On a parlé Chansons Grunge avec Moto

Depuis son premier titre La Soirée Disco, Moto nous a mis dans sa poche et son premier EP, Chansons Grunge, n’a fait que confirmer cette idée. Une musique directe, sensible et faite pour être partagée. On est donc parti à sa rencontre pour en savoir plus et parler de poésie, de son rapport à la guitare, du besoin de composer seule mais de jouer avec les autres et du retour du rock en France.

LFB: Salut Félicie, comment ça va ?

Moto: Ça va bien car je pars en vacances demain matin! Avant de faire le zoom, je commençais à faire ma valise tout ça donc ça va je suis contente! Je suis dans un bon mood.

LFB: Avant de parler de Moto, je voudrais revenir un peu en arrière. Je me demandais comment s’était faite la transition entre Ambrose, ton précédent projet, et Moto ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de partir sur quelque chose de « solitaire » ? Bien que j’aie l’impression que Moto ne soit pas vraiment un projet solo. 

Moto: On a sorti deux EP donc ça faisait un moment qu’on faisait de la musique ensemble. Moi, petit à petit je sentais que j’avais des envies musicales un peu différentes. Et puis, j’avais un truc qui me faisait souffrir dans le groupe, c’est de faire tout le temps des compromis en fait. Au bout d’un moment, j’avais l’impression que ça n’allait pas dans le sens de la musique. C’est presque anti-créatif le compromis.

Ce truc-là commençait à me trotter dans la tête, ça ne me convenait plus. Le déclic, ça a été aussi le changement de la langue. J’ai commencé à écrire en français, un peu par accident c’est-à-dire que j’ai écrit un morceau qui n’est jamais sorti mais c’est l’histoire de moi-même où je flâne dans les rues et la chanson raconte que je suis fauché. Je passe devant un Franprix et je réfléchis à tout ce que je pourrais dépenser. Je me suis dis que j’allais en faire une chanson pour Ambrose. J’ai voulu traduire mais je me suis retrouvée dans la situation où je devais traduire le Franprix mais je n’allais pas mettre une enseigne d’un truc que je ne connais pas, qui n’est pas dans ma vie.

J’ai eu un déclic en me disant que ça disait justement ce truc où j’ai envie d’être au plus proche de ma vie et le plus sincère et personnelle possible. Et ça va passer par la langue française et je pense que ça a été un peu la bascule aussi. Ambrose on ne le voyait pas en français donc le truc du compromis plus l’envie de faire des textes un peu plus perso, ça m’a donné envie de faire autre chose.

LFB: En tant que musicienne, ton rapport au français il était à quel niveau? 

Moto: Quand j’étais beaucoup plus jeune, j’avais déjà écrit en français après j’ai complètement arrêté. Même dans mon groupe de lycée, j’écrivais en anglais. Parce que quand on était ado c’était cool et c’était la mode, on écouté les strokes etc… Ça n’est pas parti mais je ne me suis jamais reposée la question en fait. Pour se dire les choses, je pense qu’on se cache aussi.

Aujourd’hui, quand je relis des textes ou que j’écoute des trucs d’Ambrose, il y a des textes que j’aime beaucoup mais je les trouve mine de rien très différents de ce que j’écris aujourd’hui parce qu’il y avait quelque chose de très généraliste, très lyrique, un peu vague, très poétique.
Aujourd’hui, j’ai envie d’une écriture beaucoup plus mûre, concrète et rentre dedans.

LFB: Est-ce que tu ne l’as pas vécu comme une sorte de libération, le fait d’assumer le français? Au vu du premier EP que tu as sorti, tu peux te permettre des thèmes beaucoup plus variés de ce que tu ne pouvais faire avant, tu sembles moins limitée dans ce que tu fais. 

Moto: C’était une libération car le français mine de rien comme c’est ma langue natale, ça me permet de jouer sur plein de niveaux de sens, d’endosser des personnages différents. Franchement, ça a été une révélation pour moi.

Je pense aussi qu’on est très complexé parce qu’il y a des gens qui écrivent tellement bien en français! Petit à petit, j’ai réussi à trouver mon truc. Je pense qu’ au début quand tu commences à écrire, il y a cette sensation de repartir de zéro. C’est à dire qu’il fallait que je retrouve des automatismes, des méthodes d’écritures que j’avais trouvé en anglais. Au début, il y a une sensation de perdition et j’ai commencé à me trouver mon ton, le truc qui me plaisait. A partir de là, c’est que du plaisir car ça libère, tu as le bon mot. Ça me fait autre chose! 

