Nilüfer Yanya : « je pense qu’à la base la musique et l’art vivent à travers les gens »

Nilüfer Yanya, une Miss Univers effrontée et endurcie ? Derrière deux albums aux titres évocateurs d’un sentiment de puissance et de confiance en soi, les morceaux de la jeune compositrice aux influences 90s révèlent sa vulnérabilité, ses doutes et ses angoisses. Mais cette fois, point d’interludes et de narration sur PAINLESS : l’album, à la fois plus ouvert et plus compact, prend la forme intime de l’exutoire. Rencontre à trois voix avec Nilüfer Yanya qui nous confie ses besoins d’évasion, sa distance prise avec une identité londonienne tant (trop) revendiquée, et son sens de la communauté.

Nilüfer Yanya par Inès Zouane

VERSION ANGLAISE PLUS BAS / ENGLISH VERSION BELOW

La Face B : Nous étions en train de dire que tes deux albums étaient totalement différents en ce qui concerne les sentiments que tu y mets. Tu as dit dans une interview que le nouvel album était plus intime. Comment te sens-tu à ce sujet, à l’idée de montrer cette partie au monde ? Est-ce stressant ?

Nilüfer Yanya : Pas vraiment, non. Je pense que c’est plus intime parce que je ne cache rien. Le premier album avait une sorte d’histoire et des interludes, et c’est aussi quelque chose dont on peut parler. Quelque chose à dire, « Voilà de quoi parle l’album ». Mais cette fois, les chansons sont juste des chansons. Elles sont un peu plus ouvertes. Je pense que l’écriture était un peu plus instinctive. Je n’ai pas essayé de tout dissimuler. C’est donc un peu plus simple d’une certaine manière.

La Face B : Il s’agit donc de ta vie personnelle ?

Nilüfer Yanya : Oui, je dirais que oui ! Je pense que toutes les chansons sont comme une retraite de tes expériences personnelles que tu ne peux pas… Je veux dire que tu peux inventer des choses, mais tu ne peux pas tout inventer. Oui, c’est moi.

La Face B : On s’est dit que ça avait l’air cathartique, parce que tu parlais beaucoup de la douleur, d’être « sans douleur » ou « sans pudeur »… Est-ce que l’écriture de la chanson a été cathartique d’une quelconque manière ?

Nilüfer Yanya : Oui ! Parce que pendant la première année, je n’ai rien écrit. Comme après la pandémie de 2020… Après avoir terminé l’album et la tournée, je me disais : « Ok, je vais aller écrire ». Et pendant toute l’année, je me sentais comme si je n’avais aucune inspiration, aucune idée. Alors j’ai continué à travailler dessus et j’ai commencé à écrire, et j’étais vraiment heureuse d’écrire. J’avais l’impression de laisser sortir beaucoup de choses que je gardais en moi.

La Face B : Donc l’album a un sentiment plus positif ?

Nilüfer Yanya : Oui ! Je veux dire que c’était comme si l’inspiration n’était pas là. J’ai l’impression que beaucoup de chansons sont venues de cet endroit de… Je ne savais pas quoi faire… Je ne peux pas croire… Il n’y a rien en moi. C’était une sorte d’inspiration.

La Face B : Le monde dans lequel vous vivez vous inspire, mais quand vous n’avez rien à faire, comme pendant la pandémie, c’est plus difficile.

Nilüfer Yanya : C’est difficile, oui, mais je pense que cela a inspiré ce genre d’histoires dans les chansons.

La Face B : Oui mais je pense que tu as révélé beaucoup de vulnérabilité, de peurs et de doutes dans ce nouvel album, même si le titre évoque la force et la confiance en soi. Quel genre de sentiments voulais-tu transmettre à travers cette musique ? Comme tu l’as dit, le premier album racontait une histoire, il y avait de la narration, avec les interludes, alors que celui-ci est plus court, plus compact.

