cette exigence-là envers moi-même pour essayer de faire en sorte que ça fasse le même effet pour d’autres personnes. Je n’y pense pas forcément en le faisant, mais j’essaie d’être exigeante avec moi-même pour produire des chansons à la hauteur de ce que moi, j’aimerais entendre en tant qu’auditrice.

LFB : Il y a un côté extrêmement visuel dans ta musique, je trouve.

Nina : Peut-être parce que je vois des images dans ma tête. C’est possible. Moi aussi, je trouve que c’est visuel. Après, je pense que ça doit dépendre des gens mais en tout cas, quand je fais mes chansons, il y a des couleurs, des choses qui me viennent dans la tête, des images, et souvent ça m’aide beaucoup quand j’écris une chanson, pour la suite de la compo. Même les paroles et tout ça.

LFB : Ça te fait avancer.

Nina : Exactement.

LFB : En parlant d’images, j’aimerais bien revenir sur la pochette de l’EP. Quand je la vois, j’ai un peu l’impression que c’est des adieux à la scène. Un truc un peu à l’ancienne, avec ce côté clair/obscur.

Nina : Ouais, c’est vrai. J’avoue que j’avais même pas pensé à ça.

LFB : Je me demandais comment tu l’avais envisagée cette pochette, même les photos de promo qui vont avec ou le clip, parce qu’il y a toujours une part d’ombre, mais aussi une recherche de lumière à chaque fois qui est très importante.

Nina : C’est exactement ce que je voulais. Au tout début, je voulais une pochette toute noire, avec un faisceau lumineux ou un truc. Mais ce n’était pas la bonne solution. Et après, en ayant rediscuté avec mon amie Juana, qui m’aide pour les photos, vidéos et tout ça, je lui ai dit que j’avais envie d’un truc très obscur, mais avec quand même de la lumière, et que d’une manière ou d’une autre, je ne sais pas, je fais un truc avec ma main, avec la lumière qui passe.

En fait, c’est juste une invention de mon esprit. Je me suis dit que j’imaginais un truc comme ça et elle, après, elle avait la technique pour mettre en place ce que j’avais dans ma tête. Elle a vu des choses aussi. On a fait un gros shooting où on a essayé plein de trucs et puis voilà, c’est celle-ci qui est restée. Ça aurait pu être une autre. C’est difficile de mettre une image sur une période de ta vie.

LFB : De figer, finalement.

Nina : Ouais, voilà. Quand je pense aux chansons, maintenant je pense à la pochette, parce que je l’ai vue partout mais sinon, je pense pas à ça. Ça, je le fais parce qu’il faut un visuel, un support quand tu fais un disque. Mais j’aime pas trop quand c’est figé.

LFB : Il y a un côté presque fantasmagorique, je trouve.

Nina : Ouais, c’est vrai. Il faut laisser parler ton imaginaire. Ça, moi j’aime bien. Carrément. Je trouve ça intéressant.

LFB : Mais qui se retrouve aussi dans la musique aussi. Qui permet aux gens de se rattacher à ce que tu fais en fait.

Nina : Ouais, j’aime bien l’idée que tu puisses avoir plusieurs sens. On peut voir une œuvre et ne pas interpréter la même chose. Ça, j’adore, quand il y a une place pour l’imaginaire du spectateur, quoi.

LFB : Comment tu vis ta rencontre avec la scène et la transformation des morceaux, entre ce côté figé et ce côté vivant ?

Nina : Justement, ce n’est que du bonheur. C’est un redécouverte. Il fallait tout reprendre à zéro parce que mon EP est très orchestré et moi, j’avais vraiment envie d’un live qui change de pas mal de ceux qu’on peut voir aujourd’hui, qui sont avec plein de bandes, qui sont avec un ordi et on lance les trucs. J’avais vraiment envie d’avoir des gens avec moi sur scène, qui me soutiennent, que je sente leur énergie et leur présence derrière moi. Et qu’on joue ensemble les morceaux.

Du coup, alors oui on a des bandes sur un morceau mais en fait, on joue quasiment tout sinon, et il y a une vraie énergie, un vrai truc, c’est jamais deux fois la même chanson. Enfin, plus ou moins mais quand même, on essaie de faire en sorte que ça soit à chaque fois « unique ». Et c’est génial. Je trouve que les morceaux prennent une dimension super différente. C’est plus rock que sur le disque. C’est chouette. Même moi, je me découvre sur scène. Je suis trop contente de pouvoir me promener partout sur la scène, parler aux gens, les voir, leur chanter des choses qui vont durer trois minutes à chaque fois.

LFB : C’était ton rêve de monter sur scène ?

Nina : Ouais, carrément. J’avais déjà fait des petits concerts avant. Quelques uns dans des clubs, mais pas en mon nom, pas avec mes chansons et là, c’est complètement une autre envergure de faire toutes ces scènes maintenant, c’est incroyable. C’est un rêve, c’est déstabilisant, c’est hyper excitant, enfin ce n’est pas trop une vie d’humain normal, mais c’est génial.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année 2023 qui commence ?

Nina : Plein d’autres concerts, que je compose des belles chansons, que j’écrive des belles chansons pour la suite.

LFB : Dernière question : est-ce que tu as réalisé quand tu as choisi ton nom d’artiste, NINA, que c’était une galère pour le référencement et un enfer pour te trouver ?

Nina : Non, non, justement, je n’y avais pas pensé. En même temps, j’aurais pas fait autrement je pense, parce que je me voyais vraiment pas m’appeler autrement que mon prénom. Mais du coup, j’ai mis Ninaldente parce que c’est marrant, dans les pâtes. Je me dit qu’une fois que le public m’aura suivi, ça va le faire quoi. Mais de toute façon, les trucs Nina musique, Nina machin, tout est déjà pris, et puis c’est un peu nul de mettre ton nom avec musique derrière. Je préfère un bon petit pseudo rigolo et au moins, les gens retiennent.

LFB : C’est vrai qu’on le retient.

Nina : Bah ouais, Ninaldente c’est sympa. Même quand je suis sur scène, ça me fait trop rire. Je leur fais : « Mon nom sur insta, c’est ninaldente, est-ce que vous kiffez les pâtes » ? C’est drôle, quoi. Un peu de légèreté.

LFB : Oui, par rapport à ta musique qui est hyper sérieuse, pour le coup.

Nina : Bah ouais, tu vois. Moi, je suis quelqu’un d’assez drôle dans la vie. Enfin, je suis un petit clown quoi. J’aime bien rigoler.

Crédit Photos : Clara de Latour

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