« j’ai envie d’une écriture beaucoup plus mûre, concrète et rentre dedans »

LFB: Tu as lancé Moto fin 2019 en sortant deux titres, La Soirée Disco et Les Gens. Tu as fait le Ricard Live, tu étais dans le top 10. Comment est-ce que tu as vécu l’année 2020? J’ai l’impression que ce premier EP aurait pu arriver beaucoup plus tôt mais que tout ce qui s’est passé l’année dernière a mis un stop à l’évolution du projet. 

Moto: Bizarrement, c’est plus au tout début. En effet, on était censé travailler beaucoup plus vite et ce qu’il s’est passé c’est qu’il y a eu un moment où il y a eu beaucoup de concerts. Le moment Ricard, les Inouïs, ça nous a pris beaucoup de temps de répét et de mise en place live pour faire le meilleur concert possible.

Moi, j’avais aussi cette volonté de jouer les morceaux en live avant de les sortir. Parce que j’y tiens, parce que ça me permet en les chantant devant des gens de me rendre compte qu’il y a des choses dans la structure qui ne vont pas. Ça me permet de voir aussi en direct la réaction des gens. J’avais vraiment envie de prendre le temps de faire ça pour prendre le plus possible de ce que les gens allaient me renvoyer.

Ensuite, quand les concerts se sont arrêtés, là on s’est dit fort de tout ça, on s’y remet et on est retourné en studio. C’était long mais ça ne m’a pas semblé si long que ça parce que j’avais besoin de ce temps de gestation.

LFB: Tu penses que cette pause forcée t’a telle t’a permis de faire des choses que tu n’aurais pas faites finalement? Je pense par exemple à l’EP que tu as fait avec Bandit Voyage.

Moto: Ouais complètement ! En vrai 2020, il y a plein de choses que j’aurais voulu faire mais que l’on a pas pu faire comme plus de concerts et ça m’aurait fait plaisir de pouvoir jouer encore plus les morceaux avant de les sortir. Ça m’a permis de prendre un peu d’avance aussi.

J’ai déjà des morceaux pour la suite, ça m’a permis de faire en effet cet EP de reprises avec Bandit Voyage qui était trop cool et qui m’a vachement décomplexé. C’était très récréatif, vraiment c’était trop agréable à faire! Ça m’a permis aussi de faire des petits covers pour les réseaux sociaux, des petites conneries mais je pense que je ne l’aurais pas fait en temps normal.

2020, année de merde à fond mais disons que ce n’était pas ultra dur, j’ai pas vu d’autres artistes pour qui c’était vraiment difficile. Aussi parce que financièrement, comme je ne vis pas de ma musique, il n’y a pas cet enjeu-là. La pression n’était pas la même. Pour le deuxième confinement, je suis partie en Bretagne et en un mois j’ai écrit un EP concept qui va sortir plus tard. Tous ces trucs-là, je ne les aurais pas fait!    

LFB: On va revenir sur ce premier EP qui est sorti. Si je te dis que pour moi dans la façon dont je l’entend et dont je le ressens cet EP, il serait né d’une redécouverte de ta relation avec la guitare. Est-ce que c’est correct?

Moto: C’est 100% correct! J’ai vraiment, même physiquement, laissé la guitare de côté pendant quelques années. Un moment où j’avais envie de savoir plus me servir de tous les logiciels, les plug-in, toute la musique en midi et c’était trop cool, je suis contente de l’avoir fait.
Mais mon premier amour c’était la guitare et ça faisait longtemps que je n’avais pas composé à la guitare des chansons. D’un coup, je me suis dis « mais en fait c’est trop cool, j’aime toujours autant ça!»

Ça m’a renoué avec mon enfance, mon adolescence. Mes premières sensations en musique viennent de la guitare, depuis toujours et c’est sûr que c’est l’EP de nos retrouvailles! 

LFB: Cette idée de rapport à l’enfance et à l’adolescence dont tu parles à travers la guitare, ça influence aussi certains thèmes de chansons. Je pense notamment à Pharaon, qui est un titre qui parle justement de ces thèmes-là. 