Nilüfer Yanya : Je ne sais pas, je n’ai pas vraiment réfléchi à ce que je voulais transmettre. Je pense que je savais que je voulais une musique plus simple, je suppose. Je ne sais pas si les chansons sont plus simples, mais les paroles vont plus droit au but, et sont plus claires dans le message. Parce que j’ai l’impression que ma façon d’écrire est encore un peu vague, mais elle peut quand même avoir un aspect plus universel. Je ne suis pas vraiment parti avec une idée. Je pense que ça parle beaucoup des environnements, et de la façon dont l’environnement influence et comment tu intériorises ce qui est à l’extérieur. Quand on a l’impression d’être toujours au même endroit et de toujours faire les mêmes choses. Et donc je me sentais comme ça, « Ok, le premier album est fait », et puis le monde s’arrête et vous vous dites, « Ok, qu’est-ce que je fais maintenant ? ». Et tu es la même personne, rien n’a changé. Alors tu as l’impression de devenir fou, c’est ce que beaucoup de gens ont ressenti, je pense. Tu ne peux pas te voir partir, tu ne peux pas te voir aller de l’avant. Tu n’arrives pas à visualiser les prochaines étapes de ta vie. C’est comme s’il n’y avait pas d’échappatoire, d’une certaine manière.

La Face B : C’est terrifiant.

Nilüfer Yanya : Oui, c’est terrifiant ! Mais il y a un échappatoire, en même temps ! C’est comme si tu avais besoin de le voir, mais je pense que beaucoup des sentiments dont je parlais, comme le fait de ne pas être capable de le voir, c’est une sorte d’espoir/de désespoir.

Nilüfer Yanya par Inès Zouane

La Face B : Oui, il y a une dualité. Tu as dit que le monde dans lequel tu vis a un impact sur toi, alors pendant cette période bizarre, que fais-tu pour être plus paisible ?

Nilüfer Yanya : J’aime faire de longues promenades en dehors de Londres, m’éloigner quand on peut. Tu peux prendre un train, même pour la journée, juste pour être ailleurs. Beaucoup de lecture, évidemment, lire des livres qui ne sont pas sur mon téléphone. Toutes les sortes d’évasions qui sont toujours là. Je pense que ce sont les meilleures choses à faire. Apprendre de nouvelles choses… Juste sortir de sa propre tête.

La Face B : Où as-tu enregistré l’album ?

Nilüfer Yanya : Principalement à Londres. Nous avons fait un peu d’écriture dans le studio de mon oncle, qui est à la campagne au bord de la mer. Nous avons donc passé une semaine là-bas. Et nous y sommes retournés pour faire les voix parce que c’est un espace vraiment agréable, tu peux te concentrer et les voix avaient beaucoup de détails. Donc oui, mais c’était comme si nous avions envie d’évasion pendant que nous enregistrions.

La Face B : Il y a une sorte d’esthétique industrielle, comme sur la pochette. Nous nous sommes interrogés sur le choix qui se cache derrière, car cela ressemble à un collage d’art de rue. Nous nous sommes interrogés sur la corrélation entre tes visuels et ta musique, qui est un peu comme un patchwork aussi, de sons, de notes et de silences.

Nilüfer Yanya : C’est vrai. Je me suis amusée, parce que j’essayais d’imaginer toutes les chansons, en me disant que si elles faisaient partie de la ville, à quoi elles ressembleraient. J’essayais donc de créer une ville inventée d’une manière à laquelle je pouvais m’identifier. C’est une sorte d’imaginaire, mais aussi une réalité.

La Face B : Encore de l’évasion !

Nilüfer Yanya : (rires) Oui ! Mais c’est vraiment facile d’embellir les villes, de dire « Oh, c’est magnifique », ou autre chose. Et quand on y est, on se dit : « C’est juste une ville « , tu vois ?

La Face B : Ouais, c’est ce que tu imagines dans ta tête. Par exemple Paris est un rêve, quand tu n’y es pas, tu te dis « C’est vraiment merveilleux », et bien sûr ça l’est, mais ensuite quelque chose disparaît… La magie de la chose que tu ne peux pas avoir.

Nilüfer Yanya : Oui… Le fantasme est peut-être réel mais, peut-être trop réel ?

La Face B : Oui, et ce que tu as dans ta tête est toujours plus idéalisé que ce que tu vas vivre dans la vie quotidienne.

Nilüfer Yanya : Exactement, la réalité est assez dure. De toute façon, tu grandis au même endroit toute ta vie et tu commences à te sentir comme ça (rires).

La Face B : Tu as vécu à Londres toute ta vie ?

Nilüfer Yanya : Oui, c’est cool, c’est génial, c’est une bonne ville. Mais il y a d’autres endroits, d’autres mondes, où l’on peut vivre. Quand on grandit dans le nord-ouest, on oublie ça.

