Monument ordinaire, des cordes et des nœuds à l’estomac

Six ans que les fans attendaient leur retour. Mansfield.TYA revient avec deux belles nouveautés : un album intitulé Monument ordinaire qui en même temps annonce l’apparition du label Warrior Records. Le duo propose un cinquième projet plus dansant, ce qui au regard des thèmes abordés ne le prédisait pas vraiment. Entre ésotérisme et minimalisme, on fait un zoom sur ce nouvel opus au mysticisme réconfortant.

Crédits : Théo Mercier, Erwan Fichou, Jérémy Piningre

Monument ordinaire contient 12 morceaux parfaitement cohérents dans l’univers de Rebeka Warrior alias Julia Lanoë et de Carla Pallone. Pour rappel, la première est aussi connue pour son travail dans Sexy Sushi et dans Kompromat. La seconde, Carla Pallone est une violoniste aux expressions diverses, musicienne dans le trio Vacarme et compose pour le cinéma notamment.

L’album est né dans un contexte de pandémie mondiale lors du premier confinement. Rebeka Warrior était en résidence artistique au château de Monthelon en Bourgogne qui a notamment pour vocation de faire rayonner le travail des artistes au-delà de nos frontières. Carla venait parfois la rejoindre. Ce premier élan créatif a permis d’établir un fond musical qui va s’élaborer par la suite à distance. En réalité, elles ne calculent pas la sortie d’un album, la création intègre un processus mystérieux sans aucune logique de calendrier.

Il y a eu du vide avant le lancement de la composition comme un silence prolongé avant le jet élaboré de leur voix. Chaque partie instrumentale est le fruit d’une réflexion très aboutie. Ce luxe de prendre le temps donne aux morceaux de la maturité et de la hauteur, tous apparaissent nécessaires. Monument ordinaire est irréductible, il n’y a rien de trop, chaque chanson est une stèle qui résistera à l’épreuve du temps.

Le duo reste fidèle à son style caractérisé par une maitrise élégante des mélodies, un savant mélange violon-voix avec des boîtes à rythmes qui au long court de l’album peut s’apparenter à la bande son d’un film d’épouvante. Comme dans les précédents albums, il y a cette impression de comptine qui nous dépeint un monde où les freaks forment la norme (Petite Italie).

Nous retrouvons les grands sujets anachroniques tels que l’amour (Auf Wiedersehen), la mort, la difficulté de se remettre du départ d’une personne que l’on aime (Le parfum des vautours) et plus précisément le deuil. Les textes sont apolitiques, ils nous orientent exclusivement du côté des émotions. Les références à la vie sont nombreuses, tous les éléments de la nature se mélangent et forment une poésie sombre. Leurs mots témoignent un lyrisme gothique en dévoilant des âmes torturées, enfermées dans des corps à fleur de peau.

Dans cette farandole enivrante, des invités viennent faire des incantations :  Fanxoa de Berrurier noir, Odezenne qui offre deux titres remarquables. La formule voix masculine et féminine forme une potion à la magie douce avec toujours un sens aiguisé du rythme (Le couteau et Une danse de mauvais goût).

Les tonalités plus électroniques traduisent une évolution logique du style de Mansfield.TYA. Il se dégage de l’album une frénésie qui rend de plus en plus insupportable l’attente des concerts. Ne pas pouvoir découvrir ces nouveaux titres sur scène me rendrait malade. Nous pouvons nous attendre à d’autres surprises grâce à la mise en place du label inclusif WarriorRecords qui s’apparente à une grande famille d’artistes avec Julia Lanoë à sa tête. Souhaitons à cette naissance d’attirer tous les regards.