Moto: Complètement, mais tout à fait. Si j’avais composé un morceau avec un synthé midi, je suis sûre que je n’aurais pas écris ce texte-là! C’est lié, le choix des accords qui sont vraiment deux accords bêtes et méchants. Ce truc-là pour moi c’est l’adolescence! 

LFB: Quand tu parles de chansons grunge, plus qu’un genre musical, est-ce que ce n’est pas tout l’esthétique qui va autour? Cette idée MTV, années 90..

Moto: C’est exactement ça! En fait chansons grunge c’est aussi un clin d’œil à mon adolescence. C’est plus à l’imagerie à laquelle je fais appel, à l’esthétique et au fantasme qu’on s’en fait et que moi j’ai beaucoup. Je pense qu’il y a des clins d’œil dans les guitares notamment mais c’est sur que ce n’est pas du grunge. Mais je trouvais ça cool de mettre un mot sur le clin d’œil.  

LFB: Ce titre, en quoi est-ce qu’il a influencé le reste? Parce que l’esthétique est très D.I.Y des clips ou même la cover de l’EP avec le titre en jaune. J’ai l’impression que tu as fait une esthétique qui correspond complètement aux titres et à l’EP et qui pourrait changer sur le suivant.

Moto: Ce qui est fou c’est que le titre de l’EP c’est ce qui est venu vraiment à la toute fin. C’est-à-dire qu’on en était au mix, j’écoutais les dernières versions des mixs dans la rue, j’avais une note dans mon téléphone où ça faisait quelques semaines que j’essayais de trouver un titre. J’avais du mal à trouver le lien. J’avais déjà la pochette, les principaux clips. C’est justement en repensant tout ça et en me disant qu’en fait tout ça parle de cette esthétique-là, de mon adolescence, ce disque veut dire ça. Le titre est donc venu par contre quand je me suis dis chanson grunge, je me suis dis « ok c’est le titre, c’est sur! » J’ai effacé toutes les autres propositions!  

« mon premier amour c’était la guitare et ça faisait longtemps que je n’avais pas composé à la guitare »

LFB: Même au niveau des chansons, on est sur quelque chose qui est profondément frontal. Tu n’as pas une chanson qui dépasse trois minutes trente sur l’EP. Tu es sur quelque chose d’hyper direct.

Moto: J’aime bien la musique comme ça. Après il y a plein de morceaux de sept minutes que j’adore mais quand je sens que j’ai dit ce que je voulais dire, je n’aime pas broder. J’aime pas que ça dure trop longtemps dans l’univers. Pour moi le défi d’une chanson c’est d’arriver le plus tôt possible à rentrer dans l’univers. Dans l’idéal, tu appuies sur Play et tu as compris.

Pour moi c’est un enjeu de ne jamais en dire trop. Je vais plutôt dans le sens où il y a des paroles en plus et que j’élague à fond pour essayer que ce soit le plus précis et le plus direct possible. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime bien ça. 

LFB: On en parlait juste avant, La Soirée Disco et Les Gens sont sortis avant et ils ont subi une sorte de lifting sur l’EP. Est-ce que c’était important pour toi que l’EP ait une vraie identité sonore du début à la fin?

Moto: Complètement parce qu’en fait, j’aime l’esthétique des disques, les tracklists. Un disque pour moi ça s’écoute de la plage une à la plage dix et dans l’ordre. C’est probablement une déformation professionnelle mais on passe du temps à faire ce genre de trucs donc ça a un sens pour moi.

C’est sur que j’avais envie qu’il n’y ait pas la moindre brutalité dans l’écoute. Je voulais vraiment que ce soit le plus fluide et la même histoire racontée tout le temps. Que ça fasse parti d’un même tout. Javais envie que ça s’entende vraiment, que l’oreille ne perçoive aucun différence de temporalité.

LFB: Ce qu’il y a d’intéressant c’est le fait que l’EP commence par une introduction et il finit par une chanson qui est beaucoup plus souple, légère, qui est outro complètement. C’est vraiment quelque chose dévident l’idée d’évolution et de continuité. 