La Face B : Surtout dans une ville aussi grande que Londres où tout se passe…

Nilüfer Yanya : Oui, cela devient ton identité.

La Face B : Nous avions une question sur la figure de l’ange que tu as utilisé dans la vidéo de Midnight Sun, qui apparaît plus d’une fois. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que l’ange pour toi ?

Nilüfer Yanya : Eh bien, ça vient des œuvres d’art, j’avais comme des ailes roses, elles viennent en fait d’un flamant rose. J’aimais beaucoup ce flamant rose parce qu’il était plein d’espoir et avait des couleurs vives et une sorte d’énergie tropicale. Donc, nous avions vraiment envie de recréer cela dans le visuel. C’était vraiment amusant à faire et cela symbolise la liberté, et peut-être aussi un côté moins sérieux. C’est aussi un peu ridicule (rires).

La Face B : Je pense que c’est charmant. Nous parlions d’évasion, et des ailes… Parce que c’est un accessoire que tu as utilisé auparavant, dans une autre vidéo.

Nilüfer Yanya : Oh oui, Heavyweight Champion ! Les blanches.

La Face B : Oui ! Mais y-a-t-il un lien ou est-ce que c’est aléatoire ?

Nilüfer Yanya : Je pense que lorsque je fais un truc je me dis : « Ça a l’air bien, refaisons-le  » ou  » Faisons-le bien cette fois-ci parce que nous ne l’avons pas fait correctement cette fois-là  » (rires).

La Face B : En parlant à nouveau de Londres, le ciel gris et lugubre dans la vidéo de Midnight Sun me faisait penser au son rave dépressif de Burial. J’ai l’impression qu’il y a une similitude dans votre son… Votre musique est souvent comparée à des groupes des années 90 de type alt-rock, mais je pense qu’il y a aussi quelque chose qui a à voir avec la scène électronique britannique. Je ne sais pas si c’est une influence pour toi ? Nous nous demandions quelles étaient les principales sources de cet album en général.

Nilüfer Yanya : Je pense que cela a toujours été une influence principale dans ma musique, ce genre de son lo-fi et grunge des années 90. J’ai l’impression que c’est un son assez naturel pour moi. Mais selon les personnes avec qui je travaille, certaines ne sont pas vraiment à fond dedans ou ne le font pas ressortir autant. Mon ami Will Archer, avec qui j’ai fait la plupart des chansons, est vraiment bon pour faire ce son des années 90. Il a fait beaucoup de guitares. Ouais, ça sonnait juste très convaincant. Et souvent, je pense que les gens se retirent de ça, comme « Oh, je ne veux pas que ça sonne trop comme ça », mais nous y sommes allés à fond, pour que ça sonne vraiment comme je l’avais imaginé dans ma tête.

La Face B : Tu travailles aussi avec ta famille et tes amis.

Nilüfer Yanya : Des gens proches, oui !

La Face B : C’est important pour toi de travailler avec ton entourage ?

Nilüfer Yanya : Oui, c’est facile. Pour moi, c’est comme ça que j’obtiens les meilleurs résultats de toute façon. Tu ne peux pas te dire « je vais aller à Los Angeles et travailler avec quelqu’un que je ne connais pas « . C’est un gros risque, non ? (rires) C’est un risque coûteux, c’est un peu stressant. Je préfère ne pas être stressé en me demandant : « Est-ce que j’aime cette personne ? Est-ce que je vais aller dans son sens ? », plutôt que, « Faisons juste de la musique, oh ça sonne bien » et continuer à travailler dessus. Oui, je pense que c’est juste la façon dont j’aime travailler.

La Face B : Et c’est réconfortant de travailler avec des personnes proches de toi.

Nilüfer Yanya : Oui, et c’est une honte de ne pas travailler avec des gens juste parce que tu as déjà travaillé avec eux. Il n’est pas nécessaire que ce soit tout le temps nouveau !

La Face B : Surtout si tu fais un si bon travail et que tout fonctionne.

Nilüfer Yanya : Je pense que c’est important d’expérimenter.

La Face B : La dernière fois que je t’ai vu, c’était à Paris en 2018, et je me demandais si tu avais une configuration live différente cette fois-ci.

Nilüfer Yanya : C’était un groupe ?

La Face B : Oui.

Nilüfer Yanya : Oui, et bien je pense que c’est un peu similaire. On a toujours la batterie, la basse, le synthé, le sax. Je ne peux pas vraiment me souvenir de ce que c’était en 2018, mais ce n’est probablement pas trop différent.

La Face B : Peux-tu nous présenter tes musiciens live ?

Nilüfer Yanya : Oui, donc nous avons Jazzy Bobby, qui a également produit certaines des chansons que nous avons écrites ensemble, elle fait du saxophone. Et puis Beth fait la basse, et Alice Depuy fait la batterie, comme c’était le cas avant.

La Face B : Et ta petite sœur n’était-elle pas avec toi ?

Nilüfer Yanya : Oui, parfois elle fait le chant ! Mais elle a sa vie (rires), elle est occupée. Peut-être sur certains festivals au Royaume-Uni, mais c’est un peu difficile quand tu es en tournée d’amener plus de gens, c’est plus cher donc tu dois être un peu restrictif.

La Face B : Vas-tu continuer à faire des vidéos avec ta grande sœur ?

Nilüfer Yanya : Oui, je pense que nous aimons vraiment travailler ensemble en ce moment, alors pourquoi changer cela ? Tu peux planifier à l’avance, c’est assez utile.

La Face B : Comment tu t’es retrouvée à réaliser une vidéo au Sri Lanka ? C’était pendant tes vacances ?

Nilüfer Yanya : En quelque sorte. Mon petit ami y allait parce que son oncle a déménagé là-bas, alors j’y suis allée et quand j’ai dit à ma sœur que j’y allais et elle m’a dit : « On devrait faire une vidéo !” et j’ai répondu : « Absolument”.

La Face B : Des vacances productives ! Pourquoi ne pas faire une vidéo dans un beau pays où tu as eu tant de beaux souvenirs !

Nilüfer Yanya : Exactement !

La Face B : Je pensais que tu y étais allée parce que ta grande sœur a fondé une organisation communautaire à l’étranger. Est-ce qu’elle existe toujours ?

Nilüfer Yanya : Oui, elle existe toujours ! Nous avons juste peu de temps pour réfléchir aux prochaines étapes. Mais nous allons toujours rester, en travaillant avec les communautés que nous connaissons.

La Face B : Cela se passe à Londres ?

Nilüfer Yanya : Oui, pour le moment nous sommes à Londres. Cela dépend en fait parce que nous avons un groupe de personnes avec qui nous travaillons à Londres, donc les ateliers étaient au Sud mais aussi au Nord. Nous avons dispensé nos projets aux enfants pendant la pandémie, et maintenant qu’elle arrive à sa fin, nous allons pouvoir refaire de vrais ateliers.

La Face B : As-tu participé à certains de ces ateliers ?

Nilüfer Yanya : Oui, j’avais l’habitude d’aller tout le temps en Grèce. J’y allais environ trois fois par an. A cause de la pandémie, tout a changé. Mais oui, je déposais les dossiers d’art et autres choses.

La Face B : En travaillant avec l’association de ta sœur, est-ce vraiment important pour toi que ta musique soit un moyen d’exprimer quelque chose, d’aider les autres ?

Nilüfer Yanya : En tant que personne, je pense vraiment que c’est une chose cool de pouvoir aider les autres et de se connecter avec les gens et de montrer son soutien aux autres. Et je ne pense pas nécessairement à ça quand il s’agit de faire de la musique parce que c’est plus une chose personnelle. Mais je pense que le fait de pouvoir faire de la musique est un privilège, j’ai de la chance de pouvoir le faire. Alors si je peux aussi l’utiliser comme un moyen de mettre en lumière les choses qui me tiennent à cœur… Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas le faire ?

La Face B : C’est génial de partager la musique avec les gens.

Nilüfer Yanya : Parce que l’industrie est un peu sans âme. Elle peut devenir très superficielle. Ça me rend parfois un peu malade.

La Face B : C’est un business, comme le monde de l’art, le marché de l’art.

Nilüfer Yanya : Exactement, je pense qu’à la base la musique et l’art vivent à travers les gens. Pourquoi devrais-je tracer une ligne entre ces deux choses ?

La Face B : N’as-tu jamais eu l’impression d’être arrêté par des personnes dans le monde de la musique ? De faire ce que vous vouliez faire ? D’avoir une vision indépendante ?