Moto: A la base il devait même y avoir une outro après Zoltar. La meuf qui ne s’arrête jamais (rires).
Pour le coup, là je trouvais que ça faisait trop. Zoltar fait déjà le travail de clôture et ça faisait un morceau en trop.. un peu gratos, un peu figure de style et ça, ça me soulait donc je l’ai enlevé. 

LFB: Est ce qu’on peut parler de ta passion pour les chœurs et les refrains ? C’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé et j’ai aussi retrouvé des choses de mon adolescence là-dedans. Il y a un vrai soin qui est apporté aux chœurs et au refrain à reprendre, quelque chose de communion. 

Moto: Ça me fait trop plaisir que tu dises ça! Mon envie autours de ce disque est symbolisée par L’eau Municipale et c’est pour ça que c’est le morceau que l’on a sorti en dernier car j’ai envie d’un disque qui parle d’amour et tout ça mais qui parle surtout des gens.

De mon rapport avec les gens. Disons que la place de l’autre elle est hyper importante dans le disque et les chœurs quelque part c’est aussi leurs donner une présence. J’aime bien les morceaux un peu hymne mais qui sont très rock FM, où tu chantes du yaourt, tu chantes un peu n’importe quoi mais tu ne retiens que l’air.

J’aime beaucoup ça et pour L’eau municipale, les chœurs sont majoritairement faits par Michelle Blades, sauf ceux du post-refrain où il y a Bandit Voyage qui en ont aussi fait dessus. On était en studio et le hasard faisait que tout le monde avait ses séances le même jour chez Entreprise et on a ramené tout le monde dans le studio, on a ouvert les micros et on a juste crié!

C’était hyper faux, c’était vraiment une catastrophe et puis en fait c’était trop bien! C’était trop cool et à ce moment-là, c’est exactement pour ça que j’avais envie de faire l’EP.
Pour le truc entre copains où l’on chante ensemble. Comme c’était une chanson hippie, on imaginait que c’était vraiment des champignons avec des fleurs qui dansaient et on avait trop envie que ça se ressente! 

LFB: C’est pour que je te parle aussi de “faux projet solo.” J’ai l’impression que cette musique-là et cet EP-là, il n’aurait pas existé de cette manière-là sans l’apport des autres et sans les gens qui t’entourent.

Moto: Grave! Dans la musique je trouve hyper compliquéparfois le curseur entre la solitude et le partage parce, au départ c’est un moment ultra-solitaire d’écrire une chanson, en tout cas pour moi. Je suis exactement là où je me trouve maintenant et j’ai une guitare et je suis toute seule.

Parfois c’est dur en plus de se retrouver face au doute, parfois tu n’y arrives pas. Par-contre, au moment où c’est fait et que tu décides d’ouvrir les vannes ça c’est un moment que j’adore parce que tout les gens avec qui j’ai travaillé sur l’EP, tout le monde projetait sur les morceaux des choses très différentes, de moi, des autres, entre eux.

A la fin, on parlait quand même le même langage et ça, pour moi, c’est le but ultime de la musique.Donc je suis ultra fan de travailler avec d’autres mais pour moi, en tout cas encore aujourd’hui, c’est important de garder au départ un moment de solitude pour arriver au truc le plus perso et le plus honnête possible!  

LFB: Si je te dis que pour moi ton écriture c’est de la fausse naïveté, est-ce que tu vois où je veux en venir?

Moto: Complètement! C’est exactement ça, c’est-à-dire que j’aime les mots simples, de base je n’aime pas la musique savante, la musique qui fait trop intello, trop conservatoire, ça me saoule.

J’aime les mots simples, les accords simples.. Ce qui compte pour moi c’est l’émotion. Qu’à la base, au tout début, moi ça me procure et ensuite, ce que ça pourrait potentiellement procurer aux gens. C’est complètement de la fausse naïveté car les mots simples peuvent sembler enfantin et pourquoi pas, c’est vrai.

Par-contre, j’aime bien y mettre un sens un peu plus profond derrière. Un moment dans le morceau il y a un autre sens et qui te fait revoir le début.. Fausse nativité c’est exactement ça. 

LFB: Il y a plusieurs niveaux de lectures en fait. C’est ça qui est intéressant aussi. Je prends exemple du titre L’eau Municipale mais pour moi c’est un titre qui est finalement hyper politique dans le sens où l’on ferait mieux de se concentrer sur ce qui nous rassemble plutôt que d’aller voir ce qui nous divise.