Nilüfer Yanya : Je pense qu’il y aura toujours une pression pour faire ce qui est cool et faire ce qui est attendu. J’ai juste besoin de me rappeler que j’aime faire ça que si je fais ce que j’ai envie de faire. Peu importe si c’est cool ou pas, si tu n’es pas capable de t’amuser ou si tu as l’impression de ne pas avoir le contrôle, ça ne vient plus de toi. 

La Face B : Et en tant que femme sur scène avec une guitare, étant donné l’histoire de la musique, qui a plus mis en avant les garçons avec des guitares, est-ce que tu ressens plus de pression, est-ce que c’est plus stressant de jouer ?

Nilüfer Yanya : Je ne sais pas, je pense que sur scène, j’ai un peu plus l’impression d’être une personne et non une femme, en général. Mais je pense que oui, être une femme dans n’importe quel environnement est juste un peu compliqué. Mais sur scène c’est la façon dont les gens le voient.

La Face B : J’ai l’impression que tu ne crées pas vraiment la musique que l’on attend de toi ?

Nilüfer Yanya : Oui, les gens pensent que ma musique est plus ethnique, ou plus world music, ou plus r&b. Oui, c’est évidemment ridicule, et c’est projeté sur toi.

La Face B : C’est vrai, ce n’est pas parce que vous avez un nom turc que vous devez jouer du saz sur votre album.

Nilüfer Yanya : Exactement ! Je ne vais pas jouer un album entier de saz, je ne ferais pas ce que l’on attend de moi. Parce qu’évidemment quand tu es dans ta propre vie, dans ton propre monde, ce sont des questions personnelles, des parties personnelles de ta vie. Et c’est la même chose avec le fait d’être une femme, vous n’y pensez pas jusqu’à ce que tout le monde te demande comment tu te sens à propos de ce sujet ? ».

La Face B : Et ça aide quand on est entouré de personnes en qui on a confiance.

Nilüfer Yanya : C’est vrai. Je ne m’en sortirais pas si bien si j’étais plutôt dans la scène pop ou autre. Parce que c’est un environnement à très haute pression, et je ne vois pas comment les gens peuvent rester sains d’esprit.

La Face B : Ils ne le sont pas (rires).

Nilüfer Yanya : İls ne le sont pas ! Mais même pendant un an, une semaine, je me dirais  » Oh mon Dieu  » ! (rires)

Nilüfer Yanya par Inès Zouane

ENGLISH VERSION

La Face B: We were saying that your two albums were totally different regarding the feelings you display in them, because you said in an interview that the new album was more intimate. So how are you feeling about that, about showing this part to the world ? Is it stressful ?

Nilüfer Yanya: Not really, no. I think it’s more intimate because I’m not like covering anything up. Like the first album had like a kind of story and like these interludes, and it’s something to talk about as well. Something to say, « This is what the album is about ». But like this time, it’s like, the songs are just the songs. So they’re a bit more open. I think the writing on it was a bit more like, instinctive. I didn’t try to cover it up so much. So it’s a bit simpler in a way.

La Face B: So it’s about your personal life?

Nilüfer Yanya : Yeah I would say so! I think all the songs are a like a retreat from your personal experiences that you can’t… I mean you can make things up, but you can’t make everything up. Yeah, it’s from me.

La Face B: We thought it sounded cathartic, because you talk a lot about pain, being « painless » or « shameless »… Was the songwriting cathartic in any way?

Nilüfer Yanya : It was! Because for the first year, I didn’t write anything. Like after the 2020 pandemic… After I finished the album and the touring, I would go like, « Okay, I’m gonna go do some writing. » And like, for the whole year, I felt kind of like I didn’t have any inspiration, no ideas. So I kept working on this and actually started writing up, and I was just really happy to be writing. I was just kinda feeling like I was letting a lot of things out that I’d been holding in.

La Face B: So the album has a more positive feeling?

Nilüfer Yanya: Yeah! I mean it was like the inspiration was not being inspired. I feel like a lot of the songs just came from this place of like… I didn’t know what to… I can’t believe… Yeah, there’s nothing inside of me. That was kind of inspiring.

La Face B: The world you live in inspires you, but when you don’t have something to do, like in the pandemic, it’s more difficult.

Nilüfer Yanya: It’s difficult yeah, but I think that did inspire the kind of stories in the songs.

La Face B: Yeah but I think you disclosed a lot of vulnerability and fears and doubts in the new album, even though the title evokes strength and self-confidence. What kind of feelings did you want to convey through this music? Because as you said, the first album was telling a story, there was narrative, with the interludes, whereas this one is shorter, more compact.

Nilüfer Yanya: I don’t know, I didn’t really think about what did I want to convey. I think I know I wanted the music to be simpler, I guess. I mean, I don’t know if the songs are simpler, but the lyrics  can be more straight to the point, and be clearer in the message. Because I feel like the way I write is still kinda vague, but it can still have more of an universal aspect to it. I didn’t really go in with an idea. I mean, I think it talks a lot about environments, and the way your environment impacts you and how you internalize what’s on the outside. When you feel like you’re always in the same place and you’re always kind of going through the motions. And so I felt like that, you know like, « Okay, first album done », and then the world kind of stops and you’re like, « Okay, what do I do now? ». And you’re the same person, nothing’s changed. So you kind of feel a bit like you’re going crazy, which I think a lot of people felt like. You can’t see yourself leaving, you can’t see yourself moving onward. You can’t visualize the next steps in your life. So it’s like, there’s no escape, in a way.

La Face B: That’s terrifying.

Nilüfer Yanya: Yes that’s terrifying! But there is an escape, at the same time! It’s like you just need to kind of see it, but I think a lot of the feelings I was talking about, as not being able to see that, not feeling that you can… It’s a kind of hopeful/hopelessness.

La Face B: Yeah, there’s a duality. And you said that the world where you live impacts you, so during this weird period, what do you do to be more peaceful?

Nilüfer Yanya: I like going on long walks outside of London, getting away when you can. You can just get a train even for the day, just to be somewhere else. A lot of reading, obviously, reading books not on my phone. Yeah, all the kind of escapes that are always there. I think they’re the best things to do. Learning new things… Yeah, just kind of getting out of your own head.

La Face B: Where did you record the album?

Nilüfer Yanya: Mainly in London. We did a little bit of writing in my uncle’s studio, which is in the countryside by the sea. So we did one week there. And the we went back to do the vocals because it’s a really nice space, and you can focus and the vocals had lots of details. So yeah, but it was like we were pining for the escape while we were recording.

La Face B: There’s a sort of industrial vibe, like on the cover. We were wondering about the choice behind it, because it looks like a street art collage. We were wondering about the correlation between your visuals and your music, which is kinda like a patchwork as well, of sounds, notes and silences.

Nilüfer Yanya: That’s true. Yeah, I just made it from lots of different places, photos I’ve taken on my phone or photos my sister’s taken… I just had fun, cause I was trying to picture all the songs, imagining if they were part of the city, what would they look like. So I was trying to create like a made up city in a way that I can relate to. It’s kind of a fantasy, but also a reality.

La Face B: Escapism again!

Nilüfer Yanya: (laughs) Yeah! But it’s really easy to like, glamourize cities, like « Oh it looks amazing », whatever. And then when you’re there you’re like, « It’s just a city » you know?

La Face B: Yeah, it’s what you imagine in your head. Like, Paris is a dream, when you’re here you’re like « It’s really wonderful », and of course it is, but then something just disappears… The magic of the thing you can’t have.

Nilüfer Yanya: Yeah… The fantasy maybe is real but, it’s so real, maybe it’s too real?

La Face B: Yeah, and what you have in your head is always more idealistic than what you are going to live in the daily life.

Nilüfer Yanya: Exactly, the reality of it is quite hard. Anyway, you grow up in the same place your whole life and you start to feel like that (laughs).

La Face B: You were in London your whole life?

Nilüfer Yanya: Yeah, which is cool, it’s great, it’s a good city. But there are other places, there are other worlds, you can live. When you grow up in the northwest you forget that.

La Face B: Especially in a city as big as London where everything is happening…

Nilüfer Yanya: Yeah, it becomes your identity.

La Face B: We had a question about the figure of the angel that you’ve used in the video of Midnight Sun, which appeared more than once. What is it? What is the angel for you?

Nilüfer Yanya: Well it came from the artwork, I had like pink wings, they’re actually from a flamingo. I just really liked it because it had this hopeful and bright colour and kind of a tropical energy. So we were really fond to recreate that as a visual. Yeah, and I think it was just really fun to make and it kind of symbolizes the freedom, and maybe a less serious side, as well. It’s also kinda ridiculous (laughs).