Moto: C’est exactement ce que raconte le morceau. Il est politique, il raconte quelque chose de fond qui est d’essayer de s’aimer malgré les différences et c’est ça qui est cool. Qu’en fait à la fin, on est un peu tous logés à la même enseigne, on regarde tous les mêmes étoiles. Même ce côté politique me va grave, je suis complètement d’accord 

LFB: Si tu creuses un peu, si tu vas au delà de la surface, il y a plein de chose comme ça. C’est peut-être personnel mais je pense à une chanson comme Danser m’épuise, tu peux y voir des trucs bien plus sérieux que juste l’idée que tu n’as pas envie d’aller faire la fête! 

Moto: Complètement et ça dit aussi quelque chose du regard des autres, de l’anxiété, de comment parfois c’est trop angoissant d’aller parler à des gens qu’on connait pas… grave, à fond!
C’est des trucs de la vie qui, je pense, au fond nous concernent tous. Tu as raison, ce n’est pas le premier axe de lecture mais celui d’après quand tu grattes un peu. 

LFB: Cette idée de faire des personnages pour avoir un point de vue varié mais tout en étant le plus universel possible, comment tu le travail en fait? Les textes tu les prends bruts ou c’est des choses sur lesquelles tu reviens?

Moto: Ça dépend, il y a des textes qui n’ont presque jamais été retouchés et puis il y en a d’autres où j’y reviens, genre il y a deux, trois phrases que je n’aime pas que je réécrit et tout ça.. Globalement, je pense que c’est une écriture assez instinctive. En tout cas l’idée de base, les plus grandes lignes, sont très instinctives. J’aime bien garder le côté un peu instantané.

Après par contre le revers de la médaille c’est que du coup, j’en ai plein, parfois ce n’est pas bien et donc je ne les garde pas! Par exemple Zoltar c’est un texte qui m’a pris un peu plus de temps mais parce qu’il me tenait à cœur, il était un peu plus mystérieux, plus bizarre et tout ça, j’aimais bien ce truc là.

Mais ça peut m’arriver de me dire qu’en fait il ne me plait pas et je recommence tout, j’oublie l’idée et on n’en parle plus. Je suis assez radicale sur les textes mais par contre c’est sûr que c’est un truc qui compte énormément pour moi. A la base la musique, la guitare, j’ai commencé pour habiller des poèmes que j’avais écrit quand j’étais petite, c’e nest pas l’inverse.

Je ne viens pas de la musique, je viens du texte. Quand j’étais petite, la musique au début était presque un prétexte. A force c’est devenu plus que ça évidemment mais mon cœur c’est sûr qu’il est plus du côté du texte. Par exemple ça peut m’arriver que j’écoute une chanson, pas de moi mais un morceau à la radio où ma toute première écoute, elle est quasiment exclusivement sur le texte. C’est dans un deuxième temps que je commence à écouter la basse, la batterie etc…

« j’ai commencé la musique pour habiller des poèmes que j’avais écrit quand j’étais petite. »

LFB: C’est pour ça qu’on en revient à ce que l’on disait sur ton rapport au français. C’est une manière de retourner, comme pour la guitare, aux premiers amours et de faire des textes poétiques. 

Moto: C’est exactement ça. C’est vraiment ce que j’ai ressenti, ce que dit ma mère tu vois. Donc à quel point on est dans le vrai.

LFB: Je me demandais comment tu avais fait la sélection des titres sur l’EP ? Je me souviens du morceau le Premier Homme que tu avais sorti en live session. Et c’est vrai que lorsque tu regardes, ça ne collait pas forcément à l’ambiance de l’EP. Je me demandais si ce morceau-là ou d’autres que tu as pu faire en concert sont des choses que tu as gardé ou que tu as abandonné au final? 

Moto: Non non, en fait c’est une très bonne question parce que ça a été une grosse question pour moi, le Premier Homme notamment. En gros c’est un morceau pour moi fait pour le concert. C’est à dire que j’avais envie d’un moment un peu trans sur la forme live où ça se répète avec un espèce de groove derrière.