La Face B: I think it’s lovely. We were talking about escaping, and the wings… Because it’s a prop that you’ve used before, in another video.

Nilüfer Yanya: Oh yeah, Heavyweight Champion! The white ones.

La Face B: Yes! But I don’t know if there’s a link or if that’s random?

Nilüfer Yanya: I think when I just find myself doing this thing and I’m like, « That looks good, let’s do it again » or « Let’s do it right this time because we didn’t do it properly that time » (laughs).

La Face B: Talking about London again, I thought somehow London’s gray and gloomy sky in the video for Midnight Sun made me think of Burial’s depressive rave sound. I don’t know why, but I feel like there’s a similarity in your sound… Because your music often gets compared a lot to like alt-rock 90s band, but I think there is also something that has to do with the UK electronic scene. I don’t know if that’s an influence for you? We were wondering what were the main sources of this album in general.

Nilüfer Yanya: I think it’s always been a main influence in my music, this kind of like ninety-grungy, lofi kind of sound. I feel like it’s a quite natural sound for me. But like, depending on who I’m working with, some people aren’t really, like, into it or don’t bring it out as much. Me and my friend Will Archer, who I did most of the songs with, I think the 90s ones you’re referring to, he’s really good at doing that sound. So I think it was like, working together on that, and he did lots of guitars, and it’s just… Yeah, it just sounded very convincing. And like, a lot of times I think people will often pull back from that, like « Oh I don’t want to make it sound too much like that », but we were like « Yeah let’s go for it », so that it sounds really the way you kind of imagined it in your head.

La Face B: You work with your family and friends.

Nilüfer Yanya: Close people, yeah!

La Face B: Is it important for you to work with your community?

Nilüfer Yanya: Yeah, I mean it’s easy. For me, it’s how I get the best results anyway. Like, you can’t be « Okay, I’m gonna go to LA, and work with someone I don’t know ». Like, you kinda need a lot of… It’s quite a big risk right? (laughs) It’s kind of an expensive risk to make like, it’s a bit stressful. I’d rather not be stressed out thinking, « Do I like this person? Am I going to go along with them? », rather than, « Let’s just make some music, oh it sounded good » and keep working on it. Yeah, I think it’s just the way I like working.

La Face B: And it’s comforting to work with close people around you.

Nilüfer Yanya: Yeah, and it feels like a shame not to work with people just because you’ve already worked with them. Doesn’t have to be new, new, new, new!

La Face: Especially if you do such a good job, if everything works.

Nilüfer Yanya: I think it’s important to experiment, but like, you know.

La Face B: Last time I saw you was in Paris in 2018, and I was wondering if you had a different live setup this time.

Nilüfer Yanya: Was it a band?

La Face B: Yes.

Nilüfer Yanya: Yes, well I think it’s kind of similar. We still got drums, bass, synth, sax. So I can’t really remember what it was in 2018, but it’s probably not too different.

La Face: Can you introduce us to your live musicians?

Nilüfer Yanya: Yes, so we got Jazzy Bobby, who also produced some of the songs we wrote together, she’s doing saxophone. And then Beth is doing bass, and Alice Depuy is doing drums, as it used to be.

La Face B: And didn’t you have your little sister with you?

Nilüfer Yanya: Yes sometimes she does the vocals! But she’s just got her life (laughs), she’s busy. Maybe on some festivals in the UK, but it’s kind of difficult when you’re touring to bring more people, it’s more expensive so you have to be a bit restrictive.

La Face B: Are you gonna keep on doing videos with your big sister?

Nilüfer Yanya: My sister yeah, I think we really enjoy working together at the moment, so why change it? You know. You can plan ahead, it’s pretty useful.

La Face B: How did you end up directing a video in Sri Lanka? Was it during your holidays?

Nilüfer Yanya: Kind of. My boyfriend was going there because his uncle moved there, so I said, « Yeah I’ll come », and I told my sister I was going and she was like, « We should make a video! » and I was like, definitely.

La Face B: Productive holidays! Why not make a video in a beautiful country where you had so many beautiful memories, yeah!

Nilüfer Yanya: Exactly!

La Face B: I thought maybe you went because, your big sister founded a grassroots community organization abroad. Does it still exist?

Nilüfer Yanya: Yes, still running! We’re just having a bit of reflective time to like, work out the next steps. But we’re still gonna stay grassroots, working with communities that we know.

La Face B: Does it take place in London?

Nilüfer Yanya: Yeah at the moment we’re in London. It actually depends because we have a group of people we’re working with in London, so the workshops were South but also North as well. We were dropping off our projects to children during the pandemic, and now it comes to an end, so maybe we can do real workshops again.

La Face B: Did you participate in some of the workshops?

Nilüfer Yanya: Yeah, I used to go like all the time to Greece when we went, I used to go like three times a year. Because of the pandemic, everything kind of changed. But yeah, I was dropping off the art packs and stuff.

La Face B: Working with your sister’s association, is it really important to you to have your music talking about and being a way to express something, to help others?

Nilüfer Yanya: I think it’s more like… As a person, I really think it’s a cool thing to be able to help other people and connect with people and show your support with other people. And I don’t necessarily think about it when it comes to making music because that’s more like a personal thing. But I think the fact that I get to make music is a privilege, I’m lucky I get to be able to do that. So if I can also use that as a way to bring like, shine a light on the things I also care about… Why not? Why shouldn’t it do that?

La Face B : That’s amazing to share music with people.

Nilüfer Yanya: Because the industry gets a bit soulless. It can become very surface-like. It makes me feel a bit sick sometimes.

La Face B : It’s a business, like the art world, the art market.

Nilüfer Yanya: Exactly, I think the foundation of music and art lives in communities, and why would I draw a line between those two things, like. Anyways… Give it back to people. Yeah.

La Face B: Did you ever feel like you were being stopped by, not necessarily your team, but other people in the music business? From doing what you wanted to do, like involving your closed ones? Having a independent vision?

Nilüfer Yanya: I think there’s always gonna be a pressure to like, do what’s cool and maybe do what’s expected, so… It’s kind of, I just need to remind myself like, I’m only gonna enjoy doing this if I’m doing what I want to do. Doesn’t even matter how cool is it, like if you’re not able to enjoy yourself or feel like you’ve got no control over it, it’s not you anymore. It’s like, what’s the point?

La Face B: And like, as a woman on stage with a guitar, given the history of music like, boys with guitars, do you feel more pressure, is it more stressful to play? Do you have experience about it?

Nilüfer Yanya: I don’t know, I think on stage it feels a bit more like I’m a person and not a woman, in general. But I think yeah, being a woman in any environment is just kind of long (?). But like on stage, generally, I don’t really… But it’s the way people see it.

La Face B: I mean, like in people’s minds, a woman shredding a guitar isn’t expected, people can be like « Wow, she’s doing guitar, she’s not singing in the back ».

Nilüfer Yanya: I guess it feels possibly like, quite empowering, but…

La Face B: Because I feel like you don’t really create music that’s expected from you. I’ve read some stuff about you like, enhancing the fact that you’re mixed race. And like, emphasizing the fact that you’re mixed race, but that you also make alt-rock, indie rock. And somehow it’s supposed to be weird.

Nilüfer Yanya: Yeah, yeah, people think your music is more ethnic, or more world music, or more r&b. Yeah, it’s ridiculous obviously, and it’s projected onto you.

La Face B: Right, just because you have a Turkish name doesn’t mean that you have to play the saz on your album.

Nilüfer Yanya: Exactly, and I’ve used it on this album and everyone was like, « Wow, so you really connect to your identity! » (laughs) I was like, it was just there, it sounded cool! I’m not gonna play a whole album with the saz right, I would do what’s expected of me. Because obviously when you’re in your own life, in your own world, you’re not thinking whether I can’t, like… These are personal questions, personal parts of my life. Like, music is music. And it’s the same thing with being a woman, I think it’s like, you know, you don’t think about it until everyone’s like, « How do you feel about it? ».

La Face B: Yeah. Of course it helps when you’re surrounded by people you trust.

Nilüfer Yanya: It’s true, yeah. I wouldn’t do very well if I were more in the pop scene or something. Because it’s a very high pressure environment, and I don’t see how people stay sane.

La Face B: They don’t (laughs).

Nilüfer Yanya: They don’t! But like, even for like a year, like a week I’d be like « Oh… my God !» (laughs)