Ce morceau-là avait cette utilité là et j’aime bien.Vraiment, c’est un morceau que j’aime bien mais pour moi il raconte un moment de fête et de vie et de concert mais il ne raconte pas un disque que tu écoutes dans ta chambre. Tu as raison pour moi ce n’est pas la même histoire et c’est ok.
Je pense qu’on continuera à le jouer le Premier Homme, peut-être qu’on va l’arranger un peu. En concert il marchait bien en clôture et ça ne me dérange pas d’avoir des morceaux qui n’ont pas forcément tous la même histoire. Au final, c’est un peu un bordel dans mon ordi.

Par contre faire un EP je tenais à ce qu’il y ait un truc tenu, l’histoire elle est claire, le son c’est le même tout le long. J’ai envie d’un truc, pas tiré à quatre épingles mais un truc clean. Il y avait des morceau sur lesquels on a commencé à bosser qui je pense était plus faible.. A la base, il y avait un autre morceau triste, une autre balade que Zoltar. Puis finalement, Zoltar nous a tous mis un peu d’accord et je n’avais pas envie qu’il y en ai deux. On a fait des choix aussi mais qui sont naturels.

LFB: Quelles libertés cela t’apporte de ne pas être dépendante de ta musique pour vivre? 

Moto: Ça m’apporte je pense un détachement qui est pour moi très cool parce que c’est quasiment que du plaisir. Je ne travaille qu’avec des gens avec qui j’ai envie de travailler, je ne fais que des clips que j’ai envie de faire.

Il n’y a personne qui ne m’oblige à rien, je suis vraiment cent pour cent libre et ça franchement c’est vraiment un gros plaisir. La contrepartie c’est que ça coûte cher en argent de poche mais est-ce que c’est pas fait pour ça l’argent tu vois? A se payer du fun.

L’autre truc c’est que mon boulot chez Entreprise, ça m’a énormément nourri de travailler avec des artistes, de parler musique avec des gens que j’admire beaucoup et je pense qu’à l’inverse, le fait que je fasse de la musique me permet aussi qu’on puisse parler la même langue et on se comprend. Ça, c’est un gros luxe pour moi aussi.  

LFB: Toi qui est justement dans l’industrie de la musique, le fait de vouloir jouer avec un groupe de quatre ou cinq personnes, est-ce que tu te rends compte que c’est un peu anachronique par rapport à l’époque ? Est-ce qu’il n’y pas une prise de risque aussi de vouloir forcément jouer avec cinq personnes?  

Moto: Grave. Les tourneurs ils me disent que c’est super maisque jamais ils ne m’enverront en tournée avec cinq personnes, ça coûte une fortune. Ça rejoint ce que l’on disait avant c’est à dire que ce projet-là pour moi, ça ne veut pas dire que je n’y mets pas d’ambitions, mais pour l’instant je suis bien comme ça.

Je suis bien toute seule, je sais comment sortir un disque. Je ne vois pas de raison de faire des compromis, encore une fois. Parce que ma musique pour moi encore une fois, elle appelle un groupe de rock quoi.

LFB: Exactement, ta musique est tellement organique.

Moto: Je ne vais pas mettre des trucs dans une bande, sur des MPC.. Pour ma musique, je trouve que ça n’a aucun sens. C’est anti-système mec ! Après pour les promos etc on a commencé à bosser une formule à trois où c’est genre boite à rythme, guitare, ultra simple mais c’est-à-dire qu’on ne transforme pas la musique. Juste, on la réarrange pour que ce soit plus léger.

Mais ce n’est pas la vision que j’ai des concerts. J’ai envie qu’il y ai plein d’amplis sur scène, que ce soit un peu crade sinon je ne ressens pas pareil et à la base je le fais quand même pour qu’on se fasse plaisir. A l’instant T, je n’ai pas d’autres réponses que ça. Moi c’est ce que j’ai envie de faire! 

LFB: Après, j’ai quand même l’impression qu’il y a un retour à cette idée de groupe. 

Moto: Et à la guitare aussi je pense! 

LFB: J’ai l’impression que c’est aussi en réaction au côté solitaire du hip-hop actuel où les mecs sont tout seuls avec un DJ mais on a l’impression que les gens vont voir des concerts et ils recherchent de plus en plus cette idée de groupe.

Moto: Oui je suis d’accord. J’ai l’impression aussi qu’il y a une petite recherche de chaleur humaine. Il se passe aussi des choses, avec la sortie de Fantomes, mine de rien la scène elle est peut-être aussi plus vivace qu’il y a quelques années.

Il se passe quelque chose d’intéressant, même les groupes de rock, Bandit Bandit tout ça, il se passe un petit truc et je trouve ça ultra intéressant et cool. Après il faut de tout. Il y a des concerts que j’ai vu, juste un chanteur, un DJ et c’était trop bien. Je n’ai pas de règles mais par-contre j’aime quand il y a de la variété, genre il faut qu’il y ait de tout! On peut pas voir que des concerts pareils, ça c’est important 

« Ma musique appelle un groupe de rock avec elle »

LFB: Mais ça va aussi avec l’identité des groupes. Pour t’avoir vu en concert je me dis qu’il y avait déjà une vraie identité à l’époque dans ce que tu proposais.

Moto: Trop bien! J’adore les concerts, je streses énormément car j’ai beaucoup le trac. Ça, ça n’est jamais parti dans ma vie. Je commence à en faire des concerts mais ça ne part pas, je ne sais pas pourquoi. Je vois bien que les autres musiciens ont une expérience de ouf et c’est parti avec le temps mais moi toujours avant de monter sur scène je me demande ce que je fais là, pourquoi j’ai fait ça, vraiment c’est une catastrophe.

LFB: C’est peut-être aussi parce que tu te mets dans la position du leader?

Moto: Oui, je pense aussi. J’ai quand même vachement l’impression de me foutre à poil tu vois!

LFB: Encore plus avec le français du coup!

Moto: (rires) Ouais!


LFB: Qu’est-ce que l’on peut te souhaiter pour 2021 et quels sont tes plans pour cette année?

Moto: J’ai plein d’idées de choses à faire donc je ne suis pas perdue. J’ai un rêve, que je voulais faire avant toute cette personne évidemment de Covid et tout, j’avais envie de faire de release party mais en mode énorme teuf en invitant tous les gens qui ont participé de près ou de loin au disque et de faire un truc où l’on joue tous plein de morceaux des uns des autres, tout se mélange, c’est un beau bordel.

Avec Michelle Blades, les Bandit Voyage et tout le monde qui se mélange et on fait une énorme fête, ça, j’aimerais beaucoup! Donc si ça peut arriver en 2021 et bien j’adorais!  


LFB: Du coup tu as un nouvel EP qui arrive?

Moto: J’ai enregistré un EP un peu spécial bonus, que j’ai fait pendant un confinement et qui raconte une histoire d’amour fictive. C’est un peu comme une fan-fiction mais en chanson avec un actrice américaine très connue, je te garde la surprise pour savoir qui c’est.

On va faire un petit film pour accompagner le truc cent pour cent DIY. On va louer une baraque et on va faire un film pour mettre en scène la fan-fiction. Ça, j’aimerais bien que ça sorte avec l’été et j’ai déjà deux trois morceaux de l’EP prochain. Je ne sais pas si c’est ceux qui figurent à la fin mais en tout cas je suis déjà un peu sur ce boulot-là 


LFB: Est-ce que tu as des coups de cœur récents à partager avec nous?

Moto: Dans le métro j’écoutais l’album de Fantomes que je trouve incroyable! Je le trouve vraiment vraiment bien quoi! Le sons des guitares et tout, elles me font rêver, vraiment!

Mon dernier coup de cœur littéraire disons que c’est, je découvre un peu la science-fiction et j’ai toujours le même, Alain Damasio, un gars qui a écrit les Furtifs, la Horde du Contrevent, ça m’a retourné le cerveau quoi! A la base je ne connaissais pas du tout la science-fiction et j’y suis allé un peu par hasard, en commençant par les classiques et en fait ça m’a complètement traumatisé.

C’est un peu de la philo science-fiction sur l’humanité, sur la connaissance, le langage, je trouvais ça incroyable. C’est à dire que là, ça fait quelques semaines que j’en parle à tout le monde en fait! Je pense que c’est chiant à force mais je pense que le monde entier devrait lire Alain Damasio parce que, on rejoint un peu le truc politique, je pense qu’on manque de penseur contemporain et pour moi, lui il pourrait en être un, vraiment important de notre siècle. J’ai tout donné-là! 

Photos : Inès Ziouane

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